Déclaration de M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, sur les avancées de la la loi du 11 février 2005, notamment sur l'égalité des chances et la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, Paris le 8 octobre 2005.

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Circonstance : Premier congrès de l'Union nationale pour l'insertion sociale du déficient auditif à Paris le 8 octobre 2005

Texte intégral

Monsieur le Président, Cher Jérémie BOROY,
Madame la Présidente de l'Association des Paralysés de France
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je suis très heureux d'être avec vous, aujourd'hui, pour conclure ce premier congrès de l'Union nationale pour l'insertion sociale du déficient auditif, l'UNISDA, et je souhaite vous remercier de votre invitation.
Un congrès est toujours un événement pour une association. C'est le moment des bilans et des projets. Un moment d'échange d'expériences et d'idées, un moment de rencontres.
Un premier congrès, comme c'est le cas aujourd'hui, est un événement particulièrement marquant, qui demande beaucoup d'énergie à ses organisateurs. À ce titre, je tiens à saluer le travail et l'engagement de Jérémie BOROY, votre Président, et de toute l'équipe de l'UNISDA. Ils sont parvenus à donner à cette journée toute l'ampleur qu'elle méritait.
Je suis très ému de cette première rencontre. Elle intervient au cours d'une année décisive pour la politique en direction des personnes handicapées.
Il y a trois ans, le Président de la République décidait de faire du handicap l'une des principales priorités de son action pour le présent quinquennat. Trois ans après, la loi attendue depuis si longtemps par les personnes handicapées et par leurs proches a été adoptée. C'était le 11 février dernier, trente ans après la première loi fondatrice de 1975. Le nom de cette loi dit à lui seul tout le sens que le Parlement a voulu lui donner : favoriser l'égalité des droits et des chances, la participation, la citoyenneté.
Cette loi est une arme entre vos mains. Une arme de conquête et de reconquête de votre autonomie. C'est aussi, l'arme pour faire bouger toute la société, pour vous permettre d'y tailler votre place. Il n'y a pas de handicap, si lourd soit-il qui doive imposer l'enfermement, le repli sur soi, le renoncement à communiquer, à dialoguer, à agir, à vivre au milieu des autres, avec les autres, comme les autres. Il faut faire reculer les frontières du possible, faire bouger les lignes, rétablir l'égalité des droits et des chances.
Mon voeu, ma ligne d'action, c'est que l'on ne parle plus du handicap, des personnes handicapées mais de la personne humaine dans sa plénitude, la même quel que soit le handicap. Parce que chacun aura les moyens de tracer sa route.
Je voudrais aujourd'hui souligner la portée de cette loi, le tournant majeur qu'elle constitue. En plaçant la concertation avec les associations au centre des actions de l'État, elle a renouvelé la politique en faveur des personnes handicapées. En favorisant leur insertion dans la société, elle rend leur participation à la vie citoyenne possible, plus facile. En reconnaissant tous les types de handicap, elle permet de construire une politique respectueuse des besoins spécifiques de chacun.
I - La loi du 11 février a ainsi ouvert de nouveaux chantiers fondés sur la concertation et le partenariat avec les associations.
Cette loi est un hommage au dynamisme de l'action associative, que vous conduisez aujourd'hui.
Il est toujours nécessaire de rappeler que ce sont les associations qui ont permis d'améliorer la place des personnes handicapées dans notre société. Ce sont elles qui ont toujours été à la pointe des innovations en matière de prise en charge et d'accompagnement. Ce sont elles encore qui ont créé, géré et développé l'essentiel des structures qui constituent notre patrimoine médico-social national.
