Interviews de M. Xavier Bertand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie, à Radio Classique le 3 mai 2005 et à RMC le 4 mai 2005, sur la constitution européenne, la réforme de l'assurance maladie et le déficit de la sécurité sociale et la journée de solidairté en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - Radio Classique - RMC

Texte intégral

Radio
Classique
Le 3 mai 2005
Q- Vous avez certainement lu l'information qui fait la Une du Figaro, ce matin : le "oui" remonte à 53 % dans la perspective du référendum du 29 mai sur la Constitution européenne. Alors, réjouissance, je présume, à la fois pour le citoyen Bertrand et le ministre du gouvernement Raffarin ?
R- Réjouissance, on peut utiliser le terme, mais je dirais aussi prudence, parce que rien n'est joué. On s'aperçoit que tout est possible. Je fais confiance. Je suis un élu du département de l'Aisne et on connaît bien Jean de la Fontaine chez nous, et c'est la fable du lièvre et de la tortue : le lièvre du "non" était parti bien fort, bien vite, et vous connaissez la fin de la fable. Je crois qu'il faut vraiment faire confiance à la tortue du "oui".
Q- Oui, toujours les grandes morales à respecter. Comment expliquez-vous cette remontée du "oui", finalement ? Même Le Figaro titre ce matin que le "oui" est poussé par une forte progression dans les rangs socialistes. Merci L. Jospin ?
R- Le "oui" est surtout synonyme de bon sens. Il y a cette musique du bon sens qui est dans la tête des Français et qui leur fait comprendre que cette Constitution apporte des avancées. Il n'y a aucun recul dans cette Constitution par rapport à la situation que nous connaissons aujourd'hui. Donc, il n'y a que des plus alors qu'aujourd'hui, les partisans du "non" sont un peu à court d'arguments. On a tout entendu, on a entendu beaucoup de contrevérités, mais il n'y a pas d'argument très concret. Si l'on prend les articles, les uns après les autres, si on les prend concrètement, si on prend le temps de lire cette Constitution, en s'attachant surtout à la première et à la deuxième partie de cette Constitution, on s'aperçoit qu'il n'y a aucun des dangers dont on parle, il n'y a que des avancées. Si on veut une Europe plus démocratique...
Q- Même en matière sociale ?
R- ...Si l'on veut une Europe plus sociale, les garanties sociales sont apportées par cette Constitution. Si l'on veut aussi une Europe plus sûre, il faut voter "oui" à cette Constitution européenne.
Q- Certains, dont monsieur Fabius, ne sont pas du tout convaincus de cela.
R- Mais je crois qu'ils ne disent pas la vérité. Entre la situation d'hier, qui ne nous offrait pas assez de garanties sociales et la situation de demain, en votant "oui" à cette Constitution, il n'y a pas photo entre les deux, il n'y a pas photo. Si l'on veut avoir un rôle plus important pour les partenaires sociaux, si l'on veut pouvoir élever le niveau de protection sociale dans l'Europe et l'élever, c'est-à-dire un nivellement par le haut - c'est ce qui m'intéresse, en ce qui me concerne -, si l'on veut aussi pouvoir avoir cette Charte des droits fondamentaux, qui seront autant de garanties pour nos salariés, en cas notamment de licenciements injustifiés - c'est l'article 2.90 - eh bien c'est le "oui", encore une fois, qui s'impose.
Q- En quoi l'Europe de demain sera-t-elle un plus en matière de santé publique ?
