Texte intégral
Bienvenue, F. Hollande, bonjour !
Bonjour !
Q- Le référendum sur la Constitution européenne, allons-y tout de suite, plus tôt que prévu, en mai ou en avril ; est-ce que vous êtes d'accord ?
R-Moi, je demande de la clarté. Il faut que le Congrès se réunisse à Versailles le plus rapidement possible, puisque les deux assemblées ont voté la révision de la Constitution préalable à la ratification du traité. Une fois que le Congrès se sera réuni, et là le plus rapidement possible, au début du mois de mars, j'imagine, il faudra qu'il y ait une consultation par le président de la République des familles politiques représentées au Parlement et qu'il y ait ensuite un calendrier connu de tous pour le référendum permettant une véritable campagne, des droits donnés aux tenants du " oui " comme aux tenants du " non ", de faire valeur leurs arguments et qu'on ait enfin par les Français eux-mêmes la ratification du traité.
Q-A quelle date ? Votre préférence ?
R-Moi, ma préférence c'est la...
Q-Le plus tôt ce sera le mieux ?
R-Dès lors qu'on a un congrès qui se réunit à Versailles pour réviser la Constitution au début du mois de mars, il faut deux mois de campagne, à la fin du mois de mai les Français doivent être consultés.
Q-Est-ce qu'il appartient au président de la République, après consultation, de décider lui de la date ?
R-C'est juridiquement sa prérogative. Politiquement, je pense qu'il serait utile qu'il consulte et qu'il consulte vite les grandes familles politiques et qu'ensemble, nous puissions évoquer les conditions de déroulement de la campagne et notamment les moyens qui doivent être donnés aux uns comme aux autres de faire entendre leurs arguments.
Q-Parce qu'il y a quelques jours, vous disiez : il faut qu'on fixe ensemble la date. C'est la nuance de ce message.
R-Juridiquement c'est lui, politiquement ça peut être ensemble.
Q-Dans les grands partis aussi, le vôtre et l'UMP, depuis lundi, la course de vitesse est engagée, vous avez fait votre campagne, vous l'avez lancée. Ça mord ?
R-Il fallait qu'il y ait une campagne, même si nous n'avions pas la date. Il fallait que les Français se convainquent qu'il s'agit d'un enjeu important. En Espagne, là où je vais dans quelques heures, les Espagnols, sûrement, vont ratifier à une très large majorité le traité constitutionnel, et maintenant, il faut d'abord connaître le texte. Moi, ce qui me frappe le plus souvent dans les débats d'aujourd'hui c'est que nous parlons beaucoup les uns et les autres de la Constitution européenne. Peu de Français connaissent le texte. Le devoir des formations politiques, c'est au moins de faire partager ce qu'il y a dedans.
Q-Mais est-ce que votre campagne marche, est-ce que ça mord, est-ce que vous avez l'impression au retour que ça intéresse ?
R-Je pense que ce n'est pas aujourd'hui la première préoccupation de nos concitoyens. Cela le sera lorsque la date sera connue, parce que lorsqu'il y a une date, vous savez que vous allez être consulté, et à partir de là, vous vous intéressez au sujet qui va être posé.
Q-Alors, vous l'avez dit, F. Hollande, en quittant ce studio dans quelques instants, vous allez partir pour l'Espagne pour un meeting au côté de Zapatero à deux jours du référendum espagnol. Le " oui " est là-bas favori. Quels effets auraient une victoire du " si " espagnol sur le référendum français ?
R-D'abord de montrer que les Espagnols, qui sont entrés plus tard que nous dans l'Union européenne, eux se sont depuis longtemps convaincus de l'utilité de l'Europe pour la démocratie, pour le développement, pour l'économie ; que c'est Zapatero lui-même, socialiste, espagnol socialiste européen qui a permis l'adoption du traité constitutionnel qu'Aznar - la droite espagnole - bloquait. Qu'enfin les Espagnols sont épris de démocratie, veulent une Europe qui fonctionne, nous aussi. Et c'est pourquoi, si je vais en Espagne ce soir, j'attends aussi qu'une fois que le traité constitutionnel aura été adopté en Espagne, eh bien [que] mon ami Zapatero et d'autres viennent en France nous dire quelles sont les raisons de leur adhésion à cette Europe que nous voulons.
