Déclaration de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du gouvernement, sur les principales propositions émises par MM. Lambert et Migaud dans leur rapport sur la mise en oeuvre de la LOLF et sur la présentation du budget 2006, premier budget présenté en mode LOLF, Paris le 16 septembre 2005.

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Circonstance : Point presse à l'occasion de la remise du rapport des parlementaires MM. Lambert et Migaud sur la mise en ¿uvre de la LOLF à Paris le 16 septembre 2005

Texte intégral

Je souhaite tout d'abord remercier Alain Lambert et Didier Migaud pour le travail qu'ils viennent d'accomplir.
Au début de votre mission, nous nous étions fixés trois objectifs. Ils ont tous les trois été tenus :
- faire vivre le consensus qui a porté la LOLF depuis 2001
votre rapport et l'adoption par le Parlement de la loi organique adaptant la LOLF cet été montrent la force de ce consensus ;
- affirmer le soutien politique constant à la réforme
vos auditions et vos déplacements dans toute la France ont permis de bien montrer notre détermination totale à vouloir la réussite de cette réforme ;
- dresser un bilan de la mise en uvre et préparer l'avenir
vos observations et vos 60 propositions sont particulièrement justes et utiles pour avancer et réussir le passage de la réforme budgétaire à la modernisation de la gestion publique.
Je vous remercie de votre réactivité, en particulier lorsque j'ai eu besoin de votre éclairage pour mettre au point le nouveau dispositif de régulation budgétaire.
Je ne reprendrai pas le constat que vous venez de dresser. Je veux aujourd'hui :
I/ vous indiquer les décisions que je compte prendre à partir de vos principales propositions ;
II/ et vous dire que le gouvernement a fait le nécessaire pour que l'Etat soit au rendez-vous de la LOLF
I. J'ai décidé de mettre en uvre les principales propositions de votre rapport
1/ Je suis d'accord pour continuer à rénover les pratiques budgétaires.
Vous mettez en avant quatre propositions :
* Vous proposez à juste titre de poursuivre sur la voie de la sincérité budgétaire. La sincérité est effectivement la clef de voûte de notre politique budgétaire. J'ai pris deux mesures concrètes pour renforcer encore plus cette sincérité :
a. J'ai donné des instructions très fermes à mes services et à mon cabinet pour que, dans la discussion du budget 2006, on ne renvoie aucun sujet 2006 au collectif de fin d'année ; le collectif de fin d'année 2005 n'ouvrira donc pas de crédits destinés à être reportés sur 2006. Il n'y aura pas de rallonge au budget 2006. Il est même envisageable qu'il n'y ait aucun mouvement de crédits dans le collectif : je suis en train de regarder cela ;
b. J'ai aussi fait le nécessaire cette année pour que la politique budgétaire sache ce que faisait la politique fiscale ; l'année prochaine, je veux que nous ayons de façon systématique des discussions globalisées sur les crédits et les mesures fiscales.
* Vous proposez d'encadrer la régulation budgétaire.
Dans la ligne de votre travail, j'ai proposé au Parlement, qui l'a accepté à la quasi-unanimité cet été, un nouveau dispositif de régulation budgétaire cohérent avec la LOLF : une régulation forfaitaire, connue des parlementaires dès octobre, permettant aux responsables de programme de connaître la "tranche ferme" de leurs crédits avant le début de l'exercice. Le budget 2006 comportera une indication de la mise en réserve envisagée pour son exécution. C'est une première.
* Vous proposez de rendre les décisions budgétaires plus collégiales.
a. J'ai réformé la procédure budgétaire en ce sens en janvier dernier. Avant, les ministres et le Premier ministre voyaient arriver les sujets d'arbitrage en toute fin de processus et devaient décider de mesures lourdes pendant l'été sans les mettre en regard des autres dépenses. Maintenant, le Premier ministre arrête très en amont les priorités et fixe les plafonds de crédits par mission. Puis chaque ministre les ventile entre politiques publiques : chaque ministre devient bien son propre ministre des finances ; ma responsabilité est alors de m'assurer de la soutenabilité et de la sincérité de l'ensemble ;
b. Les règles définies cette année sont donc les bonnes. L'année prochaine, forts de l'expérience acquise et suivant vos recommandations, nous continuerons à améliorer la pratique.
* Enfin, vous préconisez de placer le contrôle de l'exécution au cur du travail parlementaire.
J'apporterai mon soutien aux initiatives que prendront les assemblées pour donner plus de place et de consistance aux travaux sur les lois de règlement ; en particulier, je trouve que l'idée de rapprocher loi de règlement et débat d'orientation budgétaire est excellente.
