Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Mesdames et Messieurs les professeurs,
Chers lauréats, chers amis,
J'ai le plaisir de vous accueillir au Sénat pour la 3e édition du prix de thèse du Sénat.
Cette manifestation, qui nous réunit, a une triple signification.
Elle s'inscrit d'abord dans la politique d'ouverture du Sénat à travers des manifestations spécifiques destinées à différents secteurs de la société et de l'opinion : éducation nationale, entreprise, artisanat, défense nationale, justice, culture, etc.
Le Sénat a ainsi révélé, qu'au delà de sa fonction législative et de sa mission de contrôle, sa position particulière dans les institutions lui donnait la possibilité de se mettre à l'écoute du plus grand nombre et de contribuer ainsi à la réduction de la fracture entre les institutions politiques et les citoyens.
La deuxième signification de cette initiative est de montrer que le législateur est attentif à ceux qui font le droit avec lui : universitaires, certes, mais aussi praticiens, juges, professions judiciaires, tous ceux qui, au fond, en commentant et en interprétant la loi favorisent sa compréhension et son application.
La troisième raison est que l'on ne peut rien faire sans la jeunesse. Il y a dix jours, le Sénat accueillait dans son hémicycle, à l'occasion des " Rendez-vous citoyens - Histoire ", les lauréats du concours européen consacré aux Défis de la Paix.
Il y a quelques jours, je remettais les prix des Hercules de l'Histoire. Aujourd'hui, c'est aux étudiants que nous nous adressons pour leur dire que nous comptons sur leur esprit d'invention, leur capacité de recherche et d'initiative.
La recherche, aujourd'hui plus que jamais, a en effet besoin d'un signal et c'est ce signal que le Bureau du Sénat a voulu donner en créant ce prix de thèse.
Le jury chargé de décerner ce prix est à l'image de ce souci de coopération avec " la société civile ". Il est composé, par moitié, d'universitaires, que je salue et que je remercie, mais aussi de représentants du Sénat parmi lesquels je n'aurai garde d'oublier mes collègues Patrice Gélard, qui préside en mon nom, Robert Badinter et Michel Charasse. Ils acceptent, comme les autres membres du jury, de lire les " ouvrages candidats " et de participer aux délibérations cordiales de cette petite institution que nous avons créée.
Toujours pragmatique et réaliste, le Sénat a souhaité que le prix se traduise effectivement par une publication dans une collection de prestige : c'est ainsi que nous avons créé avec les éditions Dalloz une " bibliothèque politique et parlementaire " dont je salue la publication des deux premiers ouvrages intervenue au début de cette année.
Le prix 2005 permettra la publication de deux nouveaux tomes : l'ouvrage de Monsieur Pierre de Montalivet sur lequel je vais revenir, prix de thèse du Sénat 2005, sur " Les objectifs de valeur constitutionnelle " et le travail de Madame Murielle Mauguin-Helgeson sur " L'élaboration parlementaire de la loi : étude comparative (Allemagne, France, Royaume-Uni) ".
A travers ces titres, vous pourrez constater que le Sénat n'est pas enclin au narcissisme : il ne s'intéresse pas qu'à lui. S'il entend favoriser la recherche dans certains domaines du droit public trop négligés, comme le droit parlementaire ou, en particulier, le bicamérisme, le champ de son prix s'étend à l'ensemble du droit public, y compris cet aspect si important pour lui que sont les collectivités territoriales.
Les deux mentions qu'a souhaité également décerner le jury finissent de dessiner les contours très larges de nos préoccupations :
La première mention est allée au travail de Monsieur Yann-Arzel Marc sur " Pétitionnement et droit de pétition durant l'Assemblée nationale constituante (1789-1791) " et la seconde au travail de Mademoiselle Ludivine Delsenne sur " Les Etats du Maghreb et la Turquie en recherche de modernité " L'histoire et la géographie en quelque sorte mais aussi, nous à qui l'on reproche parfois de n'être que " représentatifs ", le souci d'explorer les voies difficiles de la démocratie directe. Le regard vers des sociétés démocratiques en transition signifie que nous ne pensons pas que la démocratie si imparfaite que nous pratiquons soit la seule possible ni qu'elle soit directement exportable.
Pour terminer, je voudrais dire quelques mots sur les deux thèses qui ont été plus particulièrement distinguées.
Celle de Madame Murielle Mauguin-Helgeson, représentée ici par son sympathique directeur de thèse, fin connaisseur du Parlement, Guy Carcassonne, a le mérite de nous apporter des informations sur le droit comparé. Elle s'est efforcée de confronter les méthodes et les traditions d'élaboration de la loi en France, en Angleterre et en Allemagne.
Cette thèse montre comment, à partir d'objectifs communs, les voies choisies pour les atteindre peuvent être assez différentes. J'aurais tendance à dire qu'elle illustre l'irréductible diversité des peuples d'Europe. Chacun, à sa manière, a du mal à échapper à son histoire.
