Texte intégral
Monsieur l'Ambassadeur ,
Madame la représentante du Directeur général,
Mesdames et Messieurs,
Ma présence aujourd'hui dans la prestigieuse enceinte de l'UNESCO pour participer à notre réflexion sur la médiation, l'éducation et les droits de l'homme traduit combien ces thèmes sont au cur de la ville.
C'est d'ailleurs en pressentant ces liens que Francine Best, Michèle Guillaume-Hofnung et tous les organisateurs de la journée ont précisé le sens de notre réflexion : " pour vivre ensemble en ville ".
La médiation, l'éducation et les droits de l'homme sont au cur de la ville pour deux raisons au moins que je voudrais évoquer avec vous. D'abord, parce que les modes de régulation des conflits comme la médiation et l'ensemble de l'éducation au " vivre ensemble " prennent tout leur sens dans la ville, et répondent à une nécessité pressante.
Ensuite, parce que ce sont l'ensemble des droits de l'homme qui doivent irriguer la ville et les politiques publiques qu'on y mène.
Nous avons choisi, la commission nationale française pour l'UNESCO et mon ministère, de mettre aujourd'hui la réflexion théorique au service de l'action quotidienne et d'alimenter l'approche des concepts abstraits par l'analyse des pratiques.
C'est ce fil directeur qui a guidé vos débats de la journée, c'est celui que je veux suivre à mon tour car rien ne serait pire que de maintenir les droits de l'homme dans une approche incantatoire ou figée, alors que la réalité bouge et qu'ils doivent s'y incarner.
1- Le vivre ensemble dans la ville
L'idée et le terme de médiation ont connu un développement exceptionnel depuis une quinzaine d'année, nous le constatons tous.
Je ne chercherais pas devant vous à fixer une fois pour toutes la notion de médiation. Vous avez pu aborder ces questions de définition au cours de la journée. Quant à moi, j'en retiens une approche très générale : la médiation m'intéresse d'abord en tant que moyen de résoudre un conflit. Cette régulation s'exerce par le dialogue et par l'intervention d'un tiers. La médiation aide chacun à mieux comprendre le point de vue de l'autre, elle crée l'apaisement en conciliant des parties qui s'admettent mieux.
En ce sens, la médiation est très proche de l'esprit de fraternité si présent dans les deux déclarations de 1789 et de 1948. L'objectif de la médiation n'est pas le pardon, mais l'entente. Elle développe la tolérance en recherchant les moyens pour que chacun trouve sa place dans la société.
C'est pourquoi, la médiation est tellement essentielle à la ville. La ville est le lieu de concentration des populations qui doivent apprendre non seulement à co-exister, mais surtout à construire collectivement un destin commun. C'est tout l'enjeu de la citoyenneté que lequel je reviendrais.
Plus précisément, dans les parties de la ville qui souffrent le plus, ces quartiers que l'on dit "sensibles" et que je préfère nommer quartiers populaires, le besoin de médiation est fort.
Mal aimés, ces quartiers sont trop souvent délaissés par les organismes publics et les décideurs. C'est tout le sens de la politique que je mène que de replacer ces quartiers au centre de nos préoccupations, non pas en les stigmatisant par un traitement spécifique, mais en les intégrant à la ville par un effort approprié.
La difficulté matérielle des conditions de vie des habitants des quartiers populaires, l'enclavement qu'ils subissent, la concentration de populations fragiles, le manque d'offres de services, toutes ces caractéristiques pèsent sur les relations quotidiennes entre les gens, ainsi que sur les relations entre les personnes et les institutions.
Les tensions nées des rapports quotidiens des habitants avec les services publics sont multiples et sont plus directement ressenties encore dans les territoires de la politique de la ville où les habitants se sentent trop souvent les otages de ces services.
Qu'il s'agisse des conditions d'accueil au bureau des étrangers d'une préfecture, des critères d'attribution d'une prestation familiale, des relations avec les services de police ou l'école ou d'autres situations encore, les occasions d'incompréhension et de tension sont fréquentes.
Elles sont durement ressenties tant par l'usager du service public, qui se perd dans le labyrinthe administratif et se sent impuissant, que par l'agent public, qui subit une agressivité qu'il n'estime par mériter.
Ce sentiment d'injustice mine profondément la vie de nos quartiers et c'est pourquoi, j'ai proposé à Bernard STASI, Médiateur de la République, d'installer 300 nouveaux délégués au cur des territoires de la politique de la ville, au plus proche de ceux qui en ont le plus besoin.
Ce sentiment d'injustice me paraît aussi devoir être analysé en référence aux droits de l'homme. L'arbitraire est incompatible avec les droits de l'homme.
Le principal risque d'arbitraire est certes lié aux pouvoirs de police et de justice et ce sont ces deux institutions qui sont le plus explicitement encadrées par les droits de l'homme. Néanmoins, l'arbitraire peut être le fait de l'ensemble des services publics, même dans une relation très quotidienne avec le public.
Reconnaître son interlocuteur comme un sujet de droit plein et entier, lui appliquer la même loi qu'à tous et ne pas lui imposer d'autres limites à sa liberté que celles reconnues par la loi sont des principes qui doivent guider l'action de tous les jours des services publics.
