Texte intégral
(Entretien de Catherine Colonna dans "L'Est républicain", le 2 septembre 2005)
Q - Le FEDER est destiné à réduire les déséquilibres entre les régions de l'Union européenne. Il est de loin le fonds structurel le plus important de l'Union européenne. L'entrée de nouveaux Etats membres va-t-elle bousculer la donne ?
R - Avec l'arrivée de dix nouveaux Etats membres, la politique régionale et les fonds structurels doivent évoluer. En effet, les régions de ces pays ont un niveau de richesse par habitant inférieur à celui de nos régions. Comme ce fut le cas pour l'Espagne ou le Portugal, elles ont des besoins très importants de développement, par exemple en matière d'infrastructures de transport : réseaux routiers, ferroviaires... Ce principe de solidarité est au cur même de la construction européenne pour que ces Etats puissent rattraper notre niveau de vie, ce qui nous bénéficiera aussi. Mais ce que leur donnera le FEDER ne se fera pas en sacrifiant la politique de cohésion territoriale dont bénéficient les autres régions européennes. Je pense notamment aux régions françaises, métropolitaines et d'Outre-mer où des projets sont co-financés par des fonds européens à hauteur de plus de 15 milliards d'euros pour la période 2000-2006. La politique de cohésion continuera sur l'ensemble du territoire communautaire.
Q - De nombreux pays parmi les nouveaux Etats membres disposent déjà d'une main-d'oeuvre à bon marché qui pousse aux délocalisations (notamment en mécanique). Les aides octroyées à ces pays peuvent-elles avoir un effet pervers : créer une concurrence au lieu de créer de nouveaux consommateurs ?
R - Plus de 80 % des investissements faits par des entreprises françaises dans les nouveaux pays membres visent à répondre à la demande locale et n'ont rien à voir avec des délocalisations. Désormais entrés dans l'Union européenne, ces pays vont voir leur niveau de vie monter et leurs avantages de compétitivité se réduiront d'autant. Les opportunités de délocalisation liées à la fiscalité locale ou aux salaires locaux seront moins intéressantes.
Q - Sur le plan politique, peut-on estimer que la France a changé de position en demandant à la Turquie de reconnaître la République de Chypre avant son adhésion ?
R - Je sais que c'est une question sensible. Les règles sont fixées et si les conditions sont réunies, les négociations pourront s'ouvrir. La Turquie doit nous apporter des éclaircissements quant à sa position par rapport à Chypre. Cela heurte le bon sens qu'un Etat qui s'apprête à négocier son adhésion à l'Union européenne ne reconnaisse pas l'un des Etats membres et refuse l'accès de ses ports et aéroports aux navires et aux avions de cet Etat membre. Quand vous voulez rejoindre un club, vous commencez par en reconnaître ses membres. Son avenir avec l'Union européenne, adhésion ou autre solution, sera décidé en tout état de cause à l'issue d'un long processus, au terme duquel les Français auront le dernier mot par referendum.
Q - Fer de lance de l'Europe, la France est pourtant un mauvais élève quant à l'application de certaines directives européennes. Où en sommes-nous ?
R - La France a fait beaucoup de progrès pour transposer les directives européennes en droit français. Elle rattrape son retard. Il était de 2,4 % à la fin du mois de mai, alors qu'il était de 4,1 % un an avant. Ce résultat est le meilleur jamais enregistré par la France depuis novembre 1997, date du premier classement de ce type élaboré par la Commission européenne. Ces résultats encourageants montrent que nos méthodes de travail s'améliorent et que nous devons poursuivre nos efforts.
Q - Vous visitez plusieurs entreprises (PSA Sochaux, Numérica...) dans le pays de Montbéliard, aujourd'hui, pour évaluer l'impact de ces aides sur l'emploi. Pour Numérica, par exemple, quels ont été les coûts pour l'Europe ? Les résultats sont-ils à la hauteur des espérances ?
R - Je visiterai ces entreprises avec le sénateur-maire Louis Souvet justement parce que les résultats sont tout à fait à la hauteur des espérances. Numérica constitue un projet exemplaire en France. Ce centre rassemble, en effet, dans un même espace, tous les acteurs des technologies de l'information et de la communication : entreprises, chercheurs, étudiants. Une dizaine de PME sont déjà installées à Numérica. L'Union européenne n'est pas étrangère à ce succès ! Elle l'a financé à hauteur de 35 %, soit près de 2 millions d'euros.
