Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
C'est avec grand plaisir que je me trouve parmi vous à l'occasion de l'European IT Forum consacré à l'innovation dans les technologies de l'information et à la transformation des " business process ". Je remercie donc l'institut IDC, et son président européen M. Roberto Masiero, d'avoir choisi ce sujet majeur car il mobilise actuellement le Gouvernement français. Nous sommes convaincus que les TIC sont l'un des moteurs de la compétitivité de notre économie.
Permettez-moi de rappeler que le développement des TIC repose sur des applications issues d'un effort permanent de recherche et d'innovation. La faculté de votre industrie à innover, constamment démontrée au cours des 40 dernières années, a ainsi permis de modifier en profondeur tous les secteurs de l'activité humaine.
A l'avenir, la croissance, à la fois celle de vos entreprises et celle de l'économie européenne, sera largement fonction de la capacité de votre industrie à maintenir un rythme soutenu de réelles innovations et à en favoriser l'usage effectif. La mondialisation que nous vivons, oblige nos économies développées à accorder une place centrale à l'innovation.
En appliquant ce principe, l'Europe a su créer des succès industriels de taille mondiale dans les TIC. Je pense en particulier aux semi conducteurs, à certains éditeurs de logiciels ou encore à la téléphonie mobile.
Ces succès démontrent, chacun en est, je crois, désormais convaincu, que l'innovation technologique et les TIC sont des moteurs essentiels de la croissance. C'est tout le sens de la stratégie européenne de Lisbonne qui a fixé un objectif de dépenses de R D de 3 % par rapport à la production nationale d'ici la fin de la décennie. La France consacre actuellement environ 2,2 % de son PIB à la recherche, ce qui la situe dans la moyenne européenne, mais sensiblement derrière le Japon (3,2 %), les Etats-Unis (2,9 %) ou les pays nordiques (Finlande - 3,5 %, Suède - 4 %). Le Gouvernement français met en place, avec méthode et constance depuis 2003, les conditions de rehausser notre effort en faveur de l'innovation et de la recherche. Dans la Loi de Finances 2004, nous avons mis une première série de mesures, notamment le statut très avantageux au niveau des impôts et des charges sociales de la Jeune Entreprise Innovante (JEI), qui connaît un grand succès, avec près de 1000 sociétés, qui l'ont déjà adopté. Pour être JEI, il faut que la R et D représente pus de 15 % des charges de l'entreprise.
Le crédit impôt recherche qui est le principal outil de soutien à la R et D privée a aussi été réformé, avec l'introduction d'une part en volume pour en renforcer l'efficacité. Auparavant, ce mécanisme n'était pas une aide directe à un projet donné de R et D, car il reposait sur l'accroissement d'une année sur l'autre des dépenses en recherche de toute l'entreprise. Le Gouvernement proposera dans le projet de loi de Finances pour 2006 présenté demain, de renforcer encore cette part volume.
En 2005, le Gouvernement a considérablement accru la panoplie d'outils destinés à faire de la France une grande puissance technologique. Notre politique consiste à mettre en place des " agences de moyens " pour financer et sélectionner les projets de recherche.
o L'Agence de l'Innovation Industrielle, lancée fin août, financera les grands projets industriels ; il s'agit de permettre aux entreprises de s'engager plus facilement sur des grands programmes orientés vers des marchés porteurs et des technologies " de rupture ". Elle sera dotée d'un milliard d'euros avant la fin de l'année. Elle pourra financer des projets au service des citoyens, de leur santé, de leur environnement, comme par exemple les énergies propres et renouvelables (les biocarburants, l'énergie solaire, la filière hydrogène). Dans le domaine des TIC, le projet franco-allemand de moteur de recherche multimédia " quaero " sera présenté à l'Agence.
o l'Agence Nationale de la Recherche, mise en place en 2005 et dotée de 350 M d'euros, a pour mission de sélectionner et de financer des projets de recherche fondamentale et appliquée.
En parallèle, l'Etat a provoqué l'émergence des pôles de compétitivité, qui ont été annoncés au mois de juillet, après une mobilisation sans précédent des acteurs régionaux qui ont proposé 105 projets. L'objectif des pôles est de concentrer les moyens sur les projets les plus porteurs pour atteindre la " masse critique " indispensable et de mettre en réseau les acteurs de l'économie industrielle de demain, les entreprises, les laboratoires de recherche et les centres de formation supérieure. Faire travailler les meilleurs ensemble, organiser les réseaux de compétences sur des filières ou des projets communs, c'est une des clés du succès de l'innovation et de la compétitivité.
La loi d'orientation et de programmation sur la recherche qui sera prochainement présentée, accentuera la mise en réseau de tous les acteurs de la recherche publique, et favorisera la coopération entre laboratoires publics et entreprises.
Après avoir dessiné le paysage de la France de l'innovation que cherche à promouvoir le Gouvernement, je voudrais revenir sur la contribution prépondérante des TIC dans la croissance de l'économie, que ne contesteront pas les économistes réputés présents à cette conférence.
Heureusement, les choses ont bien changé depuis le fameux paradoxe du prix Nobel Robert Solow énoncé en 1987 : " Je vois des ordinateurs partout, sauf dans les chiffres de la productivité " ! Aujourd'hui, si on additionne la valeur ajoutée créée par le secteur producteur et les gains de productivité permis par la diffusion des TICs dans tous les secteurs économiques, plus du quart de la croissance du PIB français (la moitié aux Etats-Unis) est imputable aux TIC. J'ai bien noté que vous en avez beaucoup débattu au cours de ces deux journées lors des sessions consacrées à l'intégration des technologies dans les " business process " des entreprises.