2/ La deuxième série de propositions a trait à la modernisation de la gestion publique
Là aussi, vous insistez sur quatre thèmes.
* Vous demandez au Gouvernement de stabiliser l'architecture des missions et des programmes et de simplifier l'année prochaine les budgets opérationnels de programme.
a. Il faut effectivement de la stabilité pour que la machine fonctionne et que les administrations puissent se réformer. Il ne doit y avoir que des ajustements, notamment lorsque le Parlement le demande ;
b. En revanche, sur les budgets opérationnels de programme, je suis certain qu'une marge de progression existe pour le budget 2007 :
il faut aller plus loin dans la simplification de la carte des BOP, et dans la déconcentration, notamment là où les ministères ont gardé leurs vieux réflexes.
* Vous recommandez que le rôle de chacun soit clairement défini dans la chaîne de responsabilité.
a. C'est la mission des différents réseaux mis en place dans le cadre du pilotage de la réforme budgétaire : forum des responsables de programme, comité des directeurs financiers des ministères et, maintenant, le club des secrétaires généraux que je réunirai tous les deux mois ;
b. Avec la mise en uvre de la LOLF, apparaissent les 15 "ministères" au sens budgétaire du terme autour desquels s'organisent les politiques publiques. Là aussi, il faut que les ministres aient bien conscience de leurs nouvelles responsabilités
* Vous rappelez enfin que nous ne devons pas perdre de vue la modernisation des systèmes d'information et la réforme de la gestion des ressources humaines. Je veux vous rassurer sur ces deux points :
a. Toutes les énergies sont mobilisées pour réussir le Palier 2006, qui fournira le 1er janvier 2006 les outils informatiques de la gestion en mode LOLF. En même temps, nous lançons le projet CHORUS avec le choix avant la fin de l'année de l'éditeur du futur progiciel. Le calendrier sera tenu : site pilote en 2007 et déploiement à partir de 2008 ;
b. Les expérimentations ont prouvé qu'il faut aller plus loin avec la LOLF et faire des réformes en matière de gestion des ressources humaines. Je proposerai très prochainement au Premier ministre, avec mon collègue de la fonction publique, des mesures sur ce sujet. Je m'appuierai sur votre rapport.
* Enfin, vous proposez les bases d'une future revue des programmes. Je considère que les audits systématiques que je lance dans l'Etat à partir du 1er octobre prochain nous permettront de progresser vers la mise en place de cette revue de programmes.
3/ Vos dernières propositions concernent les relations de l'Etat avec ses différents partenaires.
Vous identifiez des pistes pour progresser vers une meilleure gouvernance de nos finances publiques. J'entends travailler à la mise en uvre de vos propositions :
Je suis convaincu qu'il faut mieux prendre en compte les opérateurs de l'Etat, et surtout les établissements publics. L'Etat n'assume pas toujours bien sa fonction de tutelle. Je demande à la direction du budget et à la future direction générale de la modernisation de l'Etat de me faire des propositions opérationnelles, intégrant systématiquement les objectifs et indicateurs des programme dans les conventions signées avec les établissements ;
Je souhaite bien évidemment que la réforme de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale soit pleinement mise en uvre. Nous pouvons effectivement progresser encore dans l'amélioration de la gouvernance de la sécurité sociale.
Enfin, j'ai proposé dans le cadre du dernier débat d'orientation budgétaire des mesures pour mieux associer les collectivités territoriales à la politique des finances publiques. Je suis heureux que vous partagiez l'idée d'une conférence des finances publiques. Je veux maintenant la mettre en place d'ici la fin de l'année. Ce sera l'occasion de discuter de l'évolution de l'ensemble des dépenses publiques.
II. Dans 100 jours, la gestion de l'Etat va être révolutionnée et nous sommes au rendez-vous de la LOLF
Votre rapport me donne l'occasion de faire le point sur l'état de préparation de l'Etat à 100 jours du 1er janvier 2006. Le message est clair : nous sommes au rendez-vous de la LOLF.
1/ Le budget 2006 sera un budget 100 % LOLF
Je présenterai dans 12 jours le premier budget négocié, présenté, et discuté en mode LOLF. C'est un événement historique qui aura des conséquences très concrètes.