Depuis trois ans, un nouveau partenariat s'est mis en place entre les associations représentant les personnes handicapées et les pouvoirs publics pour refonder la politique du handicap. L'UNISDA a pris toute sa place, comme l'un des porte-parole du comité d'entente, comme membre de la commission permanente du Conseil national consultatif des personnes handicapées et du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Votre fédération est depuis lors un interlocuteur convaincant et responsable, qui a su porter les préoccupations des personnes sourdes et malentendantes, faire comprendre et connaître leurs besoins et leurs aspirations. Car l'important, ce n'est pas seulement d'exprimer vos légitimes revendications, mais aussi tout simplement mettre fin à l'ignorance.
La loi du 11 février 2005 est le fruit de ce partenariat. Elle va plus loin en ancrant la dimension du partenariat au coeur de nos institutions, en donnant aux associations les moyens de s'assurer que les personnes handicapées participent effectivement aux décisions qui les concernent.
C'est le cas dans les maisons départementales des personnes handicapées, lieux d'accueil, d'information et d'accès aux droits, qui se constituent actuellement dans nos départements sous la forme de groupements d'intérêt public.
C'est également vrai pour les commissions des droits et de l'autonomie, successeurs des COTOREP et CDES, qui attribueront dès le 1er janvier 2006 la nouvelle prestation de compensation du handicap. Les associations auront ainsi le tiers des sièges de ces commissions.
La composition elle-même de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, donne, pour la première fois, aux usagers une place aux côtés des partenaires sociaux. En cela, elle traduit l'approche de ce nouveau volet de protection sociale, qui se fonde sur les besoins de la personne.
C'est bien le nouvel horizon de la solidarité au 21e siècle que de personnaliser la solidarité. Au 20e siècle, nous avons créé la sécurité sociale, le RMI, l'AAH, fondés sur la redistribution. Ces solidarités anonymes d'argent et de guichet sont nécessaires mais pas suffisantes. Aujourd'hui, nous construisons une solidarité fondée sur les besoins de la personne, sur son projet de vie.
Telle est l'action du Gouvernement de Dominique de Villepin en matière notamment d'aide aux demandeurs d'emploi. Telle est également mon ambition d'apporter aux personnes âgées l'aide adaptée à la situation personnelle de chacun. Tel est l'esprit de la loi du 11 février 2005 : fonder une solidarité fraternelle, qui prend un visage et dont le but est la reconquête de la liberté, de l'indépendance, de l'autonomie.
C'est pourquoi un dialogue permanent est indispensable. Ce dialogue, j'ai souhaité, dès mon arrivée, le poursuivre pour toute la phase d'élaboration des textes d'application de la loi. Près de 80 textes doivent être préparés et publiés avant la fin de l'année. La concertation, même dans les situations d'urgence que nous connaissons, doit être privilégiée. Et je veux rendre hommage à l'investissement de tous les représentants associatifs, aux côtés des services de l'administration, pour respecter les délais et conserver un esprit de dialogue.
Cette méthode et mon engagement sont la meilleure réponse que nous pouvons apporter collectivement aux inquiétudes qui ont pu s'exprimer sur l'application de la loi. Je vous l'affirme, la loi, dans sa lettre et dans son esprit, sera pleinement respectée.
II - La loi du 11 février est aussi une loi de participation et de citoyenneté pour les personnes handicapées
Emploi, scolarisation, accessibilité et compensation. Tels sont les quatre thèmes autour desquels vous avez choisi d'organiser cette journée. Tels sont également les piliers de la loi du 11 février. Ils représentent, en effet, pour nos concitoyens handicapés une porte d'accès à la pleine participation à la vie sociale.
Je ne reviendrai pas sur le contenu de principes aussi importants que la priorité donnée à la scolarisation en milieu ordinaire, la transposition du principe de non-discrimination dans l'emploi et l'aménagement des postes de travail, la mise en accessibilité de l'ensemble des établissements recevant du public dans un délai de 10 ans, ou encore la création de la prestation de compensation du handicap.
Ces droits, évoqués tout au long de cette journée, sont pour les personnes handicapées autant d'engagements forts à construire une société plus accueillante.
