Discours de M. François Hollande, premier secrétaire du parti socialiste, sur le bilan des choix économiques, énergétiques et sociaux du gouvernement et les défis à relever pour la gauche dans la perspective des élections présidentielles de 2007 notamment en matière d'emploi, de logement, de politique universitaire, Nevers le 22 septembre 2005.

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Circonstance : Journées parlementaires du parti socialiste à Nevers les 21 et 22 septembre 2005

Texte intégral

Chers Camarades,
A mon tour de remercier Didier Boulaud pour son accueil, ses qualités, son sens de l'humour qui nous manque à l'Assemblée nationale
Venir dans la Nièvre, c'est un acte presque naturel pour des socialistes. Ils y sont chez eux. Un département socialiste présidé par Marcel Charmant, des parlementaires tous socialistes (3 députés et 2 sénateurs), et une région présidée par un socialistes
Je veux saluer nos présidents de groupes, JM Ayrault (qui mène avec courage le travail d'opposition à l'Assemblée nationale), JP Bel (qui défend toujours avec conviction le bien fondé d'une deuxième chambre dans nos institutions, tout en affirmant tout aussi nettement qu'il faudra bien changer le mode de scrutin du Sénat), B Poignant (qui nous rappelle toujours combien la construction européenne est une uvre difficile qui suppose obstination et vision d'avenir).
Venir dans la Nièvre, c'est forcément évoquer le souvenir de François Mitterrand, de Pierre Bérégovoy et de retenir les leçons qu'ils nous ont laissées :
Leçon de volonté pour François Mitterrand. De la volonté pour forcer la porte de l'alternance, de la volonté pour tenir bon dans l'opposition comme au pouvoir, de la volonté pour conquérir non pas simplement le pouvoir, mais aussi la durée, sans laquelle les victoires ne sont que des fêtes sans lendemain.
Leçon de vérité pour Pierre Bérégovoy. De la vérité pour dire aux Français la réalité de l'économie, de la volonté pour les convaincre -et ce ne fut pas facile- de la nécessité de l'euro. De la vérité aussi pour savoir ce qu'est être socialiste lorsqu'on vient d'un milieu populaire.
Aujourd'hui, forts des leçons qu'ils nous ont laissées, nous affrontons de nouveaux défis : une mondialisation qui déstructure les instruments de l'action publique, une pression libérale au sein même de l'Europe et une droite française qui assume crânement le démantèlement des fondements même du pacte social.
Il nous revient donc d'inventer de nouvelles solutions, de redonner une perspective, de fournir un projet audacieux et crédible aux Français Bref, de lever l'espérance d'un changement authentique et crédible en 2007.
Nous sommes tous conscients de nos responsabilités. Nous avons eu des débats sur le Traité constitutionnel. Nous avons su le dépasser. Il nous a séparé. Les Français ont tranché et nous devons nous rassembler. Car à mes yeux, ici, il n'y a pas des socialistes du " oui " à côté des socialistes du " non ". Il n'y a que des socialistes. En l'occurrence des parlementaires socialistes qui entendent exprimer, en cette rentrée, la colère -elle est forte- et les impatiences -elles sont nombreuses- de nos concitoyens. Et les sujets ne manquent pas : emploi, pouvoir d'achat, logement, services publics
Face à une droite qui démolit, qui détruit, qui déstructure, qui défait, la gauche est doublement interpellée. Elle doit faire pleinement son travail d'opposition et démontrer qu'elle porte, dès à présent, un projet alternatif.
Faire notre travail d'opposition commence par un devoir d'information des Français sur l'état de leur pays, car ils doivent connaître la situation que la droite va laisser, alors même qu'il reste encore 18 mois avant qu'elle ne cède, je l'espère, le pouvoir. La droite gouverne depuis 1100 jours et son bilan est accablant ; rarement autant d'échecs, autant d'impasses et autant de traites tirées sur l'avenir se sont accumulés en si peu de temps. La droite en porte seule la responsabilité.
Elle a mis la croissance à plat (à peine 1 % cette année, inférieure de moitié à ce que l'on pouvait espérer dans le projet de loi de finances pour 2005 et de celle constatée durant la période du gouvernement Jospin, en moyenne 3 %) ;
Elle a installé un chômage structurel, malgré les manipulations statistiques ;
Elle a laissé la précarité en flèche (70 % des embauches se font en CDD).