Cela se verra sur la forme :
a. Les 34 missions, 132 programmes du budget général présenteront les grandes politiques publiques à la place des budgets ministériels précédents ;
b. Le volet performance sera bien présent. Rappelons qu'il y a 630 objectifs et 1.300 indicateurs. Le Gouvernement s'était engagé l'année dernière à chiffrer les 2/3 de ces indicateurs, objectif jugé déjà ambitieux par le Parlement. Nous avons fait mieux puisque nous mettrons des chiffres au regard des 4/5ème. Ce sera, évidemment, la totalité l'année prochaine.
Cela se verra sur le fond :
a. Les documents budgétaires fourniront des indications d'une quantité et qu'une qualité totalement nouvelles. Deux exemples : la justification au premier euro des dépenses et la répartition des dépenses fiscales entre programmes.
b. Par ailleurs, la LOLF sera scrupuleusement respectée : crédits évaluatifs moins nombreux, budgets annexes et comptes spéciaux remis en ordre, nouvel article d'équilibre, publication d'un tableau de financement, autorisations d'engagement pour toutes les dépenses, etc Je vous présenterai ces innovations dans douze jours.
C'est un effort sans précédent de transparence et de sincérité.
Pour aider chacun à bien comprendre ce nouveau budget, j'ai décidé de diffuser à tous les parlementaires et à toutes les personnes intéressées un guide pratique de la LOLF, sorte de "mode d'emploi" du nouveau budget. 7.000 exemplaires sont disponibles dès aujourd'hui.
2/ Je veux utiliser la LOLF pour mettre en mouvement l'Etat
Les 500 expérimentations (soit 600.000 agents concernés) en cours montrent que la LOLF produit ses premiers effets concrets : agents mieux formés, meilleur service aux usagers, dialogue social enrichi, économies budgétaires, etc.
Le cadre d'exécution des politiques publiques est défini :
a. La carte des budgets opérationnels de programme est fixée ;
b. Les 80 responsables de programme et les responsables de BOP sont désignés et formés à leurs nouvelles missions ;
c. Les nouveaux modes de contrôle sont définis ; en particulier, j'ai assoupli le contrôle financier et le contrôle comptable et je les ai recentrés sur les enjeux budgétaires principaux et sur le conseil aux ministères ;
d. Enfin, l'Etat dispose d'une nouvelle comptabilité publique très proche de celle des entreprises.
Les services de l'Etat sont mobilisés sur la réforme à un niveau sans précédent :
a. Dans les administrations centrales : direction de la réforme budgétaire, Budget, DGCP, Cour des comptes, inspections générales, Agence pour l'informatique financière de l'Etat, directions financières des ministères, etc. ;
b. Dans les services déconcentrés : 30.000 personnes ont pris part aux formations dans toutes les régions de France ;
c. Avec le Palier 2006, l'Etat va conduire la plus grande opération de formation jamais conduite en France : 33.000 agents formés en trois mois soit plus de 80.000 journées de formation ! C'est du jamais vu.
d. Cette mobilisation a recueilli l'adhésion des agents. Je suis convaincu que rien ne se serait fait sans eux.
3/ Nous ne pouvons pas en rester là. Je veux passer à la vitesse supérieure et utiliser la LOLF pour embrayer sur la modernisation de l'Etat
Je veux passer de la réforme budgétaire à la modernisation de la gestion publique. C'est le fil directeur de votre rapport et c'est ma mission de ministre du budget et de la réforme de l'Etat.
J'ai annoncé le 27 juillet dernier le dispositif opérationnel que je veux mettre en place.
a. Il s'organise autour de la direction générale de la modernisation de l'Etat. Elle devra donner aux gestionnaires les moyens de devenir de vrais managers publics, et fournir aux ministères des instruments de modernisation.
b. Je vais lancer le 1er octobre la première vague d'audits des ministères. La liste sera décidée la semaine prochaine.
Je vais aussi développer la certification de services, l'administration électronique, moderniser la politique immobilière de l'Etat, développer celle des achats, etc.

Pour finir, laissez-moi vous dire combien je suis sensible au travail que vous déployez depuis cinq ans, avec la LOLF. Votre engagement montre que la France n'est pas irréformable, que la vie politique n'est pas faite que de confrontations stériles et que le travail parlementaire n'est pas de la figuration.
Il y a des sujets qui mobilisent sans doute plus l'opinion que la gestion publique, mais avec la LOLF c'est là que se joue la réforme de l'État qu'attendent les Français.
C'est à cette tâche que je consacre mon énergie et je sais pouvoir compter sur l'engagement de tous. Nous n'avons pas le droit de laisser passer cette occasion de réhabiliter l'action publique et de mieux répondre aux attentes des Français.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 19 septembre 2005)