Mais, au-delà, le besoin de médiation est apparu dans la ville en réaction à toutes ces tensions qui s'y sont faites jour. Ce besoin a entraîné le foisonnement de multiples initiatives. Plusieurs d'entre elles ont été examinées aujourd'hui.
Ces expériences sont souvent initiées par des acteurs locaux, pressés par une situation dégradée d'apporter une réponse aux habitants. Les maires ont souvent été à l'origine de ce type d'initiatives, de même que les " logeurs ", le plus souvent organismes H.L.M., les sociétés de transports en commun, ou encore les écoles.
Mais, de nombreuses actions de médiation ont également été portées par les habitants eux-mêmes. En ce sens, je reprends à mon compte l'expression de " médiation citoyenne " qui me paraît bien traduire cet engagement de ceux qui vivent dans la ville pour améliorer les relations entre les personnes et avec les institutions. Ce foisonnement d'initiatives, je l'interprète comme un signe de vitalité de notre corps social, comme la preuve de sa capacité à réagir.
C'est pourquoi, j'ai souhaité soutenir ce développement et le favoriser. La mise en place des agents locaux de médiation sociale sous la forme d'emplois jeunes avait déjà permis la multiplication de ces expériences, en soulevant d'ailleurs de nouveaux problèmes qui ont été évoqués dans le courant de l'après-midi.
J'ai souhaité aller au-delà en engageant un programme de 10 000 adultes relais sous la forme d'emplois aidés. Ils sont destinés à jouer notamment le rôle d'interface entre adultes et enfants, entre parents et écoles, entre jeunes et habitants d'un quartier.
Il m'a semblé que ces missions visant à établir le dialogue entre deux parties, à les aider à mieux se comprendre et ainsi à empêcher la cristallisation du conflit, ne pouvaient peser sur les seules épaules de jeunes gens et jeunes filles. C'est pourquoi les postes d'adultes relais seront proposés à des personnes d'au moins 25 ou 30 ans.
Par ailleurs, les territoires de la politique de la ville accueillent, par rapport au reste du pays, un plus grand nombre d'habitants étrangers ou d'origine étrangère. La distance entre les cultures constitue alors trop souvent une cause de conflit et de sentiment d'injustice.
Les adultes relais, au premier rang desquels les femmes relais qui ont commencé ce travail depuis une dizaine d'années, contribuent par une médiation interculturelle à éclairer les points d'incompréhension.
Ils permettent également à tous les habitants d'un quartier de se sentir partie prenante à la vie collective, favorisant ainsi une insertion sociale profonde.
On le sait pour le constater jour après jour, cette fonction est essentielle à l'école, où trop souvent les parents qui ne maîtrisent pas bien la langue, n'ont aucun contact avec ceux qui prennent en charge leurs enfants toute la journée.
Je le disais, le programme d'agents locaux de médiation sociale a fortement contribué à ancrer le besoin de médiation dans le paysage institutionnel. Si les " métiers " de la médiation étaient déjà nombreux (agents d'ambiance, femmes relais, correspondants de nuit, entre autres), le programme des emplois jeunes a entraîné un véritable engouement pour ces fonctions. Les ALMS à eux seuls sont déjà plus de 8 000.
Rapidement, plusieurs questions ont été soulevées : comment former ces agents ? Comment les encadrer ? Quelles missions leur confier ?
A ce titre, il faut bien admettre que sont estampillés "médiateurs" bien des personnes auxquelles il est trop souvent demandé de plagier le policier, l'assistante sociale ou les parents.
Face à ces questionnements et devant " l'urgence " théorique et pratique que vous avez soulignée dans ce colloque, il m'est apparu nécessaire de faire le point.
C'est pourquoi, j'ai demandé à Madame Claude Brévan, déléguée interministérielle à la ville et à Monsieur Paul Picard, ancien maire de Mantes le Jolie, de mener une réflexion d'ensemble sur les métiers de la ville, parmi lesquels, la médiation occupe une place essentielle. A ce stade de leurs travaux, plusieurs champs de médiation dans la ville ont été repérés :
la médiation peut être décidée par la Justice, elle est dans ce cas inscrite dans un cadre procédural, pénal, civil ou familial, ce qui n'interdit cependant pas des pratiques disparates.
La médiation est souvent appréhendée comme un savoir-faire particulier venant en appui à un métier traditionnel. Ainsi, un emploi de médiateur peut-il être placé auprès d'un postier pour faciliter les relations avec les habitants.
La médiation apparaît fréquemment comme un mode d'accompagnement social, au sens des femmes et des adultes relais que j'évoquais.
La médiation a été beaucoup développée dans le champ de la prévention. Il s'agit souvent dans ce cas de redéfinir les règles d'utilisation de l'espace public.
Enfin, la notion de médiation par les citoyens eux-mêmes a été beaucoup avancée pour régler les conflits de voisinage.
Ce bref tableau vise seulement à recenser et décrire les pratiques existantes. Mais à partir de l'analyse des pratiques, il s'agit de rechercher quelques fils directeurs qui permettent d'améliorer celles-ci, d'en éviter les dérapages et d'en assurer la pérennité.
