Interview de Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur, dans "Les Echos" le 29 juin 2005, sur la situation du commerce extérieur français et sur une mesure prioritaire, l'aide à l'exportation des PME.

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Q - Le commerce extérieur français est dans le rouge depuis près d'un an. Cette situation vous inquiète-t-elle ? Pensez-vous que le solde des échanges puisse redevenir excédentaire à court terme ?
R - L'année 2004 s'est soldée par un léger déficit du commerce extérieur et il semble que les tendances observées en 2004 se confirment en 2005. Dans un marché unique de 450 millions de consommateurs et avec l'euro, le solde commercial n'a plus le rôle qu'il avait dans les années 1980, quand le commerce extérieur influençait directement le cours du franc. Il reste néanmoins un indicateur tout à fait utile pour mener une politique économique efficace.
Les exportations françaises sont certes à leur plus haut niveau historique, mais trop peu de PME s'intéressent aux marchés étrangers et notre commerce n'est pas assez tourné vers les pays en forte croissance. Comme, par ailleurs, les importations ont beaucoup progressé en raison de la bonne tenue de la consommation et de l'investissement et de l'augmentation du coût des matières premières et des produits énergétiques, le solde s'est dégradé ces derniers mois. La remontée du dollar que l'on observe depuis quelques semaines devrait faciliter la tâche de nos exportateurs au deuxième semestre. Au-delà d'un retour à des cours plus raisonnables, les entreprises souhaitent avant tout bénéficier de changes plus stables.
Q - Comment comptez-vous faire pour que les exportations françaises ne restent pas à la traîne du commerce mondial ?
R - Je crois qu'il faut travailler dans trois directions : la réorientation géographique de nos échanges, la priorité aux PME et la mobilisation de l'ensemble des acteurs publics et privés du commerce extérieur. Pour réussir à convaincre les PME de prospecter les marchés étrangers, nous devons améliorer l'environnement des affaires en France et mieux informer les entreprises sur les marchés étrangers et sur les soutiens dont elles peuvent bénéficier. Pour cela, je compte travailler avec les régions, les chambres de commerce et d'industrie, les fédérations professionnelles et, bien évidemment, avec les entreprises.
Q - Quelles sont vos priorités ? Réfléchissez-vous à de nouvelles mesures pour aider les PME à exporter plus ?
R - En matière de commerce extérieur, la priorité est clairement la mobilisation des PME. Ce sont les petites et moyennes entreprises qui recrutent et ce sont elles qui constituent un gisement d'emplois. Je vais renforcer les plans d'action portant sur les vingt-cinq pays cibles de notre commerce extérieur car nos entreprises doivent aller chercher la croissance là où elle se trouve. Le prochain comité de l'exportation, au début du mois de juillet, sera ainsi l'occasion de renforcer financièrement certains de ces plans.
Je vais aussi, avec Thierry Breton, prendre des mesures fiscales pour inciter les PME à recruter et à prospecter les marchés étrangers. L'une des pistes est de généraliser l'exonération d'impôt sur le revenu pour les personnes passant plus de 120 jours à l'étranger pour des opérations de prospection de marchés. Mais je ne suis pas avide de nouvelles mesures, en matière de commerce extérieur, je découvre que les initiatives sont nombreuses mais qu'elles restent souvent méconnues. Nous devons donc apprendre à travailler ensemble. Il faut mieux faire connaître et utiliser ce qui existe déjà.
Q - Quelles leçons peut-on tirer du bras de fer qui oppose la Chine et l'Union européenne ? Et de celui qui concerne Boeing et Airbus ?
R - Je crois que l'affaire du textile chinois montre que le dialogue est préférable à l'affrontement. La négociation a permis d'obtenir un accord d'autolimitation des autorités chinoises. L'Union européenne et la France resteront très vigilantes sur les conditions d'application de cet accord. Il en va de la survie et de la modernisation de notre industrie.
En ce qui concerne l'aéronautique, la France considère qu'il serait également préférable de parvenir à un accord entre l'Union européenne et les Etats-Unis plutôt que de multiplier les contentieux à l'OMC. Je pense qu'Airbus, qui est une magnifique réussite européenne, a un très bon dossier à défendre.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er juillet 2005)