Tribune de M. François Baroin, ministre de l'outre-mer, dans "Le Figaro" du 12 juillet 2005, sur la crise identitaire française et la volonté de lutter contre les discriminations touchant notamment les personnes de l'outre-mer en métropole, intitulée "Discriminer, c'est diviser".

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Depuis plusieurs années maintenant, notre pays s'interroge sur lui-même -et plus précisément, sur son identité. Comme dans tout questionnement identitaire, cette interrogation recèle une part d'inquiétude. Au cur de cette préoccupation essentielle : le devenir de notre cohésion nationale, de notre vivre ensemble. On parle de crise identitaire ; de malaise aussi, parce qu'il existe un mal être. Notre société tend malheureusement de plus en plus vers un ensemble plutôt constitué de la coexistence de différences dans le morcellement, que d'une cohésion de particularismes dans l'unité.
Cette crise a ses symptômes : replis et revendications communautaristes, racisme, xénophobie, ethnicisation sociétale Elle a bien évidemment des causes : politique d'intégration pas assez efficiente, perte du sentiment de citoyenneté, valeurs républicaines qui s'effacent parce qu'insuffisamment affirmées, entre autres. Autant de questions posées à notre République -et auxquelles il est urgent de répondre. Parmi ces causes, il en est une qui ronge particulièrement notre pacte social : la discrimination, quelle qu'elle soit. Elle est une des principales source du délitement progressif de notre République. Retrouver une unité, retrouver une identité, c'est en priorité agir contre toute forme de discrimination. Discriminer, c'est diviser. C'est sciemment s'inscrire contre ce qui est l'essence même de notre République -" une et indivisible ", précisément. Conscient du danger et de la gravité de ce que peuvent vivre au quotidien nombre de nos concitoyens, le Président de la République a mis en place, le 23 juin dernier, la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité. Grâce à elle, la lutte contre les discriminations va prendre une ampleur considérable. Une ampleur à la juste mesure de ce qu'elle a à combattre. Car, ainsi que l'a rappelé le Chef de l'Etat, les discriminations ne concernent pas une seule catégorie de personnes, elles sont multiples.
En tant que Ministre de l'outre-mer, je voudrais affirmer ma détermination à m'inscrire avec toute ma force et ma volonté dans ce combat. On ignore trop souvent, hélas, nos compatriotes d'outre-mer vivants en métropole lorsque l'on parle des victimes de discriminations. Mon premier engagement sera donc celui de rappeler, tant qu'il le faudra, ce que de nombreux ultramarins subissent. Couleur de peau ou accent sont sources de rejet, de comportements inacceptables. Des portes se ferment. Difficultés ou impossibilité de trouver un logement, un emploi. Cruel sentiment que celui d'être citoyen français -si pleinement citoyen que des territoires d'outre-mer ont été français bien avant certains départements métropolitains- et de ne pas être regardé comme tel. Je ferai également en sorte que ces injustices soient plus efficacement prises en compte ; et surtout que des solutions leurs soient apportées.
Il existe un autre aspect de l'outre-mer au sein de notre République : celui qu'elle nous offre " là-bas ", comme un exemple à suivre. Car à l'heure où en métropole se pose la question de notre identité, de notre modèle sociétal, l'outre-mer a su faire de son multiculturalisme originel une acceptation et un respect de la différence. Elle a su faire de cette pluralité une richesse sociétale et culturelle exceptionnelles, sans pour autant perdre de vue son unité. Il suffit de songer à la Réunion pour comprendre et admirer une si grande diversité ethnique et religieuse vivre en harmonie, dans une considération mutuelle. Le principe d'unité républicaine doit effacer toute notion d'éloignement géographique, tout principe de différence physique ou ethnique. Un sentiment d'appartenance n'a pas de frontières. Métropolitains ou ultramarins, certes, mais avant tout, citoyens d'une Nation fondée sur un même vouloir vivre ensemble pour ne constituer qu'un seul peuple.

(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 13 juillet 2005)