Discours de M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur l'éducation d'outre-mer, les résultats scolaires dans les DOM-TOM, les efforts de l'Etat en matière d'enseignement et les projets gouvernementaux de développement des nouvelles technologies, Paris le 18 octobre 2000.

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Circonstance : Conférence de presse de M. Jack Lang, ministre de l'Education, relative à l'outre-mer et l'éducation, à Paris, le 18 octobre 2000

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Mesdames,
Messieurs,
Messieurs les Recteurs des DOM,
Je remercie Jack LANG de m'accueillir en ces lieux pour tenir cette conférence de presse, première du genre, qui traduit le souhait de totale cohésion dans lequel nous conduisons aujourd'hui et conduirons demain la politique du gouvernement en faveur de l'éducation outre-mer.
Je sais Monsieur le Ministre que vous êtes sensible à l'outre-mer, votre présence à l'inauguration du centre Tjibaou en 1998 et bien d'autres moments ont marqué les esprits et prouvé votre attachement à la culture plurielle de l'outre-mer français.
Je suis persuadé que la jeunesse de l'outre-mer représente un atout majeur pour ces territoires mais aussi pour la collectivité nationale dans son ensemble. Cette conviction s'appuie sur de nombreuses rencontres avec les élus, les syndicats mais aussi les associations représentatives des populations des départements et territoires d'outre-mer. Je vais poursuivre et me rendre sur place pour apprécier concrètement la richesse et la diversité des situations.
Deux millions de nos compatriotes vivent outre-mer et presque la moitié d'entre eux ont moins de 20 ans. C'est une richesse exceptionnelle que l'on ne trouve nulle part ailleurs en Europe.
L'avenir de ces jeunes, la manière dont ils seront capables d'agir pour le développement des DOM et des TOM est une question centrale, un enjeu majeur, pour mon département ministériel. Il n'y aura de développement durable, de croissance économique harmonieuse que soutenus par une élévation du niveau de qualification des jeunes. Le développement des compétences locales et la sédentarisation des jeunes diplômés doivent constituer un objectif prioritaire pour les économies de l'outre-mer et contribuer de manière déterminante au rayonnement de la France et des collectivités d'outre-mer, de leur culture, de leur économie dans leur environnement régional. Il est aujourd'hui primordial que le Gouvernement réponde par des mesures appropriées à l'espoir des jeunes d'accéder à une formation qui leur permette de réussir leur vie chez eux ou s'ils le souhaitent en métropole ou à l'étranger. Le Pacte républicain porte en lui cette exigence.
Les efforts sans précédent conduits par le gouvernement depuis trois ans, en terme d'emplois et d'équipements portent leurs fruits. Les résultats des élèves d'outre-mer au diplôme national du Brevet s'améliorent, le nombre de bacheliers (je vous rappelle que le taux de réussite au baccalauréat était à La Réunion d'un peu plus de 65% en 1997, il est de 75% en 2000, il était de 60% en 1997 en Guadeloupe, il est à plus de 77% aujourd'hui) et le nombre d'étudiants augmente de façon sensible.
Pour autant, la réussite scolaire du plus grand nombre, la multiplication des parcours d'excellence d'élèves ultramarins ne doivent pas nous faire oublier que de réelles difficultés persistent.
Je vous l'ai rappelé dans mon propos liminaire, l'outre-mer est pluriel, les situations et performances des systèmes scolaires y sont contrastées.
Les évolutions démographiques, les phénomènes migratoires, les contraintes géographiques sont autant de spécificités dont il faut tenir compte. En Polynésie française, certaines îles sont éloignées les unes des autres de plusieurs heures d'avion. En Guyane, sur le fleuve Maroni les élèves rejoignent les écoles en pirogue.
Pour les élèves, pour les familles mais aussi pour les enseignants, auxquels je rends hommage ici, il faut s'adapter à des conditions matérielles difficiles.