Q-Mais ce sera une référence et un exemple.
R-Oui, c'est une référence et un bon exemple, parce que pour moi, les références ce sont ceux qui gagnent les élections.
Q-Vendredi dernier, à Barcelone, J. Chirac, lui, était au côté du même Zapatero ; F. Hollande sur les traces de J. Chirac, pas mal !
R-Non, je suis sur les traces de Zapatero ... puisque c'est le seul élément commun !
Q-Chacun son Zapatero !
R-Il est aussi chef de gouvernement, c'est assez normal.
Q-J.-L. Mélenchon vient de dire : " Si le " non " l'emporte, le président de la République doit payer et partir ". Que dit le chef du Parti socialiste ?
R-Le responsable du Parti socialiste dit qu'il y a un enjeu qui est celui de l'Europe, et puis il y a un enjeu le moment venu, en 2007, qui sera l'enjeu de la France, de savoir quel président nous choisissons. Et que si nous commençons à mettre l'enjeu présidentiel au moment de l'enjeu référendaire, alors nous n'allons pas changer de président de la République, mais nous allons gâcher l'Europe. A partir de là, nous devons écarter toute instrumentalisation du scrutin dans un sens comme dans un autre. Il serait d'ailleurs paradoxal qu'ayant demandé nous-mêmes au président de la République de faire la convocation d'un référendum pour adopter le traité, nous ferions maintenant de cette question un choix sur sa personne. Sa personne n'est pas en cause, ce qui est en cause c'est l'Europe. Moi je veux sanctionner la droite, le moment venu, en 2007. Je ne veux pas me sanctionner moi-même ou sanctionner la France ou sanctionner l'Europe, ça c'est l'enjeu du référendum de 2005.
Q-Mais en même temps, la campagne pour 2007 est, ici et là, à droite et à gauche, ouverte. Selon J.-C. Cambadélis, D. Strauss-Kahn sera candidat en 2007, il sera élu. Est-ce que c'est une intuition de devin ou l'aveuglement d'un féal ?
R-Moi, je pense que c'est normal que dans une formation politique, les amis de l'un, de l'autre, espèrent dans la candidature de leur plus proche ou de leur familier.
Q-Non, mais sur le fond ?
R-Mais je pense que cette question ne doit pas être posée. En ce moment, les socialistes ont à travailler pour le succès du " oui ", c'est la décision que nous avons prise après un débat interne, qui a fait quand même l'admiration de beaucoup, puisque nous avons délibéré nous-mêmes de cette question entre socialistes et nous avons fait le choix. Et le deuxième objectif qui doit être le nôtre, partagé les uns par les autres, c'est d'adopter un projet, qui, comme l'a dit d'ailleurs D. Strauss-Kahn, sera l'élément essentiel de conviction le moment venu. Après, c'est-à-dire dans l'année 2006, nous verrons bien quand, eh bien à ce moment-là nous choisirons le candidat.
Q-Tout le monde se positionne et, sur France 2, D. Strauss-Kahn a précisé que s'il est le mieux placé, il n'hésitera pas à y aller et si F. Hollande est le mieux placé, est-ce qu'il hésitera à y aller ?
R-Mais F. Hollande il est le premier secrétaire du Parti socialiste et donc il a une obligation plus que d'autres de respecter les échéances et de ne pas annoncer ce qu'il aura à faire ou ne pas faire.
Q-Et pendant ce temps-là, tous les petits copains se placent !
