Interview de M. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation, à "RTL" le 11 mars 2005, sur le contenu du projet de loi PME.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q- Bonjour C. Jacob. Est-ce que les manifestations et les grèves d'hier ont été vécues par le Gouvernement comme une épreuve redoutable ?
R- Vous savez une manifestation, quelle qu'elle soit est toujours révélateur d'une inquiétude. Donc, si les gens sont descendus dans la rue, c'est qu'il y a une inquiétude. Et c'est ce à quoi le Gouvernement s'emploie à répondre, puisque, dès la semaine prochaine, J.-L. Borloo va rencontrer les organisations syndicales. Je crois que mon collègue R. Dutreil va également les recevoir. Et donc, le dialogue va continuer.
Q- Et donc dans votre domaine, sur les PME, donc dans le secteur privé, on sait que globalement, l'Etat appelle les branches professionnelles à la négociation salariale. Est-ce que ça concerne les PME ?
R- Oui, cela concerne les PME. Mais vous savez, dans le débat sur les petites et moyennes entreprises - on va l'aborder d'ailleurs dans quelques semaines dans la Loi PME que je vais présenter au Parlement - il faut lever les blocages, redonner des marges de manoeuvre aux petites et moyennes entreprises. Et c'est ce que nous allons essayer de faire dans le cadre de cette loi : préparer une relance de l'investissement, renforcer les moyens juridiques, évoquer également la participation. Ce sera un autre débat...
Q- On va en parler ?
R- Mais pour pouvoir redistribuer, il faut donner de la souplesse et des marges de manoeuvre aux PME. 60 % de l'emploi privé en France vient du secteur des PME. Donc à chaque fois qu'on prend une mesure en faveur des PME, c'est une mesure en faveur de l'emploi.
Q- En attendant, hier dans le journal de 18h de RTL, le président de la Confédération Générale des PME, J.-F. Roubaud, affirmait que dans les PME, on n'a pas les moyens d'augmenter les salaires.
R- Le débat sur les marges des PME, vous savez, on vient de connaître en 2004 - et je pense que les décisions prises par le Gouvernement n'y sont pas étrangères - une croissance finalement plus importante que ce qu'on aurait pu imaginer puisqu'on a fini l'année 2004 avec 2,5 de croissance. Les entreprises ont reconstitué des réserves pour pouvoir assumer leurs investissements, faire face aux différentes charges, et il y a effectivement un décalage entre cette croissance et l'emploi. Mais je crois qu'aujourd'hui, si on continue à accompagner le développement des entreprises, les chiffres de la création d'entreprises sont les plus importants que nous avons eus depuis 20 ans.
Q- C'est du pouvoir d'achat dont on parle.
R- Oui. Mais simplement il faut reconstituer des marges de manoeuvre aux entreprises, et puis faire en sorte de lever un certain nombre de blocages
à l'emploi.
Q- Et dans l'immédiat, vous pouvez faciliter, pour ne pas dire obliger la négociation entre patrons de PME et syndicats ?
R- On va prendre des mesures fiscales importantes. Voyez par exemple, en matière de transmissions, lorsqu'on abaisse le coût des droits de transmissions, c'est autant d'endettement en moins pour celui qui va reprendre une entreprise. Donc autant de possibilités d'ouvrir et d'avoir de la souplesse sur les salaires, puisqu'il ne met pas dans des charges fiscales, eh bien il pourra le mettre sur des salaires.
Q- La loi dont vous parlez et que vous allez déposer- je ne sais pas - elle sera en Conseil des ministres quand ?
R- Eh bien fin mars, début avril disons, au Conseil des ministres. Et à peu près deux mois après, devant le parlement.
Q- Cette loi, elle comporte - et c'est une forme de réponse aux revendications de pouvoir d'achat je pense - des dispositions sur l'intéressement des salariés aux bénéfices, la participation, l'actionnariat. En quoi cela sera-t-il une réponse d'ailleurs ?
R- C'est une réponse qui est très importante. Tout d'abord sur le plan de la mobilisation : faire en sorte de pouvoir partager et faire bénéficier des résultats de l'entreprise l'ensemble des personnes qui y contribuent. Mais là aussi il faut donner, apporter une réponse aux chefs d'entreprise, c'est à dire pour ouvrir la participation, eh bien que ce soit lié à des avantages particuliers qui seront donnés aux petits patrons de PME.