En France, grâce à une progression fulgurante depuis 3 ans, nous sommes en bonne voie pour rattraper notre retard par rapport aux Etats-Unis dans le domaine de l'utilisation des TIC par le grand public. En mai 2002, la France comptait 700 000 abonnés à Internet haut débit. Le Gouvernement avait alors fixé pour objectif, qu'au terme de la législature, en 2007, la France en compte 10 millions, et qu'elle entre pleinement dans l'ère numérique. Une dynamique vertueuse, la plus forte d'Europe, s'est enclenchée. La France a aujourd'hui 8 millions d'abonnés à haut débit, l'objectif de 10 millions en 2007 sera dépassé ! Les usages numériques ont explosé. Les ventes de PC sont les plus dynamiques d'Europe. Les usages innovants tels que les services audiovisuels sur ADSL se multiplient. L'offre de services " triple play ", Internet, audiovisuel, téléphone, disponible en France est à la pointe au plan européen. Ce développement exceptionnel doit nous faire prendre pleinement conscience, si besoin était, de l'appétit des consommateurs pour des services innovants et de la croissance induite !
Si les consommateurs français utilisent pleinement les TIC, il n'en va pas de même dans les entreprises, notamment les PME, pour lesquelles il s'agit d'un facteur essentiel de compétitivité. Les analyses économiques démontrent que depuis plus de 20 ans en Europe, la part des TIC dans l'investissement global des entreprises, notamment dans les PME, est sensiblement plus faible qu'aux Etats-Unis. On peut estimer qu'aujourd'hui, les TICs représentent 40 % des investissements des entreprises aux Etats-Unis contre 20 % en Europe et en France.
Un tel retard européen d'investissements sur une longue période a créé un réel écart entre les économies européenne et américaine. Le combler est une nécessité et le thème choisi pour votre colloque me fait penser que cet avis est partagé. Y arriver suppose à mon sens de remplir plusieurs conditions.
La première, c'est que l'offre de services et de produits à l'attention des entreprises leur permette de mesurer complètement l'apport des projets proposés. Ayons présent à l'esprit que les investissements technologiques créent rarement de la valeur économique par eux-mêmes. Pour être efficaces, ils doivent être partie prenante de projets stratégiques de réingénierie, dont la gestion du changement est l'une des dimensions essentielles. C'est pourquoi l'offre technologique ne saurait se concevoir sans une offre conjointe et large de services associés, comprenant intégration de solutions logicielles, conseil en transformation des entreprises, formation et stratégie de communication.
La deuxième condition c'est d'avoir une démarche collective par secteur d'activité utilisateur de TIC, pour en développer la compétitivité, avec le concours des organisations professionnelles et des chambres consulaires, pour que les bonnes pratiques en matière de TICs se diffusent au sein de chaque secteur de l'économie. Plusieurs d'entre eux parmi les plus importants et moteurs dans notre économie, tels que l'automobile ou l'aéronautique, se sont déjà engagés dans une démarche de transformation grâce à la dématérialisation des processus interentreprises. Mais un nombre beaucoup plus important de secteurs doivent prendre pleinement conscience de l'importance de ce sujet d'une façon analogue à celle que nous connaissons dans d'autres domaines tels que les démarches qualité ou les certifications environnementales.
L'objectif doit être l'usage intensif d'Internet dans les relations entre les entreprises, notamment les PME, avec la mise en place d'organisations et de processus partagés, pour arriver à une diminution des coûts, à une meilleure adaptation à ses besoins et au final, à une relation plus efficace avec le client ou le consommateur final. Il y a là un champ d'action très important.
Ces raisons m'amènent à vouloir donner une impulsion forte pour que des projets sectoriels coopératifs soient proposés et se développent. Je suis très heureux de pouvoir vous annoncer que le ministère de l'Industrie lancera aujourd'hui l'appel à projets TIC PME 2010.
Permettez-moi d'en décrire les principaux éléments. Il s'agit de soutenir la mise en place d'outils communs dans les entreprises d'une même filière permettrant la création de " chaînes numériques " sur le modèle de celles mises en place dans l'aéronautique ou l'automobile. Une attention particulière sera donnée à la recherche de l'interopérabilité entre les outils développés dans les différentes filières tout en favorisant la standardisation des formats d'échanges de données entre entreprises. La dimension locale dans l'action de soutien aux entreprises est également essentielle. A cet effet, les DRIRE et les CCI seront mobilisées.
Parmi les critères de sélection des projets, je veux citer la place centrale à accorder au niveau d'implication des entreprises et des organismes professionnels et à leur capacité à fédérer des PME utilisatrices.
Un budget de 7 M d'euros a été dégagé, pour aider exclusivement des prestations d'assistance à maîtrise d'ouvrage.
S'agissant du calendrier, après une phase d'instruction et plusieurs autres étapes intermédiaires, les projets seront labellisés en deux vagues : février et juin 2006.
Les modalités de l'appel à projets seront disponibles sur le site du ministère à partir du lundi 3 octobre.
J'invite toutes les organisations professionnelles d'entreprises à s'inscrire dans cette démarche.
Vous l'avez compris, cet appel à projets vise à susciter une mobilisation des acteurs autour d'un enjeu primordial pour notre économie. Il nous faut trouver les clés pour que les usages numériques dans les entreprises connaissent un développement comparable à celui que la France connaît dans le domaine l'Internet Haut Débit pour le grand public.
Le secteur des technologies de l'information représente 7 % du PIB en Europe. Il doit occuper une place majeure pour retrouver le chemin d'une croissance plus forte en France et en Europe. J'invite votre industrie à relever ce défi avec nous.
Soyez convaincus de la mobilisation du Gouvernement en faveur de l'innovation technologique. Notre ambition est de faire de la France un pays de recherche et d'innovation, attractif pour les entreprises, pour les talents et pour la créativité.
Je vous remercie.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 28 septembre 2005)