Déclaration de M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, sur la médiation sociale dans le cadre de la politique urbaine, la citoyenneté et la participation des habitants, Créteil le 22 septembre 2000.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Séminaire européen sur la médiation sociale et les nouveaux modes de résolution des conflits de la vie quotidienne à Créteil le 22 septembre 2000

Texte intégral

Madame la Ministre,
Mesdames et Messieurs,
Evoquer la médiation sociale en Europe dans le cadre du Festival international de la ville, c'est démontrer combien la ville et les questions spécifiquement urbaines se situent au cur de la prévention, au cur de l'action sociale.
Evoquer la médiation sociale en Europe dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, c'est vouloir faire de l'Europe une construction au service des habitants et de leur vie quotidienne.
C'est pourquoi, je suis heureux de vous accueillir, Madame la Ministre, Mesdames et Messieurs venus de pays amis, pour qu'ensemble nous définissions les principes et moyens qui permettront d'aider les citoyens européens dans leur vie de tous les jours.
Vous êtes réunis pour examiner toutes les pratiques qui ont foisonné sous des termes divers qu'en France nous résumons par le mot de " médiation sociale ".
Sans entrer davantage dans le débat qui sera le vôtre, je crois pouvoir dire que ces pratiques traduisent la volonté de régler les tensions inhérentes à toute vie sociale, et particulièrement à toute vie urbaine, par une action de proximité et par une action de responsabilité.
Proximité et responsabilité constituent à mon sens deux fondements essentiels de nos sociétés démocratiques. Ces principes gouvernent ce qu'en France, nous nommons " la participation des habitants ", c'est-à-dire leur capacité à intervenir comme citoyens actifs, et non comme simples usagers passifs.
Cette participation dépasse largement l'exercice du droit de vote ; elle renvoie à la notion d'intégration politique et sociale : être citoyen, c'est éprouver un sentiment d'appartenance à la collectivité.
Cette citoyenneté ainsi définie s'éloigne des définitions habituelles qui la cantonnent à la nationalité, c'est-à-dire à la stricte appartenance juridique à une nation.
La construction européenne a déjà contribué à élargir notre conception de la citoyenneté, en permettant la libre circulation des biens et des personnes et en élargissant le droit de vote à tous les ressortissants européens.
Cette évolution supra-nationale doit également trouver écho à l'échelon local, dans la proximité. En ce sens, le développement des pratiques dites de " médiation sociale " contribue à donner toute sa place au citoyen européen dans sa vie quotidienne.
J'ai souhaité que la médiation sociale constitue un axe fort de l'orientation de mon ministère. Mme BRÉVAN, déléguée interministérielle à la Ville et M. PICARD, ancien maire de Mantes-la-Jolie, ont ainsi mené à ma demande, des travaux approfondis sur les nouveaux métiers qui émergent dans nos villes, et en premier lieu ceux de la médiation.
Sur la base de ces travaux, je vais réunir très prochainement les principaux ministères et partenaires concernés, pour définir les moyens concrets d'assurer la qualité et la pérennité des acteurs et des actions de la médiation sociale en France.
Mais, il m'a semblé que la France n'était pas le seul pays à s'interroger sur ces pratiques. C'est l'un des objectifs de la rencontre d'aujourd'hui : nombreuses sont les expériences menées en Europe et dans le monde visant à améliorer les relations entre voisins, entre cultures ou entre usagers et institutions.
Evoquer ensemble ces différentes expériences, les comparer, en dégager des principes communs ne vise pas à l'uniformisation.
Je ne souhaite pas, en France comme ailleurs, que tous les médiateurs soient homologués ou contrôlés par un organe central. Je ne prétends pas interdire à quiconque l'emploi du terme "médiation".
Je veux seulement mieux comprendre les fondements de cette multitude d'actions qui se multiplient, mieux appréhender leur efficacité, mieux garantir le respect par ces nouvelles formes d'action des droits fondamentaux de la personne.
C'est le sens de ce séminaire qui doit permettre de dégager des recommandations générales.
Cependant, ce n'est pas mon seul objectif. Ce séminaire constitue également une étape importante à l'échelle européenne.
L'année dernière à Tampere, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne ont redonné à la prévention de la criminalité un caractère prioritaire, aux côtés des actions déjà bien engagées de lutte contre la grande criminalité.
En mai, nous nous sommes retrouvés à Faro, à l'initiative de la présidence portugaise, pour jeter les bases de principes communs en matière de prévention.
Le séminaire d'aujourd'hui s'inscrit dans la continuité de ces rencontres : il s'agit d'intensifier notre coopération et l'analyse comparative de nos pratiques. Il s'agit aussi de construire une vision plus large de la prévention.
Certes, la médiation ne se résume pas à une action de prévention de la criminalité. Mais, la prévention, elle-même, ne se limite pas à l'action policière et judiciaire. Celles-ci ont toutes leur place, indéniable, indispensable.
Cependant, la prévention doit être conçue et exercée dans ses multiples facettes : éducation, intégration sociale et économique, accès aux droits
Tous les modes de prévention et de résolution des conflits faisant intervenir un tiers et toutes les interventions médiatrices visant à une meilleure compréhension mutuelle contribuent, lorsque les droits fondamentaux sont respectés, au bien être de la collectivité.
Plus encore, lorsque ces pratiques sont portées, comme je l'indiquais, par des acteurs de proximité - de la collectivité locale au citoyen en passant par l'organisme de logements sociaux - avec la volonté de se prendre en charge, ces pratiques contribuent alors fortement à faire vivre notre démocratie.
C'est en ce sens que je crois nécessaire de développer au sein de l'Union européenne un axe fort autour des modes alternatifs de résolution des conflits impliquant la société civile.
Je sais cette conception partagée par la Commission, ainsi que plusieurs Etats membres.
Je sais, Madame la Ministre, que la Suède privilégie également cette approche large de la prévention.
Jusqu'à présent, ce que nous nommons dans le jargon eurocrate, " le secteur JAI " - pour "Justice-Affaires intérieures" - recouvrait principalement les actions de coopération policière et la construction d'un espace judiciaire commun. Ces objectifs sont primordiaux. La construction européenne a permis de les faire avancer considérablement, même si les efforts doivent être poursuivis.
Ils peuvent aujourd'hui être complétés par un second axe, moins institutionnel, impliquant les pouvoirs locaux et l'ensemble de la société civile.
Nous partageons cette conception avec la Suède qui succédera à la France dans la présidence de l'Union européenne ; nous sommes donc naturellement amenés à conjuguer nos efforts.
Pour poursuivre ce mouvement d'ouverture et d'enrichissement de la coopération européenne en matière de prévention, nos deux pays présenteront début décembre un projet de création d'un réseau européen de prévention de la criminalité. Ce réseau développera justement cette approche large, transversale et pluri-disciplinaire de la prévention.
A l'instar d'un centre de ressources, le réseau sera chargé d'intensifier les échanges de pratiques et la coopération, d'élaborer des programmes de formation pluri-disciplinaire et d'organiser des événements à l'échelle européenne.
Madame la Ministre,
Mesdames et Messieurs,
Par vos débats et par les recommandations que vous formulerez aux Etats et institutions de l'Union européenne, vous contribuerez à cette évolution majeure.
(source http://www.ville.gouv.fr, le 9 octobre 2000)