Interview à "RMC Info" le 6 septembre 2005, de M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, sur les conséquences de l'augmentation du prix des carburants dans les métiers des transports.

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Texte intégral

J.-J. Bourdin - J'avais tout à l'heure le patron de l'UNOSTRA, l'un des grands syndicats de transporteurs routiers, qui représente surtout des petites entreprise. Il nous dit maintenant, qu'il faut faire vite, parce qu'ils n'en peuvent plus, alors qu'une entreprise de transport sur deux en France ne gagne plus d'argent, et même en perd...
R - Oui, il faut faire vite. J'ai commencé à discuter avec les représentants de la profession dès le mois de juin dernier, quand j'ai été nommé. Je connais bien cette profession, j'ai des amis dans la profession, je sais que la situation est extrêmement difficile pour eux. La hausse du prix de l'essence, du gasoil, touche tous les Français, mais évidemment cette profession plus que toutes les autres, puisqu'ils travaillent avec ça, ils travaillent avec le gasoil. Et ils ont beaucoup de difficultés à répercuter la hausse du prix du gasoil sur les factures qu'ils envoient à leurs clients. Alors, en juillet, sur leur suggestion, j'ai fait passer un texte de loi qui les protège d'une partie de la concurrence étrangère en matière de cabotage. C'est un peu technique, mais c'est pour les protéger d'une concurrence déloyale. Et en ce moment, tout l'été on a travaillé ensemble et je vais proposer, dans les tous prochains jours, aux organisations professionnelles un certain nombre de mesures, essentiellement dans deux directions, ils le savent bien : sur la taxe professionnelle, qui pèse lourd sur ces entreprises, parce que pour faire tourner une petite boite de transport, il faut acheter des véhicules, il faut des véhicules de bonne qualité. Ce sont des matériaux qui s'usent relativement rapidement et donc ils ont une charge de taxe professionnelle qui est lourde. J'ai donc discuté avec eux et je pense qu'on devrait arriver à mettre en place un dispositif d'allègement qui soit à effet rapide, parce que j'ai bien compris qu'il y avait un problème de calendrier. C'est un peu la course poursuite, il faut vraiment qu'on les aide, le Premier ministre est d'accord là-dessus, parce que c'est maintenant que ça se passe. D'ici à la fin de l'année, il faut donc qu'on les aide.
Q - Ils demandent la suppression de la taxe professionnelle sur l'investissement roulant...
R - Oui, on va voir ce qu'on peut faire parce qu'il y a aussi des règles européennes. On va voir jusqu'où on peut aller...
Q - Vous n'irez pas jusque-là ?
R - J'irais le plus loin possible. Mais on continue à discuter avec eux pratiquement tous les jours. Et il y a un autre sujet que j'évoquais tout à l'heure : comment cela se passe-t-il pour la plupart des entreprises, en particulier les petites ? Elles signent un contrat avec un gros client, pour l'année, avec un prix de gasoil qui est fixe. Et quand ils viennent voir le client six ou neuf mois après, où l'on s'est pris 10 %, 15 % ou 20 %, eh bien le client dit : "Non, mais vous rigolez, le contrat a été signé". Donc là-dessus, vraiment, il faut qu'on améliore les choses. Il n'y a pas de raison que seule cette profession, à elle toute seule porte, supporte cette augmentation. Il faut vraiment qu'on les aide à ce que cette hausse soit partagée par un peu tout le monde, en particulier par les clients...
Q - Mais ils risquent de perdre des clients, non ?
R - Quand cous allez prendre l'avion, en ce moment, Air France vous augmente votre prix du billet avec l'augmentation du prix du kérosène. C'est un peu ça qu'on essaye de mettre au point avec eux...
Q - Il y a les transporteurs, mais il y a aussi d'autres professions, vous les entendez évidemment : les taxis, les ambulanciers, les VRP, tous ceux qui travaillent avec un véhicule. Allez-vous faire un effort pour eux ?
R - Ce sont deux professions différentes, avec d'autres organisations et qui sont plus ou moins touchées. Mais la prise de position, vous l'avez entendue, du Premier ministre, a été très claire, le 1er septembre. Tous ceux qui sont particulièrement touchés par la hausse du prix du pétrole seront accompagnés, encouragés...