Numérica contribue au développement de l'activité économique et donc à l'emploi car le site comprend, aussi, un incubateur d'entreprises pour que des projets innovants puissent voir le jour. C'est un exemple de bonne utilisation des fonds européens qui doivent eux aussi aider à réussir le pari de la croissance et de l'emploi dont le Premier ministre a fait sa priorité./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 septembre 2005)
(Entretien de Catherine Colonna avec "Libération", le 5 septembre 2005)
Q - Le président Chirac veut créer un "nouveau consensus sur l'Europe". Après le 29 mai, n'est-ce pas utopique ?
R - Il y a eu une incompréhension entre les Français et l'Europe, c'est vrai. Ce serait toutefois une erreur de considérer que les Français ont rejeté l'Europe en bloc. Ils ont rejeté une certaine façon de la faire. Mais, bien souvent, c'est un besoin de plus d'Europe et de davantage d'efficacité qui s'est exprimé. Avec des actions nouvelles, ce nouveau consensus peut être trouvé. Travaillons-y. La campagne référendaire a permis un débat qui a touché tout le monde. Il ne doit pas retomber. L'Europe doit prendre la place qu'elle mérite dans la vie politique. Qu'on en parle, non de façon abstraite, mais pour ce qu'elle fait et ce qu'elle peut mieux faire. L'Europe n'a rien à craindre d'un vrai débat démocratique.
Q - Le président veut rapprocher l'Europe des Français. Comment faire ?
R - Je ferai très rapidement des propositions au Premier ministre. Il a déjà annoncé comment il associerait plus le Parlement. Au-delà, trois propositions : consulter plus régulièrement les partis ; dialoguer avec les collectivités locales, les élus, les chambres de commerce et d'industrie, les associations, afin de connaître leurs préoccupations et leurs propositions ; établir, enfin, un contact direct avec les Français, notamment en utilisant l'Internet. Par ailleurs, nous traitons désormais les affaires européennes différemment, en redonnant une part prépondérante au politique. Des comités interministériels se réunissent tous les mois. Et puis, parlons de l'Europe autrement ! Je m'y emploie. Philippe Douste-Blazy aussi. Mais c'est l'affaire de tous, tout le gouvernement, les élus, les médias, l'école...
Q - Quelle est, finalement, la réponse du gouvernement au 29 mai ?
R - En priorité, relancer des projets concrets qui répondent aux attentes. Nous devons notamment renforcer la coordination de nos politiques économiques. L'Eurogroupe doit être davantage un outil au service du développement et de la croissance. Pourquoi ne pas organiser un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Eurogroupe afin d'examiner ce qui pourrait être fait ? Il faut aussi développer le dialogue entre l'Eurogroupe et la Banque centrale européenne (BCE). Par ailleurs, il y a beaucoup à faire dans la lutte contre la grande criminalité, les mafias, les trafics d'argent sale, dans la lutte contre le terrorisme, ainsi que dans la dimension extérieure de la sécurité. L'Europe est attendue par ses citoyens pour peser d'une voix plus forte dans le monde. Je suis frappée de le constater lors de mes déplacements en province. Pratiquement chaque fois qu'un problème apparaît, les gens demandent : mais que fait l'Europe ? Je me réjouis de l'émergence de cette conscience européenne. Encore faut-il savoir y répondre.
Q - Le président parle de redonner une impulsion européenne. Mais la France peut-elle encore entraîner les autres ?
R - Je ne peux répondre sur l'avenir définitif du traité constitutionnel, trop d'interrogations subsistent. En revanche, le besoin d'institutions rénovées demeure. Mais dans l'attente, le pire serait l'immobilisme. Il faut lancer une série d'actions afin que l'Europe continue à avancer et qu'elle réponde mieux aux préoccupations exprimées. Mais ce n'est pas la France seule qui va relancer le projet européen. Elle a besoin des autres et besoin de convaincre. En tout cas, elle entend rester un acteur important de la construction européenne.
Q - Mais n'est-elle pas décrédibilisée ?
R - Non, pas plus qu'elle n'a perdu d'influence. Car nos partenaires ont compris tout de suite que ce qui s'était passé était le révélateur d'interrogations sur la construction européenne partagées par tous, et que ce qui était arrivé en France et aux Pays-Bas aurait pu arriver à d'autres pays.