Car je ne veux pas aujourd'hui tenir un discours strictement laudatif à l'égard de ces pratiques de médiation. Leur développement même pose problème.
Dans le cas des médiations mises en place entre population et institutions, comme c'est le rôle des délégués du médiateur de la République, il faut éviter que cette interface ne fasse écran. Le délégué du médiateur de la République, à l'image du médiateur lui-même, doit favoriser la solution d'un litige, mais surtout éclairer le service public sur ses propres dysfonctionnements.
Il ne s'agit pas de recréer une nouvelle administration chargée de régler ces litiges mais d'inciter par une intervention neutre et extérieure, à la réforme. Dans ce contexte, je crois qu'il faut bien se souvenir que l'ensemble de la politique de la ville tend vers la réforme des institutions.
L'objet de la politique de la ville, et particulièrement de la médiation dans la ville, c'est de redonner du sens à l'Etat, de recréer les conditions de la légitimité des services publics et de leur reconnaissance par les habitants.
Plus généralement et surtout en ce qui concerne les médiations au quotidien, la référence aux droits de l'homme me paraît essentielle.
L'action de médiation vise à reconstituer un ordre social accepté de tous, un pacte social en miniature. Mais, cette création elle-même comprend des limites, un cadre qu'elle ne saurait excéder ni violer, ce sont les valeurs des droits de l'homme.
La négociation ne peut légitimer à elle seule tout accord. Notre conception latine s'oppose fortement en cela à la vision anglo-saxonne et le cadre de l'ordre public constitue une référence cardinale de notre système juridique.
Parmi les expériences de médiation que j'évoquais tout à l'heure, certaines et notamment celles qu'on a parfois dénommées " comités d'admonestation ", ne peuvent être acceptées au seul motif qu'elles rencontrent l'accord de tous les participants. La référence aux droits individuels de la personne constitue donc le garde fou le plus pertinent.
Mais, la référence aux droits de l'homme ne se limite pas à cette posture défensive. Elle contribue également à la paix et à la qualité de la vie en société. Elle constitue un vecteur essentiel de la tolérance et du respect des autres.
L'éducation aux droits de l'homme participe à ce titre directement à la qualité du " vivre ensemble dans la ville "
. J'ai évoqué combien les notions de médiation, d'éducation et de droits de l'homme étaient présentes dans la ville. Mais, au-delà de la perspective du " vivre ensemble ", les droits de l'homme irriguent l'ensemble de la politique de la ville.
2- Les droits de l'homme dans la politique de la ville
Je ne veux pas ici " passer en revue " la totalité des droits de l'homme tels qu'ils résultent des déclarations de 1789 et de 1948, auxquelles peut être rattaché le préambule de la constitution française de 1946 qui appartient à l'ordre juridique français.
Mais, il me semble important d'évoquer certains droits fondamentaux que nous cherchons aujourd'hui à faire vivre concrètement, quotidiennement dans nos villes.
La ville est indissociable de la mobilité. Le droit d'aller et de venir est devenu aujourd'hui, pour ce qui concerne la ville, un droit à la mobilité.
En France, -par delà les aspects transfrontaliers- le droit d'aller et venir ne se heurte plus réellement à des raisons de police, des raisons fiscales ou territoriales. Par contre, l'enclavement constitue une véritable atteinte à l'égalité des droits.
L'accès de tous à la ville, à sa centralité, à ses services, à ses loisirs est revendiqué comme un droit fondamental.
Je vois nettement de mon point de vue de ministre de la ville combien toute atteinte à ce droit produit de l'exclusion. Surtout, l'entrave à la mobilité provoque et aggrave tous les autres problèmes d'intégration : accès au travail, relations familiales et amicales, pratiques culturelles
La mobilité constitue aujourd'hui un enjeu essentiel de l'insertion et de l'égalité des droits.
Je note cette même évolution pour le droit à l'enseignement. Si la France réussit aujourd'hui à mener 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat, de nouvelles inégalités se sont dévoilées.
Dans les faits, de nombreuses disparités demeurent entre les situations des jeunes qui ne bénéficient pas tous du même contexte éducatif. Ces différences -liées à la situation des parents, à la maîtrise de la langue, à la condition socio-économique- rompent largement l'égalité dans l'accès à l'enseignement.
Pour rétablir cette égalité, il faut parfois fournir un effort plus grand en faveur de certains jeunes et de leurs familles. Cet effort, la politique de la ville, y participe pleinement à côté de la politique d'éducation prioritaire sous diverses formes ; soutien scolaire, aide aux parents.
Rejetant le terme et les pratiques de discrimination positive qui risquaient d'enfermer les personnes dans une catégorie, nous avons développé une approche en terme d'équité destinée à parvenir à l'égalité.
Surtout, vous l'avez dit au cours des débats, l'éducation constitue le socle du développement et de la mise en uvre de tous les autres droits.
D'autres droits de l'homme me paraissent aujourd'hui encore des valeurs cardinales pour nos politiques publiques, ils me paraissent surtout des valeurs modernes.
C'est le cas du droit à exercer sa pratique religieuse. Si la neutralité de l'Etat à l'égard des religions est fondamentale, je ne voudrais pas qu'elle nous empêche de garantir à chacun des conditions dignes de pratiquer sa croyance.