R- En matière de santé publique, c'est l'exemple type de ce que peuvent nous donner les fameuses coopérations renforcées. Il faut savoir, notamment dans des domaines comme la recherche contre le Sida, que nous avons deux possibilités : soit continuer ce qui a été fait pendant longtemps, trop longtemps, c'est-à-dire de chercher chacun dans son coin, chaque pays pouvant chercher dans son coin, peut-être même sur le même type de gènes ou alors peut-être sur la même partie du virus, alors que nous avons tout intérêt à nous concerter, à nous mettre en place cette Europe de la santé. P. Douste-Blazy a souhaité réunir l'ensemble des ministres de la Santé, voilà quinze jours, pour que nous puissions nous mettre d'accord et chercher ensemble. Parce que, ce qui nous intéresse, c'est d'avoir, en Europe, les vaccins de première génération contre le sida, plutôt que de laisser les Américains chercher à notre place. Je préfère, effectivement, que cette Europe de la santé se construise très concrètement, parce que c'est aussi un plus pour les consommateurs, les citoyens, et, en ce qui nous concerne, les uns et les autres.
Q- Donc, ce que vous dites, c'est que les considérations de santé devront être présentes à l'esprit du législateur. Est-ce que l'Europe de la santé a avancé réellement depuis le Traité de Rome ?
R- Depuis le Traité de Rome, oui. J'ai cette conviction qu'aujourd'hui, vous savez, les problèmes de santé peuvent dépasser les frontières - on le voit notamment en cas de virus, on le voit notamment avec la grippe. Cela ne sert pas forcément à grand-chose qu'un pays puisse protéger un certain nombre de ses citoyens les plus faibles - je pense aux personnes âgées en cas de grippe - si nous n'avons pas les mêmes politiques menées, effectivement, dans d'autres pays européens. C'est quelque chose que j'ai défendu lors du dernier sommet européen auquel j'ai participé en décembre, à Bruxelles. Il nous faut travailler davantage ensemble. Les virus, les épidémies, ne connaissent pas les frontières. Nous devons avoir des actions coordonnées et concertées.
Q- Ça, c'est pour la recherche, précisément, mais la santé en Europe, monsieur le ministre, c'est aussi la protection sociale et cette Europe de demain pourra-t-elle s'occuper, par exemple, de notre sécurité sociale à part entière ?
R- Non, ce qu'il faut savoir, c'est que la Sécurité sociale, c'est l'article 2.94 et cela relève bel et bien de la compétence propre des Etats, c'est-à-dire que personne ne pourra jamais diminuer le niveau de notre protection sociale et le niveau de notre Sécurité sociale. Si nous avons voulu cette réforme de l'assurance maladie, avec P. Douste-Blazy, c'est justement pour garder notre Sécu à la française. L'Europe va permettre l'élévation de la protection sociale, notamment pour les pays qui ne disposent pas aujourd'hui d'une vraie protection sociale, ce qui, entre parenthèses, va permettre d'éviter, à terme, le dumping social et le dumping fiscal, parce que si les nouveaux entrants ont, demain, une protection sociale, ce sont eux qui devront la financer, ce n'est pas nous qui financerons leur protection sociale. Maintenant, la nôtre est protégée par la règle de l'unanimité ; nous n'avons donc rien à craindre de l'Europe en la matière.
Q- Alors, pas de dumping social, pourtant, dans les gros dossiers que vous portez à bout de bras en ce moment, il y a celui du médecin référent...
R- Médecin traitant.
Q- La réforme de l'assurance maladie prévoit que d'ici au 1er juillet, chaque assuré depuis l'âge de 16 ans, choisisse un médecin traitant qu'il devra consulter avant d'aller voir tout autre praticien sous peine d'un moindre remboursement. Dans la Voix du Nord, il y a quelques jours, vous avez annoncé que les assurés sociaux frontaliers pourront choisir leur médecin traitant dans un autre pays de l'Union européenne. C'est ce que l'on appelle la concurrence, non ?