Q - Cela n'a-t-il pas ouvert la voie à Tony Blair et à sa vision d'une Europe qui serait un grand marché libre ?
R - Non. D'abord, je crois Tony Blair réellement proeuropéen. Ensuite, en tant que présidente, le Royaume-Uni est responsable de l'intérêt collectif européen. De fait, son discours au Parlement européen est ambitieux et parle d'une Europe politique. Beaucoup peuvent s'y reconnaître. Mais, au-delà, on jugera le bilan de la présidence britannique à ses actes et à ses résultats. Je ne crois pas, en outre, à une opposition des modèles. Le Conseil européen informel d'octobre va être l'occasion de chercher ensemble la réponse à la question que nous nous posons tous, y compris le Royaume-Uni : comment concilier plus d'efficacité économique - qui nous apporte de la croissance et donc de l'emploi - et une dimension sociale à laquelle tous les pays européens sont attachés, avec bien sûr des différences dans leur histoire, leur modèle ?
Q - Vous croyez à un modèle social européen ?
R - Il n'y a pas de modèle européen unique. Mais tous les Européens sont attachés à un certain nombre de valeurs sociales fortes, ce qui les unit et les distingue par rapport à d'autres. C'est bien la question centrale : comment faire de l'Europe un ensemble respectueux de nos traditions, du besoin de protection et du rôle des partenaires sociaux, et un modèle qui ait plus d'efficacité ?
Q - Avec la victoire électorale annoncée de la démocrate-chrétienne Angela Merkel en Allemagne, le moteur franco-allemand ne risque-t-il pas de s'essouffler ?
R - Laissons le scrutin se dérouler. Mais quelle qu'en soit l'issue, le couple franco-allemand continuera de jouer son rôle moteur. Depuis cinquante ans, quels qu'aient été leurs dirigeants, l'Allemagne et la France ont su faire progresser la construction européenne. Car leurs responsabilités en Europe sont spécifiques, par l'Histoire et parce que leurs intérêts fondamentaux demeurent.
Q - Sur la Turquie, Jacques Chirac est pour l'adhésion, mais récemment le Premier ministre a paru durcir la position française, posant comme condition à l'ouverture des négociations, le 3 octobre, la reconnaissance de Chypre ?
R - Les efforts de modernisation et de démocratisation de la Turquie doivent être encouragés, et l'Union européenne peut gagner à s'élargir à un pays important si celui-ci a rejoint nos valeurs et respecte nos normes économiques et politiques. Le président de la République l'a toujours dit, c'est sa conviction fondamentale. Le sujet d'aujourd'hui est autre. La déclaration unilatérale faite par la Turquie en signant le protocole d'extension d'union douanière aux dix nouveaux membres pose un problème de bons sens. Il n'est pas logique qu'un pays aspirant à rejoindre l'Union commence par en critiquer la composition et refuse de reconnaître l'un de ses membres, comme la Turquie vient de le faire. Des éclaircissements ont donc été demandés.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 septembre 2005)
(Entretien de Catherine Colonna avec "El Pais", le 5 septembre 2005)
Q - La France et les Pays-Bas ont dit non au traité constitutionnel européen, mais actuellement déjà 13 pays de l'Union européenne l'ont ratifié. Quelles sorties juridiques et politiques existent ?
R - Il n'y a pas de réponse à cette question pour le moment. Juridiquement, le traité ne peut entrer en vigueur sans que la totalité des Etats l'ait ratifié. Aujourd'hui, une majorité l'a approuvé. Pour le moment, la seule solution est d'espérer.
Q - Et l'autre grand débat qu'à aujourd'hui même l'Europe est le budget 2007-2013. L'affrontement entre la France et le Royaume-Uni, continue sans trouver de solution.
R - A Bruxelles, en juin, il y avait une grande majorité, presque la totalité des pays, en faveur de la dernière proposition luxembourgeoise. Nous demandons maintenant que la présidence britannique assume ses responsabilités et fasse des propositions sur cette base. L'objectif de ce budget est de permettre à l'Union élargie de fonctionner en mettant en oeuvre des politiques efficaces. Dans une Union élargie, ceci suppose une augmentation des moyens financiers pour répondre aux préoccupations concrètes des citoyens dans le domaine de l'économie, de la recherche et de l'innovation, où peuvent être créés les emplois de demain. Il faut par ailleurs maintenir les dépenses de cohésion sur l'ensemble du territoire de l'Union notamment pour donner un élan au développement des 10 nouveaux Etats membres.
