Interview de M. Léon Bertrand, ministre du tourisme, à "BFM" le 26 août 2005, sur la publication de la liste des compagnies aériennes autorisées et interdites en France, sur la nécessité de renforcer la sécurité dans les transports aériens et sur les chiffres du tourisme.

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Média : BFM

Texte intégral

Q- Créer une sorte d'observatoire des compagnies aériennes, c'est l'objectif de D. Perben. Le ministre des Transports a annoncé hier, la création d'une liste noire des compagnies aériennes autorisées et interdites sur le sol français. Cette liste sera dès lundi sur le site de la DGAC, une manière logique de redonner confiance, notamment aux vacanciers. Est-ce que cette liste noire est une bonne idée et à quoi va-t-elle servir ?
R- C'est une très bonne idée parce que vous savez que le paramètre de la sécurité est un paramètre de plus en plus important. Le transport, bien entendu,, va encore augmenter par l'augmentation effective des flux touristiques et donc c'est une très bonne idée pour le tourisme.
Q- Mais est-ce que c'est suffisant ou faut-il aller encore plus loin ? Est-ce un début d'une certaine manière ?
R- C'est un début, d'une certaine manière. Il faut savoir qu'à côté de la liste noire que nous préconisons, c'est à dire permettre de montrer du doigt les mauvais élèves, nous allons compléter ceci par un label bleu qui consiste à mettre en avant trois critères importants : la sécurité bien entendu, la qualité et surtout la transparence, c'est-à-dire permettre aussi bien à l'usager qu'à l'agent de voyage ou au voyagiste, dès le départ, de connaître la compagnie afin de pouvoir se déplacer en toute sécurité.
Q- Ce label bleu devait voir le jour, là logiquement, dans les mois qui viennent de s'écouler. Pour autant il a pris un petit peu de retard, mais il n'est basé que sur le volontariat. On reste toujours sur cette idée ?
R- Oui, on reste toujours sur cette idée. Ceci dit, vous savez qu'on avait déjà prévu la sortie de ce label pour le début de l'année 2006. Ceci dit le président de la République, hier, a souhaité que nous accélérions la procédure et si tout va bien, pour la fin de l'année au plus tard, on devrait avoir l'application de ce label bleu. Nous avons déjà choisi l'organisme de certificateur AFNOR, et cela devrait nous permettre de rassurer les voyageurs et bien entendu les agents de voyages.
Q- Mais est ce qu'il ne faudrait pas obliger toutes les compagnies qui passent en France à être contrôlées, avoir un label ? Parce que se baser uniquement sur le volontariat,logiquement, c'est un peu comme pour les contrôles anti-dopages, on y va quand on est sûr de ne pas être dopé, donc on ne va pas demander un label bleu si on est sûr de ne pas l'avoir, j'imagine ?
R- Non, mais vous savez très bien comment les choses se passent. Il y a la logique économique et bien entendu, toutes les compagnies qui ne respecteront pas les contraintes imposées par ce label bleu s'excluront d'elles-mêmes du système économique, et par conséquent, elles seront bien obligées de se mettre au goût du jour ?
Q- Vous pensez que ça va devenir une sorte d'argument de vente, un peu comme le label Viande Française ?
R- Tout à fait et c'est ainsi que nous réussirons progressivement à faire en sorte, d'abord que ce label soit appliqué chez nous - ça c'est une chose, c'est une garantie, c'est pratiquement sûr -, mais nous allons aussi déposer un mémorandum au niveau européen au mois d'octobre et ce que nous souhaitons, c'est qu'au niveau international, nous puissions arriver à sensibiliser aussi les acteurs pour que cela devienne tout simplement, un phénomène mondial.
Q- Il y a des zones géographiques plus dangereuses que les autres. C'est le cas d'une zone que vous connaissez très bien, la zone Amérique Latine. Faut-il faire pression aussi sur les Etats ? La France doit-elle user de son influence pour cela ?