R-Mais, vous savez, moi je ne me place pas dans cette perspective. Je me place dans la perspective de faire gagner ma famille politique pour faire gagner la France.
Q-Oui. De nombreux leaders du Parti socialiste considèrent qu'ils sont libres d'afficher leurs noms, de faire campagne...
R-Et je leur donne cette liberté.
Q-Et vous leur dites il n'y a pas de punition, mais vous ne croyez pas que ça fait désordre ?
R-Non, je leur donne cette liberté, à la condition d'être discret sur leurs positions, parce qu'il y a eu un vote au sein du Parti socialiste.
Q-Mais ils ne sont pas discrets. Ils font campagne.
R-... S'ils ne le sont pas, ils prennent une responsabilité grave par rapport à leur famille politique. Parce que moi je suis le premier secrétaire du Parti socialiste, mais tous les militants socialistes, ils sont attachés à une chose : à l'unité de leur parti. Donc si certains responsables s'écartent de ce principe de discrétion et mettent en cause l'unité du parti, ils seront en rupture par rapport non pas à la direction du Parti socialiste, mais par rapport aux militants socialistes qui ont voté.
Q-Mais par rapport aux Français aussi.
R-Nous le verrons.
Q-Même s'il y a des choix qui entraînent le " non "...
R-Mais ce sont les militants qui désignent les candidats.
Q-Pour un sondage BVA/Le Figaro/LCI, N. Sarkozy est souhaité comme candidat en 2007, et en plus il sortirait haut la main vainqueur de chaque duel, avec L. Jospin ou avec vous. Et N. Sarkozy disait, hier : pour gagner, il faut représenter le changement. Est-ce qu'il n'a pas raison ?
R-Je suis d'accord, voyez-vous, avec N. Sarkozy : il faut du changement, il faut un vrai changement et le changement, ça ne peut pas être celui...
Q- "Le changement c'est moi, F. Hollande !"
R-Non, c'est le Parti socialiste, s'il en est digne, s'il montre qu'il en a la capacité, s'il est crédible dans ses engagements, s'il est authentique dans ses propositions. Mais personne ne croira que celui qui a gouverné depuis maintenant près de trois ans - ministre de l'Intérieur, ministre de l'Economie et des Finances, président de l'UMP, qui soutient le Gouvernement de J.-P. Raffarin - personne ne croira que celui-là peut incarner le changement, sauf un changement de personne. Mais, convenez qu'une élection française, ce n'est pas simplement un changement de personne. C'est un changement de pratique politique, de comportement politique, peut-être même d'institutions politiques, mais surtout de politique.
Q-Pour le Trombinoscope - c'est les élus, les journalistes qui choisissent et qui désignent les hommes politiques etc. -, vous avez été l'homme politique de l'année 2004. Selon vous, qu'est-ce qui vous valent cette fortune et cette grâce ?
R-Les électeurs. Parce que convenez que s'ils n'avaient pas voté comme ils ont voté aux élections régionales, que s'ils n'avaient pas voté comme ils ont voté au moment des élections européennes, je ne serais pas, aujourd'hui, paraît-il, l'homme de l'année 2004. Mais ce qui compte, ce n'est pas d'être l'homme d'une année, c'est d'être l'homme quand même qui incarne un parti, un projet, une espérance.
Q-Qu'est-ce qui vous manque encore ?
R-Pour quoi faire, J.-P. Elkabbach ?
Q-Pour être cet homme de l'année 2005, 2006, 2007, 2008, 2009 ?
R-Des électeurs pour le Parti socialiste, le moment venu.
Q-Alors vous auriez pu être hier soir sur la même estrade au Sénat qu'H. Gaymard, lui il a obtenu le prix de " la révélation politique de l'année " pour le Trombinoscope. Il a reconnu une erreur pour l'appartement qui lui a été attribué et qu'il a à peine habité. Il s'est excusé. Est-ce que vous l'accablez, comme hier soir D. Strauss- Kahn, ou vous tournez la page, vous ?