Q - Qu'est ce qui a manqué ?
R - Il a clairement manqué au Royaume-Uni la volonté de l'accepter, c'est à dire, d'assumer sa juste part du coût de l'élargissement, et de fixer définitivement ce que nous appelons le rabais britannique : 5 milliards d'euros par an, soit 35 milliards en 7 ans. C'est l'argent dont nous avons besoin pour nous doter d'une marge de manuvre. Le système actuel en faveur de Londres doit être réformé. Il n'est pas juste.
Q - Est-ce que la France est disposée à réviser la Politique agricole commune (PAC), ce que Tony Blair, le Premier ministre britannique, avait demandé ?
R - La réforme de la PAC a déjà été lancée en 2002, puis 2003. Nous n'allons pas revenir sur ce point. Nous souhaitons, au contraire, avancer. La France a fait de grands efforts pour accepter la proposition luxembourgeoise, qui augmentait sa contribution de plus de 10 milliards d'euros.
Q - L'Espagne perdra son statut de bénéficiaire net, mais le gouvernement a demandé que sa réduction des fonds structurels et de cohésion soit progressive. Quelle est la position française ?
R - La France se réjouit beaucoup des progrès faits par l'Espagne ces dernières années dans tous les domaines. C'est un pays formidable, dynamique, et je le dis parce que c'est un exemple, parce qu'observer ses progrès rend chacun plus Européen. Le gouvernement espagnol le sait et lors de la négociation de Bruxelles, même s'il n'a pas accepté la dernière proposition luxembourgeoise - pour préserver la négociation future -, il en était très proche puisqu'elle permettait d'atteindre l'essentiel de ses objectifs.
Q - Les relations entre la France et l'Espagne paraissent être dans un bon moment.
R - La France et l'Espagne maintiennent des positions très proches et travaillent ensemble de manière efficace. Je pense notamment à la lutte contre le terrorisme. Le 17 octobre prochain, les Premiers ministres français et espagnol se rencontreront d'ailleurs pour discuter de la coopération transfrontalière.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 septembre 2005)
Q - Le FEDER est destiné à réduire les déséquilibres entre les régions de l'Union européenne. Il est de loin le fonds structurel le plus important de l'Union européenne. L'entrée de nouveaux Etats membres va-t-elle bousculer la donne ?
R - Avec l'arrivée de dix nouveaux Etats membres, la politique régionale et les fonds structurels doivent évoluer. En effet, les régions de ces pays ont un niveau de richesse par habitant inférieur à celui de nos régions. Comme ce fut le cas pour l'Espagne ou le Portugal, elles ont des besoins très importants de développement, par exemple en matière d'infrastructures de transport : réseaux routiers, ferroviaires... Ce principe de solidarité est au cur même de la construction européenne pour que ces Etats puissent rattraper notre niveau de vie, ce qui nous bénéficiera aussi. Mais ce que leur donnera le FEDER ne se fera pas en sacrifiant la politique de cohésion territoriale dont bénéficient les autres régions européennes. Je pense notamment aux régions françaises, métropolitaines et d'Outre-mer où des projets sont co-financés par des fonds européens à hauteur de plus de 15 milliards d'euros pour la période 2000-2006. La politique de cohésion continuera sur l'ensemble du territoire communautaire.
Q - De nombreux pays parmi les nouveaux Etats membres disposent déjà d'une main-d'oeuvre à bon marché qui pousse aux délocalisations (notamment en mécanique). Les aides octroyées à ces pays peuvent-elles avoir un effet pervers : créer une concurrence au lieu de créer de nouveaux consommateurs ?
R - Plus de 80 % des investissements faits par des entreprises françaises dans les nouveaux pays membres visent à répondre à la demande locale et n'ont rien à voir avec des délocalisations. Désormais entrés dans l'Union européenne, ces pays vont voir leur niveau de vie monter et leurs avantages de compétitivité se réduiront d'autant. Les opportunités de délocalisation liées à la fiscalité locale ou aux salaires locaux seront moins intéressantes.
Q - Sur le plan politique, peut-on estimer que la France a changé de position en demandant à la Turquie de reconnaître la République de Chypre avant son adhésion ?