R- Non. Sur le papier, sur le principe, il sera possible de choisir un médecin traitant de l'autre côté de la frontière, mais je dis bien sur le papier, sur le principe. Pourquoi ? Parce que le médecin traitant, c'est avant tout le médecin de famille, on n'imagine pas faire des kilomètres pour aller choisir son médecin traitant, pour aller choisir son médecin de famille. Ce qui est vrai aujourd'hui, c'est qu'il y a des personnes qui ont l'habitude, notamment des frontaliers, d'aller, parce qu'elles travaillent par exemple en Belgique ou en Allemagne, voir un médecin étranger, mais il faut savoir que quand nous avons bien regardé les choses, cela peut représenter au maximum quelques centaines de cas par an. Donc, il n'y a aucune crainte à avoir. Vous savez, le médecin de famille, c'est souvent celui que l'on a le plus près de chez soi, celui à qui on fait le plus confiance. Il n'y aura donc aucun changement, surtout que pour les cas précis dont je viens de parler, il faudra un conventionnement spécifique avec l'assurance maladie, de façon à pouvoir offrir toutes les garanties aux salariés. Il faut savoir que nous voulons simplifier la vie des transfrontaliers, mais il faut aussi bien comprendre que cette réforme, c'est bel et bien dans la logique de la Sécurité sociale à la française.
Q- Donc, il n'y aura pas de régime à deux vitesses pour les travailleurs frontaliers ?
R- Non, absolument pas de régime à deux vitesses. Une simplification pour celles et ceux, les transfrontaliers, qui peuvent parfois travailler au quotidien de l'autre côté de la frontière, et qui peuvent aussi avoir des situations d'urgence qui les amènent à se faire soigner de l'autre côté de la frontière. Mais une chose est certaine : nous sommes bel et bien dans la logique de la préservation du système de santé à la française. C'est bien la règle de l'unanimité qui s'applique en la matière et nous avons donc toutes les garanties pour aujourd'hui et demain concernant notre Sécurité sociale.
Q- Les dossiers, quant au médecin traitant, où en sont les chiffres, précisément ? Les Français ont-ils bien répondu ?
R- Oui, nous avons, aujourd'hui, plus de 8 millions et demi de Français qui ont déjà choisi leur médecin traitant. Cela s'explique parce que le médecin traitant, c'est la logique du médecin de famille, c'est-à-dire le médecin qui vous connaît le mieux, qui connaît le mieux vos problèmes, qui est le plus à même de vous conseiller quand vous avez un ennui ou une inquiétude. Donc, cette logique qui était très présente, qui est parfois beaucoup plus présente en province qu'elle ne l'est dans les grandes métropoles, nous permet de dire aujourd'hui que l'objectif de 40 % de Français ayant choisi leur médecin traitant au 1er juillet, objectif qui semblait ambitieux pour certains, cet objectif sera bel et bien tenu. La réforme est en marche, mais il n'y a pas que cela dans la réforme, il y a aussi le dossier médical personnel informatisé, qui va permettre aussi d'éviter les accidents dus aux médicaments, les examens inutiles et en double. Savez-vous qu'il y a, aujourd'hui, dans notre pays, un examen sur six qui est fait en double, qui est inutile et qui ne sert à rien. Parce que nous avons demandé des efforts aux Français, pour garder leur Sécurité sociale, nous avons besoin aussi de leur donner la garantie que les abus, les excès, les gaspillages, c'est fini, nous voulons y mettre un terme.
Q- Donc, objectif économies. Aujourd'hui, débute à l'Assemblée nationale la discussion du projet de loi organique relatif aux lois de financement de la Sécurité sociale - c'est un petit peu technique -, discussions prévues sur deux jours. On va parler gros sous et limitation des dégâts en matière de dépenses ?
R- Non, on ne va pas parler gros sous, parce que l'assurance maladie ce n'est pas seulement une question économique. L'assurance maladie c'est de mettre en avant, avant tout, la qualité des soins, parce que c'est la non qualité qui nous coûte cher aujourd'hui dans notre système de santé. La loi organique permet de répondre, en définitive, à trois questions. La première, c'est à quoi servent les 350 milliards d'euros de politique de Sécurité sociale dans notre pays ? A quoi servent ces 350 milliards d'euros ? La deuxième chose c'est : quels objectifs nous nous fixons ? Et enfin, parce que c'est important, c'est : les résultats sont-ils à la hauteur des objectifs que nous nous sommes fixés ? Nous sommes donc dans une logique, à la fois de transparence, de pluri annualité, parce que nous avons d'y voir clair sur plusieurs années, et surtout de pouvoir rendre des comptes, de pouvoir évaluer des choses vis-à-vis des Français pour qu'ils sachent exactement à quoi servent les 350 milliards d'euros de politique de Sécurité sociale. Il y a la famille, il y a l'assurance maladie, il y a aussi la retraite.