R-Moi, je ne veux pas accabler les personnes. Elles peuvent avoir leurs faiblesses, leurs maladresses, et il y en a eu. Ce que je demande, c'est de la transparence et de la règle pour tous. Ce qui m'a le plus choqué, voyez-vous, depuis maintenant près de trois ans, c'est que J.-P. Raffarin s'est présenté comme un Premier ministre de la proximité des Français du bas...
Q-Et là, il a tranché, très vite, en quelques heures.
R-... Et qu'est-ce qui s'est produit, qu'est-ce que nous découvrons ? Premièrement que les ministres ont été augmentés de plus de 70 % parce qu'il fallait, paraît-il, changer un certain nombre de pratiques d'indemnités, pourquoi pas ? Il fallait au moins l'assumer et en tirer toutes les leçons, y compris pour les logements. Deuxièmement, on apprend que le nombre de personnes dans les cabinets ministériels - c'était sur votre antenne ce matin, a explosé depuis la constitution du gouvernement Raffarin. Et il a fallu cette révélation, ce scandale pour qu'enfin le Premier ministre prenne une nouvelle circulaire. Alors moi, ce que je veux, ce n'est pas m'intéresser aux personnes, je veux que dans notre République les choses soient claires, soient simples, soient transparentes et comme ça, ça évitera le soupçon ou la mise en cause.
Q-N'oubliez pas que beaucoup ont la mémoire et qu'avant d'arriver au pouvoir aussi, F. Mitterrand disait : " l'honnêteté, l'intégrité " et puis qu'il s'en est passé des choses...
R-Et ça vaut pour...
Q-A. Duhamel, qui rappelait sur France 2 à D. Strauss-Kahn l'appartement accordé à Mazarine Pingeot, à sa mère, etc...
R-Et ça vaut pour...
Q-Ne faisons pas en sorte que l'on ressorte...
R-J.-P. Elkabbach, moi je ne suis pas sur le passé, je suis sur le présent et l'avenir, ça vaut pour tout le monde. Tout le monde a, à un moment, exercé des responsabilités, elles sont difficiles. Quand je dis tout le monde, c'est les responsables politiques. Ce qu'il faut c'est que les Français sachent dans quelles conditions ces responsabilités sont exercées.
Q-F. Hollande, j'aurai pu vous parler du budget de l'Education, des impôts locaux...
R-Faites !
Q-Non, non, on ne peut pas rester jusqu'à 10 heures. Il y a seulement une question, et d'abord je me demande est-ce qu'il faut en parler ou écraser de silence : Dieudonné qui récidive. A Alger, hier, devant la presse, il a qualifié - je cite - "la Shoah de pornographie mémorielle". Pornographie mémorielle, et il a accusé, J.-P. Raffarin, le Premier ministre de "lécher le cul à cette équipe de malfrats, de mafieux du CRIF, qui est en train d'entraîner la République française dans la guerre civile".
R- Je considère que les propos de Dieudonné sur la Shoah tombent sous le coup de la loi. Je considère qu'ils sont déshonorants pour celui qui les exprime, et je considère enfin qu'il ne peut pas y avoir une comptabilité des tragédies. Il y a une tragédie du peuple noir liée à l'esclavage, elle doit être dénoncée, elle doit être reconnue. Et puis il y a la tragédie du peuple juif, la Shoah, et la minorer, la sous-estimer, la disqualifier en parlant de "pornographie" mérite non pas simplement l'accusation judiciaire, mais l'accusation politique. Et moi, je lance un appel à tous ceux qui sont les spectateurs de Dieudonné, qui trouvent drôles parfois certaines de ses plaisanteries, aujourd'hui c'est eux aussi qui sont concernés par les propos de Dieudonné. Assister au spectacle de Dieudonné, c'est participer justement à cette dérive et à ce grave glissement dans des propos qui sont antisémites et d'abord antisémites.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 18 février 2005)
Bonjour !
