Texte intégral
P. Lapousterle - On se rappelle que vous êtes médecin, agrégé de médecine et donc scientifique. Je voulais vous demander ce matin si vous approuvez les élus et les responsables qui ont décidé que la viande de boeuf était dangereuse aujourd'hui et qui l'ont donc interdit dans les cantines scolaires et autres établissement par mesure de précaution ? Est-ce que c'est une bonne mesure de précaution ou est-ce céder à la panique ?
- "Je me félicite de la décision de plusieurs maires et en particulier de celle de D. Baudis, le maire de Toulouse, qui, hier, a décidé d'enlever toutes les viandes bovines des cantines. Pourquoi ? Je suis médecin mais ma spécialité est d'être épidémiologiste, c'est-à-dire d'étudier les populations malades ou saines pour les comparer. Or, aujourd'hui, les études épidémiologiques montrent qu'il peut, demain, y avoir un risque puisqu'on ne connaît pas le temps de latence entre le moment où vous mangez des prions et le moment où vous développez la maladie. Quand on ne sait pas, il faut être excessivement rigoureux et prudent."
Il faut être rigoureux ; M. Glavany a dit, hier, que le Gouvernement avait décidé de se donner quatre mois en attendant que les experts, les scientifiques, déterminent si cela était dangereux ou non. Mais il a dit qu'en toutes hypothèses, il n'y avait pas de problème de sécurité sanitaire pour le moment.
- "Je ne veux pas qu'on fasse de politique politicienne."
C'est une décision qui nous concerne.
- "Avant de répondre, je vous dis cela parce que c'est une affaire qui est trop importante, qui dépasse évidemment les clivages droite-gauche. Je voudrais quand même dire avec force, ici à votre micro, que les choses qui sont aujourd'hui les plus incriminées, ce sont les farines animales. Ces farines animales devaient être prohibées, interdites, depuis 1990 pour les bovins. Je voudrais faire deux remarques : on sait aujourd'hui que des fraudes ont existé entre 1990 et maintenant et on sait que ces farines animales peuvent être les porteurs du prion. D'autre part, elles sont interdites pour certains animaux mais toujours acceptées pour d'autres : porcs, poulets ou poissons. Je ne comprends pas pourquoi on continue à donner des farines animales."
Vous demandez qu'on les supprime immédiatement ?
- "Oui, je demande qu'on arrête et qu'on supprime les farines animales car on sait que c'est cela qui pose problème. On dit qu'on va attendre les scientifiques, on va attendre l'Agence. Oui, mais les scientifiques disent tous, les uns après les autres, que les farines animales sont les seuls éléments porteurs aujourd'hui du prion. Même s'il y a un risque minime, il est facile à diminuer : il suffit d'arrêter les farines animales. Je sais que c'est difficile sur le plan économique, je sais que c'est difficile pour les filières mais il y a de l'argent quand on veut pour un certain nombre de choses. Ce sont des choses quand même excessivement importantes. On commence à avoir des chiffres alarmants."
On a un peu froid dans le dos quand on lit Madame Gillot dans Le Parisien qui dit " il faut s'attendre à des dizaines de cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob." Elle a raison ?
- "Il y a un an et demi, j'avais moi-même conseillé - j'étais le premier dans ce pays - le dépistage prionix, c'est-à-dire le dépistage des cheptels - évidemment pas de manière systématique - afin que l'on puisse savoir régulièrement par des échantillons aléatoires où et comment est le prion. Je vois que cela a été fait avec un peu de retard, mais cela a été fait. Aujourd'hui, ce qui me paraît le plus important - et je l'ai dit à madame Gillot - c'est que dans la mesure où on fait ce test, on trouve de plus en plus de cas."
Il ne s'agit pas d'une aggravation de la situation ?