R - Je sais que c'est une question sensible. Les règles sont fixées et si les conditions sont réunies, les négociations pourront s'ouvrir. La Turquie doit nous apporter des éclaircissements quant à sa position par rapport à Chypre. Cela heurte le bon sens qu'un Etat qui s'apprête à négocier son adhésion à l'Union européenne ne reconnaisse pas l'un des Etats membres et refuse l'accès de ses ports et aéroports aux navires et aux avions de cet Etat membre. Quand vous voulez rejoindre un club, vous commencez par en reconnaître ses membres. Son avenir avec l'Union européenne, adhésion ou autre solution, sera décidé en tout état de cause à l'issue d'un long processus, au terme duquel les Français auront le dernier mot par referendum.
Q - Fer de lance de l'Europe, la France est pourtant un mauvais élève quant à l'application de certaines directives européennes. Où en sommes-nous ?
R - La France a fait beaucoup de progrès pour transposer les directives européennes en droit français. Elle rattrape son retard. Il était de 2,4 % à la fin du mois de mai, alors qu'il était de 4,1 % un an avant. Ce résultat est le meilleur jamais enregistré par la France depuis novembre 1997, date du premier classement de ce type élaboré par la Commission européenne. Ces résultats encourageants montrent que nos méthodes de travail s'améliorent et que nous devons poursuivre nos efforts.
Q - Vous visitez plusieurs entreprises (PSA Sochaux, Numérica...) dans le pays de Montbéliard, aujourd'hui, pour évaluer l'impact de ces aides sur l'emploi. Pour Numérica, par exemple, quels ont été les coûts pour l'Europe ? Les résultats sont-ils à la hauteur des espérances ?
R - Je visiterai ces entreprises avec le sénateur-maire Louis Souvet justement parce que les résultats sont tout à fait à la hauteur des espérances. Numérica constitue un projet exemplaire en France. Ce centre rassemble, en effet, dans un même espace, tous les acteurs des technologies de l'information et de la communication : entreprises, chercheurs, étudiants. Une dizaine de PME sont déjà installées à Numérica. L'Union européenne n'est pas étrangère à ce succès ! Elle l'a financé à hauteur de 35 %, soit près de 2 millions d'euros.
Numérica contribue au développement de l'activité économique et donc à l'emploi car le site comprend, aussi, un incubateur d'entreprises pour que des projets innovants puissent voir le jour. C'est un exemple de bonne utilisation des fonds européens qui doivent eux aussi aider à réussir le pari de la croissance et de l'emploi dont le Premier ministre a fait sa priorité./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 septembre 2005)
(Entretien de Catherine Colonna avec "Libération", le 5 septembre 2005)
Q - Le président Chirac veut créer un "nouveau consensus sur l'Europe". Après le 29 mai, n'est-ce pas utopique ?
R - Il y a eu une incompréhension entre les Français et l'Europe, c'est vrai. Ce serait toutefois une erreur de considérer que les Français ont rejeté l'Europe en bloc. Ils ont rejeté une certaine façon de la faire. Mais, bien souvent, c'est un besoin de plus d'Europe et de davantage d'efficacité qui s'est exprimé. Avec des actions nouvelles, ce nouveau consensus peut être trouvé. Travaillons-y. La campagne référendaire a permis un débat qui a touché tout le monde. Il ne doit pas retomber. L'Europe doit prendre la place qu'elle mérite dans la vie politique. Qu'on en parle, non de façon abstraite, mais pour ce qu'elle fait et ce qu'elle peut mieux faire. L'Europe n'a rien à craindre d'un vrai débat démocratique.
Q - Le président veut rapprocher l'Europe des Français. Comment faire ?
R - Je ferai très rapidement des propositions au Premier ministre. Il a déjà annoncé comment il associerait plus le Parlement. Au-delà, trois propositions : consulter plus régulièrement les partis ; dialoguer avec les collectivités locales, les élus, les chambres de commerce et d'industrie, les associations, afin de connaître leurs préoccupations et leurs propositions ; établir, enfin, un contact direct avec les Français, notamment en utilisant l'Internet. Par ailleurs, nous traitons désormais les affaires européennes différemment, en redonnant une part prépondérante au politique. Des comités interministériels se réunissent tous les mois. Et puis, parlons de l'Europe autrement ! Je m'y emploie. Philippe Douste-Blazy aussi. Mais c'est l'affaire de tous, tout le gouvernement, les élus, les médias, l'école...