Q- Le référendum sur la Constitution européenne, allons-y tout de suite, plus tôt que prévu, en mai ou en avril ; est-ce que vous êtes d'accord ?
R-Moi, je demande de la clarté. Il faut que le Congrès se réunisse à Versailles le plus rapidement possible, puisque les deux assemblées ont voté la révision de la Constitution préalable à la ratification du traité. Une fois que le Congrès se sera réuni, et là le plus rapidement possible, au début du mois de mars, j'imagine, il faudra qu'il y ait une consultation par le président de la République des familles politiques représentées au Parlement et qu'il y ait ensuite un calendrier connu de tous pour le référendum permettant une véritable campagne, des droits donnés aux tenants du " oui " comme aux tenants du " non ", de faire valeur leurs arguments et qu'on ait enfin par les Français eux-mêmes la ratification du traité.
Q-A quelle date ? Votre préférence ?
R-Moi, ma préférence c'est la...
Q-Le plus tôt ce sera le mieux ?
R-Dès lors qu'on a un congrès qui se réunit à Versailles pour réviser la Constitution au début du mois de mars, il faut deux mois de campagne, à la fin du mois de mai les Français doivent être consultés.
Q-Est-ce qu'il appartient au président de la République, après consultation, de décider lui de la date ?
R-C'est juridiquement sa prérogative. Politiquement, je pense qu'il serait utile qu'il consulte et qu'il consulte vite les grandes familles politiques et qu'ensemble, nous puissions évoquer les conditions de déroulement de la campagne et notamment les moyens qui doivent être donnés aux uns comme aux autres de faire entendre leurs arguments.
Q-Parce qu'il y a quelques jours, vous disiez : il faut qu'on fixe ensemble la date. C'est la nuance de ce message.
R-Juridiquement c'est lui, politiquement ça peut être ensemble.
Q-Dans les grands partis aussi, le vôtre et l'UMP, depuis lundi, la course de vitesse est engagée, vous avez fait votre campagne, vous l'avez lancée. Ça mord ?
R-Il fallait qu'il y ait une campagne, même si nous n'avions pas la date. Il fallait que les Français se convainquent qu'il s'agit d'un enjeu important. En Espagne, là où je vais dans quelques heures, les Espagnols, sûrement, vont ratifier à une très large majorité le traité constitutionnel, et maintenant, il faut d'abord connaître le texte. Moi, ce qui me frappe le plus souvent dans les débats d'aujourd'hui c'est que nous parlons beaucoup les uns et les autres de la Constitution européenne. Peu de Français connaissent le texte. Le devoir des formations politiques, c'est au moins de faire partager ce qu'il y a dedans.
Q-Mais est-ce que votre campagne marche, est-ce que ça mord, est-ce que vous avez l'impression au retour que ça intéresse ?
R-Je pense que ce n'est pas aujourd'hui la première préoccupation de nos concitoyens. Cela le sera lorsque la date sera connue, parce que lorsqu'il y a une date, vous savez que vous allez être consulté, et à partir de là, vous vous intéressez au sujet qui va être posé.
Q-Alors, vous l'avez dit, F. Hollande, en quittant ce studio dans quelques instants, vous allez partir pour l'Espagne pour un meeting au côté de Zapatero à deux jours du référendum espagnol. Le " oui " est là-bas favori. Quels effets auraient une victoire du " si " espagnol sur le référendum français ?
R-D'abord de montrer que les Espagnols, qui sont entrés plus tard que nous dans l'Union européenne, eux se sont depuis longtemps convaincus de l'utilité de l'Europe pour la démocratie, pour le développement, pour l'économie ; que c'est Zapatero lui-même, socialiste, espagnol socialiste européen qui a permis l'adoption du traité constitutionnel qu'Aznar - la droite espagnole - bloquait. Qu'enfin les Espagnols sont épris de démocratie, veulent une Europe qui fonctionne, nous aussi. Et c'est pourquoi, si je vais en Espagne ce soir, j'attends aussi qu'une fois que le traité constitutionnel aura été adopté en Espagne, eh bien [que] mon ami Zapatero et d'autres viennent en France nous dire quelles sont les raisons de leur adhésion à cette Europe que nous voulons.