Ainsi, aujourd'hui, en France, nous devons reconnaître que l'Islam ne bénéficie pas de conditions égales à celles des autres religions. Cette question est cruciale pour les quartiers de la politique de la ville où de nombreux musulmans sont amenés à exercer leur culte dans des conditions indignes.
Je crois aussi, dans un autre registre, que la demande de droit et de justice est particulièrement forte dans nos villes.
La déclaration universelle des droits de l'homme énonce que les droits de l'homme doivent être protégés par un régime de droit pour que l'homme ne soit pas contraint en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l'oppression.
Bien évidemment, je ne considère pas que règnent en France la tyrannie et l'oppression. Néanmoins, je suis frappé de constater que les poussées de violence collective qui secouent parfois nos quartiers prennent racines dans une contestation de ce qui est vécu comme une injustice.
Certes, bien des débordements ne sont que le fait d'individus violents et ne comprennent pas une dimension politique.
Cependant, ces violences sont collectivement issues d'une réaction contre une attitude des pouvoirs publics jugée arbitraire ou contre une situation économique, sociale ou politique jugée inégale.
Nos institutions démocratiques sont remises en cause par certaines réalités sociologiques, au premier rang desquelles les discriminations et les entraves dans l'accès aux droits, mais aussi tout simplement la pauvreté et le développement des différentes situations de précarité, caractéristique du nouveau marché du travail.
Le système électif et le règne de la loi constituent bien sûr des acquis fondamentaux, mais il nous faut aller au-delà pour garantir l'effectivité des droits de l'homme et du citoyen.
Nous touchons ici bien sûr à l'ensemble de la question des droits sociaux et économiques : droit au travail, à la sécurité sociale, au logement et d'autres encore.
Lorsque ces droits sont fragilisés, comme c'est le cas pour les habitants de nos quartiers populaires, c'est tout un pan de la citoyenneté qui s'en trouve menacé. Il est difficile de participer pleinement à la vie de la collectivité dans des conditions de trop grande précarité matérielle et psychologique.
C'est une réalité que nous avons débattue dans le cadre de la préparation des assises de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations qui se tiendront le 18 mars.
En effet, pour un jeune qui rencontre des difficultés d'insertion, soit qu'il fasse l'objet de discriminations, soit qu'il lui soit difficile d'intégrer durablement le monde du travail, l'accès à la citoyenneté ne peut se réduire à ses droits formels.
Etre citoyen, c'est aussi élaborer des projets d'avenir dans notre société. Or, bien souvent, ces jeunes en parcours d'insertion ne voit l'avenir qu'à 48 h ou, au mieux, au mois. Cet horizon est trop limité pour permettre de se construire comme citoyen.
Nous avons commencé à améliorer la prise en charge de ces jeunes avec les parcours Trace, nous devrons aller au-delà en stabilisant leur situation financière, personnelle et sociale.
La citoyenneté se heurte aussi aux discriminations :
Discriminations en raison de l'origine ou même du lieu de domicile : la stigmatisation de certains quartiers " collent à la peau " de ses habitants dans leurs moindres démarches.
Discriminations qui interviennent dans tous les domaines de la vie quotidienne : l'embauche, le monde du travail, le logement, les loisirs
Le droit à un traitement égal, sans distinction de sexe, d'origine, de religion, d'opinion politique ou de tout autre critère illégitime est aujourd'hui encore à conquérir.
Un colloque comme celui d'aujourd'hui et les assises du 18 mars doivent permettre de dire haut et fort que tous les droits de l'homme doivent être pleinement respectés. La lutte contre les discriminations sera ainsi l'objet d'une intense mobilisation nationale.
Enfin, il est un droit fondamental à la vie quotidienne en ville, c'est le droit d'expression et la libre communication des pensées et des opinions.
Là encore, les garanties fondamentales qui constituent le système démocratique -droit de vote et liberté de la presse- peuvent et doivent être approfondies.
Le droit d'expression doit pouvoir s'exercer de façon plus directe, plus fréquente et dans un rapport de dialogue quasi-permanent entre les décideurs publics et les habitants.
Ce dialogue n'est pas concurrentiel de l'expression par la voie des élections. Au contraire, ce sont ces formes diverses de participation à une démocratie directe qui peuvent revitaliser la représentation élective.
Dans la ville, ce dialogue est une des bases de la citoyenneté et de la qualité du " vivre ensemble ", en permettant aux habitants de s'exprimer sur les choix de politiques publiques.
Mesdames, Messieurs,
En prenant ces quelques exemples, je voulais souligner combien les droits de l'homme sont aujourd'hui un enjeu pour la ville, combien leur philosophie d'ensemble demeure un cadre de référence à partir duquel peuvent se bâtir les politiques publiques.
Je crois aussi qu'il était nécessaire de réintroduire les droits de l'homme dans les pratiques de médiation qui, pour enthousiasmantes qu'elles soient, doivent néanmoins prendre sens à partir de valeurs communes.
En rassemblant des acteurs de terrain et des penseurs venus d'horizon très différents, je crois que vous avez -que nous avons contribué aujourd'hui à rapprocher ces notions.
