Déclaration de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, sur le rôle des architectes dans le développement des villes, Paris le 6 avril 2005.

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Circonstance : Rendez-vous de l'architecture au Palais de la Porte Dorée à Paris le 6 avril 2005

Texte intégral

Tout d'abord je voudrais vous dire combien je me réjouis d'être parmi vous à ces rendez-vous de l'architecture, en compagnie de Renaud DONNEDIEU DE VABRES et de Marc-Philippe DAUBRESSE.
Nous ne sommes pas réunis tous les trois ensemble par hasard. Bien au contraire, Nous avons voulu être ensemble devant vous pour vous témoigner de notre engagement commun en faveur de la qualité architecturale et urbaine. Notre présence commune traduit le travail d'équipe que nous menons quotidiennement pour améliorer le cadre de vie de nos concitoyens. Et ce travail d'équipe est fructueux : j'en donnerai pour exemple la simplification des procédures des secteurs sauvegardés, menée avec Renaud DONNEDIEU DE VABRES, que nous allons intégrer dans le code de l'urbanisme d'ici l'été ou le concours 'habiter le XXIème siècle' que tous les trois nous préparons ensemble.
Et quelle meilleure illustration de ce travail d'équipe que la présence dans ces murs du programme EUROPAN dont la huitième session va être lancée. Je suis toujours très intéressé par le fruit de ce concours car les terrains proposés sont toujours improbables, grevés de contraintes irréconciliables et soumis à un programme exigeant. Et face à ce que beaucoup considéreraient être une mission impossible, les projets présentés rivalisent d'audace et de créativité et montrent votre vitalité.
Je trouve que ce concours redonne espoir pour la ville et je suis convaincu que cette nouvelle session sera à la hauteur des 7 précédentes. Enfin, son nom même, Europan, illustre, s'il en est besoin, la dimension européenne dans laquelle doit s'inscrire notre réflexion sur la ville d'aujourd'hui.
Cette réflexion est au cur des débats de ces deux journées.
Vous avez voulu que ces rendez-vous de l'architecture parlent de la ville, des défis qu'elle nous invite à relever pour la conforter, l'enrichir, lui donner une nouvelle modernité.
Et à travers la ville, vous évoquez le rôle crucial des architectes pour la servir, lui créer du patrimoine, la rendre heureuse, rendre heureux les gens qui y habitent. Vous savez comme moi que nos contemporains sont inquiets de l'avenir des villes. Vous êtes là, nous sommes là pour offrir un autre futur aux 80 % de nos concitoyens qui vivent en villes.
Pour fabriquer la ville, les élus, vous le savez, ont à faire face à des enjeux et des attentes considérables et parfois contradictoires : Accroître le nombre de logements, améliorer ceux qui existent, promouvoir le développement économique, développer l'emploi, favoriser les échanges, promouvoir l'activité culturelle, la vie associative, les sports, préserver l'environnement, améliorer le cadre de vie de chacun, réintégrer dans la ville des quartiers en difficulté,...
Face à ces attentes protéiformes, les élus ont besoin d'être éclairés, d'être conseillés, d'être épaulés pour réussir ces paris multiples et concomitants. Les professionnels de l'espace urbain sont essentiels pour enrichir l'imaginaire, dessiner des pistes pour continuer la grande uvre des villes au service des citoyens actuels et futurs.
Si le rôle des architectes est central, permettez-moi de parler de celui des urbanistes dont beaucoup, par ailleurs, sont architectes, comme Christian DE PORTZAMPARC qui présentera son projet à Pékin contre la ville sécurisée, et François GRETHER qui reconvertit un vaste territoire de friches à Lyon pour en faire un quartier de qualité.
Je voudrais vous exprimer trois attentes des élus vis à vis des urbanistes : Permanence, exemplarité et anticipation.
Permanence en pensant la ville comme écrin de l'architecture et non une ville faite d'objets célibataires et solitaires qui seraient autant de tours de force. Bernard HUET a souvent insisté sur la permanence du parcellaire et des tracés par rapport aux bâtiments.
A nous, à vous, de savoir créer les éléments de la permanence moderne qui seraient les fondements de la ville future et qui échapperont aux effets de mode. La mode n'a pas sa place en urbanisme même si l'urbanisme doit être tourné vers l'avenir, fondé sur la mémoire mais sans nostalgie et sans crainte de créer la modernité de l'avenir. La Permanence implique donc d'éviter de créer des espaces qui vieilliront trop vite. La permanence n'est possible qu'en rencontrant profondément la sensibilité sociale et en trouvant la réponse juste et contextuelle à une situation urbaine toujours singulière.