Q-Mais ce sera une référence et un exemple.
R-Oui, c'est une référence et un bon exemple, parce que pour moi, les références ce sont ceux qui gagnent les élections.
Q-Vendredi dernier, à Barcelone, J. Chirac, lui, était au côté du même Zapatero ; F. Hollande sur les traces de J. Chirac, pas mal !
R-Non, je suis sur les traces de Zapatero ... puisque c'est le seul élément commun !
Q-Chacun son Zapatero !
R-Il est aussi chef de gouvernement, c'est assez normal.
Q-J.-L. Mélenchon vient de dire : " Si le " non " l'emporte, le président de la République doit payer et partir ". Que dit le chef du Parti socialiste ?
R-Le responsable du Parti socialiste dit qu'il y a un enjeu qui est celui de l'Europe, et puis il y a un enjeu le moment venu, en 2007, qui sera l'enjeu de la France, de savoir quel président nous choisissons. Et que si nous commençons à mettre l'enjeu présidentiel au moment de l'enjeu référendaire, alors nous n'allons pas changer de président de la République, mais nous allons gâcher l'Europe. A partir de là, nous devons écarter toute instrumentalisation du scrutin dans un sens comme dans un autre. Il serait d'ailleurs paradoxal qu'ayant demandé nous-mêmes au président de la République de faire la convocation d'un référendum pour adopter le traité, nous ferions maintenant de cette question un choix sur sa personne. Sa personne n'est pas en cause, ce qui est en cause c'est l'Europe. Moi je veux sanctionner la droite, le moment venu, en 2007. Je ne veux pas me sanctionner moi-même ou sanctionner la France ou sanctionner l'Europe, ça c'est l'enjeu du référendum de 2005.
Q-Mais en même temps, la campagne pour 2007 est, ici et là, à droite et à gauche, ouverte. Selon J.-C. Cambadélis, D. Strauss-Kahn sera candidat en 2007, il sera élu. Est-ce que c'est une intuition de devin ou l'aveuglement d'un féal ?
R-Moi, je pense que c'est normal que dans une formation politique, les amis de l'un, de l'autre, espèrent dans la candidature de leur plus proche ou de leur familier.
Q-Non, mais sur le fond ?
R-Mais je pense que cette question ne doit pas être posée. En ce moment, les socialistes ont à travailler pour le succès du " oui ", c'est la décision que nous avons prise après un débat interne, qui a fait quand même l'admiration de beaucoup, puisque nous avons délibéré nous-mêmes de cette question entre socialistes et nous avons fait le choix. Et le deuxième objectif qui doit être le nôtre, partagé les uns par les autres, c'est d'adopter un projet, qui, comme l'a dit d'ailleurs D. Strauss-Kahn, sera l'élément essentiel de conviction le moment venu. Après, c'est-à-dire dans l'année 2006, nous verrons bien quand, eh bien à ce moment-là nous choisirons le candidat.
Q-Tout le monde se positionne et, sur France 2, D. Strauss-Kahn a précisé que s'il est le mieux placé, il n'hésitera pas à y aller et si F. Hollande est le mieux placé, est-ce qu'il hésitera à y aller ?
R-Mais F. Hollande il est le premier secrétaire du Parti socialiste et donc il a une obligation plus que d'autres de respecter les échéances et de ne pas annoncer ce qu'il aura à faire ou ne pas faire.
Q-Et pendant ce temps-là, tous les petits copains se placent !
R-Mais, vous savez, moi je ne me place pas dans cette perspective. Je me place dans la perspective de faire gagner ma famille politique pour faire gagner la France.