Elle a mis l'investissement à l'arrêt, bloqué la consommation, le pouvoir d'achat est en recul ;
Elle a mis le commerce extérieur en croix : sans doute, à la fin de l'année, hélas, le déficit du commerce extérieur aura atteint un niveau historique (20 milliards d'euros). Il a fallu l'obstination de F. Mitterrand et des Premiers ministres successifs P. Mauroy, L. Fabius pour, avec P. Bérégovoy, en finir avec ce qu'était la plaie française : le défaut de compétitivité et un déficit du commerce extérieur qui atteignait à l'époque 60 milliards de francs -et l'on considérait que c'était insupportable.
Elle a mis les comptes de l'Etat dans le rouge (au-delà des 3 % prévu par le pacte de stabilité), la Sécurité Sociale en faillite (déficit de l'assurance maladie de 12 milliards d'euros pour 2005), l'assurance maladie aujourd'hui est financée à crédit, le fonds de solidarité vieillesse, celui-là même qui avait été créé par la désastreuse loi Fillon, est déjà en déséquilibre, alors qu'il n'a qu'à peine un an d'existence, et l'UNEDIC en dépôt de bilan. Et la dette publique atteindra 70 % de la richesse nationale en 2007 ;
Elle a mis à l'arrêt l'effort pour l'Education et la Recherche, paupérisé nos universités et découragé les scientifiques.
La droite n'aura rien épargné au présent et consommé l'avenir.
Bref, le pouvoir aura réussi l'incroyable performance, en 3 ans et 100 jours, de désespérer à la fois les salariés, les chômeurs, les assurés sociaux, les consommateurs, les entrepreneurs, les chercheurs et même les autorités européennes à travers la dérive de nos déficits.
Cette somme d'échecs handicapera pour longtemps notre pays et notre économie. Ils ne sont pas dus à une conjoncture malheureuse (la croissance mondiale se porte bien : 4 % par an), à un aléa imprévu (la hausse des prix du pétrole est continue depuis plusieurs mois et touche tout le monde et pas seulement la France) ou à des prétendues rigidités liées au modèle français (sinon comment comprendre nos réussites passées sur l'emploi, mais aussi sur la compétitivité).
Cette situation exceptionnellement grave n'a pas d'autre origine, pas d'autre source, pas d'autre cause que les décisions prises par les gouvernements Raffarin - Villepin, et dont Sarkozy est, finalement, le trait d'union, si l'on peut dire, entre ces deux équipes comme Président de l'UMP et numéro 2 du gouvernement.
Faire notre travail d'opposition, c'est ensuite dénoncer les choix injustes et inefficaces du pouvoir depuis 1100 jours.
Dénoncer d'abord les choix économiques :
La droite a commis, depuis 2002, trois erreurs majeures qui expliquent pour beaucoup la faiblesse de la croissance et la montée du chômage :
Elle a amputé gravement le pouvoir d'achat des ménages en n'exigeant rien des entreprises en matière de négociation salariale, en ne montrant pas l'exemple dans la fonction publique, en rognant sur les retraites et les prestations et en infligeant une somme de prélèvements de toute nature (cotisations, tarifs publics...) sur l'ensemble des Français.
Le dernier exemple en date est le refus du gouvernement Villepin de réintroduire la TIPP flottante, alors que le prix des carburants augmente et que l'Etat prend sa rente au passage à travers la TVA. Au prétexte, sans doute, que ce sont des socialistes qui ont été à l'origine de sa création ! Ainsi, aboutit-on à la situation paradoxale où le gouvernement essaie tardivement et insuffisamment d'amortir le choc pour toutes les professions (agriculteurs, pêcheurs, routiers...), sauf pour une catégorie, la plus nombreuse, à savoir les salariés supposés, comme chacun sait, ne pas utiliser leur véhicule pour se rendre à leur travail. Résultat : une perte supplémentaire de pouvoir d'achat qui se répercutera négativement sur la croissance et l'emploi.
La droite a commis une deuxième erreur en consacrant chaque année 20 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales en faveur des entreprises, sans aucune contrepartie en termes de créations d'emplois ou de négociation salariale. Les entreprises ont donc saisi cette aubaine sans rien changer dans leur comportement d'embauche. Elles ont même pu bénéficier d'une remise en cause des 35 heures, tout en gardant le bénéfice des exonérations supposées en compenser le coût. Et le gouvernement Villepin -comme s'il n'avait rien compris de l'échec de son prédécesseur- vient encore d'en rajouter 2 milliards d'euros avec toujours le même prétexte d'inciter à des embauches qu'il décourage par ailleurs, faute d'activité et de commande.