Q- Cela, c'est le message, le discours politique, et puis il y a les chiffres derrière. On va en parler un petit peu quand même. L'objectif du Gouvernement...
R- Cela va dans le bon sens, les chiffres.
Q- Par exemple, un trou de 12 milliards d'euros, on a fait mieux, mais on reste à 12 milliards.
R- Il faut savoir que ce qui était prévu, quand nous sommes arrivés avec P. Douste-Blazy dans ce ministère, c'était pour mener une réforme qui était indispensable, parce qu'il faut savoir que l'on allait droit dans le mur et que si jamais nous n'avions pas fait cette réforme, nous n'avions plus notre système de Sécurité sociale. Pourquoi ? Parce qu'il aurait fallu, soit diminuer les remboursements de moitié - ce n'est pas moi qui l'indique, c'est le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie -, soit doubler la CSG. Inimaginable dans les deux cas. La réforme vise à mieux organiser notre système de santé. On nous avait dit que nous aurions 13 milliards d'euros de déficit, nous sommes aujourd'hui à un peu plus de 11 milliards d'euros, cela va dans le bon sens. Il n'est pas question de crier victoire aujourd'hui, mais je peux dire aujourd'hui aux Français que l'objectif que nous nous sommes fixé, de 8 milliards d'euros de déficit à la fin de l'année 2005, sera bel et bien tenu et nous continuerons ensuite ce travail.
Q- Quatre milliards d'euros en moins en huit mois. Comment
faites-vous ?
R- C'est, pour l'assurance maladie, à peu près deux milliards d'euros de moins, c'est une bonne nouvelle. Il y a, avant tout, des recettes de la Sécurité sociale qui sont meilleures que prévu. Et puis, il y a aussi un effet dépenses, c'est-à-dire qu'il y a une prise de conscience de la part des Français, "une dimension psychologique", diront certains. On fait certainement...
Q- Pas de cotisations supplémentaires ?
R- On fait davantage attention... Non, parce que les cotisations nouvelles ont été créées à partir du 1er janvier seulement. Il y a une dimension psychologique. On s'aperçoit que depuis le début de l'année, les chiffres sont encourageants et sont un peu plus importants encore qu'on ne le pensait. Les dépenses de soins de ville augmentent très modérément, moins de 2 %, et les arrêts de travail, les arrêts de travail sont en baisse, de près de 5 % ; c'est du jamais vu ! On a longtemps connu des augmentations d'arrêts de travail de 9 à 13 % par an, on a une baisse de - 5 %. Cela montre bel et bien que la prise de conscience est en marche et que les Français sont prêts à faire évoluer leur comportement.
Q- Mais, en dehors de tout discours vraiment politique, vous arriverez, vous parviendrez à tenir l'objectif de 8 milliards horizon 2005 et retour à l'équilibre en 2007 ?
R- Je vous donne ce rendez-vous à la fin de l'année, pour voir, si oui ou non, nous sommes à 8 milliards. Je vous dis que oui, ce matin. Et puis, nous avons toujours dit que l'objectif très clair c'était le retour vers l'équilibre à la fin de l'année 2007, en mettant en avant, encore une fois, l'organisation du système de soins, éviter le cloisonnement qu'il y a, qui a longtemps été trop important, et puis surtout, en mettant en avant la qualité des soins. Ce qui est bon pour un patient est forcément bon pour la Sécurité sociale.
Q- La santé, vous le disiez, ce n'est pas qu'une question économique, c'est aussi peut-être le management. Que dites-vous, monsieur le ministre, ce matin, aux urgentistes en grève, qui seraient à l'écoute ? Ils ne risquent pas, car ils travaillent quand même, grève virtuelle en quelque sorte, pour l'immense majorité des urgentistes ?
