Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Avant toute chose, je souhaite vous présenter Nicolas FORISSIER, nouveau Secrétaire d'Etat à l'Agriculture, que j'ai le plaisir d'avoir ce matin à mes côtés et qui va vous adresser quelques mots.
Comme savoyard, je suis très heureux que, pour ce premier Congrès de la FNSEA qui ne se tient pas dans une grande ville, vous ayez choisi le Grand Bornand. Comme vous sans doute, j'ai pensé, en venant ici ce matin sur les contreforts du plateau des Glières, au combat de ces hommes, dont beaucoup étaient des paysans, qui se sont engagés avec courage, il y a 60 ans, pour la libération de notre pays et la sauvegarde de notre liberté.
Comme Ministre de l'Agriculture, j'apprécie, Monsieur le Président, que vous parliez avec la franchise nécessaire à la réussite de ce congrès. Et je vous en remercie. Mais j'ai lu aussi avec beaucoup d'intérêt la tribune que vous venez de publier dans Le Monde, où vous appelez au " choix du renouveau ". Et c'est à ces propos, dans leur ensemble, que je voudrais m'attacher à répondre.
A l'occasion de mes contacts sur le terrain, je peux mesurer vos préoccupations et les difficultés dont vous me faîtes part. J'ai bien entendu, Monsieur le Président, les aspirations des agriculteurs que vous avez rappelées. Nous les avons régulièrement abordées ensemble, et nous y travaillons avec détermination depuis de longs mois.
I - REPONDRE AUX INTERROGATIONS ET AUX ATTENTES
Je souhaite, dès à présent en évoquer quelques-unes unes qui, je le sais, vous tiennent particulièrement à coeur.
· Traiter les conséquences de la sécheresse
C'est, d'abord, le cas des conséquences de la sécheresse.
Je connais, pour en visiter beaucoup, la situation des exploitations, après une année 2003 qui restera, pour vous comme pour moi, à bien des égards, une année hors normes.
Le gel, la sécheresse, les inondations se sont, en effet, succédés dans certaines régions comme si le sort s'acharnait sur elles. Le Gouvernement a mobilisé tous les outils et les types d'aides pour répondre à cette situation exceptionnelle.
A ce jour, un peu plus d'1 milliard 300 millions d'euros d'indemnisations et d'exonérations fiscales ont été mobilisés par l'Etat pour les exploitations agricoles les plus frappées par la sécheresse, dont 400 millions au titre du fonds national pour les calamités. Je sais cependant que, du fait des circuits administratifs, vous n'avez pas encore tous perçu le solde des indemnisations que vous attendez. J'ai demandé à mes services d'accélérer les versements en cours. J'y veillerai personnellement.
A la suite de la réunion de la cellule sécheresse du 22 mars dernier, il a été décidé d'abonder les crédits destinés à l'indemnisation du transport de fourrage à hauteur de plus de 8 millions d'euros. Les transports étant achevés depuis la fin du mois de mai, ces crédits seront versés dans les tout prochains jours dès réception des factures.
Malgré cette mobilisation sans précédent de l'Etat au profit des agriculteurs, il reste toutefois évident que notre dispositif de soutien aux victimes de calamités naturelles montre, avec le temps, ses imperfections et mérite des adaptations.
La sécheresse a, en outre, confirmé qu'une évolution du dispositif d'indemnisation vers un système d'assurance, auquel un certain nombre d'entre vous réfléchissent déjà depuis quelque temps, doit être sérieusement envisagée. C'est dans cet esprit que j'ai proposé au Premier ministre de confier à Christian MENARD, député du Finistère, une mission parlementaire, pour étudier les expériences d'assurance mis en oeuvre par d'autres pays que le nôtre, auxquelles vous faites vous-même référence.
Au terme de ce travail, Christian MENARD m'a adressé des propositions, que je vous ai transmises et qui font actuellement l'objet de consultations. J'aurai l'occasion de vous recevoir sur ce sujet très prochainement, afin de proposer au Premier ministre de prendre les dispositions législatives et réglementaires nécessaires.
J'ai, en effet, acquis la conviction que des dispositifs assuranciels peuvent très utilement compléter nos systèmes d'indemnisation et, au besoin, se substituer en partie à eux. La réflexion mérite d'ailleurs aujourd'hui d'être étendue à d'autres risques, par exemple de caractère sanitaire.
L'année 2003 restera également marquée par des difficultés dans bien des secteurs, végétal comme animal. Je me suis efforcé, à chaque fois, de trouver avec vous des réponses adaptées aux exigences de la conjoncture et aux problématiques structurelles.
Comment, ici, en Haute Savoie, n'évoquerais-je pas d'abord les difficultés de la filière laitière ?
J'avais appelé de mes voeux un accord provisoire sur l'évolution du prix du lait, offrant une véritable " clause de paix " à la profession. Je tiens à saluer le résultat obtenu le 2 mars dernier et à rendre un hommage particulier aux acteurs de la filière pour leur profond sens des responsabilités. Il appartient désormais à l'interprofession d'élaborer un nouvel accord, mieux adapté aux enjeux de la filière.
A Bruxelles, je vais naturellement poursuivre la démarche que j'ai engagée dès le mois de février pour une meilleure maîtrise de la production à l'échelle européenne.
Parallèlement, la réflexion sur l'adaptation de la filière se poursuit. Des groupes de travail nationaux sont à l'oeuvre. J'ai souhaité qu'en parallèle, une réflexion soit également conduite dans chaque région, afin de tenir compte des spécificités territoriales de la production laitière.
Ces travaux doivent rapidement aboutir à un programme stratégique pour la filière, avant la fin du mois de juin. D'ores et déjà, j'ai mobilisé 20 millions d'euros pour mettre en oeuvre les mesures les plus urgentes.
· Soutenir les filières
Dans les secteurs du porc et de la volaille, j'ai lancé des plans de restructuration dès 2003.
S'agissant du porc, les travaux actuellement conduits avec vous, sous l'égide de Jean-Louis PORRY, concernent l'ensemble de la filière. J'attends beaucoup de cette démarche, dont je souhaite qu'elle ait valeur d'exemple. Nous avons encouragé la modernisation des groupements de producteurs et la restructuration des outils d'abattage-découpe. Par ailleurs, je signerai avant juin prochain un protocole de développement durable comportant des objectifs économiques, sociétaux et environnementaux.
S'agissant de la volaille, le dispositif engagé en 2003 sera poursuivi en 2004.
Je ne voudrais pas, pour autant, oublier les difficultés, bien réelles, que peuvent connaître certaines filières végétales.