Q-Oui. De nombreux leaders du Parti socialiste considèrent qu'ils sont libres d'afficher leurs noms, de faire campagne...
R-Et je leur donne cette liberté.
Q-Et vous leur dites il n'y a pas de punition, mais vous ne croyez pas que ça fait désordre ?
R-Non, je leur donne cette liberté, à la condition d'être discret sur leurs positions, parce qu'il y a eu un vote au sein du Parti socialiste.
Q-Mais ils ne sont pas discrets. Ils font campagne.
R-... S'ils ne le sont pas, ils prennent une responsabilité grave par rapport à leur famille politique. Parce que moi je suis le premier secrétaire du Parti socialiste, mais tous les militants socialistes, ils sont attachés à une chose : à l'unité de leur parti. Donc si certains responsables s'écartent de ce principe de discrétion et mettent en cause l'unité du parti, ils seront en rupture par rapport non pas à la direction du Parti socialiste, mais par rapport aux militants socialistes qui ont voté.
Q-Mais par rapport aux Français aussi.
R-Nous le verrons.
Q-Même s'il y a des choix qui entraînent le " non "...
R-Mais ce sont les militants qui désignent les candidats.
Q-Pour un sondage BVA/Le Figaro/LCI, N. Sarkozy est souhaité comme candidat en 2007, et en plus il sortirait haut la main vainqueur de chaque duel, avec L. Jospin ou avec vous. Et N. Sarkozy disait, hier : pour gagner, il faut représenter le changement. Est-ce qu'il n'a pas raison ?
R-Je suis d'accord, voyez-vous, avec N. Sarkozy : il faut du changement, il faut un vrai changement et le changement, ça ne peut pas être celui...
Q- "Le changement c'est moi, F. Hollande !"
R-Non, c'est le Parti socialiste, s'il en est digne, s'il montre qu'il en a la capacité, s'il est crédible dans ses engagements, s'il est authentique dans ses propositions. Mais personne ne croira que celui qui a gouverné depuis maintenant près de trois ans - ministre de l'Intérieur, ministre de l'Economie et des Finances, président de l'UMP, qui soutient le Gouvernement de J.-P. Raffarin - personne ne croira que celui-là peut incarner le changement, sauf un changement de personne. Mais, convenez qu'une élection française, ce n'est pas simplement un changement de personne. C'est un changement de pratique politique, de comportement politique, peut-être même d'institutions politiques, mais surtout de politique.
Q-Pour le Trombinoscope - c'est les élus, les journalistes qui choisissent et qui désignent les hommes politiques etc. -, vous avez été l'homme politique de l'année 2004. Selon vous, qu'est-ce qui vous valent cette fortune et cette grâce ?
R-Les électeurs. Parce que convenez que s'ils n'avaient pas voté comme ils ont voté aux élections régionales, que s'ils n'avaient pas voté comme ils ont voté au moment des élections européennes, je ne serais pas, aujourd'hui, paraît-il, l'homme de l'année 2004. Mais ce qui compte, ce n'est pas d'être l'homme d'une année, c'est d'être l'homme quand même qui incarne un parti, un projet, une espérance.
Q-Qu'est-ce qui vous manque encore ?
R-Pour quoi faire, J.-P. Elkabbach ?
Q-Pour être cet homme de l'année 2005, 2006, 2007, 2008, 2009 ?
R-Des électeurs pour le Parti socialiste, le moment venu.
Q-Alors vous auriez pu être hier soir sur la même estrade au Sénat qu'H. Gaymard, lui il a obtenu le prix de " la révélation politique de l'année " pour le Trombinoscope. Il a reconnu une erreur pour l'appartement qui lui a été attribué et qu'il a à peine habité. Il s'est excusé. Est-ce que vous l'accablez, comme hier soir D. Strauss- Kahn, ou vous tournez la page, vous ?