Q - Quelle est, finalement, la réponse du gouvernement au 29 mai ?
R - En priorité, relancer des projets concrets qui répondent aux attentes. Nous devons notamment renforcer la coordination de nos politiques économiques. L'Eurogroupe doit être davantage un outil au service du développement et de la croissance. Pourquoi ne pas organiser un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Eurogroupe afin d'examiner ce qui pourrait être fait ? Il faut aussi développer le dialogue entre l'Eurogroupe et la Banque centrale européenne (BCE). Par ailleurs, il y a beaucoup à faire dans la lutte contre la grande criminalité, les mafias, les trafics d'argent sale, dans la lutte contre le terrorisme, ainsi que dans la dimension extérieure de la sécurité. L'Europe est attendue par ses citoyens pour peser d'une voix plus forte dans le monde. Je suis frappée de le constater lors de mes déplacements en province. Pratiquement chaque fois qu'un problème apparaît, les gens demandent : mais que fait l'Europe ? Je me réjouis de l'émergence de cette conscience européenne. Encore faut-il savoir y répondre.
Q - Le président parle de redonner une impulsion européenne. Mais la France peut-elle encore entraîner les autres ?
R - Je ne peux répondre sur l'avenir définitif du traité constitutionnel, trop d'interrogations subsistent. En revanche, le besoin d'institutions rénovées demeure. Mais dans l'attente, le pire serait l'immobilisme. Il faut lancer une série d'actions afin que l'Europe continue à avancer et qu'elle réponde mieux aux préoccupations exprimées. Mais ce n'est pas la France seule qui va relancer le projet européen. Elle a besoin des autres et besoin de convaincre. En tout cas, elle entend rester un acteur important de la construction européenne.
Q - Mais n'est-elle pas décrédibilisée ?
R - Non, pas plus qu'elle n'a perdu d'influence. Car nos partenaires ont compris tout de suite que ce qui s'était passé était le révélateur d'interrogations sur la construction européenne partagées par tous, et que ce qui était arrivé en France et aux Pays-Bas aurait pu arriver à d'autres pays.
Q - Cela n'a-t-il pas ouvert la voie à Tony Blair et à sa vision d'une Europe qui serait un grand marché libre ?
R - Non. D'abord, je crois Tony Blair réellement proeuropéen. Ensuite, en tant que présidente, le Royaume-Uni est responsable de l'intérêt collectif européen. De fait, son discours au Parlement européen est ambitieux et parle d'une Europe politique. Beaucoup peuvent s'y reconnaître. Mais, au-delà, on jugera le bilan de la présidence britannique à ses actes et à ses résultats. Je ne crois pas, en outre, à une opposition des modèles. Le Conseil européen informel d'octobre va être l'occasion de chercher ensemble la réponse à la question que nous nous posons tous, y compris le Royaume-Uni : comment concilier plus d'efficacité économique - qui nous apporte de la croissance et donc de l'emploi - et une dimension sociale à laquelle tous les pays européens sont attachés, avec bien sûr des différences dans leur histoire, leur modèle ?
Q - Vous croyez à un modèle social européen ?
R - Il n'y a pas de modèle européen unique. Mais tous les Européens sont attachés à un certain nombre de valeurs sociales fortes, ce qui les unit et les distingue par rapport à d'autres. C'est bien la question centrale : comment faire de l'Europe un ensemble respectueux de nos traditions, du besoin de protection et du rôle des partenaires sociaux, et un modèle qui ait plus d'efficacité ?
Q - Avec la victoire électorale annoncée de la démocrate-chrétienne Angela Merkel en Allemagne, le moteur franco-allemand ne risque-t-il pas de s'essouffler ?
R - Laissons le scrutin se dérouler. Mais quelle qu'en soit l'issue, le couple franco-allemand continuera de jouer son rôle moteur. Depuis cinquante ans, quels qu'aient été leurs dirigeants, l'Allemagne et la France ont su faire progresser la construction européenne. Car leurs responsabilités en Europe sont spécifiques, par l'Histoire et parce que leurs intérêts fondamentaux demeurent.
Q - Sur la Turquie, Jacques Chirac est pour l'adhésion, mais récemment le Premier ministre a paru durcir la position française, posant comme condition à l'ouverture des négociations, le 3 octobre, la reconnaissance de Chypre ?