La troisième erreur a consisté à supprimer tous les outils du traitement social du chômage : les emplois jeunes (accablés de tous les maux), les contrats aidés (supposés favoriser l'activité) pour les réintroduire avec retard et au rabais dans la loi de cohésion sociale. Les jeunes en ont été et en sont encore les premières victimes, les chômeurs de longue durée aussi. Et, aujourd'hui, plutôt que des contrats de 5 ans avec une rémunération égale au SMIC, ce sont des formules précaires, inférieures à 2 ans et à temps partiel qui leur sont proposées, rien que pour les sortir opportunément et momentanément des statistiques du chômage.
Si ces formules ne durent pas plus de deux ans, c'est que l'élection a lieu en 2007.
Dénoncer, ensuite, les choix sociaux
Depuis trois ans et 100 jours, la droite poursuit -parfois dans la confusion et la maladresse- une politique dont la logique libérale est simple : démanteler le droit du travail pour libérer prétendument l'emploi. Cela a commencé par la première loi Fillon sur les 35 heures qui ont élargi les contingents d'heures supplémentaires. Cela s'est poursuivi avec la deuxième loi Fillon sur la négociation collective qui a renversé la hiérarchie des normes en droit social et permis de faire prévaloir les accords d'entreprise sur les conventions collectives. Cela s'est poursuivi avec la suspension puis l'abrogation de la loi de modernisation sociale dans le cadre de la loi Borloo qui a privé l'Etat de toute capacité d'intervention en matière de licenciements collectifs (on le voit dans l'affaire Hewlett Packard où le gouvernement démontre son impuissance en se défaussant sur Bruxelles qui n'a aucune compétence pour agir). Ce sont nos amis qui réagissent avec le plus de force dans ce dossier : d'abord Michel Destot qui s'est rendu aux Etats-Unis pour essayer, en tant que Maire de Grenoble, de limiter le pire, et André Vallini -à juste raison- qui exige de reprendre les aides qui avaient été versées à cette entreprise par le Conseil général. Retenons la leçon : il faudra dorénavant supprimer ou reprendre toutes les aides publiques qui ont été versées aux entreprises qui, ensuite, procèdent à un plan de licenciements. Cela s'est parachevé avec le recours aux ordonnances pour introduire le Contrat Nouvelle Embauche qui légalise la précarité des droits des salariés et la liberté patronale absolue de licencier par simple lettre recommandée. Le droit du travail est passé au Karcher pour aboutir au salarié kleenex. Voilà le sens de la politique qui a été menée depuis 3 ans et 100 jours.
Cette politique est non seulement dure pour le monde du travail, puisque 70 % des recrutements se font aujourd'hui par des formules précaires (CDD, intérim), mais elle est inefficace en termes de lutte contre le chômage :
Le nombre d'emplois aujourd'hui en France est inférieur à ce qu'il était en 2002. Nous avions créé 1 million d'emplois en 5 ans. La droite n'en a pas créé un seul en 3 ans et 100 jours.
Le nombre total d'heures travaillées dans notre pays est inférieur à ce qu'il était en 2002. La France travaille moins qu'en 2002. La droite a infligé au pays une RTT obligatoire et sans compensation salariale : elle s'appelle le chômage de masse.
La droite nous parle sans cesse de la valeur travail qu'il faudrait réhabiliter : elle l'a abaissée. Elle ose dénoncer l'assistance : il n'y a jamais eu autant de Rmistes dans notre pays. Elle prétend encourager l'effort : jamais l'UNEDIC n'aura consacré autant de dépenses à l'indemnisation plutôt que pour le retour à l'emploi.
Elle a fini par trouver un bouc émissaire de ses échecs : le chômeur lui-même qu'il faudrait non seulement contrôler -c'est la moindre des obligations- mais culpabiliser, stigmatiser pour mieux le radier des fichiers. Pour supprimer le chômage il suffit de supprimer les chômeurs.
À cette provocation sociale, s'ajoute une provocation fiscale.
Dénoncer les choix fiscaux
Depuis trois ans et 100 jours, la droite s'est lancée dans une politique de baisse d'impôts coûteuse pour les finances publiques (15 milliards d'euros) et profondément inégalitaire. Concentrée sur les revenus les plus importants, cette politique n'a eu aucune conséquence sur la consommation et sur la croissance.