Q- Vous allez inciter les patrons à entrer dans des accords de participation avec les salariés.
R- Oui. Parce que je pense que c'est à la fois favorable pour le pouvoir d'achat, et aux revenus des salariés, mais aussi parce que ça crée une mobilisation autour d'un projet d'entreprise. Et le regard qui est porté aujourd'hui par les Français sur l'entreprise est beaucoup plus favorable qu'il l'était il y a quelques années. Mais il faut contrer cet esprit de groupe, et puis qu'on se batte tous ensemble.
Q- Je constate que les réponses que vous faites, par rapport au pouvoir d'achat, ne sont pas d'effets immédiats : par la participation, ça ne va pas immédiatement augmenter le pouvoir d'achat de ceux qui en profiteront.
R- La réponse sur la participation et sur les marges de manoeuvre qu'on peut donner aux PME pour qu'ensuite, eh bien, il puisse y avoir effectivement une retombée sur les salariés, c'est au cours de l'année, puisque ce projet de loi, il n'est pas dans six mois ou dans un an, mais c'est dans deux mois.
Q- Il y a une autre façon de prendre la question : c'est les prix. Si on fait baisser les prix, le pouvoir d'achat, automatiquement, peut s'améliorer. Vous avez là dessus vu comme tout le monde que M.-E. Leclerc a lancé une campagne sur la baisse des prix. Il a publié des affiches qui évoquent les CRS tels qu'ils étaient dessinés en mai 68, en disant "les gens de la hausse des prix oppressent votre pouvoir d'achat". Elles ne vous plaisent pas tellement ces affiches, je crois ?
R- Je pense qu'il ne faut pas tomber dans la démagogie sur ce sujet. Qu'est ce que dit M.-E. Leclerc ? Il dit : laissez-moi tordre le cou aux fournisseurs, baisser les prix, supprimer des emplois chez les fournisseurs, pour que je puisse redistribuer aux consommateurs. Moi je réponds à M.-E. Leclerc : rendez l'argent aux consommateurs, et puis jouez sur les marges de la grande distribution. Où sont les profits importants aujourd'hui ? Ils ne sont pas chez les petits patrons de PME. Ils sont bien dans la grande distribution. Donc, que Mr M.-E. Leclerc commence par redistribuer une partie de ses marges, et puis après, on parlera d'autre chose avec lui.
Q- Enfin la démarche qui est de baisser les prix pour relancer la croissance.
R- Moi je suis prudent sur ces approches vous savez. Parce que le premier élément du pouvoir d'achat, c'est d'abord d'avoir un travail et d'avoir un salaire. Et ce n'est pas en allant détruire des emplois dans les PME que nous redistribuerons du pouvoir d'achat.
Q- Baisser les prix pour relancer la croissance, c'est un petit peu la logique qu'avait adoptée N. Sarkozy quand il était à Bercy.
R- Il faut jouer sur deux tableaux : l'élément prix est un élément qui compte. Mais celui de l'emploi est tout aussi important
Q- Si le mécontentement social n'est pas bien pris en compte par le Gouvernement, ça risque d'augmenter les votes négatifs lors du référendum ?
R- Je pense qu'il ne faut pas confondre les choses, parce que l'Europe a apporté beaucoup de réponses en matière de croissance et d'emplois. Et la pire des choses ce serait qu'il y ait une confusion. Nous avons un projet européen qui est extrêmement important, vous savez. Contrairement à tous les débats européens que nous avons eu jusque maintenant, où en fait on demandait aux états de transférer des compétences à l'Europe, là au contraire on renforce le pouvoir des concitoyens. Donc faisons en sorte que cette Constitution soit une belle réussite, une belle victoire pour la France et l'Europe.
Q- Vous avez aussi un chef de campagne, qui est N. Sarkozy.
R- Et puis un chef de Gouvernement, et un Président de la République. Et la mobilisation, eh bien de l'ensemble, à la fois de l'équipe gouvernementale, mais aussi, je l'espère d'une grande majorité des Français pour l'Europe
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 14 mars 2005)