R- Ce que nous voulons faire, avec P. Douste Blazy, c'est mettre en place des moyens pour les urgences. Mais ce qu'il nous faut savoir aujourd'hui, c'est si les moyens que nous mettons en place correspondent précisément aux besoins sur le terrain. Nous avons peut-être davantage besoin, dans les mois, dans les années qui viennent, de faire du sur-mesure. Il y a la question des urgentistes, nous avons mis en place un plan de 150 millions d'euros pour cette année...
Q- Ils ne sont pas convaincus...
R- Nous avons pensé qu'il était nécessaire d'aller au-delà, avec 15 millions d'euros supplémentaires. Et puis, il y a l'autre partie : faire en sorte que les libéraux prennent davantage de gardes pour la permanence des soins qu'ils n'en prenaient hier. C'est dans ce sens que nous avons aussi publié un décret. Il y a des moyens juridiques, il y a des moyens financiers, parce qu'il ne faut pas opposer hospitaliers et libéraux...
Q- Mais ça ne leur suffit pas...
R- Attendez aussi que le décret permette que, sur le terrain, les libéraux prennent davantage de gardes. Parce qu'une chose est certaine : nous ne pouvons pas avoir un système de santé qui soit partagé entre, d'un côté les hospitaliers et les libéraux [de l'autre]. C'est tout le monde ensemble que l'on s'occupera mieux des patients
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 4 mai 2005)
Q- Je commence avec la Sécurité sociale et le lundi de Pentecôte travaillé. D'abord, la Sécu. Je lis Le Canard enchaîné ce matin : "Cachotteries de Douste-Blazy : au printemps 2004, le ministre de la Santé a fait gober au bon peuple et à sa majorité parlementaire, un plan de redressement des comptes de la Sécu qui prévoyait notamment de réduire de 200 millions d'euros les frais de gestion de l'assurance maladie. Or, à l'époque où il faisait adopter son plan par le parlement, Douste savait parfaitement qu'en fait d'économies de gestion, il faudrait injecter au bas mot deux milliards d'euros, pour renouveler une partie du matériel informatique de la Sécurité sociale". Douste a-t-il menti ?
R- Le deuxième chiffre est complètement faux. Ce qui est vrai, c'est qu'avec P. Douste-Blazy, nous savons que nous pourrons obtenir 200 millions d'euros d'économies sur la gestion de la Sécurité sociale. Le chiffre des investissements informatiques dont parle Le Canard enchaîné est complètement exagéré. Et en plus, ce qu'il faut savoir, c'est que ce chiffre est déjà prévu depuis un certain temps. On veut nous faire croire aujourd'hui qu'il y a des dépenses nouvelles et qu'on n'arriverait pas à boucler le budget de la Sécurité sociale : c'est faux, parce que ces sommes là sont prévues depuis très longtemps. Et de longue date on sait qu'il va falloir renouveler le parc informatique, ce n'est pas une nouveauté, ce n'est pas une nouvelle. En plus, je crois que c'est pour entretenir un peu la confusion, mais ce qui est vrai c'est que la réforme de la Sécurité sociale, ça marche, les chiffres, les résultats sont là...
Q- Où en est-on avec les médecins traitants ?
R- Avec les médecins traitants, nous allons atteindre, en début de semaine prochaine, neuf millions de Français qui ont choisi leur médecin traitant. J'avais l'occasion de le dire sur votre antenne, voilà de ça quelques mois. Pourquoi ça marche ? Tout simplement parce que le médecin traitant, c'est le médecin de famille, que l'on a déjà l'habitude de consulter pour beaucoup d'entre nous.
Q- Neuf millions : vous êtes dans les objectifs prévus ?
