Texte intégral
Monsieur le Député, Cher François,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les élus de Cerdagne et de Puigcerda,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi d'emblée de vous faire-part de mon grand bonheur d'être parmi vous ce matin ici à Bourg-Madame au cur de cette Cerdagne qui fut autrefois un enjeu pour les royaumes de France et d'Espagne avant de devenir aujourd'hui un trait d'union.
Vous comprendrez facilement que pour moi qui porte un patronyme de ce pays et qui appartient à une famille aux racines catalanes, cette visite n'est pas tout à fait comme les autres.
Certes, elle s'inscrit dans le cadre de mes nombreux déplacements sur le terrain pour expliquer et faciliter la mise en uvre de l'acte II de la décentralisation. Mais, elle répond aussi à quelque chose de plus profond, le sentiment diffus mais bien réel de revenir dans une région frontalière unique par sa géographie, par son histoire et par sa culture. Et cette région, grâce à votre invitation, j'ai le privilège ce matin d'en redécouvrir la beauté et l'originalité.
Mais cette région de montagne n'est pas seulement belle. Elle est habitée par 30 000 citoyens fiers de leur identité et conduite par des élus dynamiques qui n'hésitent pas à prendre des initiatives pour que l'on puisse rester et vivre au pays. Et c'est justement l'une de vos initiatives qui est à l'origine de ma venue ce matin.
Votre conseil municipal, ici à Bourg-Madame, a, en effet, délibéré en 2002 et en 2003 pour appeler de ses vux la création d'un consorcio transfrontalier avec la commune espagnole de Puigcerda dont je salue à nouveau les représentants.
I - La création de ce consorcio est devenue depuis le 21 mars dernier, c'est à dire depuis un mois, une réalité.
Nous venons d'en installer le conseil et j'ai pu mesurer les attentes et les espoirs que chacun place dans cette nouvelle structure de coopération institutionnelle de proximité.
Ce consorcio, vous l'avez dit, a pour vocation d'encourager et de promouvoir des actions conjointes dans de très nombreux domaines : le tourisme, l'éducation, la culture, l'environnement, le développement économique et la santé.
J'ai placé volontairement la santé en fin de liste car je voudrais revenir quelques instants sur le projet d'hôpital commun transfrontalier de Cerdagne et de Capcir qui m'a été présenté par les représentants de l'Agence Régionale Hospitalière et du ministère de la santé de la généralité de Catalogne.
Certes, ce projet n'est pas encore totalement finalisé ; certes, ce projet est antérieur à la création du consorcio et ne lui est pas lié juridiquement à ce stade.
Pour autant, ce projet d'hôpital commun rend compte d'une volonté partagée et d'une véritable détermination à bousculer les obstacles administratifs ou techniques qui pourraient surgir.
Vous avez raison d'y croire. D'abord, parce que vous ne partez pas de zéro puisque vous gérez depuis 2002, une partie des urgences et des courts séjours de façon transfrontalière. Ensuite, parce qu'en très peu de temps, vous avez réussi à crédibiliser votre projet et à lui donner corps.
Enfin, parce que vous êtes parmi les précurseurs, parmi ceux qui veulent démontrer que la construction européenne passe aussi par le niveau local.
Vous apportez la preuve que les collectivités territoriales de deux pays différents peuvent fournir à leurs concitoyens des services de soins de proximité en s'affranchissant des frontières.
Pour ma part, je peux vous assurer de la complète coopération de la direction générale des collectivités locales pour vous aider à progresser, notamment pour faire émerger la formule juridique la plus appropriée pour le futur établissement hospitalier.
S'agissant du consorcio lui-même, il me paraît fournir le cadre expérimental pertinent pour identifier, puis gérer en commun des missions de services publics auxquels les populations sont, à juste titre, très attachées.
Permettez-moi simplement de rappeler, mais vous le savez, que c'est le préfet de région Languedoc-Roussillon et non le ministre qui a signé l'arrêté autorisant la commune de Bourg-Madame à adhérer à cet organisme public de droit espagnol. Il s'agit là d'une mesure de déconcentration administrative qui découle directement de la loi du13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales et je m'en félicite.
Comme je me félicite plus généralement des progrès enregistrés depuis le traité de Bayonne en 1995 par la coopération transfrontalière entre la France et l'Espagne. Je vais revenir sur le bilan et les perspectives de cette coopération dans quelques instants.
Je crois qu'il est très important qu'au cours des prochaines années les collectivités soient en pointe pour concrétiser l'idée européenne. Ce sont elles, en effet, qui sont les plus proches du citoyen ; ce sont aussi elles qui prennent les décisions qui concernent son environnement quotidien.
En cela, elles peuvent apporter une contribution très importante à la construction d'une Europe fondée sur les principes de la démocratie et de la décentralisation des pouvoirs.
Pour y parvenir vraiment, le cadre juridique actuel pourrait être régénéré en mettant en place au plan national une procédure d'information de la Commission européenne sur les impacts des projets de directives sur les collectivités territoriales.
Peut-être convient-il aussi en interne de mieux associer les collectivités aux projets de textes communautaires en leur fournissant à la demande une capacité d'expertise supplémentaire.
Enfin, les agents de la Fonction Publique territoriale ont tout à gagner en se formant mieux au droit communautaire. Encore faut-il qu'ils y soient encouragés par tous.