Pour y répondre, nous devons faire émerger de nouveaux dispositifs de gestion de crise. J'ai obtenu à Luxembourg un engagement de la Commission à nous présenter un nouveau dispositif, financé en partie par la modulation. Je veillerai à ce que ses propositions correspondent bien à nos objectifs. Je suis convaincu que l'Europe doit renforcer sa capacité d'intervention en ce domaine.
· Rétablir le rapport de force avec la grande distribution
S'agissant des relations des producteurs avec la grande distribution, les choses sont, et depuis longtemps, difficiles. Depuis mon arrivée, j'ai en particulier à deux reprises manifesté ma très grande détermination sur ce sujet.
D'une part, en veillant avec vous à ce que tous les abus constatés soient poursuivis devant les tribunaux, afin que les pratiques illicites, si pénalisantes pour nos agriculteurs, soient sanctionnées comme elles le méritent.
D'autre part, en veillant à ce que la grande distribution joue pleinement le jeu du " pied de facture " dans le domaine de l'équarrissage.
Je ne prétends pas pour autant que tous les problèmes soient résolus.
Mais ces deux exemples témoignent très concrètement de ma détermination. Vous savez qu'une partie de la difficulté tient à la complexité, à l'imprécision, voire parfois à la contradiction entre les règles nationales et communautaires. Je souhaite travailler avec vous afin de mieux assurer leur mise en oeuvre effective.
Des interprofessions plus fortes et mieux structurées, que j'appelle -comme vous- de mes voeux contribueront aussi à rééquilibrer les relations entre les agriculteurs et la grande distribution. Les crises sectorielles confirment, d'ailleurs, le besoin d'interprofessions fortes, qui devraient jouer un rôle accru dans l'organisation des filières, pour favoriser les démarches partenariales et améliorer la transparence des relations commerciales. Le développement de la compétitivité des entreprises d'aval dans un marché plus ouvert constituera pour sa part une des grandes priorités du Plan national en faveur de l'agroalimentaire, récemment annoncé par le Premier ministre.
L'adaptation des filières suppose des dispositifs d'accompagnement. Les bâtiments d'élevage en constituent sans doute un des meilleurs exemples.
· Moderniser les bâtiments d'élevage
Au cours de mes visites, ces derniers mois, sur le terrain, j'ai pu mesurer combien la modernisation des bâtiments d'élevage est nécessaire et attendue. Une politique de l'élevage ambitieuse doit également s'attacher aux bâtiments d'élevage. C'est à la fois un puissant outil d'adaptation des filières et, plus que jamais, un élément essentiel à la viabilité des exploitations.
Pour tous les secteurs de l'élevage, cette modernisation est désormais indispensable pour améliorer les conditions de travail des éleveurs, mieux respecter les normes environnementales et garantir la compétitivité des exploitations.
C'est pourquoi j'ai décidé la création d'un fonds unique regroupant dès 2005 les différentes sources de financement de l'Etat et permettant d'optimiser le co-financement européen. La gestion de ce fonds se fera à travers des enveloppes régionales déléguées aux différentes Directions régionales de l'agriculture et de la forêt. Des orientations nationales seront élaborées en relation étroite avec vous et avec l'ensemble de la profession, et une réelle latitude laissée au niveau régional, pour déterminer plus précisément les priorités d'intervention.
En termes budgétaires, ce fond unique sera accessible aux éleveurs bovins viande, caprins et ovins ainsi qu'aux éleveurs laitiers. Je souhaite qu'à cette occasion une partie de l'enveloppe destinée au soutien de la filière laitière, dont j'ai annoncé une première partie en février, puisse être utilisée pour la modernisation de ces élevages. En 2003 , l'enveloppe consacrée aux bâtiments d'élevage était de 45 millions d'euros, tous financements confondus. Dès 2004, je propose de porter cette enveloppe à 55 millions d'euros puis à 60 millions d'euros en 2005. Dès 2006, en nous appuyant sur l'enveloppe modulation nous pourrons faire jouer l'effet de levier des financements communautaires et porter ce fonds à 85 millions d'euros. A partir de 2007, je souhaite que ce fonds soit abondé à 50% sur crédits nationaux et à 50% sur crédits communautaires. Celui-ci sera alors doté d'une enveloppe de 120 millions d'euros par an. Cette dernière somme permettra, sur la base d'un montant moyen de subvention de 20 000 euros par exploitation, d'aider 6 000 exploitations par an, contre 3 000 actuellement. Cette orientation nécessitera un certain nombre d'arbitrages quant aux priorités de financement, mais je considère que les bâtiments d'élevage sont l'une de ces priorités.
Afin de simplifier les procédures, je vous confirme la mise en place d'un guichet unique par les Directions départementales de l'agriculture et de la forêt.
Enfin, j'entends favoriser la mobilisation des financements des collectivités locales, en encourageant un large dialogue au niveau régional.
· Réformer le service public de l'équarrissage
Depuis 1997, le service public de l'équarrissage assure -vous le savez- la collecte des cadavres en exploitation et la destruction des déchets présentant un risque sanitaire. Ce service public est indispensable, car il est garant de la sécurité sanitaire de notre pays. Les lignes directrices agricoles nous ont imposé une évolution. Sa mise en oeuvre s'est avérée plus complexe que prévu.
Les préoccupations dont vous vous faites l'écho -et je l'ai bien compris- ne remettent pas en cause ce service public en tant que tel, mais les modalités de son financement. Nous avons veillé à ce que le dispositif permette la répercussion des coûts sur l'aval de la filière. Nous venons d'obtenir, sur ce point essentiel, le feu vert de Bruxelles.
Cette répercussion vers l'aval, à laquelle je tiens tout particulièrement, exige l'engagement de chacun et un réel esprit de solidarité. A l'avenir, chacun des partenaires, et, bien sûr, la grande distribution, doit prendre la part de responsabilité qui lui revient. Ma détermination est absolue pour y parvenir.
· Préserver notre modèle agricole
Les perspectives internationales et européennes déterminent pour une bonne part l'environnement dans lequel l'agriculture doit s'inscrire dans les mois et les années qui viennent. Ce contexte, vous le connaissez bien et je ne retracerai pas ici les négociations que mène le Ministre de l'Agriculture, et que certains d'entre vous vivent, d'ailleurs, souvent à mes côtés.
II - MODERNISER NOTRE AGRICULTURE POUR L'ADAPTER AUX DEFIS DU TEMPS PRESENT
Monsieur le Président, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt un article, paru hier, sous votre signature dans lequel vous faites le " choix du renouveau ".
Comme vous, je suis convaincu qu'être responsable signifie aussi savoir s'adapter aux changements et se remettre en question.
Au cours des quarante dernières années, l'agriculture française a su accomplir une véritable " révolution silencieuse ". Parallèlement à la modernisation de ses pratiques culturales et au progrès de la mécanisation, elle a su, en effet, renouveler ses outils de gestion des marchés et d'organisation des filières et mettre en oeuvre un contrôle des structures agricoles.