Pour prendre en compte ces réalités, l'Etat doit conduire une politique forte et imaginative. C'est ce qui a été entrepris par le Gouvernement, c'est ce que Jack LANG et moi-même entendons poursuivre.
Les efforts qui ont été conduits en terme de moyens durant les trois dernières années doivent se prolonger. Les contrats de plan récemment signés consacrent notamment 495 MF pour les constructions scolaires dans les DOM.
En outre, le rapport relatif au " système éducatif à Mayotte ", remis par la mission interministérielle en juillet dernier conclut que pour répondre à la très forte augmentation des effectifs d'élèves, un effort tout à fait exceptionnel doit être conduit en faveur de constructions de collèges, lycées et lycées professionnels.
L'enveloppe nécessaire a alors été évaluée à plus d'un milliard de francs.
Je suis aujourd'hui en mesure de vous annoncer qu'outre les 500 millions du contrat de plan Etat-Mayotte, 681 millions échelonnés sur quatre ans, hors contrat de plan, vont être attribués à Mayotte. Ils seront consacrés à la construction d'établissements scolaires.
Toutefois, pour que l'ensemble des efforts en terme de moyens puissent porter leurs fruits en outre-mer, il est essentiel de les inscrire dans le contexte social et culturel de ces départements et territoires.
La reconnaissance de l'identité culturelle est un axe essentiel de la politique que j'entends mener outre-mer ; c'est d'ailleurs un axe fondateur du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer que j'ai présenté à l'Assemblée nationale en seconde lecture, la semaine dernière.
De ce point de vue, je me réjouis des mesures prises en faveur des langues régionales et de la mise en place du CAPES de créole.
Il me paraît, en effet, essentiel que les élèves d'outre-mer qui le souhaitent puissent apprendre dans le cadre de l'Ecole, la langue pratiquée par leurs familles, en complément du français dont la maîtrise reste essentielle.
La prise en compte des exigences sociales et des réalités économiques m'a amené à m'impliquer en faveur de deux dossiers concernant l'enseignement supérieur, le premier est le pôle universitaire guyanais pour lequel nous avons de réelles ambitions, la mise en place de la cellule interministérielle d'assistance technique à la maîtrise d'ouvrage traduit notre volonté commune du développement de ce pôle, dans des délais raisonnables, sans sacrifier à la qualité du projet.
Le second concerne l'instauration d'une première année de médecine en Nouvelle-Calédonie.
En effet, très peu de médecins exerçant en Nouvelle-Calédonie sont d'origine calédonienne. Le concours qui intervient à l'issue de la première année est très sélectif. Or, à la difficulté des épreuves s'ajoute pour les étudiants de Nouvelle-Calédonie, le dépaysement et le changement radical d'ambiance.
La mise en place d'une première année de médecine à Nouméa leur permettra de franchir une première étape et de poursuivre leurs études dans un climat plus serein en métropole.
70% des enseignements de cette première année seront assurés par des enseignants et praticiens locaux. Pour les 30% restant, grâce au recours à la numérisation de l'information et à la formation à distance assisté par ordinateur, ils seront assurés par des enseignants de la Pitié-Salpêtrière.
J'entends encourager le développement de ce type d'initiative avec d'autres universités de l'outre-mer.
Deux grandes orientations guideront la politique que j'entends mener en faveur de l'éducation des jeunes en outre-mer :
Mettre en application la loi d'orientation pour l'outre-mer dans les plus brefs délais dont plusieurs articles concernent l'éducation, ainsi que la mise en place du projet initiative jeune (P.I.J.) qui s'adresse aux jeunes de 18 à 30 ans qui créent ou reprennent une entreprise dans un DOM ou qui poursuivent hors de leur département d'origine une formation professionnelle. Les dispositions de la LOOM permettront bientôt de créer un I.U.F.M. en Guyane afin de faciliter le recrutement et la formation des enseignants dans ce département.
La loi affirme également que les langues régionales en usage dans les départements d'outre-mer font partie du patrimoine linguistique de la Nation.
