Déclarations de M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, sur le travail illégal, notamment l'installation de l'Office central de lutte contre le travail illégal, Paris le 3 et 16 mai 2005.

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Circonstance : Commission nationale de lutte contre le travail illégal à Paris le 3 mai 2005

Texte intégral

Lors de la Commission nationale de lutte contre le travail illégal
Le 03 mai 2005
Mesdames, Messieurs,
Il y a à peine deux mois, je vous avais réuni, au sein de la Commission nationale, afin de vous présenter le bilan d'étape du plan national d'action contre le travail illégal pour les années 2004 et 2005.
A cette occasion, je vous avais indiqué l'intention du gouvernement de poursuivre et d'intensifier la mise en oeuvre du plan - et je vous avais proposé de réunir la Commission en fin d'année pour établir un nouveau bilan -, mais aussi de renforcer notre arsenal juridique. Nous avions alors évoqué notamment la prochaine mise en place d'un Office central de lutte contre le travail illégal.
Je le redis avec force, la lutte contre le travail illégal est une priorité gouvernementale clairement affichée, dont le succès est absolument nécessaire à celui des politiques économiques, sociales et fiscales de l'Etat. Cela implique en particulier, au-delà de la forte mobilisation des services de contrôle, une modernisation de nos outils institutionnels et juridiques. C'est cela qui nous réunit ici aujourd'hui.
Cette volonté d'agir et d'agir vite m'a en effet conduit à réunir votre Commission pour la consulter officiellement, comme le prévoit le décret du 11 mars 1997, sur le projet de texte instituant l'office central de lutte contre le travail illégal. Nous avons jugé important, avec le ministre de l'Intérieur et la ministre de la Défense, que cet office puisse être opérationnel le plus rapidement possible.
Nous examinerons ensuite un projet de décret modifiant quatre articles du Code du travail concernant la sous-traitance et les formalités de vérification imposées au donneur d'ordre à l'égard de son cocontractant.
Premier point : l'office.
Ainsi que l'ont montré les dernières analyses de la DILTI, le travail illégal a tendance à se modifier très rapidement et revêt des formes particulièrement complexes, notamment par son caractère transnational et par la constitution de véritables réseaux, qui rendent la fraude plus difficile à constater, à caractériser et à sanctionner.
Dans ce contexte, il est apparu nécessaire, et je tiens ici à saluer la forte implication du ministre de l'Intérieur, de renforcer la capacité d'action et de coordination de l'Etat en matière de répression en se dotant d'une structure spécifique et de personnels spécialisés. La création de l'Office central de lutte contre le travail illégal, office de police judiciaire habilité à réprimer toutes les formes de travail illégal, répond totalement à cette exigence. Notre souci est bien ici de renforcer nos réponses opérationnelles.
L'OCLTI, par son caractère interministériel, pluridisciplinaire et hautement spécialisé, par sa vocation à coordonner l'action des différents services chargés de mission de police judiciaire et par sa capacité à centraliser et croiser les informations, contribuera à optimiser la réponse judiciaire grâce à l'action de personnels formés et spécifiquement dédiés à cette mission au sein d'une organisation structurée.
Son domaine de compétence est exclusif et complémentaire du champ d'action de l'OCRIEST, avec lequel une coordination étroite sera instaurée. De même, son domaine d'action qui s'inscrit clairement dans le domaine répressif, sera distinct mais complémentaire de l'action conduite par la DILTI, en matière d'appui technique aux services de contrôle, de prévention, de formation et de coopération internationale.
En ce sens, l'office s'inscrira pleinement dans notre dispositif de lutte contre le travail illégal. Il confortera de la sorte l'action des services de contrôle - et je pense ici tout particulièrement à l'inspection du travail- en pouvant intervenir à leur demande sur certaines affaires particulièrement délicates ou d'ampleur nationale ou en leur transmettant toutes informations utiles à leurs missions. J'ajoute bien évidemment que ces échanges d'information se feront dans le respect des principes fondamentaux posés par l'OIT.
Voilà, en substance, l'objet du décret relatif à la création de l'OCLTI qui est soumis à vos observations.
Second point de notre ordre du jour : le décret d'application de la loi relative à l'assurance maladie
Dans le cadre de l'amélioration de la répression du travail dissimulé, la loi relative à l'assurance maladie du 13 août 2004 a modifié le régime de la solidarité financière des donneurs d'ordre. Cette modification législative exige un décret d'application qui est aujourd'hui soumis à vos observations.
Comme vous le savez, dans les circuits économiques actuels, la sous-traitance s'utilise de manière courante et le législateur a imposé aux donneurs d'ordre de vérifier que leurs cocontractants respectent bien les obligations prévues par la loi, sous peine de se voir condamné à la solidarité financière en cas d'infraction de travail dissimulé.
Cette vérification s'opère lors de la conclusion du contrat par la possession de plusieurs documents, énumérés par le code du travail, que le donneur d'ordre doit se faire remettre par son cocontractant. Afin de tenir compte des opérations longues de sous-traitance de travaux ou de prestations de service qui peuvent durer plusieurs mois, voire plusieurs années, la loi prévoit désormais que la vérification à la charge du donneur d'ordre s'effectue tous les six mois jusqu'à la fin de l'exécution du contrat.
Cette mesure nécessite donc une modification de quatre articles du Code du travail se rapportant au dispositif de la solidarité financière. Ces modifications visent à actualiser la liste des documents que le donneur d'ordres est habilité à se faire communiquer par son cocontractant au titre de son obligation de vigilance.
Il est à noter que le projet de décret qui vous est soumis sera ensuite soumis au Conseil d'Etat.
Mesdames, Messieurs,
Vous le voyez, notre ordre du jour de ce matin est donc avant tout d'ordre technique.
Mais, en matière de lutte contre le travail illégal, la volonté politique du gouvernement, la mobilisation des services exigent que nous disposions des instruments adaptés pour mener à bien cette mission. C'est là la vocation des deux projets de décret que je viens de vous présenter.