R- Oui, tout à fait, nous devons tout faire pour cela. Il faut intervenir au niveau de l'Organisation internationale de l'aviation civile. C'est vrai, vous avez raison, l'Amérique Latine, l'Afrique et en moindre mesure l'Asie, sont des zones qui méritent effectivement d'être plus sensibilisées. Nous le ferons en passant par cette organisation internationale, mais il est clair que, comme je le disais tout à l'heure, l'appât du gain en quelque sorte, le fait de ne pas être exclu du système économique, va obliger les uns et les autres, à se conformer à ces nouvelles règles.
Q- Mais quand on voit, par exemple, le cas de la compagnie péruvienne, c'est une compagnie qui ne vient pas beaucoup en France, pour autant ces compagnies peuvent également transporter des ressortissants français. Et là faut-il utiliser des mesures presque plus coercitives d'une certaine manière, sur ces Etats africains ou d'Amérique latine ?
R- Il est difficile tout à fait au départ d'envisager d'aller comme cela faire une ingérence au niveau des Etats étrangers. Mais je crois que, progressivement, il faudra passer par une période de test où le volontariat sera effectivement le maître mot. Et progressivement, nous arriverons certainement, en passant par l'organisation internationale, à mieux sensibiliser ces Etats.
Q- Plus largement, la sécurité des vols non réguliers, ces fameux charters, est souvent mis en cause. Il y aurait deux poids, deux mesures ?
R- Ecoutez, je profite pour dire qu'il ne faut pas toujours faire amalgame entre les charters, les low cost, et les vols réguliers. Les gens qui font du vol régulier peuvent aussi affréter leurs avions ou bien faire aussi des charters. Ce qui importe, c'est le niveau d'exigence de sécurité et par conséquent, surtout en France, nous avons toujours fait ce qu'il fallait, et même quand on prend un vol charter ici en France par rapport à d'autre pays, on sait très bien que la notion de sécurité est toujours respectée.
Q- Pour autant, il y a certains passagers qui semblent-il ne le croient pas. Cela s'est encore vu hier à l'aéroport, où des passagers ont refusé de monter dans un avion, pourtant sur le sol, parce qu'ils ont estimé tout simplement que cet avion ne remplissait pas les notions de sécurité ?
R- C'est une question effectivement d'information et c'est très bien que nous puissions en parler aujourd'hui. Il faut une pédagogie, il faut une explication pour que véritablement, que l'on sache en France, que nous avons malgré tout des moyens de contrôle importants. Nous avons la DGAC qui contrôle en permanence et donc le niveau de sécurité concernant les charters, en tout cas français, ces niveaux de sécurité sont parfaitement convenables et doivent permettre de rassurer la clientèle française et bien entendu la clientèle étrangère.
Q- Est-ce qu'on pense que cela peut être rassurant quand on sait qu'il n'y a que cinq contrôleurs pour tout vérifier aux alentours de Paris ? Est-ce que la DGAC a vraiment les moyens de ses ambitions ?
R- C'est la raison pour laquelle hier, au Conseil des ministres, D. Perben a annoncé un renforcement de ces contrôles. Donc tout cela voudrait dire que nous allons aussi renforcer les moyens et les effectifs, pour à la fois renforcer ces contrôles avant même de délivrer les autorisations de droit de trafic, mais renforcer aussi le contrôle des avions qui sont en
circulation.
Q- Oui, parce qu'aujourd'hui, les contrôles, je crois, ne portent que sur 30 % des avions qui passent en France. Donc ce n'est finalement pas beaucoup...
R- Mais en tout cas, c'est très important par rapport à ce qui se passait avant Charm El Cheikh, où nous avons véritablement augmenté le nombre de ces contrôles, et nous le ferons encore davantage, parce que nous savons bien qu'il y a aujourd'hui une forte inquiétude ; il faut éviter que cette inquiétude devienne une psychose ; en tout cas, c'est la volonté du Gouvernement, qui a été clairement rappelée hier par le Premier ministre et par le président de la République.
Q- Toujours dans cette ligne-là, un décret sera pris d'ici à la fin de l'année, pour que les touristes connaissent, dès l'achat de leurs billets, la compagnie sur laquelle ils seront transportés. Cela va aussi dans ce sens là ? Cela leur permettra même de se renseigner voir s'ils sont d'accord tout simplement pour le prendre ?
