Interview de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, dans "Les Echos" du 3 mai 2005, sur la convention de reclassement personnalisé.

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Texte intégral

Q - Les partenaires sociaux viennent vous présenter aujourd'hui leur accord sur la CRP. Le dispositif correspond-il à vos attentes ?
R - Je ne peux que m'en féliciter. Trois mois après la publication du plan de cohésion sociale, quelques semaines après la signature du premier contrat d'avenir, une autre de ses modalités majeures est quasiment opérationnelle : à compter du 1er juin, tout licencié économique bénéficiera d'un droit au reclassement. La convention de reclassement personnalisé répare une extraordinaire injustice. Jusque-là, seuls les salariés d'entreprises de plus de 1.000 salariés avaient droit à un congé de reclassement en cas de licenciement économique. Désormais, ceux des entreprises de moins de 1.000 salariés y auront droit aussi. Cela représente environ 200.000 personnes, sur un flux annuel de 240.000 licenciements économiques.
Q - Vous allez néanmoins expérimenter les contrats de transition professionnelle proposés par Yazid Sabeg...
R - L'objectif est simple : il faut changer de logique, passer d'un système d'allocataires à un système de gestion des ressources humaines. La CRP est une première - grande - étape vers une généralisation de l'aide au reclassement. Elle a été mise en place par un accord signé par tous les partenaires sociaux sauf la CGT, mais parce qu'elle voudrait aller plus loin. Mais c'est déjà une énorme avancée. Cela montre que le patronat et les syndicats sont résolument prêts à s'engager dans un changement de logique. Il ne faut pas s'arrêter là. Il faut aller vers une prise en charge globale des mutations professionnelles. Mais il s'agit d'un changement radical de modèle et il n'est pas question d'avancer à l'aveugle. Je suis un ministre responsable. C'est pourquoi nous ferons 4 expérimentations seulement des propositions de la mission Sabeg. Pierre Méhaignerie est partant en Ille-et-Vilaine, il y a un projet dans les Ardennes, sans doute en Rhône-Alpes et en Ile-de-France. Nous lancerons cela en septembre et ferons ensuite un bilan. Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Toute charge financière nouvelle éventuelle sera à la charge de l'Etat.
Q - Selon l'Unedic, la mise en place de la CRP lui rapportera 2 millions d'euros. Cela ne vous choque-t-il pas ?
R - Au vu du déficit de l'Unedic (plus de 10 milliards d'euros cumulés, NDLR), 2 millions d'économies, cela signifie que cela ne lui coûtera rien. Cela ne me choque pas. Au contraire, j'y vois la confirmation qu'on peut faire bien mieux sur le soutien aux chômeurs, l'adaptation de l'offre à la demande de travail à budget constant. J'y vois la démonstration que l'on peut réconcilier l'économique et le social en raccourcissant la durée de chômage.
Q - Les syndicats critiquent le renforcement du contrôle des chômeurs que l'Etat négocie avec l'Unedic, que leur répondez-vous ?
R - Il n'est pas question de mettre un gendarme derrière chaque chômeur. La priorité est de leur offrir un accompagnement de qualité dans leur recherche d'emploi. Dans ce cas, on est en droit d'exiger d'eux qu'ils jouent le jeu de la formation et de la qualification. C'est l'idée qui prévaut avec la CRP et c'est comme ça que fonctionnent tous les pays qui ont mis en place un système performant de lutte contre le chômage.
Q - Le chômage augmente. Quand les effets de votre plan se feront-ils sentir ?
R - Tous les outils du plan de cohésion sociale se mettent en place. On est à l'heure, voire en avance de quelques jours, sur tous les programmes et nous avançons sur l'apprentissage dans la fonction publique. Mais je le redis, c'est un travail long que nous avons engagé, avec pour objectif de baisser de 3 points en cinq ans le taux de chômage structurel. Je n'ai pas changé d'avis, le chômage devrait commencer à baisser au second semestre. L'A380 de la cohésion sociale est en train de prendre de l'altitude. Il atteindra sa vitesse de croisière en 2006.
Propos recueillis par LEILA DE COMARMOND


(Source http://www.u-m-p.org, le 4 mai 2005)