Interview de M. Arnaud Montebourg, député PS, à "Europe 1" le 20 mai 2005, sur le débat politique à l'intérieur du PS entre partisans du "oui" et du "non" pour le référendum et sur une éventuelle renégociation de la Constitution européenne.

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Média : Europe 1

Texte intégral

Q- A. Montebourg, député socialiste de Saône-et-Loire, partisan du "non" à la Constitution. Vous avez évidemment entendu L. Jospin, ce matin. "Le "non" de gauche trompe les Français", dit-il. Est-ce que vous vous sentez visés ?
R- D'abord, je crois que les socialistes devraient avoir la sagesse, quelque soit leurs convictions, de se respecter les uns les autres dans leurs convictions.
Q- Jospin ne respecte pas les socialistes qui disent "non" ?
R- En tout cas, je crois que la stigmatisation, de part et d'autre, maintenant devient inacceptable. Cela devient difficile pour les socialistes de continuer à se mettre en cause les uns les autres.
Q- Donc L. Jospin s'est un peu trompé d'argumentaire ?
R- Moi, je crois qu'il faut qu'on se respecte les uns les autres. Voilà ce que je dis, parce que nous aurons besoin dans une semaine d'être tous rassemblés pour agir contre la droite, et puis proposer une alternative et une alternance.
Q- Comment ça agir contre la droite ? Ce n'est pas un combat droite - gauche la Constitution européenne.
R- Je crois que, sincèrement, il y a des militants, des sympathisants, des électeurs de gauche qui, en tout sincérité et qui ont aussi peu d'ambitions personnelles que L. Jospin, ont un problème de conscience avec cette Constitution. C'est exactement mon cas. Par exemple, j'aurais voulu voter "oui" parce que je suis pro-européen. Mais je ne le peux pas en tout conscience.
Q- A cause du Gouvernement ?
R- Non, pas du tout ! Ca n'a absolument rien à voir. J'ai un problème avec ce texte, comme des millions de Français, à cause du fait qu'il y a des éléments inacceptables, notamment la troisième partie qui contient quand même 80 % du texte, ce qui est considérable, qui fige l'Europe actuelle dans une Constitution qui, de surcroît, est irrévisable. Et lorsqu'on nous dit, "En plus, on ne pourra pas renégocier", c'est-à-dire qu'on accepte des choses qui sont inacceptables, on accepte que ces choses soient irrévisables, et en plus on nous dit "Ne vous inquiétez pas, si vous votez "non", on ne pourra pas renégocier", ce qui est l'argument d'ailleurs du président de la République. Cela fait beaucoup pour la démocratie des citoyens européens. Donc, soit il fallait construire l'Europe, et continuer à la construire en dehors de la population et de l'adhésion populaire, auquel cas il ne fallait pas faire une Constitution parce que qui dit Constitution, dit approbation par le souverain. Et il va falloir qu'on se mette dans la tête que le patron en Europe, ce n'est plus les chefs d'Etat et de gouvernement, ce sont les peuples et les citoyens. Et ce n'est pas parce que Monsieur Chirac dit "On ne renégociera pas", qu'il ne faudra pas renégocier. Vous savez, le peuple américain, en 1787, a voté, revoté cent sept fois, à travers ses représentants, pour un texte qui réunissait treize jeunes Etats qui avaient décidé de s'unir, et pour sept articles. Nous, nous avons vingt-cinq Etats, et quatre cent quarante huit articles, permettez qu'on ne réussisse pas dés la première fois !
R- Renégociation donc, possible, mais ça prendra évidemment beaucoup de temps, et c'est bien ça le problème.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 20 mai 2005)