Les décisions prises par Jack LANG en ce domaine s'inscrivent pleinement dans les objectifs de la loi d'orientation et contribuent à donner un contenu à cette affirmation.
Un fonds destiné à promouvoir les échanges éducatifs, culturels ou sportifs des habitants de ces régions vers la métropole et les pays situés dans leur environnement régional sera prochainement mis en place dans le cadre de la loi. C'est là un outil d'ouverture très attendu sur le terrain.
Favoriser le développement et le recours aux nouvelles technologies en outre-mer.
Les nouvelles technologies permettent d'abolir les distances, mutualiser les pratiques et diffuser les connaissances. Ceci est vrai partout, mais c'est encore plus vrai pour des territoires lointains.
L'émergence d'une société de l'information solidaire constitue l'objectif central du programme d'action gouvernemental pour la société de l'information mis en uvre depuis trois ans. Il faut veiller à ne pas creuser le fossé numérique. Mettre à la portée des départements et territoires d'outre-mer le contenu des bibliothèques, des centres de ressources pédagogiques, des musées de métropole, c'est possible grâce aux nouvelles technologies.
Les établissements scolaires sont porteurs d'initiatives originales en matière de nouvelles technologies, je citerai volontiers les expériences conduites au collège de la Désirade qui a créé un site internet sur les énergies nouvelles, les élèves de l'école GIROFLES à Saint-Benoît à la Réunion travaillent en direct avec un collège de chercheurs basé à l'institut national de la recherche pédagogique (I.N.R.P.) à Paris sur le projet " main à la pâte " piloté par Georges CHARPAK, enfin, le lycée de Sada à Mayotte a développé un site internet tout à fait remarquable sur le thème de l'orientation scolaire. D'autres expériences pourraient encore illustrer ce dynamisme.
Je confirme que je proposerai prochainement un programme d'action visant à développer l'internet pour tous outre-mer. Ma tâche, dans les prochains mois sera de moderniser les services de l'Etat notamment en stimulant la mise en uvre des fonds européens en faveur des nouvelles technologies.
La mise en place des espaces publics numériques et des cyberbases, sont des voies à privilégier outre-mer.
Je soutiendrai les collectivités qui souhaiteront s'engager dans cette démarche. La possibilité de développer la formation pour adultes, sur le thème de l'utilisation des nouvelles technologies au sein d'établissements scolaires équipés, est une piste de travail que Jack LANG et moi-même approfondirons.
Les jeunes, qu'ils soient écoliers, collégiens ou lycéens sont les ambassadeurs des nouvelles technologies auprès de leur famille.
C'est pourquoi, les efforts conduits au sein du système éducatif au travers notamment de la mise en place des plans académiques triennaux qui ont permis de consacrer cette année 11 MF en actions pédagogiques et équipement en matériel dans les départements d'outre-mer et 2,9 MF dans les territoires d'outre-mer, doivent se poursuivre.
Je salue la création " du conseil national de l'innovation pour la réussite scolaire " et souhaite Monsieur le Ministre engager un partenariat sur le thème de l'utilisation des NTIC dans l'enseignement au sein des écoles, collèges et lycées. Notre collaboration pourrait porter sur l'expertise, l'évaluation et la diffusion de pratiques innovantes en la matière.
Le conseil pourrait apporter en particulier son soutien aux équipes qui se lanceront dans des projets " nouvelles technologies ".
En ce qui concerne l'enseignement supérieur, j'ai l'intention d'engager un travail de fond avec le ministère de l'éducation mais également celui de l'industrie afin de permettre aux universités d'outre-mer de se doter de salles de visioconférence performantes, ce que pour l'heure, des contraintes techniques liées à des débits insuffisants ne permettent pas.
L'égalité des chances pour les élèves et étudiants d'outre-mer et leurs camarades de métropole est notre combat quotidien.
Je puis vous assurer que dans le cadre de la mission qui m'est confiée, j'y serai vigilant.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 19 octobre 2000)