(source http://www.ville.gouv.fr, le 27 mars 2000)
Madame la représentante du Directeur général,
Mesdames et Messieurs,
Ma présence aujourd'hui dans la prestigieuse enceinte de l'UNESCO pour participer à notre réflexion sur la médiation, l'éducation et les droits de l'homme traduit combien ces thèmes sont au cur de la ville.
C'est d'ailleurs en pressentant ces liens que Francine Best, Michèle Guillaume-Hofnung et tous les organisateurs de la journée ont précisé le sens de notre réflexion : " pour vivre ensemble en ville ".
La médiation, l'éducation et les droits de l'homme sont au cur de la ville pour deux raisons au moins que je voudrais évoquer avec vous. D'abord, parce que les modes de régulation des conflits comme la médiation et l'ensemble de l'éducation au " vivre ensemble " prennent tout leur sens dans la ville, et répondent à une nécessité pressante.
Ensuite, parce que ce sont l'ensemble des droits de l'homme qui doivent irriguer la ville et les politiques publiques qu'on y mène.
Nous avons choisi, la commission nationale française pour l'UNESCO et mon ministère, de mettre aujourd'hui la réflexion théorique au service de l'action quotidienne et d'alimenter l'approche des concepts abstraits par l'analyse des pratiques.
C'est ce fil directeur qui a guidé vos débats de la journée, c'est celui que je veux suivre à mon tour car rien ne serait pire que de maintenir les droits de l'homme dans une approche incantatoire ou figée, alors que la réalité bouge et qu'ils doivent s'y incarner.
1- Le vivre ensemble dans la ville
L'idée et le terme de médiation ont connu un développement exceptionnel depuis une quinzaine d'année, nous le constatons tous.
Je ne chercherais pas devant vous à fixer une fois pour toutes la notion de médiation. Vous avez pu aborder ces questions de définition au cours de la journée. Quant à moi, j'en retiens une approche très générale : la médiation m'intéresse d'abord en tant que moyen de résoudre un conflit. Cette régulation s'exerce par le dialogue et par l'intervention d'un tiers. La médiation aide chacun à mieux comprendre le point de vue de l'autre, elle crée l'apaisement en conciliant des parties qui s'admettent mieux.
En ce sens, la médiation est très proche de l'esprit de fraternité si présent dans les deux déclarations de 1789 et de 1948. L'objectif de la médiation n'est pas le pardon, mais l'entente. Elle développe la tolérance en recherchant les moyens pour que chacun trouve sa place dans la société.
C'est pourquoi, la médiation est tellement essentielle à la ville. La ville est le lieu de concentration des populations qui doivent apprendre non seulement à co-exister, mais surtout à construire collectivement un destin commun. C'est tout l'enjeu de la citoyenneté que lequel je reviendrais.
Plus précisément, dans les parties de la ville qui souffrent le plus, ces quartiers que l'on dit "sensibles" et que je préfère nommer quartiers populaires, le besoin de médiation est fort.
Mal aimés, ces quartiers sont trop souvent délaissés par les organismes publics et les décideurs. C'est tout le sens de la politique que je mène que de replacer ces quartiers au centre de nos préoccupations, non pas en les stigmatisant par un traitement spécifique, mais en les intégrant à la ville par un effort approprié.
La difficulté matérielle des conditions de vie des habitants des quartiers populaires, l'enclavement qu'ils subissent, la concentration de populations fragiles, le manque d'offres de services, toutes ces caractéristiques pèsent sur les relations quotidiennes entre les gens, ainsi que sur les relations entre les personnes et les institutions.
Les tensions nées des rapports quotidiens des habitants avec les services publics sont multiples et sont plus directement ressenties encore dans les territoires de la politique de la ville où les habitants se sentent trop souvent les otages de ces services.
Qu'il s'agisse des conditions d'accueil au bureau des étrangers d'une préfecture, des critères d'attribution d'une prestation familiale, des relations avec les services de police ou l'école ou d'autres situations encore, les occasions d'incompréhension et de tension sont fréquentes.
Elles sont durement ressenties tant par l'usager du service public, qui se perd dans le labyrinthe administratif et se sent impuissant, que par l'agent public, qui subit une agressivité qu'il n'estime par mériter.
Ce sentiment d'injustice mine profondément la vie de nos quartiers et c'est pourquoi, j'ai proposé à Bernard STASI, Médiateur de la République, d'installer 300 nouveaux délégués au cur des territoires de la politique de la ville, au plus proche de ceux qui en ont le plus besoin.
Ce sentiment d'injustice me paraît aussi devoir être analysé en référence aux droits de l'homme. L'arbitraire est incompatible avec les droits de l'homme.
Le principal risque d'arbitraire est certes lié aux pouvoirs de police et de justice et ce sont ces deux institutions qui sont le plus explicitement encadrées par les droits de l'homme. Néanmoins, l'arbitraire peut être le fait de l'ensemble des services publics, même dans une relation très quotidienne avec le public.
Reconnaître son interlocuteur comme un sujet de droit plein et entier, lui appliquer la même loi qu'à tous et ne pas lui imposer d'autres limites à sa liberté que celles reconnues par la loi sont des principes qui doivent guider l'action de tous les jours des services publics.
