Déclaration de M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, sur le développement des échanges commerciaux franco-britanniques et sur l'innovation technologique comme priorité européenne, Londres, le 12 septembre 2000.

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Circonstance : Rentrée de la Chambre de commerce française en Grande-Bretagne à Londres, le 12 septembre 2000

Texte intégral

Monsieur le Ministre, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux de participer à ce traditionnel " dîner de rentrée " de la Chambre de Commerce Française en Grande-Bretagne. Je tiens d'ailleurs à cet égard à remercier Richard Caborn, mon homologue britannique pour son accueil aujourd'hui, ainsi que le Président de la Chambre de commerce. Lors de mon dernier voyage outre-manche, il y a six mois, j'avais en effet accepté l'invitation formulée par M. Banon pour plusieurs raisons.
J'anticipais d'abord le plaisir renouvelé d'une escapade londonienne, le plaisir de retrouver, même brièvement, cette ville où je garde quelques souvenirs de mes années d'étudiant.
Je suis personnellement très attaché à la Grande-Bretagne, à son histoire, à sa culture. Mais, cet attachement je le crois partagé par mes compatriotes. Nos différences, nos antagonismes sont nombreux, je le sais, mais ne peuvent dissimuler une attirance mutuelle permanente qui a traversé les soubresauts de l'histoire.
1.) Des liens économiques plus forts que jamais.
Plus que jamais nos deux économies apparaissent imbriquées. Au sein de l'Europe, cette passion et cette interdépendance économique doivent fonder une action concertée de nos deux pays en faveur de l'innovation
La dimension passionnelle des relations entre nos deux pays est indéniable. Cette proximité, cette passion ne vont pas toujours sans éclat de voix. Pendant la guerre, Churchill se plaignait aux membres de son cabinet des " scènes de ménage " que lui faisait le général de Gaulle. Nos deux pays se font encore souvent de ces scènes domestiques. Elles sont désormais rituelles et témoignent surtout de la réelle intimité qui existe entre nos deux pays. Nos économies, en particulier, apparaissent plus que jamais imbriquées et solidaires. Les investissements directs, les échanges commerciaux s'intensifient : l'interpénétration de nos économies, Richard Caborn en sera d'accord, n'a jamais été aussi forte.
En 1999, le Royaume-Uni a accueilli plus de 10% des exportations françaises. Il représente aujourd'hui notre troisième client et notre troisième excédent commercial. Je note à ce propos que les exportations britanniques à destination de la France ont augmenté de plus de près de 16,5% au premier semestre de cette année, ce qui confirme la tendance à l'équilibre. Mais ce qui importe surtout, c'est que le rythme de nos échanges commerciaux s'accélère encore.
Les entreprises françaises jouent aujourd'hui un rôle significatif dans les services publics britanniques : dans le secteur de l'eau avec Vivendi, ou Suez Lyonnaise, dans le traitement des déchets avec Sita et Onyx Je pense également aux opérations menées dans les secteurs des télécommunications et de l'image : le rachat de l'opérateur Orange par France Télécom, les prises de participation de Vivendi dans la société de commerce électronique Scoot.com ou dans la chaîne B-Sky-B.
Cet engagement des entreprises françaises est parfois mal compris, voire stigmatisé par la presse. Lors de ma dernière visite, certains tabloïds, friands ce ces scènes domestiques entre nos deux pays, titraient sur " l'invasion française " dans l'économie britannique. C'était oublier une autre invasion, plus perfide encore, celle des footballeurs français dans la Premier League, de Cantona à Barthez
Mon sentiment est différent. Si j'en crois les estimations de la Banque de France, ces investissements sont bien loin d'être unilatéraux et le Royaume-Uni apparaît comme le 3ème investisseur étranger en France, devant l'Allemagne. Je note que Kingfisher, le partenaire de notre dîner ce soir, a racheté en 1998, Castorama et But, deux grandes enseignes de la distribution française. Dans le domaine des nouvelles technologies, Cable and Wireless a racheté, au début de l'année, ISDnet, le deuxième transporteur de trafic Internet en France et NTL a repris les parts de France Telecom qui représentaient 49,9% du capital de Noos. Tout récemment encore, Lastminute.com a racheté le voyagiste français Degrifftour.
Il s'agit bien d'investissements réciproques. Dans ces secteurs stratégiques de l'information et de la communication et des industries de pointe, nos entreprises ont compris tout l'intérêt de l'union. Il en va de même dans l'aéronautique à travers la constitution d'EADS, en partenariat avec l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Italie ou bien le projet du futur Airbus A3XX.
Fondamentalement, je crois que nos deux pays ont tout à gagner à la mise en commun de leur savoir-faire, de leur qualités propres. Je suis d'ailleurs admiratif de l'inventivité britannique dans tous les domaines : des créateurs de mode comme Galliano et Mc Queen ont fait soufflé un vent de nouveauté dans la haute couture française !
2). Relever ensemble le défi de l'innovation au sein de l'Europe