- "On n'est pas passé de 2 à 85 cas réellement. On est passé de 2 à 85 cas parce qu'avant on ne les cherchait pas donc on ne les trouvait pas. Maintenant on les cherche donc on les trouve. C'est le côté rassurant. Ce qui ne l'est pas, c'est qu'on ne peut pas donner de chiffres. On ne les connaît pas. Dans la mesure où on ne sait pas, il ne faut pas non plus paniquer tout le monde. Il faut dire : il y a peut-être un élément qui pose problème - ce sont les farines animales - donc on les arrête. Je demande au ministre de l'Agriculture, comme d'ailleurs la plupart des représentants de la communauté scientifique, en tout cas tous ceux qui connaissent le dossier, d'arrêter les farines animales."
Retour à la politique : aujourd'hui c'est un sommet de la gauche plurielle pour régler quelques dissonances dans la majorité. Est-ce que cela fait envie au responsable de l'opposition que vous êtes ?
-"Quand la gauche est divisée, on dit qu'elle est plurielle. Actuellement, ils ne sont plus d'accord sur rien. On l'a vu sur la Corse mais c'est surtout sur le budget du pays que nous avons aujourd'hui, devant nous dans l'hémicycle, à l'Assemblée nationale, une division. La question est de savoir comment partager les 85 milliards de francs : les Français ont beaucoup travaillé et la croissance est là."
La cagnotte.
- "Que fait-on de la cagnotte ? La plupart des socialistes, qui sont très à gauche, disent qu'ils vont servir à payer les dépenses publiques. On va créer 11 000 postes de fonctionnaires et l'Etat va continuer à s'engraisser, à s'enrichir, à dépenser. Nous sommes d'ailleurs les seuls de l'Union européenne à faire cela. Nous sommes le champion d'Europe des dépenses publiques, des déficits publics, de la dette publique et on continue à augmenter les dépenses publiques. Une certaine partie de la gauche, L. Fabius par exemple, dit : "enfin, vous êtes sûr, vraiment ? On est les seuls à faire cela et plus personne n'ose le faire." On voit bien qu'il y a une dissension. Je crois très franchement, pour mon pays, qu'il faut mettre le holà à ce type de politique. Nous devons aujourd'hui profiter de ces 85 milliards de francs pour baisser des charges sociales sur les bas salaires entre 1 et 1,8 % du Smic, ce qui permettra de donner aux 8 millions de salariés du secteur privé un mois de salaire par an. Plutôt que d'augmenter le train de vie de l'Etat, donnons un mois de salaire de plus à chaque Français."
Tout à l'heure, lorsque l'opposition va faire semblant d'être unie en organisant une convention retraite dans le cadre des ateliers parlementaires d'alternance, l'opposition sera unanime pour dire que le Gouvernement n'a pas fait ce qu'il fallait pour les retraites ?
- "On ne fait pas semblant d'être unis. On a travaillé depuis maintenant six mois. Cela peut peut-être vous étonner mais la méthode change. Tous les présidents de groupes parlementaires - RPR, UDF et DL - ont travaillé ensemble."
C'est la moindre des choses.
- "Vous dites "a failli" "semblent" ou "font croire." Non, ils ne font pas croire : ils travaillent ensemble depuis maintenant plusieurs mois et nous allons proposer des choses pour les retraites. Il y a une certitude chez les Français : le système actuel ne leur offrira pas une retraite au taux de remplacement d'aujourd'hui. Ils se préparent à une baisse de 40 % de leur niveau de vie et il faut tout faire pour l'éviter. La méthode du Gouvernement en matière de retraites..."
Des mesures ont été prises : de l'argent a été mis de côté.