Mais, au-delà, le besoin de médiation est apparu dans la ville en réaction à toutes ces tensions qui s'y sont faites jour. Ce besoin a entraîné le foisonnement de multiples initiatives. Plusieurs d'entre elles ont été examinées aujourd'hui.
Ces expériences sont souvent initiées par des acteurs locaux, pressés par une situation dégradée d'apporter une réponse aux habitants. Les maires ont souvent été à l'origine de ce type d'initiatives, de même que les " logeurs ", le plus souvent organismes H.L.M., les sociétés de transports en commun, ou encore les écoles.
Mais, de nombreuses actions de médiation ont également été portées par les habitants eux-mêmes. En ce sens, je reprends à mon compte l'expression de " médiation citoyenne " qui me paraît bien traduire cet engagement de ceux qui vivent dans la ville pour améliorer les relations entre les personnes et avec les institutions. Ce foisonnement d'initiatives, je l'interprète comme un signe de vitalité de notre corps social, comme la preuve de sa capacité à réagir.
C'est pourquoi, j'ai souhaité soutenir ce développement et le favoriser. La mise en place des agents locaux de médiation sociale sous la forme d'emplois jeunes avait déjà permis la multiplication de ces expériences, en soulevant d'ailleurs de nouveaux problèmes qui ont été évoqués dans le courant de l'après-midi.
J'ai souhaité aller au-delà en engageant un programme de 10 000 adultes relais sous la forme d'emplois aidés. Ils sont destinés à jouer notamment le rôle d'interface entre adultes et enfants, entre parents et écoles, entre jeunes et habitants d'un quartier.
Il m'a semblé que ces missions visant à établir le dialogue entre deux parties, à les aider à mieux se comprendre et ainsi à empêcher la cristallisation du conflit, ne pouvaient peser sur les seules épaules de jeunes gens et jeunes filles. C'est pourquoi les postes d'adultes relais seront proposés à des personnes d'au moins 25 ou 30 ans.
Par ailleurs, les territoires de la politique de la ville accueillent, par rapport au reste du pays, un plus grand nombre d'habitants étrangers ou d'origine étrangère. La distance entre les cultures constitue alors trop souvent une cause de conflit et de sentiment d'injustice.
Les adultes relais, au premier rang desquels les femmes relais qui ont commencé ce travail depuis une dizaine d'années, contribuent par une médiation interculturelle à éclairer les points d'incompréhension.
Ils permettent également à tous les habitants d'un quartier de se sentir partie prenante à la vie collective, favorisant ainsi une insertion sociale profonde.
On le sait pour le constater jour après jour, cette fonction est essentielle à l'école, où trop souvent les parents qui ne maîtrisent pas bien la langue, n'ont aucun contact avec ceux qui prennent en charge leurs enfants toute la journée.
Je le disais, le programme d'agents locaux de médiation sociale a fortement contribué à ancrer le besoin de médiation dans le paysage institutionnel. Si les " métiers " de la médiation étaient déjà nombreux (agents d'ambiance, femmes relais, correspondants de nuit, entre autres), le programme des emplois jeunes a entraîné un véritable engouement pour ces fonctions. Les ALMS à eux seuls sont déjà plus de 8 000.
Rapidement, plusieurs questions ont été soulevées : comment former ces agents ? Comment les encadrer ? Quelles missions leur confier ?
A ce titre, il faut bien admettre que sont estampillés "médiateurs" bien des personnes auxquelles il est trop souvent demandé de plagier le policier, l'assistante sociale ou les parents.
Face à ces questionnements et devant " l'urgence " théorique et pratique que vous avez soulignée dans ce colloque, il m'est apparu nécessaire de faire le point.
C'est pourquoi, j'ai demandé à Madame Claude Brévan, déléguée interministérielle à la ville et à Monsieur Paul Picard, ancien maire de Mantes le Jolie, de mener une réflexion d'ensemble sur les métiers de la ville, parmi lesquels, la médiation occupe une place essentielle. A ce stade de leurs travaux, plusieurs champs de médiation dans la ville ont été repérés :
la médiation peut être décidée par la Justice, elle est dans ce cas inscrite dans un cadre procédural, pénal, civil ou familial, ce qui n'interdit cependant pas des pratiques disparates.
La médiation est souvent appréhendée comme un savoir-faire particulier venant en appui à un métier traditionnel. Ainsi, un emploi de médiateur peut-il être placé auprès d'un postier pour faciliter les relations avec les habitants.
La médiation apparaît fréquemment comme un mode d'accompagnement social, au sens des femmes et des adultes relais que j'évoquais.
La médiation a été beaucoup développée dans le champ de la prévention. Il s'agit souvent dans ce cas de redéfinir les règles d'utilisation de l'espace public.
Enfin, la notion de médiation par les citoyens eux-mêmes a été beaucoup avancée pour régler les conflits de voisinage.
Ce bref tableau vise seulement à recenser et décrire les pratiques existantes. Mais à partir de l'analyse des pratiques, il s'agit de rechercher quelques fils directeurs qui permettent d'améliorer celles-ci, d'en éviter les dérapages et d'en assurer la pérennité.