Q - Comment ?
R - Sur les transporteurs, je vous ai dit où on en était...
Q - Et pour les autres ?
R - Pour les autres, d'autres ministères sont en train de travailler là-dessus, mais c'est surtout les transporteurs qui sont concernés...
Q - Mais il faut aller vite, parce que le prix de l'essence ne vous attend pas, il augmente tous les jours ! [...] Pour l'automobiliste moyen qui va bosser avec sa voiture, vous n'avez rien à lui proposer aujourd'hui ?
R - Le Premier ministre a proposé à ceux qui travaillent loin de leur domicile, dans un certain nombre de cas, une certaine aide. Mais vous savez bien que cette hausse du prix du pétrole touche le monde entier, elle touche tous les pays. Et les Etats ne peuvent pas à l'égard de toutes et de tous, arriver à une compensation de cette augmentation du prix. Ce n'est pas à l'échelle, ce n'est pas à la dimension. Ce que nous pouvons faire, c'est accompagner les professions les plus touchées, préserver l'emploi. C'est notre préoccupation principale, mais il est évident qu'à l'égard de toutes et de tous, on ne peut pas apporter la totalité de la réponse. Ce qu'il faut, c'est accompagner les plus modestes - c'est l'aide à la cuve de fuel -, c'est l'aide à ceux qui travaillent loin et qui ont effectivement des difficultés particulières. Mais ce qu'il faut espérer, c'est que petit à petit, on arrive à desserrer les taux de ce pétrole. S'agissant de la politique énergétique de notre pays, je crois qu'on a été dans la bonne direction, parce qu'on est moins dépendant du pétrole pour l'électricité que d'autres pays. Mais c'est vrai que pour la voiture, il faut aller vers d'autres modes de transport...
Q - Vous dites donc aux Français que c'est à eux de se responsabiliser et de prendre les transports en commun ?
R - A vous et nous tous.
Q - Mais pourquoi dans l'urgence ne pas, par exemple, réduire le prix des transports en commun ?
R - En prix, ils ne sont pas chers...
Q - Par exemple, j'ai vu que la ville de Poitiers allait rendre les transports en commun gratuits pendant un mois. Pourquoi ne pas généraliser cette mesure dans toute la France, par exemple ?
R - Il appartient à chacun des organisateurs de transports de prendre cette décision. Les organisateurs de transports, ce sont soit les grandes villes, soit les régions, qui peuvent effectivement faire un effort. L'idée, c'est de la pédagogie. Je ne connaissais pas cette initiative de Poitiers, mais l'idée est, par une mesure psychologiquement un peu forte, de dire aux gens que l'on va essayer et que si cela leur convient, ils resteront sur cette pratique du transport en commun. Effectivement, promouvoir ainsi l'utilisation des transports en commun, cela peut être une bonne réponse.
Q - Question de Claude, chauffeur-livreur artisan des Bouches-du-Rhône : Très simplement et de manière scolaire expliquez-moi, sur un litre de gasoil, ce que je paye ?
R - C'est plutôt de l'ordre de deux tiers de taxes, au total, y compris la TVA. Il y a la TIPP, qui est calculée sur le volume et pas sur le prix. Donc, sur la TIPP, quand le prix monte, cela ne la fait pas bouger. Et il y a la TVA qui, elle, peut être répercutée. Pour les entreprises, elles peuvent répercuter sur le client. [...] Sur la TIPP, l'Etat ne gagne pas plus, quand le prix du pétrole monte. Vous me direz "heureusement", mais ce n'est pas inutile de la rappeler...
[...]
Q - En revanche l'Etat peut gagner plus d'argent par la TVA, et là, le Premier ministre a promis une redistribution.
R - A promis qu'il y aurait une évaluation, par des gens indépendants, à la fin de l'année, et que s'il y a effectivement un surplus du fait de la TVA, à ce moment là ce sera retourné...
Q - Quand le saura-t-on ?
R - On ne peut le savoir qu'à la fin de l'année, parce que c'est sur l'année qu'on va faire le calcul...
[...]
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 7 septembre 2005)