R - Les efforts de modernisation et de démocratisation de la Turquie doivent être encouragés, et l'Union européenne peut gagner à s'élargir à un pays important si celui-ci a rejoint nos valeurs et respecte nos normes économiques et politiques. Le président de la République l'a toujours dit, c'est sa conviction fondamentale. Le sujet d'aujourd'hui est autre. La déclaration unilatérale faite par la Turquie en signant le protocole d'extension d'union douanière aux dix nouveaux membres pose un problème de bons sens. Il n'est pas logique qu'un pays aspirant à rejoindre l'Union commence par en critiquer la composition et refuse de reconnaître l'un de ses membres, comme la Turquie vient de le faire. Des éclaircissements ont donc été demandés.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 septembre 2005)
(Entretien de Catherine Colonna avec "El Pais", le 5 septembre 2005)
Q - La France et les Pays-Bas ont dit non au traité constitutionnel européen, mais actuellement déjà 13 pays de l'Union européenne l'ont ratifié. Quelles sorties juridiques et politiques existent ?
R - Il n'y a pas de réponse à cette question pour le moment. Juridiquement, le traité ne peut entrer en vigueur sans que la totalité des Etats l'ait ratifié. Aujourd'hui, une majorité l'a approuvé. Pour le moment, la seule solution est d'espérer.
Q - Et l'autre grand débat qu'à aujourd'hui même l'Europe est le budget 2007-2013. L'affrontement entre la France et le Royaume-Uni, continue sans trouver de solution.
R - A Bruxelles, en juin, il y avait une grande majorité, presque la totalité des pays, en faveur de la dernière proposition luxembourgeoise. Nous demandons maintenant que la présidence britannique assume ses responsabilités et fasse des propositions sur cette base. L'objectif de ce budget est de permettre à l'Union élargie de fonctionner en mettant en oeuvre des politiques efficaces. Dans une Union élargie, ceci suppose une augmentation des moyens financiers pour répondre aux préoccupations concrètes des citoyens dans le domaine de l'économie, de la recherche et de l'innovation, où peuvent être créés les emplois de demain. Il faut par ailleurs maintenir les dépenses de cohésion sur l'ensemble du territoire de l'Union notamment pour donner un élan au développement des 10 nouveaux Etats membres.
Q - Qu'est ce qui a manqué ?
R - Il a clairement manqué au Royaume-Uni la volonté de l'accepter, c'est à dire, d'assumer sa juste part du coût de l'élargissement, et de fixer définitivement ce que nous appelons le rabais britannique : 5 milliards d'euros par an, soit 35 milliards en 7 ans. C'est l'argent dont nous avons besoin pour nous doter d'une marge de manuvre. Le système actuel en faveur de Londres doit être réformé. Il n'est pas juste.
Q - Est-ce que la France est disposée à réviser la Politique agricole commune (PAC), ce que Tony Blair, le Premier ministre britannique, avait demandé ?
R - La réforme de la PAC a déjà été lancée en 2002, puis 2003. Nous n'allons pas revenir sur ce point. Nous souhaitons, au contraire, avancer. La France a fait de grands efforts pour accepter la proposition luxembourgeoise, qui augmentait sa contribution de plus de 10 milliards d'euros.
Q - L'Espagne perdra son statut de bénéficiaire net, mais le gouvernement a demandé que sa réduction des fonds structurels et de cohésion soit progressive. Quelle est la position française ?
R - La France se réjouit beaucoup des progrès faits par l'Espagne ces dernières années dans tous les domaines. C'est un pays formidable, dynamique, et je le dis parce que c'est un exemple, parce qu'observer ses progrès rend chacun plus Européen. Le gouvernement espagnol le sait et lors de la négociation de Bruxelles, même s'il n'a pas accepté la dernière proposition luxembourgeoise - pour préserver la négociation future -, il en était très proche puisqu'elle permettait d'atteindre l'essentiel de ses objectifs.
Q - Les relations entre la France et l'Espagne paraissent être dans un bon moment.
R - La France et l'Espagne maintiennent des positions très proches et travaillent ensemble de manière efficace. Je pense notamment à la lutte contre le terrorisme. Le 17 octobre prochain, les Premiers ministres français et espagnol se rencontreront d'ailleurs pour discuter de la coopération transfrontalière.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 septembre 2005)