Déclaration de M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur les divers partenariats Nord-Sud et le rôle des femmes dans le développement économique, à l'Assemblée nationale le 4 mars 2004.

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Circonstance : Ouverture du Colloque international "Population et développement : les réponses aux défis du XXeme siècle", à l'Assemblée nationale le 4 mars 2004

Texte intégral

Madame la Présidente "d'Equilibres et Populations" (Dr Tesson-Millet),
Madame la Directrice du Fonds des Nations unies pour la population (Mme Obaid),
Madame la Présidente du Groupe d'études "population et développement" à l'Assemblée nationale (Mme Henriette Martinez),
Madame la Présidente de l'Office tunisien de la famille et de la population (Mme Gueddana : "grand témoin" de l'après midi) ,
Monsieur le Directeur de l'Ecole nationale de Statistiques et d'Economie appliquée de Côte d'Ivoire (M. N'Guessan : "grand témoin" du matin)
Monsieur Momar Lo, Coordonnateur du réseau des parlementaires des pays du Sud,
Monsieur le Président de la Croix Rouge Française, Monsieur le Professeur Gentilini,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement sensible au privilège qui m'est donné d'introduire les travaux de ce colloque international. Je souhaite à cette occasion vous exposer brièvement le point de vue du gouvernement français mais aussi son action concernant trois domaines qui relèvent de la réflexion que vous allez développer au cours de ce Colloque du dixième anniversaire "d'Equilibres et Populations" :
Premièrement, les partenariats Nord-Sud en matière de population et développement, et de défense de l'égalité des sexes : un travail important est actuellement mené dans ce domaine avec nos partenaires du Sud, aussi bien au niveau institutionnel que sur le terrain mais également en matière de recherche.
Deuxièmement la participation française aux grands engagements internationaux sur les questions de population : notre pays a pu constater des avancées importantes mais nous connaissons aussi les points de blocage, voire les reculs possibles. C'est pourquoi nous devons rester vigilants et actifs.
J'évoquerai enfin le rôle des femmes dans le développement de leur société et de leur pays, car il est fondamental. Ce rôle prend la forme d'un combat, mais un combat porteur de tous les espoirs.
1.- Concernant le premier point : les partenariats Nord-Sud sur les questions de genre, population et développement, je voudrais souligner que ces partenariats aussi nombreux et variés, qu'ils soient politiques, scientifiques, associatifs, médiatiques, ou de terrain, participent de l'action internationale de la France.
Je veux insister tout particulièrement sur l'influence de plus en plus grande des initiatives de la société civile, ici, en France, comme dans les pays en développement. Le gouvernement souhaite encourager cette évolution et faire en sorte que les associations et organisations non gouvernementales françaises puissent participer plus activement encore aux débats et aux initiatives internationales sur les questions de développement.
Je voudrais saluer à cet égard quelques partenariats exemplaires et novateurs s'agissant des questions cruciales qui nous intéressent aujourd'hui, à savoir les Droits des femmes, la régulation de la fécondité, la santé sexuelle, la prévention du sida, bref ces sujets sensibles qui touchent à la vie privée mais qui sont essentiels pour le bien-être des personnes et le développement des sociétés.
Tout d'abord, je tiens à féliciter l'Organisation "Equilibres et Populations" pour le rôle pionnier et positif qu'elle a joué, au Nord mais surtout au Sud, dans l'expression des besoins des populations et dans leur mobilisation sur les questions de santé de la procréation.
A la suite du bilan des dix années d'existence d' "Equilibres et Populations", qui vient d'être dressé par ses différents partenaires, je ne peux qu'encourager l'équipe et ses réseaux associatifs travaillant dans les pays du Sud, à poursuivre leurs activités avec le même dynamisme et la même conviction que chacun s'accorde à leur reconnaître aujourd'hui.
Je tiens également à saluer les coopérations qui associent les parlementaires français et leurs collègues francophones d'Afrique subsaharienne. Ensemble ils cherchent à susciter une prise de conscience qui est la clé de notre sujet de réflexion : les relations entre les questions de population et de développement. Je voudrais citer à titre d'exemple la démarche innovante engagée sur la suggestion de parlementaires français, en faveur du projet de coopération triangulaire entre la France, la Tunisie et le Niger sur la santé des femmes et des enfants dans le district sanitaire de Kollo. Je me suis rendu sur place, il y a quelques mois, à l'occasion de l'ouverture d'un centre médico-chirurgical destiné à soigner les très jeunes femmes subissant les graves conséquences de grossesses trop précoces. J'ai rencontré les médecins et les personnels infirmiers qui pilotent ce projet et j'ai pu mesurer les effets très positifs de l'action d'information entreprise auprès des femmes de cette région. Cette réussite ne peut qu'encourager la multiplication des partenariats Sud-Sud dans des domaines comme celui-là. J'y suis personnellement très favorable et je m'en suis d'ailleurs entretenu avec nos partenaires tunisiens tout récemment.
Je n'oublie pas enfin les partenariats scientifiques de formation et de recherche noués depuis 1988 par le Centre Population et Développement (CEPED), qui regroupe l'ensemble des institutions de recherche françaises en démographie et que le ministère des Affaires étrangères soutient activement. Aujourd'hui, on rencontre dans toutes les assemblées des experts venant des pays en développement qui ont bénéficié de ces partenariats et qui font entendre leur voix.
