Interview de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, à "France 2" le 24 mars 2005, sur le renforcement du contrôle et des sanctions en matière de sécurité routière, le service minimun en cas de grève dans les transports en commun, et sur la campagne du référendum sur la Constitution européenne.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

Q- On va parler transport, mais d'abord un mot de Jules Verne, je vous ai entendu réagir pendant le reportage.
R- Eh bien oui, parce qu'il est né à Nantes. Bien entendu, W. Leymergie a tout à fait raison. Il a vécu à la fois au Crotoy, un peu parce qu'il avait un bateau qui s'appelait "Le Saint-Michel", mais il a surtout écrit à Amiens, sa maison existe là, on est en train de la rénover. Il était conseiller municipal d'Amiens, c'est-à-dire dans le siège que j'occupe actuellement.
Q- Et vous êtes-vous même élu d'Amiens, donc il est un peu...
R- Je suis élu d'Amiens, il a laissé des choses formidables comme le Cirque municipal d'Amiens, un grand cirque en pierre, plus grand que le cirque d'Hivers. Bref, il est Amiénois, Nantais d'origine, Amiénois, et enterré d'ailleurs à Amiens.
Q- C'était le coup de gueule de G. de Robien du jour.
R- Absolument, parce qu'on revendique cette année "Vernienne" comme étant autant nantaise qu'amiénois et on se partage d'ailleurs toutes lesactivités. Et aujourd'hui, par exemple il y a une superbe exposition au musée de la Marine de Paris sur Jules Verne, qui est faite aussi bien par les Nantais que par les Amiénois.
Q- Alors, on parlait de coup de gueule. Aujourd'hui, c'est la journée de la courtoisie au volant, donc pas de coup de gueule au volant. Est-ce que ce n'est pas un petit peu un gadget de dire comme ça qu'une fois par an on ne sera pas agressif au volant ?
R- D'abord c'est un petit rappel, mais c'est un sourire dans l'année, à propos de la sécurité routière. C'est vrai que l'agressivité entraîne des accidents.
Q- On a des chiffres là-dessus ? Est-ce qu'on sait si l'agressivité c'est un vrai facteur
d'accidents ?
R- Ça paraissait évident. Je ne sais pas si on a des chiffres réels, mais plus on est pacifique au volant et moins on a d'accidents, et plus on est agressif et nerveux, et tendu, et considérant l'autre comme un ennemi potentiel, et plus quelque part bien sûr, il y a un risque de collision. Moi, je crois que cette journée elle est bonne, parce qu'elle rappelle qu'il faut conduire avec le maximum de prudence, qu'on a fait des progrès considérables, mais qu'il reste encore des marges de progrès considérables, et de passer de 8.000 décès par an à 5.200, c'est bien. Eh bien l'année 2005, j'espère, verra de nouveaux progrès pour qu'on passe en dessous de la barre des 5.000.
Q- C'est-à-dire que vous dites aujourd'hui, en 2005 on doit passer sous cette barre des 5.000 ?
R- On doit passer parce qu'il y a encore beaucoup trop d'accidents qui sont dus...
Q- C'est l'objectif du Gouvernement ?
R- C'est l'objectif du Gouvernement, et même au-delà, parce qu'on connaît les causes aujourd'hui. C'est toujours la vitesse, même si les automobilistes ont beaucoup réduit leur vitesse, grâce à la pédagogie, aux associations, grâce aussi aux radars automatiques, et puis une prise de conscience collective, on a beaucoup réduit la vitesse, on a réduit aussi la prise d'alcool au volant, mais il y a encore beaucoup trop d'accidents dus à la vitesse et à l'alcool, ou à l'un, ou à l'autre, et il y a encore bien trop de victimes dues au non-port de la ceinture de sécurité à l'arrière.
Q- Justement aujourd'hui, vous lancez une campagne pour le port de la ceinture de sécurité à l'arrière. Cela veut dire que de ce point de vue-là, les Français sont négligents ?
R- Encore négligents. Ils ont fait d'énormes progrès pour le port de la ceinture de sécurité à l'avant, presque 100% en milieu rural, et en milieu urbain je crois autour de 70 ou 75%. Mais à l'arrière, il y a encore beaucoup trop d'oublis, on va dire ça, d'oublis, volontaires ou involontaires.
Q- Et c'est souvent les enfants qui sont victimes, parce que ce sont eux qui sont à l'arrière.
R- Souvent, bien sûr, les enfants sont victimes, et vous savez, un choc à 30 ou 40 kilomètres/heure, c'est un poids de 400 kilos qui arrive dans un pare-brise pratiquement incassable, c'est-à-dire contre un mur, et à ce moment-là, c'est le cas échéant le décès ou un crâne défoncé, ou plusieurs...
Q- Et pourtant il y a des sanctions qui sont lourdes, mais les gens ça ne les dissuade pas ?
R- Et c'est pour ça qu'on lance une campagne très importante de communication, que les Français vont peut-être trouver cruelle parce qu'on montre des images, reconstituées bien sûr - tout ça c'est artificiel et c'est fait par des acteurs -, mais on montre des amis, des copains dans une voiture, qui se disent : tiens ! on a peut-être oublié quelque chose. Et à ce moment-là, le choc arrive et on les voit se projeter, ceux de l'arrière, se projeter dans le pare-brise. Et là c'est dur, il y a, c'est vrai, comme dans les films d'horreur, du sang sur le pare-brise et autre. C'est pour rappeler qu'il faut mettre sa ceinture à l'arrière.