Depuis plus de quarante ans, et à chaque occasion décisive, l'Etat et la profession ont su unir leurs efforts pour mettre en oeuvre des outils efficaces et exercer leurs responsabilités respectives au sein des différentes instances de l'agriculture, les commissions des structures, les commissions mixtes et, plus récemment, les Commissions départementales d'orientation agricole.
Prenant appui sur les valeurs de solidarité et le sens des responsabilités, qui font la force du monde paysan, cette association des organisations agricoles aux décisions publiques a largement contribué à ce que l'agriculture française devienne ce qu'elle est aujourd'hui.
Réfléchir au futur visage de l'agriculture n'en est pas moins essentiel, alors que les mutations en cours imposent de revisiter en profondeur le schéma issu des années 1960. Ce réexamen doit être effectué sans préjugé, et je suis prêt à partager la réflexion dont vous avez pris l'initiative sur un contrat renouvelé entre l'Etat et la profession agricole.
Je le fais d'autant plus volontiers que je n'entends pas laisser l'Etat à l'écart de cette réflexion.
· Renouveler le contrat entre l'agriculture et les pouvoirs publics
Garant de la place de l'agriculture et des agriculteurs dans les choix de l'Etat, je souhaite renouveler avec vous le contrat qui unit la société et les organisations syndicales et professionnelles de l'agriculture.
Ce contrat renouvelé doit nous permettre de relever avec confiance les défis qui se trouvent devant nous :
Sur le plan social et politique, une meilleure connaissance des réalités agricoles est une condition première de l'harmonie à rétablir entre les agriculteurs et l'ensemble de la société.
Par ailleurs et de façon croissante, nos concitoyens demandent aux agriculteurs de ne pas limiter leur action à la seule fourniture de biens alimentaires - je pense notamment à la protection de l'environnement. De plus en plus, dans ce domaine comme dans tous les autres, nos concitoyens veulent être associés aux décisions qui autrefois ne relevaient que du seul monde agricole.
Il nous appartient en particulier de savoir expliquer ensemble la raison d'être, au profit de la société, des aides versées à l'agriculture, qui sont la contrepartie des fonctions multiples qu'elle assure : fournir une alimentation saine et de qualité ; mieux respecter l'environnement ; contribuer à l'équilibre des territoires ainsi qu'à la beauté de nos paysages.
Sur le plan économique, l'agriculture française, fortement exportatrice, est soumise à une concurrence internationale croissante. Ce nouveau contexte, favorisé par le développement des règles de l'OMC, exige que nous réexaminions les politiques adoptées durant les années 1960, alors que le secteur agricole était protégé de la concurrence internationale.
Les transformations de l'Europe apportent elles aussi de nouveaux défis. Je pense à l'élargissement. A un mois de l'entrée des dix nouveaux membres, tout n'est pas réglé, parce que ces pays ont encore du chemin à parcourir. Je pense aussi à la réforme des institutions de l'Europe, devenue indispensable pour lui permettre de continuer à fonctionner.
S'agissant maintenant de la PAC, pendant toute la durée de sa négociation et après l'adoption de l'accord de Luxembourg, nous avons entendu, Monsieur le Président, diverses interrogations et diverses critiques sur cette réforme. Et c'est bien légitime. Mais naturellement, et comme vous l'avez dit vous même, cet accord existe et doit maintenant être mis en oeuvre. Et vous savez que je m'y emploie pleinement.
Mais les discussions - nécessaires - sur la mise en oeuvre de la réforme ne peuvent être le prétexte à une remise en cause, plus ou moins directe, de cette réforme. C'est dans cet esprit que nous devons aborder les différents points que vous avez mentionnés, et en particulier la gestion des droits ainsi que la période de transition. Vous le savez, la porte du ministère a toujours été ouverte sur ce point, et le reste plus que jamais.
Vous avez indiqué, Monsieur le Président, que cette réforme n'est pas la vôtre. Je souhaite pour ma part - et je vais m'y employer activement avec mes collègues du gouvernement - que les 10 milliards d'euros par an que la France recevra chaque année de la PAC jusqu'en 2013 grâce à l'engagement et à la détermination du Président de la République à Bruxelles en octobre 2002, ne soient pas remis en cause dans les âpres négociations qui vont s'ouvrir sur les perspectives financières de l'Europe jusqu'en 2013.
Dans les négociations de l'OMC, j'ai livré bataille pour notre agriculture et pour le modèle agricole européen. Vous l'avez dit vous-même, tout n'est pas réglé dans ces négociations. Le combat continue.
La préparation du projet de loi sur le développement des territoires ruraux nous a déjà permis d'identifier certaines des questions fondamentales qui se posent. Il en est ainsi, d'abord, de la question du foncier. Au-delà des dispositions prévues par ce texte pour assurer la protection de l'agriculture péri-urbaine, il nous faudra envisager ensemble les adaptations nécessaires pour encourager l'installation et adapter les textes relatifs au foncier au cadre issu de la nouvelle PAC.
Il nous faudra également rechercher une amélioration de la compétitivité de nos exploitations sans pour autant souscrire à une libéralisation généralisée.
La diversité de nos territoires, la complexité des questions qu'il conviendra d'aborder, le besoin de maintenir, voire de renforcer, le lien étroit et confiant entre le monde agricole et l'ensemble de la société, tout cela doit nous conduire à préparer la future loi de modernisation agricole avec méthode et pragmatisme.
Je vous propose que nous nous mettions d'accord dans le mois qui vient sur les principaux thèmes qu'il faudra ensuite approfondir dans toutes nos régions, avant de consolider à l'échelon national l'armature de ce texte.
Je ne verrai que des avantages à ce que la réflexion préparatoire à ce texte, auquel nous souhaitons donner ensemble une grande ambition , soit aussi large que possible et associe très largement nos concitoyens, au-delà des frontières classiques du monde agricole.
· Repenser la relation entre l'agriculture, la production, le travail et l'emploi
Il faut, d'abord, repenser la relation entre l'agriculture, la production,le travail et l'emploi
La mutation d'une agriculture historiquement familiale et autarcique vers une véritable activité économique n'est pas encore complète. Au fil des évolutions de ces dernières décennies, l'exploitation agricole est devenue une entité économique autonome, mais pas encore une véritable " entreprise agricole ". Les freins s'opposant à sa transmission, notamment hors du cadre familial, restent encore nombreux.