En s'attaquant à une catégorie jusqu'ici indéfinie à savoir les "objectifs à valeur constitutionnelle ", Monsieur Pierre de Montalivet, prix de thèse du Sénat, pour 2005, a montré sa capacité à fournir un guide utile aux praticiens du droit pour comprendre certains aspects de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel.
C'est d'abord dans un souci d'utilité pour le législateur que le Sénat a consacré son travail. C'est d'ailleurs l'un des objectifs que notre collègue Michel Charasse, dont on connaît la passion pour le droit, passion exprimée parfois avec verdeur, a donné de façon très concrète à notre prix. Il s'agit, pour nous, d'aider à la publication d'uvres de référence qui peuvent être utiles à nos collègues dans leur mission de législateur.
Les " objectifs de valeur constitutionnelle ", loin d'être des freins à l'initiative législative, ont pu être perçus par la doctrine comme des éléments d'assouplissement des grands principes. Ils ne permettent pas au législateur de renier ces principes mais ils l'aident à les concilier, -j'allais dire à les réconcilier-, et, par conséquent, à réaliser son travail d'intermédiation.
Le principe de " clarté et d'intelligibilité de la loi " fait partie de ces objectifs. Je sais qu'il est de bon ton de mettre en cause aujourd'hui le législateur sur ce terrain en l'accusant de favoriser une perte de normativité et une complexité excessive de la loi.
A mes yeux, il existe moins aujourd'hui une crise de la production législative, qu'une nécessité de rechercher de nouveaux modes de fonctionnement de l'Etat et, surtout, de relations avec les citoyens. L'objectif est donc moins de faire des lois formellement parfaites que de répondre à cette demande de loi qui n'a jamais été aussi forte. La loi n'est donc plus seulement un acte juridique. Elle est aussi un acte social.
On comprendra, dans un tel contexte, que le Conseil Constitutionnel et le Parlement relèvent de deux ordres juridiques et sociaux différents et qu'ils ont sans doute plus de choses à apprendre l'un de l'autre qu'une rivalité à organiser. Puisse l'université nous aider, par son caractère interdisciplinaire, à nous éloigner des solutions toutes faites, des réformes institutionnelles miraculeuses, pour regarder avec nous, tout simplement, la réalité du monde et nous aider à la faire vivre.
(Source http://www.senat.gouv.fr, le 1er juillet 2005)
Mesdames et Messieurs les professeurs,
Chers lauréats, chers amis,
J'ai le plaisir de vous accueillir au Sénat pour la 3e édition du prix de thèse du Sénat.
Cette manifestation, qui nous réunit, a une triple signification.
Elle s'inscrit d'abord dans la politique d'ouverture du Sénat à travers des manifestations spécifiques destinées à différents secteurs de la société et de l'opinion : éducation nationale, entreprise, artisanat, défense nationale, justice, culture, etc.
Le Sénat a ainsi révélé, qu'au delà de sa fonction législative et de sa mission de contrôle, sa position particulière dans les institutions lui donnait la possibilité de se mettre à l'écoute du plus grand nombre et de contribuer ainsi à la réduction de la fracture entre les institutions politiques et les citoyens.
La deuxième signification de cette initiative est de montrer que le législateur est attentif à ceux qui font le droit avec lui : universitaires, certes, mais aussi praticiens, juges, professions judiciaires, tous ceux qui, au fond, en commentant et en interprétant la loi favorisent sa compréhension et son application.
La troisième raison est que l'on ne peut rien faire sans la jeunesse. Il y a dix jours, le Sénat accueillait dans son hémicycle, à l'occasion des " Rendez-vous citoyens - Histoire ", les lauréats du concours européen consacré aux Défis de la Paix.
Il y a quelques jours, je remettais les prix des Hercules de l'Histoire. Aujourd'hui, c'est aux étudiants que nous nous adressons pour leur dire que nous comptons sur leur esprit d'invention, leur capacité de recherche et d'initiative.
La recherche, aujourd'hui plus que jamais, a en effet besoin d'un signal et c'est ce signal que le Bureau du Sénat a voulu donner en créant ce prix de thèse.
Le jury chargé de décerner ce prix est à l'image de ce souci de coopération avec " la société civile ". Il est composé, par moitié, d'universitaires, que je salue et que je remercie, mais aussi de représentants du Sénat parmi lesquels je n'aurai garde d'oublier mes collègues Patrice Gélard, qui préside en mon nom, Robert Badinter et Michel Charasse. Ils acceptent, comme les autres membres du jury, de lire les " ouvrages candidats " et de participer aux délibérations cordiales de cette petite institution que nous avons créée.
Toujours pragmatique et réaliste, le Sénat a souhaité que le prix se traduise effectivement par une publication dans une collection de prestige : c'est ainsi que nous avons créé avec les éditions Dalloz une " bibliothèque politique et parlementaire " dont je salue la publication des deux premiers ouvrages intervenue au début de cette année.