R- Nous serons un peu au-dessus des objectifs. Nous avions pensé que 40 % des Français auraient choisi leur médecin traitant d'ici le 1er juillet, nous sommes un peu au-dessus de nos prévisions. Cela montre que le médecin traitant, ça marche et que la réforme aussi, ça marche.
Q- On a beaucoup parlé du système de santé britannique, qui a beaucoup progressé ces dernières années, parce que des efforts considérables ont été faits. En huit ans, le nombre de médecins, d'infirmières et d'employés de la Santé a augmenté de 20 %. En période de crise, en Grande-Bretagne, les hôpitaux n'hésitent pas à envoyer des patients dans les hôpitaux privés, dans les cliniques privées, ce qui est plus délicat et plus difficile en France...
R- Ce qui est vrai c'est qu'en Grande-Bretagne, voilà quelques années, leur système de santé était dans un état catastrophique. Il faut se rappeler que nous avions des patients anglais qui arrivaient en France, qui venaient se faire opérer à Lille, à Boulogne, parce qu'il y avait des délais d'attente qui pouvaient être de neuf mois, dix mois, parfois même un an, un an et demi. Aujourd'hui, ils ont mis leur système à niveau, mais ils ne sont pas encore au niveau du système français. Ce qui est vrai, par contre, ce qui marche en Angleterre et ce qui doit marcher mieux encore en France dans les années qui viennent, c'est le décloisonnement. Il ne doit pas y avoir, d'un côté l'hôpital et la médecine de ville de l'autre côté. On ne doit pas avoir au sein de l'hôpital, l'hôpital public et l'hôpital privé. Ce qui compte c'est l'intérêt du patient. Et le patient, lui, veut être soigné ; que ce soit public ou privé, que ce soit l'hôpital ou la médecine de ville, il veut être pris en charge.
Q- Est-il logique de voir des urgences dans les hôpitaux publics pleines, débordées, et des urgences dans les cliniques privées vides ?
R- Non, ce qu'il faut aussi c'est pouvoir avoir des gardes, notamment avec des médecins libéraux, qui soient assurés des deux côtés. Il ne faut pas opposer, encore une fois, l'hôpital et la médecine de ville. Quand on a un problème de santé, et que le cabinet de son médecin est fermé, il faut que l'on puisse être pris en charge. Ce que nous faisons avec, ce que l'on appelle "la permanence des soins", nous avons décidé de mettre des moyens sur les urgences mais être sûr que les moyens correspondent bien aux besoins dans chaque hôpital et ensuite que nous puissions avoir davantage de médecins qui prennent des gardes, le soir, la nuit et le week-end. C'est ce que nous sommes en train de mettre en place.
Q- Si j'habite près d'une frontière, au sein de l'Union européenne, est-ce que je peux aller choisir mon médecin traitant dans un autre pays que la France ?
R- Sur le papier et sur le principe, c'est possible. Mais il faut savoir qu'il n'y a pas d'incitation à aller le choisir à côté. Pourquoi ? Tout simplement parce que votre médecin traitant, c'est votre médecin de famille. Nous pensons aujourd'hui qu'il y a 200 à 300 cas qui pourraient se présenter, parce qu'encore une fois, on choisit le médecin que l'on a l'habitude de voir. Maintenant, si vous avez un ami médecin qui est de l'autre côté de la frontière, que vous avez déjà l'habitude de le voir, parce que vous êtes transfrontalier et que vous travaillez, par exemple, en Belgique ou en Allemagne, si vous voulez vraiment le prendre, vous le pourrez. Mais il faudra un conventionnement spécifique. Vous savez, la médecine à la française, le système de Sécurité sociale à la française, je ne crois pas qu'il y ait mieux.
Q- Question sur le contrôle médical des conducteurs et la visite médicale : est-ce une idée abandonnée, franchement ?
R- C'est le ministère des Transports qui gère davantage ce sujet, je n'ai pas d'informations particulières là-dessus. Mais c'est vrai aussi qu'il y a un certain nombre de questions qui sont posées et au nom de la sécurité routière, les uns et les autres veulent des garanties, notamment les usagers.