Nous avons su, comme vous le souhaitiez, progressivement, séparer le patrimoine privé du patrimoine professionnel. Mais, au-delà de cette mesure, je sais que vous aspirez aussi à des conditions de vie et de travail plus proches de celles du reste de la population, qui supposent une réflexion sur des sujets aussi vastes que le statut de l'agriculteur, le statut de l'entreprise agricole, les nouvelles formes de travail ou de coopération.
Tout cela nous renvoie à des questions du fonds agricole, du statut de l'entreprise agricole, et de la définition des nouvelles formes d'agriculture de groupe, y compris en ce qui concerne la coopération. Ces sujets figurent parmi les questions-clés que je souhaite avec vous traiter dans le projet de loi de modernisation agricole.
Il faut parallèlement redonner à l'agriculture et aux secteurs qui lui sont liés toute leur place dans la politique de l'emploi. On entend trop souvent dire que l'agriculture perd des emplois ; on ne dit pas assez souvent qu'elle a aussi du mal à recruter et pas seulement des saisonniers et que les secteurs qui lui sont économiquement liés créent de nombreux emplois.
J'ai bien entendu, Monsieur le Président, ce que vous avez dit sur la question des charges. Pour toutes ces raisons, j'ai engagé avec tous les partenaires concernés une réflexion pour que l'agriculture et les industries agro-alimentaires soient bien présentes dans le projet de loi en faveur de l'emploi que prépare actuellement le Gouvernement.
Autant de points sur lesquels, sans même attendre la mise en chantier du projet de loi de modernisation agricole, je vous propose de travailler ensemble.
· Faire progresser l'agriculture par la formation et la recherche
Il faut également faire progresser l'agriculture par la formation et la recherche
Pour accompagner efficacement le renouvellement des générations, je veux aider les agriculteurs à acquérir des techniques plus modernes, à anticiper les évolutions et aussi à maîtriser les innovations. C 'est l'ambition que je veux donner à nos établissements d'enseignement et de recherche. Je présenterai la semaine prochaine le 4ème schéma national des formations qui, pour notre enseignement supérieur agricole, tracera des perspectives nouvelles dans cet esprit.
Savoir, anticiper, innover : ce triptyque en appelle un autre : enseignement, formation, recherche.
Dans les années à venir, notre priorité doit en effet être le renouvellement des compétences professionnelles. Nous devons également soutenir la place de la recherche agronomique française dans un espace européen où son expertise doit continuer à être reconnue. Enfin, nous devons faire évoluer le développement agricole, désormais confié à l'Agence pour le développement agricole et rural (ADAR), pour mieux concilier productivité agricole, maintien de l'activité et préservation des ressources.
· Garantir la protection de l'environnement et la sécurité de notre alimentation
Au coeur des relations qu'entretiennent les Français avec leur agriculture, il y a la protection de leur environnement et la sécurité de leur alimentation.
Garantir la qualité sanitaire des produits est à la fois la principale attente de nos compatriotes et, pour nous tous, une nécessité d'évidence.
Vous avez raison, Monsieur le Président, l'alimentation est un domaine où les risques sont généralement considérés comme bien maîtrisés en France et en Europe. On ne peut, par exemple, que se féliciter collectivement de la baisse des cas d'ESB en France : 137 cas en 2003, contre 274 en 2001 ; les chiffres parlent d'eux-mêmes.
Si nous avons pu jusqu'à présent maîtriser les différents risques de façon satisfaisante, nous le devons avant tout aux efforts conjugués des différents acteurs que vous représentez ici. Mais ce système est fragile. Une des composantes qui n'est pas la moindre, celle de la profession vétérinaire, exprime aujourd'hui -vous le savez- un malaise profond.
Notre pays a, plus que jamais, besoin d'un maillage vétérinaire suffisant pour assurer une maîtrise globale des risques dans les élevages et mobiliser tous les moyens nécessaires pour éviter l'apparition des maladies dont les conséquences pour la santé publique et l'équilibre économique seraient redoutables. Dans les prochaines semaines, nous devrons, avec la profession vétérinaire, préciser ensemble le contenu et l'équilibre de ce nouveau dispositif de veille sanitaire.
Mais la santé publique, c'est aussi la gestion des risques phytosanitaires. Ceux qui soulignent que la France est un des pays qui utilisent le plus de pesticides dans le monde oublient, parfois délibérément, qu'elle est aussi la première puissance agricole en Europe. Cette particularité tient largement à l'importance de notre production agricole, mais, peut-être, aussi parfois à un recours peut-être trop systématique aux produits chimiques.
Ce sujet est une de nos préoccupations communes. Je suis convaincu qu'il nous faut désormais acquérir une vision globale pour l'amélioration de la santé des végétaux. Je souhaite mettre en place rapidement une agence pour la santé des végétaux, qui réunisse des scientifiques de divers horizons - je pense en particulier à des spécialistes de la santé publique, à des agronomes, à des experts de la sélection végétale. Nous nous donnerons ainsi les moyens d'orienter de façon cohérente et pérenne notre agriculture vers des pratiques à la fois plus respectueuses de notre environnement et économiquement performantes.
Plus que jamais, l'agriculture se doit évidemment d'être écologiquement responsable. Dans un contexte où les efforts que vous avez accomplis en faveur de l'environnement restent trop souvent méconnus de nos concitoyens, je souhaite également que nous définissions ensemble des indicateurs objectifs permettant à chacun d'établir et de mesurer la réalité du lien entre agriculture et environnement et leur évolution.
Je connais aussi vos préoccupations concernant la loi sur l'eau. Le Président de la République a pris un engagement très clair vis-à-vis de vous, afin que vos coûts de production ne soient pas alourdis. Cet engagement sera tenu.
CONCLUSION : APPROFONDIR LA MODERNISATION DE NOTRE AGRICULTURE ET SES LIENS AVEC LA SOCIETE
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
Approfondir la modernisation de notre agriculture et ses liens avec la société, telle doit être notre ambition commune.
Nous devons, pour cela, inscrire l'agriculture, d'une façon positive, dans les débats actuels, je pense notamment à la prochaine loi sur l'eau ou à la loi de mobilisation pour l'emploi.
En ce qui concerne le calendrier de mise en oeuvre de la PAC, nous nous sommes accordés pour que 2005 soit une année de simulation qui nous permette de maîtriser au mieux ses conséquences. D'ici là, la loi de modernisation agricole doit nous permettre de définir ensemble les mesures d'accompagnement et d'adaptation nécessaires pour tenir compte des spécificités de l'agriculture française.
Vous le voyez, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, en ce début d'année 2004, les chantiers sont nombreux et difficiles. L'arrivée à mes côtés de Nicolas FORISSIER, nouveau Secrétaire d'Etat à l'agriculture, est un témoignage supplémentaire de l'engagement du Président de la République et du Premier ministre en faveur du renouveau de notre agriculture.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 2 avril 2004)
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Avant toute chose, je souhaite vous présenter Nicolas FORISSIER, nouveau Secrétaire d'Etat à l'Agriculture, que j'ai le plaisir d'avoir ce matin à mes côtés et qui va vous adresser quelques mots.