Car je ne veux pas aujourd'hui tenir un discours strictement laudatif à l'égard de ces pratiques de médiation. Leur développement même pose problème.
Dans le cas des médiations mises en place entre population et institutions, comme c'est le rôle des délégués du médiateur de la République, il faut éviter que cette interface ne fasse écran. Le délégué du médiateur de la République, à l'image du médiateur lui-même, doit favoriser la solution d'un litige, mais surtout éclairer le service public sur ses propres dysfonctionnements.
Il ne s'agit pas de recréer une nouvelle administration chargée de régler ces litiges mais d'inciter par une intervention neutre et extérieure, à la réforme. Dans ce contexte, je crois qu'il faut bien se souvenir que l'ensemble de la politique de la ville tend vers la réforme des institutions.
L'objet de la politique de la ville, et particulièrement de la médiation dans la ville, c'est de redonner du sens à l'Etat, de recréer les conditions de la légitimité des services publics et de leur reconnaissance par les habitants.
Plus généralement et surtout en ce qui concerne les médiations au quotidien, la référence aux droits de l'homme me paraît essentielle.
L'action de médiation vise à reconstituer un ordre social accepté de tous, un pacte social en miniature. Mais, cette création elle-même comprend des limites, un cadre qu'elle ne saurait excéder ni violer, ce sont les valeurs des droits de l'homme.
La négociation ne peut légitimer à elle seule tout accord. Notre conception latine s'oppose fortement en cela à la vision anglo-saxonne et le cadre de l'ordre public constitue une référence cardinale de notre système juridique.
Parmi les expériences de médiation que j'évoquais tout à l'heure, certaines et notamment celles qu'on a parfois dénommées " comités d'admonestation ", ne peuvent être acceptées au seul motif qu'elles rencontrent l'accord de tous les participants. La référence aux droits individuels de la personne constitue donc le garde fou le plus pertinent.
Mais, la référence aux droits de l'homme ne se limite pas à cette posture défensive. Elle contribue également à la paix et à la qualité de la vie en société. Elle constitue un vecteur essentiel de la tolérance et du respect des autres.
L'éducation aux droits de l'homme participe à ce titre directement à la qualité du " vivre ensemble dans la ville "
. J'ai évoqué combien les notions de médiation, d'éducation et de droits de l'homme étaient présentes dans la ville. Mais, au-delà de la perspective du " vivre ensemble ", les droits de l'homme irriguent l'ensemble de la politique de la ville.
2- Les droits de l'homme dans la politique de la ville
Je ne veux pas ici " passer en revue " la totalité des droits de l'homme tels qu'ils résultent des déclarations de 1789 et de 1948, auxquelles peut être rattaché le préambule de la constitution française de 1946 qui appartient à l'ordre juridique français.
Mais, il me semble important d'évoquer certains droits fondamentaux que nous cherchons aujourd'hui à faire vivre concrètement, quotidiennement dans nos villes.
La ville est indissociable de la mobilité. Le droit d'aller et de venir est devenu aujourd'hui, pour ce qui concerne la ville, un droit à la mobilité.
En France, -par delà les aspects transfrontaliers- le droit d'aller et venir ne se heurte plus réellement à des raisons de police, des raisons fiscales ou territoriales. Par contre, l'enclavement constitue une véritable atteinte à l'égalité des droits.
L'accès de tous à la ville, à sa centralité, à ses services, à ses loisirs est revendiqué comme un droit fondamental.
Je vois nettement de mon point de vue de ministre de la ville combien toute atteinte à ce droit produit de l'exclusion. Surtout, l'entrave à la mobilité provoque et aggrave tous les autres problèmes d'intégration : accès au travail, relations familiales et amicales, pratiques culturelles
La mobilité constitue aujourd'hui un enjeu essentiel de l'insertion et de l'égalité des droits.
Je note cette même évolution pour le droit à l'enseignement. Si la France réussit aujourd'hui à mener 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat, de nouvelles inégalités se sont dévoilées.
Dans les faits, de nombreuses disparités demeurent entre les situations des jeunes qui ne bénéficient pas tous du même contexte éducatif. Ces différences -liées à la situation des parents, à la maîtrise de la langue, à la condition socio-économique- rompent largement l'égalité dans l'accès à l'enseignement.
Pour rétablir cette égalité, il faut parfois fournir un effort plus grand en faveur de certains jeunes et de leurs familles. Cet effort, la politique de la ville, y participe pleinement à côté de la politique d'éducation prioritaire sous diverses formes ; soutien scolaire, aide aux parents.
Rejetant le terme et les pratiques de discrimination positive qui risquaient d'enfermer les personnes dans une catégorie, nous avons développé une approche en terme d'équité destinée à parvenir à l'égalité.
Surtout, vous l'avez dit au cours des débats, l'éducation constitue le socle du développement et de la mise en uvre de tous les autres droits.
D'autres droits de l'homme me paraissent aujourd'hui encore des valeurs cardinales pour nos politiques publiques, ils me paraissent surtout des valeurs modernes.
C'est le cas du droit à exercer sa pratique religieuse. Si la neutralité de l'Etat à l'égard des religions est fondamentale, je ne voudrais pas qu'elle nous empêche de garantir à chacun des conditions dignes de pratiquer sa croyance.