Le prix 2005 permettra la publication de deux nouveaux tomes : l'ouvrage de Monsieur Pierre de Montalivet sur lequel je vais revenir, prix de thèse du Sénat 2005, sur " Les objectifs de valeur constitutionnelle " et le travail de Madame Murielle Mauguin-Helgeson sur " L'élaboration parlementaire de la loi : étude comparative (Allemagne, France, Royaume-Uni) ".
A travers ces titres, vous pourrez constater que le Sénat n'est pas enclin au narcissisme : il ne s'intéresse pas qu'à lui. S'il entend favoriser la recherche dans certains domaines du droit public trop négligés, comme le droit parlementaire ou, en particulier, le bicamérisme, le champ de son prix s'étend à l'ensemble du droit public, y compris cet aspect si important pour lui que sont les collectivités territoriales.
Les deux mentions qu'a souhaité également décerner le jury finissent de dessiner les contours très larges de nos préoccupations :
La première mention est allée au travail de Monsieur Yann-Arzel Marc sur " Pétitionnement et droit de pétition durant l'Assemblée nationale constituante (1789-1791) " et la seconde au travail de Mademoiselle Ludivine Delsenne sur " Les Etats du Maghreb et la Turquie en recherche de modernité " L'histoire et la géographie en quelque sorte mais aussi, nous à qui l'on reproche parfois de n'être que " représentatifs ", le souci d'explorer les voies difficiles de la démocratie directe. Le regard vers des sociétés démocratiques en transition signifie que nous ne pensons pas que la démocratie si imparfaite que nous pratiquons soit la seule possible ni qu'elle soit directement exportable.
Pour terminer, je voudrais dire quelques mots sur les deux thèses qui ont été plus particulièrement distinguées.
Celle de Madame Murielle Mauguin-Helgeson, représentée ici par son sympathique directeur de thèse, fin connaisseur du Parlement, Guy Carcassonne, a le mérite de nous apporter des informations sur le droit comparé. Elle s'est efforcée de confronter les méthodes et les traditions d'élaboration de la loi en France, en Angleterre et en Allemagne.
Cette thèse montre comment, à partir d'objectifs communs, les voies choisies pour les atteindre peuvent être assez différentes. J'aurais tendance à dire qu'elle illustre l'irréductible diversité des peuples d'Europe. Chacun, à sa manière, a du mal à échapper à son histoire.
En s'attaquant à une catégorie jusqu'ici indéfinie à savoir les "objectifs à valeur constitutionnelle ", Monsieur Pierre de Montalivet, prix de thèse du Sénat, pour 2005, a montré sa capacité à fournir un guide utile aux praticiens du droit pour comprendre certains aspects de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel.
C'est d'abord dans un souci d'utilité pour le législateur que le Sénat a consacré son travail. C'est d'ailleurs l'un des objectifs que notre collègue Michel Charasse, dont on connaît la passion pour le droit, passion exprimée parfois avec verdeur, a donné de façon très concrète à notre prix. Il s'agit, pour nous, d'aider à la publication d'uvres de référence qui peuvent être utiles à nos collègues dans leur mission de législateur.
Les " objectifs de valeur constitutionnelle ", loin d'être des freins à l'initiative législative, ont pu être perçus par la doctrine comme des éléments d'assouplissement des grands principes. Ils ne permettent pas au législateur de renier ces principes mais ils l'aident à les concilier, -j'allais dire à les réconcilier-, et, par conséquent, à réaliser son travail d'intermédiation.
Le principe de " clarté et d'intelligibilité de la loi " fait partie de ces objectifs. Je sais qu'il est de bon ton de mettre en cause aujourd'hui le législateur sur ce terrain en l'accusant de favoriser une perte de normativité et une complexité excessive de la loi.
A mes yeux, il existe moins aujourd'hui une crise de la production législative, qu'une nécessité de rechercher de nouveaux modes de fonctionnement de l'Etat et, surtout, de relations avec les citoyens. L'objectif est donc moins de faire des lois formellement parfaites que de répondre à cette demande de loi qui n'a jamais été aussi forte. La loi n'est donc plus seulement un acte juridique. Elle est aussi un acte social.
On comprendra, dans un tel contexte, que le Conseil Constitutionnel et le Parlement relèvent de deux ordres juridiques et sociaux différents et qu'ils ont sans doute plus de choses à apprendre l'un de l'autre qu'une rivalité à organiser. Puisse l'université nous aider, par son caractère interdisciplinaire, à nous éloigner des solutions toutes faites, des réformes institutionnelles miraculeuses, pour regarder avec nous, tout simplement, la réalité du monde et nous aider à la faire vivre.
(Source http://www.senat.gouv.fr, le 1er juillet 2005)