2.- J'en viens maintenant à la position de la France dans le débat international sur les questions de population.
Tout à l'heure, le directeur général de la Coopération internationale et du Développement, M. Claude Blanchemaison, vous présentera les projets concrets de coopération que mène la France dans le cadre des plans d'action issus des conférences du Caire et de Pékin.
Je souhaite, pour ma part, rappeler que la France défend des positions très nettes sur les questions de population, sur le droit des femmes comme sur ce que l'on appelle "la santé reproductive."
La France considère que le programme d'action adopté à la Conférence internationale sur la population et le développement du Caire, en 1994, a constitué un tournant important dans les politiques démographiques. Mais, dix ans après cette Conférence, ces politiques doivent être analysées avec lucidité. Selon les pays, elles sont très contrastées, voire opposées. Dans certains cas, hélas trop nombreux, on n'a observé aucune évolution favorable, en raison de blocages politiques, idéologiques ou religieux.
Dans d'autres cas, on a au contraire observé certaines dérives préoccupantes dans la mise en oeuvre de politiques dites "de maîtrise de la fécondité", par exemple en Inde ou en Amérique latine, où des campagnes de stérilisation ont été engagées sans que l'information complète et le consentement réellement motivé des femmes aient toujours été garantis.
C'est pourquoi la France est attachée au respect des Droits fondamentaux de la personne dans la mise en oeuvre des politiques de population.
C'est pourquoi, également, la France insiste sur la nécessité de réaliser des avancées rapides et significatives en matière d'hygiène et de santé de la reproduction.
Il faut être clair : si des progrès ne sont pas rapidement enregistrés dans ce domaine, les "objectifs du Millénaire pour le Développement", fixés par les Nations unies en septembre 2000, ne pourront pas être atteints.
Nous partageons à cet égard les préoccupations exprimées par le Secrétaire général des Nations unies, M. Kofi Annan, et nous approuvons les mises en garde qu'il a publiquement exprimées sur ce point.
C'est dans cet esprit que la France entretient d'ailleurs des relations étroites et confiantes avec le Fonds des Nations unies pour la population.
Sa directrice exécutive peut compter sur notre soutien actif dans la promotion et défense des Droits des femmes, notamment lors des conférences régionales sur la population. Nous apportons également notre appui dans la mise en oeuvre de programmes sur le terrain : nous le faisons déjà, et nous allons étudier notamment comment nous pourrions accompagner discrètement la campagne mondiale contre les fistules obstétricales.
Par ailleurs, la France souhaite, conformément à la résolution 1347 du Parlement européen adopté le 30 septembre 2003, et en partenariat avec la Commission européenne, l'ouverture d'un débat approfondi avec les Etats-Unis sur les effets néfastes du rétablissement par l'actuel gouvernement américain de la politique dite "de Mexico" qui subordonne l'aide financière aux ONG à la renonciation par ces dernières à toute action liée, de près ou de loin, à l'interruption volontaire de grossesse, même quand il s'agit seulement d'en soigner les conséquences.
3.- Enfin, je n'oublie pas que nous sommes réunis quatre jours avant la journée mondiale des femmes. A ce titre je voudrais exprimer ma conviction profonde :
C'est dans les pays où les Droits fondamentaux des femmes sont défendus, où les violences et les discriminations à leur égard sont combattues, que le niveau de vie s'améliore et que l'ensemble de la société progresse. C'est en cela que le développement et les droits reconnus aux femmes sont étroitement liés. On le constate concrètement lorsque les femmes sont en mesure de prendre des initiatives collectives.
Je prendrai l'exemple des femmes qui se regroupent pour dénoncer les violences sexuelles et mener des actions de prévention contre le sida, dans les pays affectés par des conflits.
Là où les femmes ont leur mot à dire et peuvent prendre part aux décisions non seulement dans les institutions officielles - nationales, régionales, locales - mais également dans leurs propres familles, les questions de développement humain et les Droits de la personne passent au premier plan.
Qu'il s'agisse de campagnes locales dans le domaine de la santé, de gestion des ressources familiales, d'éducation des filles, de groupements de production et de commercialisation, les exemples sont nombreux.
Toutes ces initiatives doivent être encouragées, aidées et mises en valeur pour être autant d'exemples à suivre.
Pour réaliser l'égalité des sexes, puis pour passer de l'égalité des Droits à la parité dans l'exercice du pouvoir, le chemin à parcourir est encore long, y compris en France et en Europe. Raison de plus pour ne pas relâcher nos efforts !
Je suis persuadé que votre colloque contribuera à renouveler le regard porté sur la relation entre l'égalité homme-femme, les politiques de population et les politiques de développement, à renforcer l'attention portée à ces questions, et à mobiliser davantage l'ensemble des acteurs.
Au nom du gouvernement, je vous remercie de l'action persévérante que vous menez et je souhaite plein succès à ce Colloque international qui marque une étape importante sur le chemin que vous avez tracé.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 mars 2004)