Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, lors dela conférence de presse conjointe avec M. Sylvan Shalom, ministre israélien des affaires étrangères, sur l'offre française et européenne de rôle tampon entre Israéliens et Palestiniens pour le contrôle des entrées et sorties de Gaza, la perspective politique de l'après Gaza et la poursuite du processus de paix, le Liban et le dossier nucléaire iranien, Jérusalem le 8 septembre 2005.

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Circonstance : Voyage de Philippe Douste-Blazy dans les Territoires palestiniens et en Israël les 7 et 8 septembre 2005 : conférence de presse conjointe avec Sylvan Shalom à Jérusalem le 8

Texte intégral

Merci Monsieur le Ministre, Mesdames et Messieurs. Tout d'abord je voudrais remercier M. Shalom pour son hospitalité, pour son accueil et pour ce déjeuner de travail que nous avons eu en toute amitié.
La visite en France du Premier ministre israélien a été un succès - je viens de le dire à mon homologue. Je l'ai invité en France, nos sujets de convergence sont nombreux et touchent à des questions essentielles. Je lui ai dit que je voulais poursuivre le dialogue, d'où ma présence aujourd'hui.
Je voulais aussi lui dire que nous mettions à profit ce déplacement pour aller à la rencontre de la société israélienne dans toute sa diversité. Nous avons beaucoup fait pour renforcer nos relations bilatérales, depuis la création de ce groupe de haut niveau.
Comme nous l'avons annoncé lors de la visite de M. Sharon, nous allons créer une Fondation France/Israël. Elle aura pour mission de renforcer les liens entre les sociétés civiles et pas uniquement les femmes et les hommes politiques. Nous vous tiendrons régulièrement informés des progrès de ce très beau projet.
Nous avons bien sûr abordé la question du Processus de paix. J'étais hier à Gaza, j'ai rencontré les responsables de l'Autorité palestinienne et il était important de pouvoir nous retrouver aujourd'hui et en parler. D'abord sur le retrait de Gaza : c'est un acte courageux ; l'évacuation des colons, une réussite. C'est une victoire pour la démocratie israélienne. Le retrait de Gaza me paraît une étape essentielle pour l'avenir du Processus de paix et celui d'Israël.
Il faut maintenant réussir la phase suivante, celle de l'après-Gaza. Réussir l'après-Gaza, qu'est-ce que c'est ? La balle est maintenant dans le camp des Palestiniens. Je l'ai dit à plusieurs reprises. Après le départ de Tsahal, ils auront des obligations. Gaza ne doit pas être une menace pour la sécurité d'Israël, je l'ai dit aux dirigeants palestiniens hier. Mais Israël a aussi une responsabilité. Israël ne doit pas faire de Gaza une prison, une prison à ciel ouvert qui serait le meilleur terreau pour le terrorisme. La sécurité d'Israël dépend ainsi du développement économique de Gaza et de son intégration dans son environnement régional. J'ai fait une proposition au ministre israélien des Affaires étrangères, après l'avoir faite hier aux responsables de l'Autorité palestinienne. Il n'est pas possible de laisser Gaza sans lieu d'ouverture et de sortie. Donc, s'il y a une difficulté d'entente entre Israéliens et Palestiniens pour ces portes d'entrée et de sortie, la France, l'Union européenne sont là pour proposer de représenter une tierce partie et donc de pouvoir contrôler en toute confiance ces entrées et ces sorties.
Sur la perspective politique de l'après-Gaza, le retrait de Gaza perdra sa valeur s'il n'est pas suivi, en effet, d'un processus politique. Donc, le retrait de Gaza serait perçu comme une manuvre et il est très important pour nous de pouvoir envisager le respect de la Feuille de route. Vous avez le soutien de la communauté internationale, vous poursuivez votre action dans le cadre de la Feuille de route, et toute la communauté internationale sera derrière vous. Des progrès peuvent être faits rapidement en revenant à une logique de négociation. C'est ce que nous avons dit hier à Mahmoud Abbas, et c'est ce que je dirai tout à l'heure à Ariel Sharon. Le retrait de Gaza a montré qu'une concertation avec les Palestiniens était possible. L'essentiel est de rétablir la confiance. Les Accords de Charm el-Cheikh contiennent des éléments en ce sens, en particulier sur le retrait israélien. Il importe de préserver l'avenir. Deux questions nous paraissent essentielles, c'est vrai : les colonies et la barrière de sécurité. Mais nous n'avons jamais contesté une chose, c'est le droit d'Israël à se protéger du terrorisme. C'est donc le tracé actuel de la barrière qui peut poser un problème à l'ensemble de la communauté internationale. Nous avons salué les efforts d'Israël pour corriger ce tracé. Ils doivent être poursuivis et notamment à Jérusalem, où le tracé de la barrière de sécurité peut poser des problèmes humains, sociaux, économiques, juridiques et politiques considérables.
Je voudrais terminer sur le Liban. La notion de temps est essentielle. Le gouvernement Siniora a besoin de temps. On ne peut attendre de lui qu'il prenne des mesures radicales dans un délai rapproché. Sa politique de changement et de réformes n'y résisterait pas d'ailleurs. La période est très délicate, je pense à l'enquête du juge Melhis. Il faut donc être très prudent.
La priorité pour la France aujourd'hui, c'est d'aider le Liban à structurer et à consolider l'administration et l'Etat. Cette phase de reconstruction ne peut être dépassée. Assister le Liban pour qu'il recrée ses institutions dans cette phase doit être pour nous l'objectif immédiat de la communauté internationale.
Enfin, concernant l'Iran, j'ai rappelé à mon homologue que nous sommes dans un moment important. Nous avons signé l'Accord de Paris et fait des propositions généreuses, ambitieuses sur le plan économique, y compris sur l'ouverture de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) à l'Iran, sur le plan technologique, sur le plan du nucléaire civil, sur le plan des garanties de sécurité pour l'Iran. Et, en retour, nous souhaitions une suspension des activités nucléaires sensibles. De manière unilatérale, l'Iran est revenu sur cet accord qu'il avait signé. M. El Baradeï a produit un rapport le 2 septembre ; une nouvelle réunion des gouverneurs est prévue le 19 septembre. Nous avons une volonté de négocier ; si les Iraniens ne le veulent pas, alors il y aura bien sûr une proposition d'aller plus loin et de transmettre éventuellement au Conseil de sécurité. Merci.