Comme savoyard, je suis très heureux que, pour ce premier Congrès de la FNSEA qui ne se tient pas dans une grande ville, vous ayez choisi le Grand Bornand. Comme vous sans doute, j'ai pensé, en venant ici ce matin sur les contreforts du plateau des Glières, au combat de ces hommes, dont beaucoup étaient des paysans, qui se sont engagés avec courage, il y a 60 ans, pour la libération de notre pays et la sauvegarde de notre liberté.
Comme Ministre de l'Agriculture, j'apprécie, Monsieur le Président, que vous parliez avec la franchise nécessaire à la réussite de ce congrès. Et je vous en remercie. Mais j'ai lu aussi avec beaucoup d'intérêt la tribune que vous venez de publier dans Le Monde, où vous appelez au " choix du renouveau ". Et c'est à ces propos, dans leur ensemble, que je voudrais m'attacher à répondre.
A l'occasion de mes contacts sur le terrain, je peux mesurer vos préoccupations et les difficultés dont vous me faîtes part. J'ai bien entendu, Monsieur le Président, les aspirations des agriculteurs que vous avez rappelées. Nous les avons régulièrement abordées ensemble, et nous y travaillons avec détermination depuis de longs mois.
I - REPONDRE AUX INTERROGATIONS ET AUX ATTENTES
Je souhaite, dès à présent en évoquer quelques-unes unes qui, je le sais, vous tiennent particulièrement à coeur.
· Traiter les conséquences de la sécheresse
C'est, d'abord, le cas des conséquences de la sécheresse.
Je connais, pour en visiter beaucoup, la situation des exploitations, après une année 2003 qui restera, pour vous comme pour moi, à bien des égards, une année hors normes.
Le gel, la sécheresse, les inondations se sont, en effet, succédés dans certaines régions comme si le sort s'acharnait sur elles. Le Gouvernement a mobilisé tous les outils et les types d'aides pour répondre à cette situation exceptionnelle.
A ce jour, un peu plus d'1 milliard 300 millions d'euros d'indemnisations et d'exonérations fiscales ont été mobilisés par l'Etat pour les exploitations agricoles les plus frappées par la sécheresse, dont 400 millions au titre du fonds national pour les calamités. Je sais cependant que, du fait des circuits administratifs, vous n'avez pas encore tous perçu le solde des indemnisations que vous attendez. J'ai demandé à mes services d'accélérer les versements en cours. J'y veillerai personnellement.
A la suite de la réunion de la cellule sécheresse du 22 mars dernier, il a été décidé d'abonder les crédits destinés à l'indemnisation du transport de fourrage à hauteur de plus de 8 millions d'euros. Les transports étant achevés depuis la fin du mois de mai, ces crédits seront versés dans les tout prochains jours dès réception des factures.
Malgré cette mobilisation sans précédent de l'Etat au profit des agriculteurs, il reste toutefois évident que notre dispositif de soutien aux victimes de calamités naturelles montre, avec le temps, ses imperfections et mérite des adaptations.
La sécheresse a, en outre, confirmé qu'une évolution du dispositif d'indemnisation vers un système d'assurance, auquel un certain nombre d'entre vous réfléchissent déjà depuis quelque temps, doit être sérieusement envisagée. C'est dans cet esprit que j'ai proposé au Premier ministre de confier à Christian MENARD, député du Finistère, une mission parlementaire, pour étudier les expériences d'assurance mis en oeuvre par d'autres pays que le nôtre, auxquelles vous faites vous-même référence.
Au terme de ce travail, Christian MENARD m'a adressé des propositions, que je vous ai transmises et qui font actuellement l'objet de consultations. J'aurai l'occasion de vous recevoir sur ce sujet très prochainement, afin de proposer au Premier ministre de prendre les dispositions législatives et réglementaires nécessaires.
J'ai, en effet, acquis la conviction que des dispositifs assuranciels peuvent très utilement compléter nos systèmes d'indemnisation et, au besoin, se substituer en partie à eux. La réflexion mérite d'ailleurs aujourd'hui d'être étendue à d'autres risques, par exemple de caractère sanitaire.
L'année 2003 restera également marquée par des difficultés dans bien des secteurs, végétal comme animal. Je me suis efforcé, à chaque fois, de trouver avec vous des réponses adaptées aux exigences de la conjoncture et aux problématiques structurelles.
Comment, ici, en Haute Savoie, n'évoquerais-je pas d'abord les difficultés de la filière laitière ?
J'avais appelé de mes voeux un accord provisoire sur l'évolution du prix du lait, offrant une véritable " clause de paix " à la profession. Je tiens à saluer le résultat obtenu le 2 mars dernier et à rendre un hommage particulier aux acteurs de la filière pour leur profond sens des responsabilités. Il appartient désormais à l'interprofession d'élaborer un nouvel accord, mieux adapté aux enjeux de la filière.
A Bruxelles, je vais naturellement poursuivre la démarche que j'ai engagée dès le mois de février pour une meilleure maîtrise de la production à l'échelle européenne.
Parallèlement, la réflexion sur l'adaptation de la filière se poursuit. Des groupes de travail nationaux sont à l'oeuvre. J'ai souhaité qu'en parallèle, une réflexion soit également conduite dans chaque région, afin de tenir compte des spécificités territoriales de la production laitière.
Ces travaux doivent rapidement aboutir à un programme stratégique pour la filière, avant la fin du mois de juin. D'ores et déjà, j'ai mobilisé 20 millions d'euros pour mettre en oeuvre les mesures les plus urgentes.
· Soutenir les filières
Dans les secteurs du porc et de la volaille, j'ai lancé des plans de restructuration dès 2003.
S'agissant du porc, les travaux actuellement conduits avec vous, sous l'égide de Jean-Louis PORRY, concernent l'ensemble de la filière. J'attends beaucoup de cette démarche, dont je souhaite qu'elle ait valeur d'exemple. Nous avons encouragé la modernisation des groupements de producteurs et la restructuration des outils d'abattage-découpe. Par ailleurs, je signerai avant juin prochain un protocole de développement durable comportant des objectifs économiques, sociétaux et environnementaux.
S'agissant de la volaille, le dispositif engagé en 2003 sera poursuivi en 2004.
Je ne voudrais pas, pour autant, oublier les difficultés, bien réelles, que peuvent connaître certaines filières végétales.