(Source http://www.travail.gouv.fr, le 4 mai 2005)
Installation de l'Office central de lutte contre le travail illégal
Madame la Ministre,
Monsieur le Ministre,
Messieurs les Députés,
Madame la Déléguée interministérielle,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec un réel sentiment de satisfaction que je participe aujourd'hui à l'inauguration et à l'installation du nouvel office central de lutte contre le travail illégal.
Vous le savez, le Gouvernement a fait de la lutte contre le travail illégal une priorité nationale. La mise en place de ce nouvel office -à l'initiative du Ministre de l'Intérieur en étroite liaison avec la Ministre de la Défense et en totale coordination avec le Ministre du Travail- traduit notre volonté commune de renforcer et de moderniser nos moyens de lutte contre ce fléau et constitue une nouvelle et puissante illustration de cette priorité. Je tiens ici à remercier l'implication personnelle de mes collègues ministres de l'intérieur et de la défense dans la mise en place de ce nouvel outil dont nous attendons, tous, beaucoup.
Le travail illégal constitue un véritable fléau.
Ses évolutions actuelles sont en effet à bien des égards préoccupantes. Les statistiques de la verbalisation laissent en effet à penser que le travail illégal en France se maintient à un niveau encore trop élevé. Les contrôles montrent également que ces pratiques tendent à se diversifier et à se complexifier en permanence, mais aussi -et de plus en plus- à s'internationaliser avec la constitution de véritables réseaux qui rendent la fraude toujours plus difficile à constater, à caractériser et à sanctionner.
Cette situation n'est pas acceptable. Elle va contre la cohésion sociale et les valeurs de la République.
Le travail illégal représente un coût économique et social très important pour la collectivité dans son ensemble. L'INSEE a ainsi pu estimer que ses conséquences seraient de l'ordre de 4 % du PIB.
Il pénalise également les travailleurs eux-mêmes, et notamment les plus précaires, qui se voient ainsi privés de leurs droits sociaux.
Il déstabilise enfin les conditions d'une concurrence loyale dont dépendent le développement de nos entreprises (et notamment les PME) et la préservation d'un emploi de qualité.
En la matière, l'action de l'Etat doit donc être forte et déterminée. Voilà pourquoi, avec Jean-Louis Borloo et le soutien de l'ensemble des ministres parties prenantes à la lutte contre le travail illégal, nous avons mis en uvre, en juin 2004, un plan national d'actions pour les années 2004 et 2005.
Les premiers résultats en sont d'ores et déjà positifs et témoignent d'une meilleure efficacité des contrôles. Je me félicite notamment de la forte mobilisation de l'ensemble des services de contrôle - et tout particulièrement de l'inspection du travail qui est en première ligne - autour de cet objectif.
La politique volontariste de lutte contre le travail illégal commence donc à produire ses effets. Mais, pour qu'elle puisse être pleinement efficace, elle doit encore être confortée. Nous avons notamment besoin de renforcer et de moderniser notre arsenal et nos moyens pour les adapter à l'évolution permanente des pratiques frauduleuses afin de mieux les prévenir et de mieux les réprimer.
En ce sens, la création de ce nouvel office constitue à nos yeux une réponse nouvelle et opérationnelle pour lutter plus efficacement contre les fraudes les plus graves et les plus complexes, et notamment les fraudes transnationales qui inquiètent nos services et nos concitoyens.
L'Office, par son caractère interministériel, pluridisciplinaire et hautement spécialisé, par sa vocation à coordonner l'action des différents services chargés de mission de police judiciaire et par sa capacité à centraliser et croiser les informations, constituera un outil essentiel au sein de notre dispositif de lutte contre le travail illégal. Il parachève ainsi l'architecture du dispositif mis en place en 1997.
Car, en la matière, l'expérience nous montre que c'est bien au travers d'une action interministérielle, animée par une délégation (la DILTI), que notre politique a pu et peut produire des résultats concrets.
Le caractère interministériel du nouvel office, dont témoigne ici, si besoin était, la présence de trois ministres, constitue selon nous un facteur clé de sa réussite et de sa capacité à conforter plus largement l'action de l'ensemble des corps de contrôle. Et vous comprendrez que le Ministre du travail que je suis insiste sur le rôle particulier de l'inspection du travail, épine dorsale de l'application du droit en la matière.
Le nouvel office devrait donc nous permettre de faire, en lien avec les différents corps de contrôle, un saut qualitatif dans notre capacité à répondre aux fraudes les plus complexes et les plus graves.
Avec l'office, et je voudrais souligner que la Commission nationale de lutte contre le travail illégal où siègent les partenaires sociaux a donné un avis unanimement positif sur sa création, nous nous dotons d'un nouvel instrument opérationnel.
Mais nous comptons aussi renforcer notre arsenal législatif. Ainsi, le projet de loi en faveur des entreprises qui sera examiné dans quelques jours par le Sénat, comporte, à notre demande, de nouvelles dispositions permettant de renforcer les sanctions administratives pouvant être prononcées contre les auteurs d'infractions de travail illégal.
Ces initiatives complémentaires soulignent toute la détermination absolue du Gouvernement dans la lutte contre le travail illégal. Notre engagement, je le répète, sera sans faille.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 19 mai 2005)