Q- Question d'une auditrice sur le lundi de Pentecôte, qui demande s'il n'est pas "injuste" travailler un jour férié.
R- Ce qui serait injuste, c'est que l'on continue à laisser la situation actuelle durer. Nous avons aujourd'hui des personnes âgées, des personnes handicapées, qui ont besoin de notre aide. Personne n'a envie d'avoir la mémoire courte par rapport à ce qui s'est passé à l'été 2003. Donc, comment fait-on ? Nous avons besoin de moyens. Pour avoir des moyens, il y a deux possibilités. La méthode habituelle, traditionnelle : des impôts en plus, c'est-à-dire du pouvoir d'achats en moins. Ou alors vous demandez aux uns et aux autres, de travailler une journée de plus. Je suis certain que vous êtes prête à faire cet effort, à une condition : vous voulez être sûre que l'argent qui sera récolté grâce à cet effort, ira bien aux personnes âgées, aux personnes handicapées. Cette garantie, vous l'avez. Ce n'est pas seulement le Gouvernement qui vous le dit, c'est aussi la Cour des Comptes, qui est indépendante, qui a une autorité, qui va bien vérifier que chaque euro ira bien aux personnes âgées et aux personnes handicapées. Et je peux vous assurer que si vous faites cet effort, c'est vrai que c'est la première année...
Q- Vous n'allez pas nous refaire le coup de la vignette !
R- Non, absolument pas, parce que, encore une fois, je crois que les Français sont prêts à faire des efforts, mais ils veulent être sûrs que ça sert à quelque chose. Je peux les assurer que ça sert à quelque chose.
Q- Le problème est que tout le monde ne fait pas d'efforts : les salariés font des efforts, mais d'autres professionnels n'en font pas...
R- Mais les autres professionnels, dont vous parlez - je pense que vous parlez notamment aux indépendants, on pourrait parler notamment des médecins -, il faut savoir que ce sont des professions qui, bien souvent, travaillent ce jour là et qui vont travailler le lundi de Pentecôte. Pour les médecins, ça va être un jour normal.
Q- Vous allez travailler au ministère ?
R- Oui, mais vous savez, que ce soit un jour férié ou autre, quand on fait de la politique - on n'est pas à plaindre, c'est un choix que l'on assume tout à fait -, il n'y a pas forcément de week-end et de jour férié. Mais c'est un choix que j'assume parce que ça me plait, la politique...
[...]
Q- Avec ses 28 millions d'euros, monsieur D. Bernard pourrait participer... C'est un peu démago ce que je dis, mais c'est une question que se posent les auditeurs...
R- Ce que j'ai retenu, c'est que l'auditrice n'est pas opposée, justement, à faire cet effort. Et je l'en remercie, parce que je crois que c'est une idée de bon sens qui fait son chemin aujourd'hui. On peut penser au Téléthon, mais il faut savoir que la Journée de solidarité c'est l'équivalent - C. Vautrin l'avait dit - de 22 Téléthons. Donc on 'aperçoit bien que le Téléthon, que la taxation d'untel ou untel, c'est bien mais que ce n'est pas suffisant. Il nous faut un effort massif : 2 milliards d'euros, c'est énorme mais c'est indispensable. Donc, voilà pourquoi nous avons besoin de cet effort de tout le monde. Ce n'est pas seulement que les salariés, les indépendants également.
Q- Et pourquoi ne pas faire participer les revenus du capital ?
R- Ils participent également.
Q- Comment ?
R- Ils participent également avec une taxation de 0,3 %. La même chose que la participation des entreprises... L'effort, c'est pour tout le monde.
Q- L'argent est déjà dans les caisses, d'ailleurs...
R- Il va être dans les caisses de ce que l'on appelle la CNSA.
Q- Mais il est déjà pratiquement dans les caisses, puisque les entreprises le versent depuis près d'un an maintenant...
R- Et il sera bien utilisé à l'euro près pour les personnes concernées.
Q- Toujours une question à propos de ce lundi de Pentecôte travaillé...