Q - (A propos des attentats)
R - Je me permets juste d'ajouter une chose par rapport à la question. Je crois que, comme vient de le dire mon collègue, c'est une question essentielle car nous reconnaissons évidemment le droit à Israël - nous ferions la même chose - de ne pas être l'objet d'attentats terroristes. C'est une horreur, c'est une terreur. Le terrorisme est inhumain. Et demander en pré-requis qu'il y ait un désarmement de la part de l'Autorité palestinienne des mouvements terroristes est tout à fait normal. Encore faut-il que celle-ci puisse en avoir les moyens. Alors c'est une discussion que nous avons eue très sincèrement sur le fond. Je pense qu'il est nécessaire que la communauté internationale aille au bout de cette question pour nous assurer que l'Autorité palestinienne fasse tout son possible pour arrêter les mouvements terroristes. Si ce sont des questions de moyens, alors il faut les régler. Avant même de créer un Etat, l'Etat de droit n'est respecté que s'il y a une justice, s'il y a une police professionnelle, efficace, que s'il y a des écoles, que s'il y a des hôpitaux. Donc je crois qu'aujourd'hui, cette partie modérée qui représente aussi un début de démocratie me paraît devoir être encouragée par une administration efficace. C'est le rôle de la communauté internationale, c'est l'intérêt d'Israël, c'est l'intérêt de la communauté internationale.
Q - (A propos de la question des frontières)
R - Un mot sur ce sujet. Confier à l'Egypte le contrôle du Sud de Gaza est pour nous une bonne chose. Mais je voudrais vous dire ici, dans cette conférence de presse, devant mon homologue israélien, que nous sommes prêts à examiner avec vous une participation de l'Union européenne dans la surveillance de cette zone.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 septembre 2005)