Pour y répondre, nous devons faire émerger de nouveaux dispositifs de gestion de crise. J'ai obtenu à Luxembourg un engagement de la Commission à nous présenter un nouveau dispositif, financé en partie par la modulation. Je veillerai à ce que ses propositions correspondent bien à nos objectifs. Je suis convaincu que l'Europe doit renforcer sa capacité d'intervention en ce domaine.
· Rétablir le rapport de force avec la grande distribution
S'agissant des relations des producteurs avec la grande distribution, les choses sont, et depuis longtemps, difficiles. Depuis mon arrivée, j'ai en particulier à deux reprises manifesté ma très grande détermination sur ce sujet.
D'une part, en veillant avec vous à ce que tous les abus constatés soient poursuivis devant les tribunaux, afin que les pratiques illicites, si pénalisantes pour nos agriculteurs, soient sanctionnées comme elles le méritent.
D'autre part, en veillant à ce que la grande distribution joue pleinement le jeu du " pied de facture " dans le domaine de l'équarrissage.
Je ne prétends pas pour autant que tous les problèmes soient résolus.
Mais ces deux exemples témoignent très concrètement de ma détermination. Vous savez qu'une partie de la difficulté tient à la complexité, à l'imprécision, voire parfois à la contradiction entre les règles nationales et communautaires. Je souhaite travailler avec vous afin de mieux assurer leur mise en oeuvre effective.
Des interprofessions plus fortes et mieux structurées, que j'appelle -comme vous- de mes voeux contribueront aussi à rééquilibrer les relations entre les agriculteurs et la grande distribution. Les crises sectorielles confirment, d'ailleurs, le besoin d'interprofessions fortes, qui devraient jouer un rôle accru dans l'organisation des filières, pour favoriser les démarches partenariales et améliorer la transparence des relations commerciales. Le développement de la compétitivité des entreprises d'aval dans un marché plus ouvert constituera pour sa part une des grandes priorités du Plan national en faveur de l'agroalimentaire, récemment annoncé par le Premier ministre.
L'adaptation des filières suppose des dispositifs d'accompagnement. Les bâtiments d'élevage en constituent sans doute un des meilleurs exemples.
· Moderniser les bâtiments d'élevage
Au cours de mes visites, ces derniers mois, sur le terrain, j'ai pu mesurer combien la modernisation des bâtiments d'élevage est nécessaire et attendue. Une politique de l'élevage ambitieuse doit également s'attacher aux bâtiments d'élevage. C'est à la fois un puissant outil d'adaptation des filières et, plus que jamais, un élément essentiel à la viabilité des exploitations.
Pour tous les secteurs de l'élevage, cette modernisation est désormais indispensable pour améliorer les conditions de travail des éleveurs, mieux respecter les normes environnementales et garantir la compétitivité des exploitations.
C'est pourquoi j'ai décidé la création d'un fonds unique regroupant dès 2005 les différentes sources de financement de l'Etat et permettant d'optimiser le co-financement européen. La gestion de ce fonds se fera à travers des enveloppes régionales déléguées aux différentes Directions régionales de l'agriculture et de la forêt. Des orientations nationales seront élaborées en relation étroite avec vous et avec l'ensemble de la profession, et une réelle latitude laissée au niveau régional, pour déterminer plus précisément les priorités d'intervention.
En termes budgétaires, ce fond unique sera accessible aux éleveurs bovins viande, caprins et ovins ainsi qu'aux éleveurs laitiers. Je souhaite qu'à cette occasion une partie de l'enveloppe destinée au soutien de la filière laitière, dont j'ai annoncé une première partie en février, puisse être utilisée pour la modernisation de ces élevages. En 2003 , l'enveloppe consacrée aux bâtiments d'élevage était de 45 millions d'euros, tous financements confondus. Dès 2004, je propose de porter cette enveloppe à 55 millions d'euros puis à 60 millions d'euros en 2005. Dès 2006, en nous appuyant sur l'enveloppe modulation nous pourrons faire jouer l'effet de levier des financements communautaires et porter ce fonds à 85 millions d'euros. A partir de 2007, je souhaite que ce fonds soit abondé à 50% sur crédits nationaux et à 50% sur crédits communautaires. Celui-ci sera alors doté d'une enveloppe de 120 millions d'euros par an. Cette dernière somme permettra, sur la base d'un montant moyen de subvention de 20 000 euros par exploitation, d'aider 6 000 exploitations par an, contre 3 000 actuellement. Cette orientation nécessitera un certain nombre d'arbitrages quant aux priorités de financement, mais je considère que les bâtiments d'élevage sont l'une de ces priorités.
Afin de simplifier les procédures, je vous confirme la mise en place d'un guichet unique par les Directions départementales de l'agriculture et de la forêt.
Enfin, j'entends favoriser la mobilisation des financements des collectivités locales, en encourageant un large dialogue au niveau régional.
· Réformer le service public de l'équarrissage
Depuis 1997, le service public de l'équarrissage assure -vous le savez- la collecte des cadavres en exploitation et la destruction des déchets présentant un risque sanitaire. Ce service public est indispensable, car il est garant de la sécurité sanitaire de notre pays. Les lignes directrices agricoles nous ont imposé une évolution. Sa mise en oeuvre s'est avérée plus complexe que prévu.
Les préoccupations dont vous vous faites l'écho -et je l'ai bien compris- ne remettent pas en cause ce service public en tant que tel, mais les modalités de son financement. Nous avons veillé à ce que le dispositif permette la répercussion des coûts sur l'aval de la filière. Nous venons d'obtenir, sur ce point essentiel, le feu vert de Bruxelles.
Cette répercussion vers l'aval, à laquelle je tiens tout particulièrement, exige l'engagement de chacun et un réel esprit de solidarité. A l'avenir, chacun des partenaires, et, bien sûr, la grande distribution, doit prendre la part de responsabilité qui lui revient. Ma détermination est absolue pour y parvenir.
· Préserver notre modèle agricole
Les perspectives internationales et européennes déterminent pour une bonne part l'environnement dans lequel l'agriculture doit s'inscrire dans les mois et les années qui viennent. Ce contexte, vous le connaissez bien et je ne retracerai pas ici les négociations que mène le Ministre de l'Agriculture, et que certains d'entre vous vivent, d'ailleurs, souvent à mes côtés.
II - MODERNISER NOTRE AGRICULTURE POUR L'ADAPTER AUX DEFIS DU TEMPS PRESENT
Monsieur le Président, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt un article, paru hier, sous votre signature dans lequel vous faites le " choix du renouveau ".
Comme vous, je suis convaincu qu'être responsable signifie aussi savoir s'adapter aux changements et se remettre en question.
Au cours des quarante dernières années, l'agriculture française a su accomplir une véritable " révolution silencieuse ". Parallèlement à la modernisation de ses pratiques culturales et au progrès de la mécanisation, elle a su, en effet, renouveler ses outils de gestion des marchés et d'organisation des filières et mettre en oeuvre un contrôle des structures agricoles.