Vous voyez, les pistes existent pour que le respect des obligations communautaires par les collectivités locales ne se résume pas à un problème de contrôle de légalité mais se transforme au contraire en matière juridique vivante qui admet le point de vue des communes et de leurs groupements, et plus généralement celui des élus locaux.
II/ Si vous le permettez, je voudrais maintenant faire un rapide état des lieux d'une part de la coopération transfrontalière décentralisée, d'autre part des relations bilatérales entre l'Espagne et la France dans la sphère qui concerne le Ministère de l'Intérieur.
En première analyse, les opérations décentralisées qui font appel à des structures juridiques entre collectivités territoriales des deux pays ne sont pas si nombreuses sur la frontière franco-espagnole.
A cela, je vois plusieurs explications objectives.
D'abord, la géographie qui ne favorise pas une coopération de proximité, notamment dans la partie centrale de la chaîne des Pyrénées ;
Ensuite, l'inégale répartition des compétences et des pouvoirs entre collectivités territoriales françaises et espagnoles qui peut apparaître comme un frein à une coopération spontanée ;
Enfin, les champs de compétence eux-mêmes qui doivent être quasi-identiques pour pouvoir coopérer tout en étant conformes aux engagements internationaux de chacun des pays.
Il y avait donc de "bons motifs" pour ne pas bouger et pour s'en tenir aux habitudes. Ce n'est pas ce choix qui a été fait, notamment ici en Cerdagne puisque dès 1996, vous avez conclu une convention en matière d'assainissement qui favorise le traitement des eaux usées dans la station internationale de Puigcerda.
Une fois encore, vous avez montré la voie. Depuis, d'autres organismes avec la personnalité juridique ont vu le jour : l'Eurocité Bayonne - San Sébastian en 1997 ainsi que l'association Xareta en 2004, toutes deux au Pays Basque.
D'autres formes de coopération, plus anciennes mais sans la personnalité juridique continuent à produire des effets positifs, notamment la Communauté de travail des Pyrénées créée en 1983 et dont le dynamisme en matière de recherche et de formation est reconnu, comme est reconnu le concept d'"Eurorégion" créé lui en 1991 et qui a contribué à accroître la notoriété du triangle économique entre Barcelone, Toulouse et Montpellier.
Enfin, de nombreuses initiatives sont venues ponctuer depuis plus de dix ans cette volonté de se rapprocher, de travailler ensemble et de mieux se connaître. C'est vrai dans le domaine linguistique. C'est aussi vrai dans le domaine des transports. Je pense notamment à la mise en service entre Coustouges et Massanet d'une route de montagne reliée par un pont jeté sur la rivière Major.
Au niveau étatique, la coopération entre l'Espagne et la France fonctionne aussi très bien et avec Dominique de Villepin, nous savons que nous pouvons compter sur des interlocuteurs francs et loyaux en toutes circonstances.
Le travail en commun dans les domaines de la police judiciaire, de la lutte antiterroriste et du contrôle de l'immigration irrégulière est exemplaire. J'en citerai deux exemples : d'abord les succès enregistrés en 2004 contre ETA qui sont probants, puis plus près d'ici, le rayonnement accru du commissariat commun du Perthus qui offre des possibilités d'investigation nouvelles bien au-delà de la zone frontalière des 20 kilomètres.
Mais je sais aussi que dans les Pyrénées-Orientales, l'on attend beaucoup de l'Europe dans un autre domaine, celui de la liaison ferroviaire à grande vitesse entre Perpignan et Figueras et vous avez raison.
Je vous parle d'expérience car l'arrivée du TGV, je l'ai vécue il y a trois ans à Avignon. Je peux vous confirmer qu'un tel équipement est incontestablement un atout pour l'économie locale. Il mettra Perpignan à 40 minutes de Barcelone qui est une des zones les plus dynamiques d'Europe. Il suscitera des opportunités d'investissement car les chefs d'entreprise ne pourront longtemps rester insensibles à un département qui conjuguera une telle qualité du cadre de vie avec des infrastructures de transport modernes et reliées aux capitales économiques régionales.
Vous avez donc de solides raisons de croire en l'avenir et ce, d'autant plus, que nos deux gouvernements travaillent bien ensemble pour faciliter l'émergence de solutions consensuelles sur les grands dossiers de transport et d'attractivité des territoires.
Après le sommet de Saragosse du 7 décembre 2004, c'est à Barcelone que devrait se tenir dans les prochaines semaines une grande rencontre où, pour la première fois, seront conviés les responsables des régions françaises et des autonomies espagnoles.
Pour ce qui me concerne, j'attends beaucoup de ce rendez-vous inédit, notamment la relance de la commission mixte paritaire créée par le traité de Bayonne et la mise en perspective des assises générales de la coopération décentralisée franco-espagnole.
Vous le constatez avec moi, la proximité entre nos deux pays se renforce au fil du temps. Certes, il peut y avoir encore des retards, des lourdeurs, des incompréhensions passagères. Mais la volonté est là pour que les Pyrénées ne constituent plus la dernière frontière physique séparant des européens.
Monsieur le Maire, arrivée au terme de mon intervention, je voudrais vous remercier à nouveau pour votre accueil chaleureux. Je voudrais aussi vous redire ma satisfaction d'avoir pu partager un trop bref moment votre mobilisation et votre détermination à faire de ce pays de Cerdagne un laboratoire de la coopération décentralisée.
Avec ce consorcio, vous êtes d'une certaine façon à l'avant-garde et je ne peux que vous encourager à rester fidèle à votre démarche.
Merci pour votre attention.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 4 mai 2005)