R- Oui, tout à fait, ce sont bien entendu là les conditions du label bleu. Tout à l'heure, je parlais de trois normes sécuritaires. Bien entendu là, nous rentrons directement dans la qualité du produit touristique qu'il faut donner, notamment dans le domaine du transport. Et puis la transparence effectivement, c'est de permettre dès le départ au touriste, au client tout simplement de connaître la compagnie qu'il va pouvoir prendre pour être transporté. Nous le faisons déjà, d'ailleurs ; certains voyagistes jouent le jeu, et c'est tout naturellement que nous allons arriver à mettre en pratique cette nouvelle donne.
Q- Cela pourrait-il tout de même avoir un impact sur le transport aérien dans le sens où les Français pourraient avoir peur de voyager, préfèreraient peut-être circuler en voiture en France ? Pensez vous que tous ces crashs à répétition pourraient avoir un impact ?
R- Non, parce que je rappelle tout de même que le transport aérien reste le moyen de transport le plus sûr au monde. Alors c'est vrai que lorsque qu'un avion tombe, cela n'arrive pas souvent, médiatiquement, cela fait un grand bruit. Mais n'oublions pas que la circulation routière est quand même un secteur très dangereux. Nous sommes passé c'est vrai de 8.000 morts à moins de 5.000, mais ce sont des nombres non atteints au niveau du transport aérien. Je rappelle qu'en dix ans, le trafic aérien a augmenté de 50 % alors que le nombre d'accidents mortels a diminué de 52 %. Par conséquent je crois qu'il y a une prise de conscience à avoir ces jours ci, c'est vrai que nous avons une série noire. Profitons de cette situation justement pour remettre de l'ordre parce que c'est vrai que nous allons dans une mondialisation accélérée. Le transport aérien, va se développer davantage. Cela exige de nous que nous puissions là aussi augmenter le niveau de sécurité. En tout cas le Gouvernement français a décidé de prendre à bras le corps ce problème.
Q- Passons plus largement à la saison touristique. Bonne saison touristique ? On a parlé d'un mois de juillet pas top et d'un bon mois d'août, c'est le cas ?
R- Oui c'est le cas et je voudrais peut être dire sans trop me tromper que nous risquons d'avoir une année 2005 meilleure que l'année 2004. D'ailleurs 2004 avait été en légère reprise par rapport à 2003. Donc la tendance est bonne, nous assistons au retour d'une clientèle étrangère qui était partie et qui nous faisait défaut. En disant cela, je pense par exemple à la clientèle américaine, nous avons une clientèle russe qui augmente, les japonais bien entendu, peut être un léger tassement de la clientèle européenne, mais en tout cas, les tendances sont très bonnes avec une reprise, si vous voulez, de la fréquentation au niveau du sud-est, ce qui n'était pas forcément le cas par rapport à la canicule 2003. Je crois que cette année touristique en France sera une bonne année.
Q- Une bonne année en terme de fréquentation, mais beaucoup ont dit que tout le monde avait un peu le porte-monnaie en peau de hérisson, que tout le monde était frileux côté dépense. C'est important aussi pour nos rentrées de devises. Les gens ont dépensé ou pas ?
R- Nous le saurons d'ici la fin de l'année. Il est clair que c'est vrai que la crise, pas plus ici qu'ailleurs, fait que les Français et les touristes étrangers sont beaucoup plus près de leur portefeuille. C'est la raison pour laquelle, nous allons suggérer fortement aux professionnels, d'aller beaucoup plus vers la notion de package pour répondre aux besoins de sécurisation du budget des Français.
Q- C'est-à-dire, pas de surprises : tout le prix est compris, du vol jusqu'au quotidien, où toutes les dépenses sont prises en compte ?
R- Tout à fait, nous savons bien le faire, nous avons d'ailleurs été les premiers à la faire, les Français, avec le Club Med, dans les pays étrangers. Donc, ce n'est pas une raison pour que nous ne puissions pas, en quelque sorte, vulgariser ce moyen ici en France. En tout cas ce sont des thèmes qui seront abordés lors des prochaines Assises nationale du Tourisme, que je vais présider au mois de novembre prochain.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 29 août 2005)