R-Moi, je ne veux pas accabler les personnes. Elles peuvent avoir leurs faiblesses, leurs maladresses, et il y en a eu. Ce que je demande, c'est de la transparence et de la règle pour tous. Ce qui m'a le plus choqué, voyez-vous, depuis maintenant près de trois ans, c'est que J.-P. Raffarin s'est présenté comme un Premier ministre de la proximité des Français du bas...
Q-Et là, il a tranché, très vite, en quelques heures.
R-... Et qu'est-ce qui s'est produit, qu'est-ce que nous découvrons ? Premièrement que les ministres ont été augmentés de plus de 70 % parce qu'il fallait, paraît-il, changer un certain nombre de pratiques d'indemnités, pourquoi pas ? Il fallait au moins l'assumer et en tirer toutes les leçons, y compris pour les logements. Deuxièmement, on apprend que le nombre de personnes dans les cabinets ministériels - c'était sur votre antenne ce matin, a explosé depuis la constitution du gouvernement Raffarin. Et il a fallu cette révélation, ce scandale pour qu'enfin le Premier ministre prenne une nouvelle circulaire. Alors moi, ce que je veux, ce n'est pas m'intéresser aux personnes, je veux que dans notre République les choses soient claires, soient simples, soient transparentes et comme ça, ça évitera le soupçon ou la mise en cause.
Q-N'oubliez pas que beaucoup ont la mémoire et qu'avant d'arriver au pouvoir aussi, F. Mitterrand disait : " l'honnêteté, l'intégrité " et puis qu'il s'en est passé des choses...
R-Et ça vaut pour...
Q-A. Duhamel, qui rappelait sur France 2 à D. Strauss-Kahn l'appartement accordé à Mazarine Pingeot, à sa mère, etc...
R-Et ça vaut pour...
Q-Ne faisons pas en sorte que l'on ressorte...
R-J.-P. Elkabbach, moi je ne suis pas sur le passé, je suis sur le présent et l'avenir, ça vaut pour tout le monde. Tout le monde a, à un moment, exercé des responsabilités, elles sont difficiles. Quand je dis tout le monde, c'est les responsables politiques. Ce qu'il faut c'est que les Français sachent dans quelles conditions ces responsabilités sont exercées.
Q-F. Hollande, j'aurai pu vous parler du budget de l'Education, des impôts locaux...
R-Faites !
Q-Non, non, on ne peut pas rester jusqu'à 10 heures. Il y a seulement une question, et d'abord je me demande est-ce qu'il faut en parler ou écraser de silence : Dieudonné qui récidive. A Alger, hier, devant la presse, il a qualifié - je cite - "la Shoah de pornographie mémorielle". Pornographie mémorielle, et il a accusé, J.-P. Raffarin, le Premier ministre de "lécher le cul à cette équipe de malfrats, de mafieux du CRIF, qui est en train d'entraîner la République française dans la guerre civile".
R- Je considère que les propos de Dieudonné sur la Shoah tombent sous le coup de la loi. Je considère qu'ils sont déshonorants pour celui qui les exprime, et je considère enfin qu'il ne peut pas y avoir une comptabilité des tragédies. Il y a une tragédie du peuple noir liée à l'esclavage, elle doit être dénoncée, elle doit être reconnue. Et puis il y a la tragédie du peuple juif, la Shoah, et la minorer, la sous-estimer, la disqualifier en parlant de "pornographie" mérite non pas simplement l'accusation judiciaire, mais l'accusation politique. Et moi, je lance un appel à tous ceux qui sont les spectateurs de Dieudonné, qui trouvent drôles parfois certaines de ses plaisanteries, aujourd'hui c'est eux aussi qui sont concernés par les propos de Dieudonné. Assister au spectacle de Dieudonné, c'est participer justement à cette dérive et à ce grave glissement dans des propos qui sont antisémites et d'abord antisémites.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 18 février 2005)