J'évoquerai surtout l'exigence d'accessibilité et le droit à une compensation. Ces principes sont au service de la personne et de sa pleine citoyenneté. Mais les dispositions de la loi ne se limitent pas à assurer aux personnes handicapées des moyens de subsistance ; elles doivent leur permettre de construire leur vie. Car s'il est indispensable d'apporter les aides financières nécessaires pour accompagner les personnes handicapées dans les gestes de la vie quotidienne, il est aussi essentiel de prendre en compte leurs besoins de communication et de participation à la vie sociale. Car ce sont des besoins essentiels.
Le plan de compensation, élaboré à partir du projet de vie, dans le cadre d'un dialogue d'évaluation avec l'équipe pluridisciplinaire, contiendra toutes ces dimensions. Car le plan de compensation n'est pas une aide à la survie, c'est une aide à la vie. C'est l'ambition qui oriente mon action à l'heure où le CNCPH va être saisi des décrets sur la prestation de compensation.
L'exigence d'accessibilité, quant à elle, tiendra pleinement compte des besoins des personnes sourdes et malentendantes. Pour la première fois, l'accessibilité est étendue à toutes les formes de handicap. Elle ne se limite pas au bâti, elle prend aussi en compte les besoins liés à la communication. Le législateur a voulu explicitement répondre aux besoins propres aux personnes sourdes et malentendantes. Les épreuves du permis de conduire devront être adaptées, l'accès aux procédures juridictionnelles sera facilité grâce à l'assistance d'un traducteur en langue des signes, d'un codeur LPC ou d'une traduction écrite, tout comme les relations avec les services publics, à commencer par les préfectures. Dans un délai de cinq ans, tous les programmes audiovisuels pour les chaînes hertziennes de plus de 2,5% d'audience seront sous-titrés.
Cette loi est ambitieuse. Elle n'appartient à personne. Elle nous appartient à tous. Au-delà des textes d'application, sa mise en oeuvre nécessitera l'implication de tous les acteurs de la société. Il nous faudra convaincre et mobiliser.
La loi constitue un levier de l'action que nous devons conduire ensemble pour que chacun trouve sa place dans la vie de la Cité.
III - la loi du 11 février nous invite enfin à construire une politique respectueuse des besoins spécifiques de chacun.
C'est la première fois qu'une définition du handicap est inscrite dans la loi. Elle englobe tous les types de handicap : le handicap physique, sensoriel, mental, cognitif, le handicap psychique également, le polyhandicap, sans jamais les confondre, sans jamais en exclure. Elle garantit à toutes les personnes handicapées, quelles que soient l'origine, la nature ou l'importance de leur handicap, un ensemble de droits.
Au premier rang des droits fondamentaux reconnus aux personnes handicapées, il faut nommer l'accès à la communication pour les personnes sourdes et malentendantes. S'il y a bien un point commun entre tous les handicaps, ce sont les obstacles à entrer en relation avec autrui. De ce point de vue, les difficultés liées à la surdité sont emblématiques de tous les autres handicaps. Ce droit est lié de manière indissociable à un autre droit : celui de choisir son mode de communication, d'opter entre une communication bilingue - langue des signes et langue française - et une communication en langue française. Cette liberté reconnue aux parents des enfants sourds était essentielle et l'apport de la loi sur ce point a été largement salué.
Tout doit être mis en oeuvre pour permettre à cette liberté de s'exprimer au plus tôt, afin de donner aux enfants toutes les chances d'acquérir correctement les outils de la communication.
Je suis à cet égard très attentif au déroulement du programme expérimental de dépistage néonatal de la surdité en maternité, qui est co-piloté par la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) et la direction générale de la santé (DGS). Ce programme, mis en place au premier semestre 2005, a été conçu en application d'un des objectifs de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. Il doit permettre d'organiser, avec les parents et dans le respect de leurs choix d'éducation, une prise en charge adaptée. Six villes sont concernées : Bordeaux, Lille, Toulouse, Lyon, Marseille et Paris. Si sa préparation nécessitait de prendre de grandes précautions, notamment concernant la fiabilité des tests utilisés, il est nécessaire désormais de donner toute son ampleur à cette expérimentation. Plus de 3000 enfants ont bénéficié de ce dépistage au premier semestre à Lille. Il en est de même à Bordeaux.