Q- L'autre actualité dans les transports c'est les grèves, il y en a cette semaine en Ile-de-France dans les transports publics, est-ce que l'idée d'une loi sur le service minimum elle est définitivement abandonnée ou est-ce qu'elle peut revenir, comme avait l'air de le dire J.-P. Raffarin, dimanche dernier ?
R- Non, il n'a pas dit ça. Il a dit que si on n'arrivait pas à améliorer la prévention des conflits, le service garanti en cas de grève, à ce moment là rien n'est exclu. Mais la loi, si elle avait été votée il y a six mois, n'aurait pas supprimé la grève d'aujourd'hui, il ne faut pas raconter d'histoire. Chaque fois qu'il y a une grève, on dit : ah mais il faut une loi sur le service minimum. Mais la loi ne va pas supprimer le droit de grève. les français y sont attachés, le droit de grève est dans la Constitution.
Q- Vous, vous dites, ça ne sert à rien une loi sur le service minimum ?
R- Moi, je dis que tant qu'on peut avancer - et on avance - sur la prévention des conflits, c'est-à-dire avant de faire des grèves, voyons comment on peut se concerter beaucoup mieux pour éviter des préavis de grève et donc éviter des grèves, et ça marche bien. A la RATP, ça marche depuis 95 ou 96...
Q- Ce n'est pas l'impression qu'ont les banlieusards parisiens.
R- Eh bien si, eh bien si. Quand on regarde le nombre de journées de grève par agent, par exemple à la SNCF, on était en 2004 à 0,4 journée par agent de grève, alors qu'il y a trois, quatre ou cinq ans, on était à 3 jours de grève par agent. Cela veut dire que les grèves ont considérablement diminué. Mais le mois de mars est un mois traditionnel où, vous savez, il y a les problèmes de notation, et ce qui est proposé par la direction de la SNCF - c'est bien -, c'est de tenir compte du mérite de chaque agent. Mais le mérite, ils devraient être fiers d'être notés, en partie, sur le mérite. C'est la reconnaissance de l'effort, et donc je trouve que là, il y a vraiment un bon, enfin il doit y avoir un bon dialogue entre la direction et les agents pour aboutir à une solution, mais le mérite est vraiment une des parties nécessaires à la notation et à l'avancement des agents de la SNCF.
Q- L'actualité politique, c'est le référendum sur la Constitution. Hier, F. Bayrou, qui est le patron de l'UDF, disait : il faudrait que le Gouvernement se mette en retrait de la campagne. Vous, vous êtes le ministre UDF du Gouvernement, ça veut dire quoi, que vous allez vous croiser les bras ?
R- Sûrement pas. D'abord parce que je suis UDF, et je vous rappelle que c'est l'UDF qui a été la première famille politique de France à demander une Constitution pour l'Europe. Deuxièmement, je rappelle aussi d'ailleurs que le président de la République française a été le premier chef d'Etat en Europe à demander une Constitution. Et, troisièmement, les membres du Gouvernement, par définition, sont des acteurs de la politique et s'ils ne peuvent pas apporter la pédagogie, l'explication de ce que très concrètement ça va apporter en démocratie pour l'Europe que d'avoir une Constitution, s'ils ne peuvent pas dire leur foi dans l'Europe et montrer qu'on fait partie d'une grande communauté européenne tous ensemble, c'est ça qui a le même destin, un même dessein, à construire ensemble par les voies démocratiques beaucoup plus que par les voies technocratiques qu'on a trop connues dans le passé, alors le Gouvernement ne ferait pas son devoir...
Q- Donc F. Bayrou a dit une bêtise, si je vous écoute ?
R- Il a donné un point de vue...
Q- Selon vous, il avait tort ?
R- Et lui va s'engager dans la campagne européenne, et c'est tant mieux, parce qu'il est très pédagogue, en portant ce message européen qu'il porte depuis sa vocation politique, depuis l'origine et donc...
Q- Mais quand il dit que le Gouvernement ne doit rien faire, selon vous, il a tort ?
R- Quand il dit que le Gouvernement ne doit rien faire, je pense qu'il estime qu'il est suffisamment grand tout seul pour expliquer que le oui doit l'emporter et qu'il va expliquer.. Non, je crois que plus on sera nombreux, et connaissant les dossiers, à expliquer très concrètement ce que peut apporter le oui au référendum pour l'Europe, et pour les français en particulier, plus on sera nombreux, plus on sera expérimenté à le faire, et dans nos fonctions ministérielles bien entendu qu'on a des multitudes d'exemples pour démontrer ce qu'apporte l'Europe à la France et aux français, eh bien plus le oui a des chances de l'emporter. Et donc, je crois que François BAYROU a eu peut-être un geste d'humeur à l'égard du Gouvernement en disant cela.
Q- J. Chirac, il doit s'engager lui aussi ?
R- C'est la journée de la courtoisie, vous comprenez.
Q- Et J. Chirac il veut s'engager quand ?
R- J. Chirac il a dit qu'il parlerait aux Français. Il est président de la République et je comprends son désir en tout cas de parler aux Français, et j'attends comme tous les Français, je pense, avec beaucoup d'impatience et d'intérêt, son message.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 25 mars 2005)