Un moment tenté par le renoncement à cet engagement de Jacques Chirac, le gouvernement Villepin, en grand tapage, vient de proposer une réforme qui ajoute la manipulation à l'injustice :
La manipulation, car le procédé qui consiste à présenter dans une loi de finances pour 2006 des dispositions qui n'entreront en vigueur qu'en 2007, c'est-à-dire au-delà même de l'espérance de vie maximale du gouvernement Villepin, tient de l'abus de confiance démocratique. Cela revient à légiférer pour autrui pour demain, voire pour après-demain. L'inspiration est toute chiraquienne. On décide pour un temps où l'on ne sera plus en responsabilité. C'est la politique à crédit. Mais, nul n'est obligé de reprendre les impayés ;
La manipulation, c'est aussi de prétendre favoriser les classes moyennes quand sont servis les seuls privilégiés. De faire croire aux Français que la baisse d'impôts les concerne tous, quand bon nombre d'entre eux ne paient même pas l'impôt sur le revenu.
L'injustice, elle est partout :
Impôt sur le revenu : l'introduction dans le barème de l'impôt sur le revenu de l'abattement de 20 % et la réduction de 7 à 5 du nombre des tranches aboutiront à favoriser les détenteurs de revenus de capitaux qui vont ainsi bénéficier d'un abattement qu'ils ne connaissaient pas jusqu'à présent, des professions libérales qui n'avaient pas forcément toutes droit à un abattement et les foyers fiscaux déclarant au moins 10 000 euros par mois. Ceux-là encaissent en moyenne 4 000 euros par an de gains, quand ceux qui ne gagnent que 3 000 euros par mois devront se contenter de 174 euros de réduction (soit 20 fois plus).
C'est la progressivité même de l'impôt sur le revenu qui est ainsi mise en cause.
Impôt sur la fortune : le plafonnement de la masse des impôts par rapport au revenu n'a pas d'autre objectif que de baisser l'ISF, notamment pour les 9000 plus gros contribuables concernés et dont le patrimoine excède 5 millions d'euros qui verront leur contribution baisser de près de 20 000 euros. Voilà, pour le gouvernement de D. de Villepin et de N. Sarkozy, ce qui doit être la cible de l'action fiscale et économique du pays.
Ces malheureux, ces 9000 gros contribuables ne pouvaient pas attendre ! Ils n'en pouvaient plus ! Leur situation était insupportable ! Et c'est pourquoi, exceptionnellement pour eux, le " bouclier fiscal " entrera en vigueur dès 2006, soit un an avant la réforme de l'impôt sur le revenu. Il en sera de même pour la modification du régime des donations.
La fin programmée des droits de succession : en raccourcissant de 10 à 6 ans le délai séparant deux donations entre vifs, le gouvernement permet aux 20 % des Français payant l'impôt sur les successions de s'affranchir progressivement, en s'organisant bien, de toute contribution sur les successions.
C'est " l'économie de la rente ", fondée sur l'accumulation et la transmission du patrimoine, qui est ainsi organisée, au détriment de la reconnaissance du travail, du mérite, de l'effort. Les classes moyennes salariées sont utilisées pour justifier des allègements aux seuls détenteurs de capitaux.
Aussi, nous prenons ici l'engagement que si, en 2007, les Français nous accordent leur confiance, nous reviendrons entièrement sur cette réforme, celle fiscale, de toutes les injustices.
Dénoncer les choix énergétiques
La hausse continue du prix du pétrole et la préparation de l'avenir auraient dû conduire le gouvernement à privilégier le transport collectif. Or, depuis 3 ans et 100 jours, il a pris des décisions à l'inverse de cet objectif :
Il a mis en cause les contrats de plan Etat-région et la priorité qui y est accordée aux investissements ferroviaires.
Il a réduit substantiellement les subventions aux transports urbains en site propre.
Et, cet été, il a contraint la SNCF à annoncer la suppression de trains corail.
Quant à la préparation de l'avenir, le gouvernement ne fait pas l'effort suffisant en faveur des énergies renouvelables. Et, plutôt que de menacer les compagnies pétrolières d'un impôt sur leurs super profits, en contrepartie d'une baisse factice du prix des carburants, il ferait mieux de lever ce prélèvement pour financer un plan de développement et de recherche en faveur de toutes les énergies alternatives au pétrole.
Et au moment même où notre pays affronte une mutation énergétique de grande importance, il prend l'immense responsabilité de privatiser de grandes entreprises publiques d'énergie que sont EDF et GDF, faute de pouvoir leur accorder les moyens de leur développement. C'est un risque qui est pris pour l'avenir du service public et surtout pour l'indépendance énergétique ; à cet égard, le patriotisme économique de D. de Villepin est bien sûr un prête-nom au libéralisme.