La mise en place de dépistages précoces n'a de sens que si nous sommes en mesure d'offrir aux parents le recours aux services de professionnels bien formés et expérimentés. Le développement des places dans les centres d'action médico-sociale précoce doit y répondre s'agissant de toutes les formes de handicap. C'est ainsi que 66 nouveaux projets par an seront financés entre 2005 et 2007. De même, les places en services d'éducation et de soins à domicile qui offrent un accompagnement spécifique des enfants sourds doivent être disponibles partout sur notre territoire. À ce titre, le programme pluriannuel 2005-2007 prévoit, tous handicaps confondus, 3 750 places nouvelles en SESSAD.
Parce qu'il revient aux parents de choisir l'éducation qu'ils veulent donner, ceux-ci ont besoin d'être accompagnés dès l'annonce du handicap de leur enfant. C'est le rôle notamment des centres d'information sur la surdité que d'offrir une information complète et neutre, qui permette aux parents de se faire une opinion. Or toutes nos régions ne sont pas encore dotées d'un tel centre. C'est pourquoi j'ai donc décidé de poursuivre et d'accélérer la mise en place de ce réseau pour que tout le territoire national soit couvert à la fin 2007. Les Centres d'information sur la surdité ont vocation à entrer dans le réseau qui va se mettre en place autour des maisons départementales des personnes handicapées.
L'accompagnement des jeunes sourds doit également se poursuivre tout au long du parcours scolaire de l'enfant. Car au long de ce parcours scolaire, l'enfant et sa famille pourront confirmer ou modifier leur choix d'éducation. Il sera un élément du projet de scolarité de l'enfant qui devra préciser les moyens d'accès à la communication. La loi veut assurer la continuité des parcours scolaires jusqu'à l'université et plus généralement jusqu'à l'enseignement supérieur. L'accompagnement doit donc lui aussi continuer.
À la suite de la décision de l'AGEFIPH de cesser de financer l'accompagnement des étudiants, des inquiétudes sont nées. Gérard LARCHER, ministre délégué au Travail, à l'Emploi et à l'Insertion professionnelle des jeunes, et Gilles de ROBIEN, ministre de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, vous ont rassurés tout à l'heure à ce propos. Je veux évidemment confirmer l'engagement du Gouvernement de Dominique de VILLEPIN pour assurer la continuité des aides aux étudiants handicapés.
Le travail conduit par les services de nos trois ministères a eu le souci de proposer des solutions qui favorisent la continuité. L'Etat va passer dans les prochaines semaines une convention avec l'AGEFIPH qui permettra de maintenir les circuits actuels de financement dans les mêmes conditions jusqu'à la fin de l'année scolaire 2005-2006 et d'en partager la charge. Dès la rentrée 2006, le dispositif-relais fondé sur les nouvelles obligations en matière d'accessibilité de l'école et la création du droit à compensation seront mis en place. Cette solution évitera toute rupture dans les scolarités des jeunes.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Votre journée a été riche de promesses et de perspectives pour vous, pour vos enfants. L'application de la loi de 2005 m'engage et au-delà engage le Gouvernement tout entier. Je suis venu vous assurer de ma totale détermination à mener à bien ce chantier en faveur de l'égalité des droits et des chances dans notre pays.
Monsieur le Président, un chemin important a été parcouru. De nombreux travaux, difficiles et délicats, nous attendent encore dans les semaines qui viennent. Je forme le voeu qu'ils s'inscrivent dans cette voie, celle du dialogue et de la concertation, au service des personnes handicapées.
Je vous remercie.
(Source http://congres.unisda.org, le 27 octobre 2005)