Depuis plus de quarante ans, et à chaque occasion décisive, l'Etat et la profession ont su unir leurs efforts pour mettre en oeuvre des outils efficaces et exercer leurs responsabilités respectives au sein des différentes instances de l'agriculture, les commissions des structures, les commissions mixtes et, plus récemment, les Commissions départementales d'orientation agricole.
Prenant appui sur les valeurs de solidarité et le sens des responsabilités, qui font la force du monde paysan, cette association des organisations agricoles aux décisions publiques a largement contribué à ce que l'agriculture française devienne ce qu'elle est aujourd'hui.
Réfléchir au futur visage de l'agriculture n'en est pas moins essentiel, alors que les mutations en cours imposent de revisiter en profondeur le schéma issu des années 1960. Ce réexamen doit être effectué sans préjugé, et je suis prêt à partager la réflexion dont vous avez pris l'initiative sur un contrat renouvelé entre l'Etat et la profession agricole.
Je le fais d'autant plus volontiers que je n'entends pas laisser l'Etat à l'écart de cette réflexion.
· Renouveler le contrat entre l'agriculture et les pouvoirs publics
Garant de la place de l'agriculture et des agriculteurs dans les choix de l'Etat, je souhaite renouveler avec vous le contrat qui unit la société et les organisations syndicales et professionnelles de l'agriculture.
Ce contrat renouvelé doit nous permettre de relever avec confiance les défis qui se trouvent devant nous :
Sur le plan social et politique, une meilleure connaissance des réalités agricoles est une condition première de l'harmonie à rétablir entre les agriculteurs et l'ensemble de la société.
Par ailleurs et de façon croissante, nos concitoyens demandent aux agriculteurs de ne pas limiter leur action à la seule fourniture de biens alimentaires - je pense notamment à la protection de l'environnement. De plus en plus, dans ce domaine comme dans tous les autres, nos concitoyens veulent être associés aux décisions qui autrefois ne relevaient que du seul monde agricole.
Il nous appartient en particulier de savoir expliquer ensemble la raison d'être, au profit de la société, des aides versées à l'agriculture, qui sont la contrepartie des fonctions multiples qu'elle assure : fournir une alimentation saine et de qualité ; mieux respecter l'environnement ; contribuer à l'équilibre des territoires ainsi qu'à la beauté de nos paysages.
Sur le plan économique, l'agriculture française, fortement exportatrice, est soumise à une concurrence internationale croissante. Ce nouveau contexte, favorisé par le développement des règles de l'OMC, exige que nous réexaminions les politiques adoptées durant les années 1960, alors que le secteur agricole était protégé de la concurrence internationale.
Les transformations de l'Europe apportent elles aussi de nouveaux défis. Je pense à l'élargissement. A un mois de l'entrée des dix nouveaux membres, tout n'est pas réglé, parce que ces pays ont encore du chemin à parcourir. Je pense aussi à la réforme des institutions de l'Europe, devenue indispensable pour lui permettre de continuer à fonctionner.
S'agissant maintenant de la PAC, pendant toute la durée de sa négociation et après l'adoption de l'accord de Luxembourg, nous avons entendu, Monsieur le Président, diverses interrogations et diverses critiques sur cette réforme. Et c'est bien légitime. Mais naturellement, et comme vous l'avez dit vous même, cet accord existe et doit maintenant être mis en oeuvre. Et vous savez que je m'y emploie pleinement.
Mais les discussions - nécessaires - sur la mise en oeuvre de la réforme ne peuvent être le prétexte à une remise en cause, plus ou moins directe, de cette réforme. C'est dans cet esprit que nous devons aborder les différents points que vous avez mentionnés, et en particulier la gestion des droits ainsi que la période de transition. Vous le savez, la porte du ministère a toujours été ouverte sur ce point, et le reste plus que jamais.
Vous avez indiqué, Monsieur le Président, que cette réforme n'est pas la vôtre. Je souhaite pour ma part - et je vais m'y employer activement avec mes collègues du gouvernement - que les 10 milliards d'euros par an que la France recevra chaque année de la PAC jusqu'en 2013 grâce à l'engagement et à la détermination du Président de la République à Bruxelles en octobre 2002, ne soient pas remis en cause dans les âpres négociations qui vont s'ouvrir sur les perspectives financières de l'Europe jusqu'en 2013.
Dans les négociations de l'OMC, j'ai livré bataille pour notre agriculture et pour le modèle agricole européen. Vous l'avez dit vous-même, tout n'est pas réglé dans ces négociations. Le combat continue.
La préparation du projet de loi sur le développement des territoires ruraux nous a déjà permis d'identifier certaines des questions fondamentales qui se posent. Il en est ainsi, d'abord, de la question du foncier. Au-delà des dispositions prévues par ce texte pour assurer la protection de l'agriculture péri-urbaine, il nous faudra envisager ensemble les adaptations nécessaires pour encourager l'installation et adapter les textes relatifs au foncier au cadre issu de la nouvelle PAC.
Il nous faudra également rechercher une amélioration de la compétitivité de nos exploitations sans pour autant souscrire à une libéralisation généralisée.
La diversité de nos territoires, la complexité des questions qu'il conviendra d'aborder, le besoin de maintenir, voire de renforcer, le lien étroit et confiant entre le monde agricole et l'ensemble de la société, tout cela doit nous conduire à préparer la future loi de modernisation agricole avec méthode et pragmatisme.
Je vous propose que nous nous mettions d'accord dans le mois qui vient sur les principaux thèmes qu'il faudra ensuite approfondir dans toutes nos régions, avant de consolider à l'échelon national l'armature de ce texte.
Je ne verrai que des avantages à ce que la réflexion préparatoire à ce texte, auquel nous souhaitons donner ensemble une grande ambition , soit aussi large que possible et associe très largement nos concitoyens, au-delà des frontières classiques du monde agricole.
· Repenser la relation entre l'agriculture, la production, le travail et l'emploi
Il faut, d'abord, repenser la relation entre l'agriculture, la production,le travail et l'emploi
La mutation d'une agriculture historiquement familiale et autarcique vers une véritable activité économique n'est pas encore complète. Au fil des évolutions de ces dernières décennies, l'exploitation agricole est devenue une entité économique autonome, mais pas encore une véritable " entreprise agricole ". Les freins s'opposant à sa transmission, notamment hors du cadre familial, restent encore nombreux.