Ainsi, aujourd'hui, en France, nous devons reconnaître que l'Islam ne bénéficie pas de conditions égales à celles des autres religions. Cette question est cruciale pour les quartiers de la politique de la ville où de nombreux musulmans sont amenés à exercer leur culte dans des conditions indignes.
Je crois aussi, dans un autre registre, que la demande de droit et de justice est particulièrement forte dans nos villes.
La déclaration universelle des droits de l'homme énonce que les droits de l'homme doivent être protégés par un régime de droit pour que l'homme ne soit pas contraint en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l'oppression.
Bien évidemment, je ne considère pas que règnent en France la tyrannie et l'oppression. Néanmoins, je suis frappé de constater que les poussées de violence collective qui secouent parfois nos quartiers prennent racines dans une contestation de ce qui est vécu comme une injustice.
Certes, bien des débordements ne sont que le fait d'individus violents et ne comprennent pas une dimension politique.
Cependant, ces violences sont collectivement issues d'une réaction contre une attitude des pouvoirs publics jugée arbitraire ou contre une situation économique, sociale ou politique jugée inégale.
Nos institutions démocratiques sont remises en cause par certaines réalités sociologiques, au premier rang desquelles les discriminations et les entraves dans l'accès aux droits, mais aussi tout simplement la pauvreté et le développement des différentes situations de précarité, caractéristique du nouveau marché du travail.
Le système électif et le règne de la loi constituent bien sûr des acquis fondamentaux, mais il nous faut aller au-delà pour garantir l'effectivité des droits de l'homme et du citoyen.
Nous touchons ici bien sûr à l'ensemble de la question des droits sociaux et économiques : droit au travail, à la sécurité sociale, au logement et d'autres encore.
Lorsque ces droits sont fragilisés, comme c'est le cas pour les habitants de nos quartiers populaires, c'est tout un pan de la citoyenneté qui s'en trouve menacé. Il est difficile de participer pleinement à la vie de la collectivité dans des conditions de trop grande précarité matérielle et psychologique.
C'est une réalité que nous avons débattue dans le cadre de la préparation des assises de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations qui se tiendront le 18 mars.
En effet, pour un jeune qui rencontre des difficultés d'insertion, soit qu'il fasse l'objet de discriminations, soit qu'il lui soit difficile d'intégrer durablement le monde du travail, l'accès à la citoyenneté ne peut se réduire à ses droits formels.
Etre citoyen, c'est aussi élaborer des projets d'avenir dans notre société. Or, bien souvent, ces jeunes en parcours d'insertion ne voit l'avenir qu'à 48 h ou, au mieux, au mois. Cet horizon est trop limité pour permettre de se construire comme citoyen.
Nous avons commencé à améliorer la prise en charge de ces jeunes avec les parcours Trace, nous devrons aller au-delà en stabilisant leur situation financière, personnelle et sociale.
La citoyenneté se heurte aussi aux discriminations :
Discriminations en raison de l'origine ou même du lieu de domicile : la stigmatisation de certains quartiers " collent à la peau " de ses habitants dans leurs moindres démarches.
Discriminations qui interviennent dans tous les domaines de la vie quotidienne : l'embauche, le monde du travail, le logement, les loisirs
Le droit à un traitement égal, sans distinction de sexe, d'origine, de religion, d'opinion politique ou de tout autre critère illégitime est aujourd'hui encore à conquérir.
Un colloque comme celui d'aujourd'hui et les assises du 18 mars doivent permettre de dire haut et fort que tous les droits de l'homme doivent être pleinement respectés. La lutte contre les discriminations sera ainsi l'objet d'une intense mobilisation nationale.
Enfin, il est un droit fondamental à la vie quotidienne en ville, c'est le droit d'expression et la libre communication des pensées et des opinions.
Là encore, les garanties fondamentales qui constituent le système démocratique -droit de vote et liberté de la presse- peuvent et doivent être approfondies.
Le droit d'expression doit pouvoir s'exercer de façon plus directe, plus fréquente et dans un rapport de dialogue quasi-permanent entre les décideurs publics et les habitants.
Ce dialogue n'est pas concurrentiel de l'expression par la voie des élections. Au contraire, ce sont ces formes diverses de participation à une démocratie directe qui peuvent revitaliser la représentation élective.
Dans la ville, ce dialogue est une des bases de la citoyenneté et de la qualité du " vivre ensemble ", en permettant aux habitants de s'exprimer sur les choix de politiques publiques.
Mesdames, Messieurs,
En prenant ces quelques exemples, je voulais souligner combien les droits de l'homme sont aujourd'hui un enjeu pour la ville, combien leur philosophie d'ensemble demeure un cadre de référence à partir duquel peuvent se bâtir les politiques publiques.
Je crois aussi qu'il était nécessaire de réintroduire les droits de l'homme dans les pratiques de médiation qui, pour enthousiasmantes qu'elles soient, doivent néanmoins prendre sens à partir de valeurs communes.
En rassemblant des acteurs de terrain et des penseurs venus d'horizon très différents, je crois que vous avez -que nous avons contribué aujourd'hui à rapprocher ces notions.
(source http://www.ville.gouv.fr, le 27 mars 2000)