C'est pourquoi nous proposerons le retour dans la sphère publique de ces entreprises, en créant un pôle public de l'énergie.
Faire notre travail d'opposition, c'est enfin mettre en cause une conception insupportable de la politique dont Jacques Chirac est l'incarnation jusqu'à la quintessence, mais qui imprègne l'ensemble de sa famille politique.
Une conception caractérisée par à la fois le manquement, l'irresponsabilité et la mystification :
Le manquement aux engagements :
Je ne parle pas simplement des promesses oubliées en chemin, mais de l'oubli des conditions mêmes du vote du 5 mai 2002 qui obligeaient le Chef de l'Etat -élu dans ces conditions- à tout le moins au respect du pacte républicain. Or, qu'a-t-on vu ? Le démantèlement systématique et méticuleux des fondements de notre protection sociale (régimes par répartition et accès de tous aux soins) ; l'abandon des principes mêmes de l'Education nationale (avec la loi Fillon et les propos inacceptables de son successeur Gilles de Robien sur la nécessaire égalité entre les écoles, alors que la seule école de la République, c'est l'école publique) ; le communautarisme prôné comme une forme d'accès à la citoyenneté par le Ministre de l'Intérieur ; et l'annonce précipitée par le Ministre de l'Outre mer d'une remise en cause du droit du sol -d'abord pour l'Outre mer, on verra ensuite pour la métropole- salué comme il se doit par le Président du Front national dont les électeurs font l'objet de toutes les attentions de N. Sarkozy qui s'enorgueilli même de pouvoir les séduire et dont les représentants sont, pour la première fois depuis 10 ans, reçus officiellement à Matignon.
L'irresponsabilité, et notamment celle du Chef de l'Etat :
Je ne parle pas de son statut pénal qui devait faire l'objet d'une réforme dans la première année de son nouveau mandat et qui ne verra sans doute pas le jour avant la fin de son quinquennat. Je veux évoquer le mépris qui a été celui du pouvoir face aux mouvements sociaux, et plus largement, aux syndicats, alors que le dialogue social avait été, paraît-il, consacré dans une loi.
Mépris du Parlement à travers le recours aux ordonnances.
Mépris à l'égard des électeurs dont aucun des messages n'a été entendu. Pas plus celui des élections de 2004 que celui du référendum du 29 mai. Pire même, le pouvoir a paru s'affranchir après chaque scrutin des quelques réserves qui le retenaient jusque-là pour mener jusqu'au bout sa politique libérale.
La mystification, c'est celle qui consiste à s'installer en fausse alternance au sommet de l'Etat.
La droite connaît l'ampleur de son échec. Elle sait que les Français veulent le changement ; elle sait même que les Français ne veulent pas du libéralisme pas plus que les Allemands d'ailleurs. Alors, elle fournit les apparences de ce changement. C'est une manuvre aussi vieille que la Ve République durant laquelle le changement dans la continuité ou la continuité dans le changement a servi de cadre à l'affrontement Pompidou/Poher puis Giscard/Chaban, puis Giscard/Chirac, puis Barre/Chirac et encore Balladur/Chirac, pour faire, au bout du compte, la même politique.
Avec l'usure du Chef de l'Etat, la concurrence s'est installée au sein même du gouvernement, dans la perspective d'une possible succession. Et la compétition entre le dauphin et le rival, le grand chambellan et le vizir est ouverte.
Rien ne les distingue, sauf un style, un tempérament, une position institutionnelle, une liberté de parole. Ils appartiennent au même mouvement, ont été formés aux mêmes pratiques -y compris les plus contestables, ont fréquenté les mêmes instances et connu les mêmes inspirations.
Résumons les choses simplement : Sarkozy, c'est la politique de Balladur avec la méthode de Chirac ; Villepin, c'est la politique de Chirac avec la méthode de Balladur : voilà les seules différences !
La mystification, c'est d'inventer de faux clivages, des faux-semblants comme le modèle social que l'un voudrait sauvegarder et avec lequel l'autre voudrait rompre, alors qu'ensemble ils le mettent, depuis 3 ans et 100 jours, en lambeaux.
Nicolas Sarkozy veut une droite décomplexée -comme lui ; Villepin de l'éducation et donc encore des pudeurs ou des convenances. Mais, c'est le même libéralisme qui les inspire. Ils peuvent l'affubler de tous les mots, ils font les mêmes choix, ils ont les mêmes résultats : leur projet c'est leur bilan. Nous connaissons leur projet, nous le voyons hélas s'appliquer tous les jours au détriment du pacte social et du pacte républicain.