La richesse de ces liens fait de notre partenariat une évidence. Cette effervescence industrielle, cette interpénétration, doivent se retrouver dans une action commune au service de l'innovation, donc de la croissance en Europe. J'évoquais la richesse et la qualité des liens qui existent entre nos deux pays Je remarque que, pour le seul mois de septembre, ma visite à Richard Caborn aujourd'hui est la troisième rencontre bilatérale au niveau gouvernemental après celles de Lionel Jospin avec Tony Blair et d'Hubert Védrine avec Robin Cook.
La France s'est fixé plusieurs objectifs importants au cours de sa présidence de l'Union européenne et en particulier celui de l'élargissement. Il s'agit en effet d'achever les travaux de la CIG sur la réforme institutionnelle en vue, notamment, de l'accueil des 12 pays candidats. Mais, il s'agit également de mettre en uvre l'objectif politique fixé à Lisbonne, sous l'impulsion du chef de gouvernement britannique, de favoriser l'Europe de la croissance, de l'emploi et de l'innovation. Le Conseil de Lisbonne avait fixé un objectif ambitieux à l'Europe : devenir l'économie de la connaissance la plus dynamique du monde. Ce défi, nous devons le relever ensemble. La France est particulièrement attentive au suivi et à la promotion du plan d'action Europe qui prévoit un plus large accès à Internet, l'engagement de programmes d'investissement importants dans les infrastructures, c'est à dire les réseaux, et dans l'indispensable formation des hommes.
La croissance, le contexte économique favorable, nous commandent d'être ambitieux. En effet, on annonce une progression de 10 à 11 % du volume des échanges mondiaux pour la seule année 2000. Les perspectives de la croissance mondiale sont les meilleures de la décennie avec une prévision de 4,75% pour cette année. Le redressement de l'Europe est tiré en particulier par la vigueur des économies britanniques et française. Je me permets d'ailleurs, en présence de Richard Caborn, de saluer la politique du gouvernement de Tony Blair. Le taux de chômage est au plus bas, autour de 5,5%, l'inflation maîtrisée et les exportations en hausse de 14 % pour ce premier semestre !
En effet, si l'emploi et la croissance sont au cur du projet européen, l'innovation en est désormais le moteur. Nos deux pays sont aux avant-postes de la recherche et du progrès technologique dans de très nombreux domaines. Au sein de l'Europe il est donc tout naturel que nous soyons, britanniques et français, les premiers à relever ce défi de l'innovation ; à le relever ensemble. Nos deux pays se doivent d'être les premiers acteurs de l'innovation, donc de la croissance européenne de demain.
En effet, comme le soulignait le Premier Ministre français Lionel Jospin lors des Etats généraux de la création d'entreprise au printemps dernier : " notre croissance future dépendra tout autant de la créativité de notre recherche et de notre potentiel d'innovation que de notre capacité à les mettre en uvre par la création d'entreprises et le développement d'activités nouvelles. "
Cette ambition, nous la mettons également au service de la création d'entreprises innovantes. Le ministre de l'économie et des finances, Laurent Fabius, vient de signer un accord entre l'Etat, la Caisse des dépôts et la Banque européenne d'investissement pour la création d'un nouveau fonds de promotion du capital-risque. Ce fonds, je cite Laurent Fabius, " insistera particulièrement sur les phases en amont, le capital d'amorçage et l'incubation. "
Déjà, des initiatives communes ont été prises. Je pense à la mise en place groupes de travail bilatéraux par D.Strauss Kahn et Stephen Byers, sur ces thèmes de l'innovation et du commerce électronique. Je pense à l'initiative commune de mon collègue Christian Pierret et de son homologue britannique H. Liddell en novembre dernier, en faveur de formations à l'esprit d'entreprise .
Mais nous pouvons et nous devons faire plus encore. Je sais que nombreux sont les projets qui visent à stimuler et à enrichir ces échanges. Je sais que la Chambre de Commerce, réfléchit, à l'initiative de monsieur Banon, à un projet d'incubateur destiné à faciliter l'internationalisation de start-ups françaises au Royaume-Uni et réciproquement l'implantation de start-ups britanniques en France. Je les encourage, je vous encourage, à poursuivre.
Cela me conduit à vous donner rendez-vous, Mesdames, Messieurs, aux assises européennes de l'innovation à Lyon le 21 novembre. Le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie en est l'un des organisateurs. Il a intitulé cette réunion " Vers un espace européen de l'innovation ". La France et le Royaume-Uni sont les mieux placés pour créer cet espace, à condition de rendre opérationnel ce partenariat.
Nos gouvernements ont dessiné les perspectives et mis en place les outils d'une coopération fructueuse pour l'innovation. Mais nous ne pouvons, ni ne voulons, nous substituer aux acteurs économiques que vous êtes. C'est à vous qu'il appartient maintenant de relayer cette politique, de tirer parti de nos efforts en matière de financement de la Recherche Développement, de formation et d'aide à la création d'entreprises. Je serais heureux maintenant, en compagnie de Richard Caborn, de vous écouter, de découvrir quels sont vos projets, quelles sont vos stratégies en faveur de l'innovation.

(Source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 25 septembre 2000)