- "La méthode qui est condamnable est celle des trois "i" : incantations, illusions et indécisions. Cela fait maintenant vingt ans qu'on fait des rapports sur les retraites. Je vous dis qu'il faut un socle unifié de régimes par répartition et il faut beaucoup plus de libertés dans le choix du moment de départ à la retraite. Il y a ceux qui veulent partir à 57 ans et ceux qui voudraient partir un peu plus tard. Il est très important pour les jeunes retraités de mettre leur savoir-faire et leur expérience au service de la formation des plus jeunes. Voilà quelque chose qu'il faut faire dans une société comme celle-là. Et puis, il faut ajouter la possibilité de faire la capitalisation. C'est possible pour les fonctionnaires, je ne vois pas pourquoi ce n'est pas possible pour les salariés du secteur privé."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 7 novembre 2000)
- "Je me félicite de la décision de plusieurs maires et en particulier de celle de D. Baudis, le maire de Toulouse, qui, hier, a décidé d'enlever toutes les viandes bovines des cantines. Pourquoi ? Je suis médecin mais ma spécialité est d'être épidémiologiste, c'est-à-dire d'étudier les populations malades ou saines pour les comparer. Or, aujourd'hui, les études épidémiologiques montrent qu'il peut, demain, y avoir un risque puisqu'on ne connaît pas le temps de latence entre le moment où vous mangez des prions et le moment où vous développez la maladie. Quand on ne sait pas, il faut être excessivement rigoureux et prudent."
Il faut être rigoureux ; M. Glavany a dit, hier, que le Gouvernement avait décidé de se donner quatre mois en attendant que les experts, les scientifiques, déterminent si cela était dangereux ou non. Mais il a dit qu'en toutes hypothèses, il n'y avait pas de problème de sécurité sanitaire pour le moment.
- "Je ne veux pas qu'on fasse de politique politicienne."
C'est une décision qui nous concerne.
- "Avant de répondre, je vous dis cela parce que c'est une affaire qui est trop importante, qui dépasse évidemment les clivages droite-gauche. Je voudrais quand même dire avec force, ici à votre micro, que les choses qui sont aujourd'hui les plus incriminées, ce sont les farines animales. Ces farines animales devaient être prohibées, interdites, depuis 1990 pour les bovins. Je voudrais faire deux remarques : on sait aujourd'hui que des fraudes ont existé entre 1990 et maintenant et on sait que ces farines animales peuvent être les porteurs du prion. D'autre part, elles sont interdites pour certains animaux mais toujours acceptées pour d'autres : porcs, poulets ou poissons. Je ne comprends pas pourquoi on continue à donner des farines animales."
Vous demandez qu'on les supprime immédiatement ?
- "Oui, je demande qu'on arrête et qu'on supprime les farines animales car on sait que c'est cela qui pose problème. On dit qu'on va attendre les scientifiques, on va attendre l'Agence. Oui, mais les scientifiques disent tous, les uns après les autres, que les farines animales sont les seuls éléments porteurs aujourd'hui du prion. Même s'il y a un risque minime, il est facile à diminuer : il suffit d'arrêter les farines animales. Je sais que c'est difficile sur le plan économique, je sais que c'est difficile pour les filières mais il y a de l'argent quand on veut pour un certain nombre de choses. Ce sont des choses quand même excessivement importantes. On commence à avoir des chiffres alarmants."
On a un peu froid dans le dos quand on lit Madame Gillot dans Le Parisien qui dit " il faut s'attendre à des dizaines de cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob." Elle a raison ?
- "Il y a un an et demi, j'avais moi-même conseillé - j'étais le premier dans ce pays - le dépistage prionix, c'est-à-dire le dépistage des cheptels - évidemment pas de manière systématique - afin que l'on puisse savoir régulièrement par des échantillons aléatoires où et comment est le prion. Je vois que cela a été fait avec un peu de retard, mais cela a été fait. Aujourd'hui, ce qui me paraît le plus important - et je l'ai dit à madame Gillot - c'est que dans la mesure où on fait ce test, on trouve de plus en plus de cas."
Il ne s'agit pas d'une aggravation de la situation ?
- "On n'est pas passé de 2 à 85 cas réellement. On est passé de 2 à 85 cas parce qu'avant on ne les cherchait pas donc on ne les trouvait pas. Maintenant on les cherche donc on les trouve. C'est le côté rassurant. Ce qui ne l'est pas, c'est qu'on ne peut pas donner de chiffres. On ne les connaît pas. Dans la mesure où on ne sait pas, il ne faut pas non plus paniquer tout le monde. Il faut dire : il y a peut-être un élément qui pose problème - ce sont les farines animales - donc on les arrête. Je demande au ministre de l'Agriculture, comme d'ailleurs la plupart des représentants de la communauté scientifique, en tout cas tous ceux qui connaissent le dossier, d'arrêter les farines animales."