Nous avons su, comme vous le souhaitiez, progressivement, séparer le patrimoine privé du patrimoine professionnel. Mais, au-delà de cette mesure, je sais que vous aspirez aussi à des conditions de vie et de travail plus proches de celles du reste de la population, qui supposent une réflexion sur des sujets aussi vastes que le statut de l'agriculteur, le statut de l'entreprise agricole, les nouvelles formes de travail ou de coopération.
Tout cela nous renvoie à des questions du fonds agricole, du statut de l'entreprise agricole, et de la définition des nouvelles formes d'agriculture de groupe, y compris en ce qui concerne la coopération. Ces sujets figurent parmi les questions-clés que je souhaite avec vous traiter dans le projet de loi de modernisation agricole.
Il faut parallèlement redonner à l'agriculture et aux secteurs qui lui sont liés toute leur place dans la politique de l'emploi. On entend trop souvent dire que l'agriculture perd des emplois ; on ne dit pas assez souvent qu'elle a aussi du mal à recruter et pas seulement des saisonniers et que les secteurs qui lui sont économiquement liés créent de nombreux emplois.
J'ai bien entendu, Monsieur le Président, ce que vous avez dit sur la question des charges. Pour toutes ces raisons, j'ai engagé avec tous les partenaires concernés une réflexion pour que l'agriculture et les industries agro-alimentaires soient bien présentes dans le projet de loi en faveur de l'emploi que prépare actuellement le Gouvernement.
Autant de points sur lesquels, sans même attendre la mise en chantier du projet de loi de modernisation agricole, je vous propose de travailler ensemble.
· Faire progresser l'agriculture par la formation et la recherche
Il faut également faire progresser l'agriculture par la formation et la recherche
Pour accompagner efficacement le renouvellement des générations, je veux aider les agriculteurs à acquérir des techniques plus modernes, à anticiper les évolutions et aussi à maîtriser les innovations. C 'est l'ambition que je veux donner à nos établissements d'enseignement et de recherche. Je présenterai la semaine prochaine le 4ème schéma national des formations qui, pour notre enseignement supérieur agricole, tracera des perspectives nouvelles dans cet esprit.
Savoir, anticiper, innover : ce triptyque en appelle un autre : enseignement, formation, recherche.
Dans les années à venir, notre priorité doit en effet être le renouvellement des compétences professionnelles. Nous devons également soutenir la place de la recherche agronomique française dans un espace européen où son expertise doit continuer à être reconnue. Enfin, nous devons faire évoluer le développement agricole, désormais confié à l'Agence pour le développement agricole et rural (ADAR), pour mieux concilier productivité agricole, maintien de l'activité et préservation des ressources.
· Garantir la protection de l'environnement et la sécurité de notre alimentation
Au coeur des relations qu'entretiennent les Français avec leur agriculture, il y a la protection de leur environnement et la sécurité de leur alimentation.
Garantir la qualité sanitaire des produits est à la fois la principale attente de nos compatriotes et, pour nous tous, une nécessité d'évidence.
Vous avez raison, Monsieur le Président, l'alimentation est un domaine où les risques sont généralement considérés comme bien maîtrisés en France et en Europe. On ne peut, par exemple, que se féliciter collectivement de la baisse des cas d'ESB en France : 137 cas en 2003, contre 274 en 2001 ; les chiffres parlent d'eux-mêmes.
Si nous avons pu jusqu'à présent maîtriser les différents risques de façon satisfaisante, nous le devons avant tout aux efforts conjugués des différents acteurs que vous représentez ici. Mais ce système est fragile. Une des composantes qui n'est pas la moindre, celle de la profession vétérinaire, exprime aujourd'hui -vous le savez- un malaise profond.
Notre pays a, plus que jamais, besoin d'un maillage vétérinaire suffisant pour assurer une maîtrise globale des risques dans les élevages et mobiliser tous les moyens nécessaires pour éviter l'apparition des maladies dont les conséquences pour la santé publique et l'équilibre économique seraient redoutables. Dans les prochaines semaines, nous devrons, avec la profession vétérinaire, préciser ensemble le contenu et l'équilibre de ce nouveau dispositif de veille sanitaire.
Mais la santé publique, c'est aussi la gestion des risques phytosanitaires. Ceux qui soulignent que la France est un des pays qui utilisent le plus de pesticides dans le monde oublient, parfois délibérément, qu'elle est aussi la première puissance agricole en Europe. Cette particularité tient largement à l'importance de notre production agricole, mais, peut-être, aussi parfois à un recours peut-être trop systématique aux produits chimiques.
Ce sujet est une de nos préoccupations communes. Je suis convaincu qu'il nous faut désormais acquérir une vision globale pour l'amélioration de la santé des végétaux. Je souhaite mettre en place rapidement une agence pour la santé des végétaux, qui réunisse des scientifiques de divers horizons - je pense en particulier à des spécialistes de la santé publique, à des agronomes, à des experts de la sélection végétale. Nous nous donnerons ainsi les moyens d'orienter de façon cohérente et pérenne notre agriculture vers des pratiques à la fois plus respectueuses de notre environnement et économiquement performantes.
Plus que jamais, l'agriculture se doit évidemment d'être écologiquement responsable. Dans un contexte où les efforts que vous avez accomplis en faveur de l'environnement restent trop souvent méconnus de nos concitoyens, je souhaite également que nous définissions ensemble des indicateurs objectifs permettant à chacun d'établir et de mesurer la réalité du lien entre agriculture et environnement et leur évolution.
Je connais aussi vos préoccupations concernant la loi sur l'eau. Le Président de la République a pris un engagement très clair vis-à-vis de vous, afin que vos coûts de production ne soient pas alourdis. Cet engagement sera tenu.
CONCLUSION : APPROFONDIR LA MODERNISATION DE NOTRE AGRICULTURE ET SES LIENS AVEC LA SOCIETE
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
Approfondir la modernisation de notre agriculture et ses liens avec la société, telle doit être notre ambition commune.
Nous devons, pour cela, inscrire l'agriculture, d'une façon positive, dans les débats actuels, je pense notamment à la prochaine loi sur l'eau ou à la loi de mobilisation pour l'emploi.
En ce qui concerne le calendrier de mise en oeuvre de la PAC, nous nous sommes accordés pour que 2005 soit une année de simulation qui nous permette de maîtriser au mieux ses conséquences. D'ici là, la loi de modernisation agricole doit nous permettre de définir ensemble les mesures d'accompagnement et d'adaptation nécessaires pour tenir compte des spécificités de l'agriculture française.
Vous le voyez, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, en ce début d'année 2004, les chantiers sont nombreux et difficiles. L'arrivée à mes côtés de Nicolas FORISSIER, nouveau Secrétaire d'Etat à l'agriculture, est un témoignage supplémentaire de l'engagement du Président de la République et du Premier ministre en faveur du renouveau de notre agriculture.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 2 avril 2004)