Dès lors, encore faut-il que les Français en soient convaincus, la gauche représente le seul vrai changement. Et le Parti socialiste doit en être le vecteur.
Notre force d'opposition devenir une force de propositions. Ce sera l'occasion de notre Congrès de nous rassembler autour de notre projet. Mais, d'ores et déjà, nous sommes prêts à fournir les réponses aux principales préoccupations des Français.
L'emploi :
Conférence des revenus pour engager une véritable négociation salariale et une relance du pouvoir d'achat ;
Réforme des cotisations sociales sur la richesse produite et pas sur le travail ;
Une relance à travers une priorité donnée à la Recherche et à la société de la connaissance ;
Le logement :
La maîtrise du foncier à travers une Agence nationale
Pénalisation forte des communes qui ne consacrent pas au minimum 20 % de logements sociaux au sein de leur parc immobilier; nous connaissons des communes, des départements qui en souffriront, notamment dans la région parisienne, mais lorsque l'on regarde quel département, quelle commune a empêché telle ou telle construction, et font en sorte de s'opposer à de telles pénalités, on constate l'imposture. C'est N. Sarkozy qui est le Président du Conseil général, là où il y a le moins de logements sociaux par rapport aux autres départements de la région parisienne ; et il a été Maire de Neuilly, là où il y a le record de faiblesse du nombre de logements sociaux. Comment pourrait-il faire au niveau du pays différemment de ce qu'il a fait dans sa propre commune et dans son département.
Accès au logement locatif par une couverture logement universelle, la prise en charge des cautions, le logement étudiant
L'Education :
Service public de la petite enfance, essentiel si l'on veut lutter contre l'échec scolaire, contre les inégalités et si l'on veut permettre la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, qui conduira à la préscolarisation
Meilleur encadrement dans les ZEP et y consacrer les moyens indispensables avec un taux d'encadrement de 15 élèves par classe
Plan pour les universités
La réforme fiscale :
Progressivité avec fusion de l'impôt sur le revenu et la CSG
Modernisation de la fiscalité locale à travers la prise en charge du revenu
Modulation des cotisations sociales
Services publics :
Création d'une société de participation publique pour mobiliser l'épargne
Aller vers un pôle de l'énergie et un pôle public pour les transports
CONCLUSION
Nos journées parlementaires coïncident avec le dépôt de nos motions. Je n'y ai pas vu un risque de confusion et même d'interférence. Je n'ai pas dit qu'il n'y avait pas de discussion qui pouvait se prolonger. Je ne m'en suis pas plaint car, c'est le même sujet que de mener un travail d'opposition parlementaire et de proposition dans notre travail de militants.
Le congrès n'est pas une bataille entre socialistes enfermés dans un bocal. C'est avant tout un moment démocratique qui doit être un débat utile aux Français à travers le choix d'une orientation, d'une stratégie et d'un projet.
Nous avons, contrairement à ce que l'on voudrait nous faire croire, beaucoup de chance d'être dans un parti qui organise le débat, qui permet la confrontation des points de vue. C'est un exercice transparent que nous faisons à travers la publication de plusieurs textes qui recherchent, de bonne foi, des solutions pour le pays. J'y ai vu des convergences nombreuses, parfois des divergences pas toujours sur l'essentiel. Il nous revient de faire là encore le débat jusqu'au bout, de voir ce qui nous sépare sans caricature. Ce sera aux adhérents du PS de trancher, de décider, en fonction de ce qu'ils croient juste pour leur parti, pour la gauche, mais surtout pour le pays.
Je ne suis pas inquiet. Avec le vote militant, nous saurons nous rassembler sur la ligne -quelle qu'elle soit- qui sera choisie par la majorité des militants.
Mais, ce dont je suis sûr, c'est que si nous voulons vaincre à la fois la droite, les conservateurs et le scepticisme, il faudra faire preuve d'audace dans nos choix, de crédibilité dans nos propositions et d'unité et d'authenticité dans notre manière d'agir.
Et les parlementaires socialistes seront en pointe dans ce combat-là parce qu'ils savent mieux que quiconque, pour vivre les inquiétudes, les souffrances et les impatiences de nos concitoyens, que 2007 doit être le moment du changement.
Nous avons l'obligation de participer à la reconquête de l'espoir avant celle du pouvoir.
A nous de nous y préparer dès à présent.
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 26 septembre 2005)