Retour à la politique : aujourd'hui c'est un sommet de la gauche plurielle pour régler quelques dissonances dans la majorité. Est-ce que cela fait envie au responsable de l'opposition que vous êtes ?
-"Quand la gauche est divisée, on dit qu'elle est plurielle. Actuellement, ils ne sont plus d'accord sur rien. On l'a vu sur la Corse mais c'est surtout sur le budget du pays que nous avons aujourd'hui, devant nous dans l'hémicycle, à l'Assemblée nationale, une division. La question est de savoir comment partager les 85 milliards de francs : les Français ont beaucoup travaillé et la croissance est là."
La cagnotte.
- "Que fait-on de la cagnotte ? La plupart des socialistes, qui sont très à gauche, disent qu'ils vont servir à payer les dépenses publiques. On va créer 11 000 postes de fonctionnaires et l'Etat va continuer à s'engraisser, à s'enrichir, à dépenser. Nous sommes d'ailleurs les seuls de l'Union européenne à faire cela. Nous sommes le champion d'Europe des dépenses publiques, des déficits publics, de la dette publique et on continue à augmenter les dépenses publiques. Une certaine partie de la gauche, L. Fabius par exemple, dit : "enfin, vous êtes sûr, vraiment ? On est les seuls à faire cela et plus personne n'ose le faire." On voit bien qu'il y a une dissension. Je crois très franchement, pour mon pays, qu'il faut mettre le holà à ce type de politique. Nous devons aujourd'hui profiter de ces 85 milliards de francs pour baisser des charges sociales sur les bas salaires entre 1 et 1,8 % du Smic, ce qui permettra de donner aux 8 millions de salariés du secteur privé un mois de salaire par an. Plutôt que d'augmenter le train de vie de l'Etat, donnons un mois de salaire de plus à chaque Français."
Tout à l'heure, lorsque l'opposition va faire semblant d'être unie en organisant une convention retraite dans le cadre des ateliers parlementaires d'alternance, l'opposition sera unanime pour dire que le Gouvernement n'a pas fait ce qu'il fallait pour les retraites ?
- "On ne fait pas semblant d'être unis. On a travaillé depuis maintenant six mois. Cela peut peut-être vous étonner mais la méthode change. Tous les présidents de groupes parlementaires - RPR, UDF et DL - ont travaillé ensemble."
C'est la moindre des choses.
- "Vous dites "a failli" "semblent" ou "font croire." Non, ils ne font pas croire : ils travaillent ensemble depuis maintenant plusieurs mois et nous allons proposer des choses pour les retraites. Il y a une certitude chez les Français : le système actuel ne leur offrira pas une retraite au taux de remplacement d'aujourd'hui. Ils se préparent à une baisse de 40 % de leur niveau de vie et il faut tout faire pour l'éviter. La méthode du Gouvernement en matière de retraites..."
Des mesures ont été prises : de l'argent a été mis de côté.
- "La méthode qui est condamnable est celle des trois "i" : incantations, illusions et indécisions. Cela fait maintenant vingt ans qu'on fait des rapports sur les retraites. Je vous dis qu'il faut un socle unifié de régimes par répartition et il faut beaucoup plus de libertés dans le choix du moment de départ à la retraite. Il y a ceux qui veulent partir à 57 ans et ceux qui voudraient partir un peu plus tard. Il est très important pour les jeunes retraités de mettre leur savoir-faire et leur expérience au service de la formation des plus jeunes. Voilà quelque chose qu'il faut faire dans une société comme celle-là. Et puis, il faut ajouter la possibilité de faire la capitalisation. C'est possible pour les fonctionnaires, je ne vois pas pourquoi ce n'est pas possible pour les salariés du secteur privé."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 7 novembre 2000)