R- La "Journée de solidarité", Jean-Jacques !
Q- Oui, "Journée de solidarité, si vous préférez. Fin 2000, le gouvernement Jospin, à l'époque, présente un plan de modernisation des maisons de retraite : 930 millions d'euros prévus, votés, pour 5 ans. 2001, 2002, les tranches de financement de 183 millions d'euros sont versées correctement aux institutions. Et en janvier 2003, plus rien : c'est le gouvernement Raffarin qui est au pouvoir. Plus rien, le Gouvernement annonce la suppression du crédit pour l'année 2003 !
R- Non, ce qui est vrai...
Q- Comment ? Ce n'est pas vrai ?!
R- - Non, les socialistes sont les champions du monde des promesses non tenues et des annonces non financées. On pourrait parler des 35 heures parce qu'on s'aperçoit que les 35 heures à l'hôpital ou dans les établissements privés, sept ans après, on en est encore à devoir financer des mesures qui ne l'avaient pas été à l'époque. Et là, c'est la même chose : c'est que les financements étaient prévus pour un certain nombre d'années, mais aujourd'hui, ce qui est fait ne suffit pas. On n'a jamais arrêté de financer des maisons de retraite. La seule chose, c'est qu'il faut passer à la vitesse supérieure et pour ça, il nous faut des moyens nouveaux. C'est l'idée, justement, de ces deux milliards d'euros.
Q- Il y a une question des auditeurs qui revient aussi régulièrement : est-ce qu'en annonçant cette mesure, vous ne cachez pas l'impéritie ou la défaillance du gouvernement Raffarin à propos de cette canicule ?
R- Je crois que chacun s'accorde à reconnaître que ce que nous avons connu à l'été 2003 est terrible, mais...
Q- Il y a eu défaillance, quand même ?
R- La défaillance, c'est surtout sur le système de veille sanitaire qui a besoin, en période particulière, critique comme celle-ci, d'être vigilant, d'être réactif, d'être efficace. Et vous savez bien que ce n'est pas un problème de droite ou de gauche : quand on est confronté à un problème comme celui-ci, nous avons un pays qui a besoin de moderniser ses structures d'alertes. Nous n'avons pas envie de revoir ceci. Cela veut dire qu'aujourd'hui, et vous l'avez vu l'été dernier, tout le monde était vigilant, parce qu'on sait qu'une situation de canicule comme celle-ci peut arriver très vite. Donc nous avons des systèmes administratifs qui sont bien meilleurs. Mais maintenant, ça ne suffit pas de savoir qu'il y a un problème, il faut éviter le problème. La difficulté que nous avions eue à l'époque, c'était l'engorgement des urgences, ces personnes qui arrivaient aux urgences, qui ne pouvaient pas être prises en charge. Si nous voulons des maisons de retraite médicalisées, c'est pour que ces personnes puissent restent dans les maisons de retraite, qu'elles puissent être prises en charge là-bas, pour éviter les problèmes aux urgences que nous avions connus à l'été 2003.
Q- Il y a cacophonie chez les médecins concernant cette Journée de solidarité. L'Ordre des médecins annonce un jour normal pour les médecins, et voilà que l'un des principaux syndicats de généralistes, MG-France, appelle les généralistes à fermer leur cabinet le 16 mai.
R- Le principal syndicat de médecins, c'est la CSMF, qui a indiqué très clairement que les médecins joueraient le jeu. Et le Conseil de l'ordre, l'autorité qui fait référence, a indiqué très clairement que ce serait un jour travaillé comme les autres. Et je dis à ces autres médecins qu'il faut bien évidemment jouer le jeu de cette Journée de solidarité, que ça sera un jour normal et qu'il faut donc ouvrir son cabinet et faire face à toutes les situations. Mais vous savez, les médecins n'ont pas besoin d'entendre ce message : toute l'année ils soignent les patients et ça sera le cas, lors de cette journée de solidarité comme pour les autres.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 9 mai 2005)