-Exemplarité car l'action urbaine, le projet urbain, sont une lutte contre le laisser faire. Nécessitant un investissement public important tant en terme de volonté politique qu'en termes financiers, le projet urbain n'a pas droit à l'erreur, doit faire rêver tout en étant réaliste pour aider à mobiliser les acteurs publics et privés sans lesquels le projet reste de papier.
- Enfin anticipation car il faut se projeter dans l'avenir, évaluer l'impact possible de nos actions, savoir que la ville est en perpétuel mouvement et avoir un cran d'avance pour anticiper sur les questions cruciales qui se poseront et imaginer les champs de créativité nécessaires pour y répondre. Pour ce faire, les projets doivent tenir des lignes de force tout en permettant l'adaptation au dialogue partenarial et aux évolutions sociales.
Ces trois qualités sont à mettre au service du projet urbain que je définirais comme un jeu entre le dessein et le dessin, entre une stratégie urbaine et socio-économique, et les opérations à conduire pour passer de l'intention à la réalisation, entre le politique et l'urbaniste. Le projet urbain a été mis au cur des documents d'urbanisme, en exigeant que les PLU et les SCOT soient fondés sur un projet urbain et un projet de territoire. Le projet urbain permet de faire la synthèse avec toutes les aspirations que j'évoquais au début de mon propos. Il permet enfin et surtout de rendre compréhensible par les citoyens, le dessein du politique avant qu'il ne soit devenu des dessins d'architectes c'est à dire tellement avancés que presque irrémédiable. Je crois profondément à ce moment de dialogue indispensable entre les élus, les citoyens et les usagers de la ville et les professionnels pour faire émerger ce projet urbain.
Je souhaiterais insister sur l'exemplarité qui fonde notre engagement dans la valorisation des bonnes pratiques et des hommes auxquelles elles doivent de voir le jour. Parmi les actions menées par mon ministère, le grand prix de l'urbanisme qui a trouvé sa place en prenant une valeur forte au regard de l'ensemble des acteurs de la ville, et bientôt le palmarès des jeunes urbanistes qui est une manière sans doute de préparer nos futurs grands prix.
Le grand prix de l'urbanisme est d'abord fait pour faire aimer l'urbanisme et les urbanistes, pour faire aimer la ville. Pour rendre hommage, aussi, à des auteurs, à des uvres et à des réflexions sur la ville. Il distingue l'excellence et son but principal est que les grands prix peuvent inspirer les autres urbanistes, les élus, les décideurs publics et les citoyens. Je crois à la valeur de l'excellence comme moyen de stimuler l'imagination et les créations nouvelles.
Il sera accompagné, sous peu et à l'instar des albums des jeunes architectes, du palmarès des jeunes urbanistes. Celui ci vise à faire émerger des nouveaux talents, non seulement des concepteurs urbains mais aussi des planificateurs et des maîtres d'ouvrage sans lesquels les projets resteraient de papier. Il est en effet essentiel de distinguer les talents pour aider les élus à puiser dans ce vivier et à répondre aux questions de plus en plus cruciales et complexes auxquelles ils sont confrontés.
Parmi les questions d'actualité, je voudrais conclure sur le problème essentiel du périurbain, de la ville diffuse, de la ville étale, sujet qui devra habiter toutes nos réflexions pour les décennies à venir.
Ce sujet est présent dans vos débats, celui de la ville territoire, de la ville hors la ville, qui est considérée comme l'arrière cour de nos villes européennes. Si l'on n'y prend garde, elles constitueront l'essentiel de la future ville européenne et dès à présent, 50% des européens y habitent. Cette ville existe par la demande sociale, et elle exige anticipation comme toute ville et parfois réparation quand elle n'a pas été suffisamment anticipée. IL faut créer de l'urbanité, du vivre ensemble dans ses espaces immenses, urbanisé mais parfois pas assez humanisés.
C'est un grand chantier pour les nouvelles instances en charge de ces territoires et un immense défi aux urbanistes.
Comme le dit Bernardo SECCHI, grand prix spécial du jury de l'urbanisme 2005, " il faut offrir un horizon sensé à une ville inévitablement dispersée, fragmentaire et hétérogène. "
C'est l'un des grands enjeux qui s'offre aux élus, aux citoyens et surtout aux hommes de l'art. A vous de nous aider à le réussir.
(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 7 avril 2005)