Déclaration de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités locales, sur le développement de l'accès public à Internet, à Paris le 3 novembre 2005.

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Circonstance : 7eme cérémonie de remise des labels Ville Internet, à Paris, à l'Institut du Monde arabe, le 3 novembre 2005

Texte intégral

Mesdames, Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs les Elus,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux de vous retrouver ici, à l'Institut du Monde Arabe, afin de participer à cette 7ème cérémonie de remise des labels Ville-Internet. Je souhaite remercier, tout d'abord, les organisateurs de cette manifestation, et plus particulièrement deux personnes : Madame Durand-Tornare, fondatrice et déléguée de "Ville-Internet", ainsi que son président, Monsieur Emmanuel Eveno.
Je sais, aussi, que cette manifestation doit beaucoup à la Délégation interministérielle à la ville et à la Caisse des Dépôts et Consignations. Permettez-moi de remercier ces deux institutions qui font preuve de fidélité à l'égard d'un événement essentiel à la vie de nos collectivités.
La présence, ici, de parlementaires, et plus particulièrement de M. Jacques Pélissard, le président de l'Association des Maires de France avec qui j'ai le plaisir de travailler très régulièrement, illustre la mesure de cette manifestation.
Cette remise de prix démontre surtout à quel point le développement de l'Internet public, non-marchand et citoyen, est devenu, pour les élus et les acteurs locaux, une réalité mais aussi un enjeu fondamental.
Comme Ministre délégué aux collectivités territoriales, permettez-moi de rendre hommage aux 17 maires qui vont être distingués dans quelques instants et recevoir le plus haut niveau de récompense attribué par les labels Villes-Internet, c'est-à-dire quatre ou cinq @. ("arobases").
Cette consécration est le résultat de l'engagement de vos communes dans l'e-administration, c'est-à-dire votre préoccupation constante de valoriser l'usage des nouvelles technologies au service de nos concitoyens.
Derrière ces récompenses, ce sont des thèmes fondamentaux qui sont abordés. Il suffit de se souvenir du gigantesque succès de la déclaration d'impôt sur Internet de cette année pour prendre la mesure du défi qui nous attend: plus de 3,7 millions de télé-déclarations dans toute la France, soit trois fois plus que l'an dernier.
Il faut aussi, par exemple, constater que 88 millions de feuilles de soins ont pu, l'année dernière, être traitées par Internet.
Le message est clair : nos concitoyens sont demandeurs de services publics informatisés qui leur facilitent la vie, leur évitent d'interminables files d'attente et leur épargnent des horaires ingérables pour des citoyens actifs. A nous de répondre davantage à leurs volontés, volontés que nous devons considérer comme des exigences. Il est grand temps que l'accès au service public réponde mieux aux souhaits et aux contraintes de nos concitoyens.
Je crois que nous n'avons pas forcément conscience de l'urgence qui est la nôtre: nous autres, élus, responsables locaux ou nationaux, faisons partie d'une génération encore intermédiaire qui, certes, connaît l'Internet mais qui ne l'a pas toujours connu.
En revanche, tous nos enfants et petits-enfants, qui ont aujourd'hui dix, quinze, vingt ans et qui rentreront dans la vie active d'ici à cinq ou dix ans, considèrent, eux, l'Internet comme une évidence. Ils ne conçoivent pas le monde sans écran, ni clavier ni haut-débit et ce, pour une raison simple : Internet a toujours fait partie de leur quotidien, comme s'il avait toujours existé un peu comme la gazinière pour nos parents, et la télévision pour nous.
Nos enfants ne comprendraient donc pas qu'au moment où ils se mettront à acquérir leur indépendance, travailleront, consommeront, paieront leurs impôts, l'Etat ne leur offre pas la possibilité d'accomplir l'intégralité de leurs formalités sur Internet.
Prendre la mesure de ce basculement qui est en train de s'opérer sous nos yeux me semble essentiel. Signe des temps, nous en sommes arrivés à un point où s'instaure une sorte de rétro-pédagogie puisque ce sont, aujourd'hui, nos enfants qui réparent nos ordinateurs et nous enseignent comment "surfer" sur Internet !
Rassemblés aujourd'hui autour des labels "Ville-Internet", vous êtes déjà et devez être encore davantage les acteurs et précurseurs de cette véritable révolution culturelle qui doit aussi concerner l'ensemble des modes de fonctionnement des services publics.
Pour ma part, comme Ministre mais aussi comme Conseiller régional d'Auvergne, où une fracture numérique existe encore, j'entends promouvoir de façon significative son développement sur tout le territoire national.
I. Il est, avant tout, le devoir de l'Etat de faciliter et de transformer les relations entre les administrations et leurs usagers
La promotion de l'administration électronique constitue, pour cela, un formidable levier qui révèle, mois après mois, expérience après expérience, des facultés nouvelles.
L'Etat doit continuer à donner l'impulsion, et je voudrais saluer, à cet égard, les directeurs de l'Agence pour le développement de l'administration électronique (ADAE) ainsi que la Délégation aux usages de l'Internet qui fournissent un travail très important et, à mes yeux, trop méconnu.
C'est en partie grâce à eux que de plus en plus d'administrations de l'Etat ouvrent des sites web et mettent en ligne des formulaires.
C'est notamment l'ADAE qui enrichit, chaque mois, le portail de l'administration que vous connaissez tous : "service-public.fr".
Ce portail diffuse aujourd'hui 2 500 fiches d'information sur les diverses réglementations en vigueur, 1800 formulaires à imprimer, ainsi que 120 téléservices qui permettent d'accomplir tout ou partie d'une démarche en ligne.
Parmi ces grands succès, on compte le certificat de non-gage ou encore, plus récemment, le changement d'adresse et, très bientôt, la demande d'extrait d'acte de naissance.
L'Etat n'entend pas en rester là : le programme ADELE, qui mobilise 1,8 milliard d'euros sur quatre ans, confirme la détermination du gouvernement à placer la France dans le peloton de tête des pays performants en matière d'administration électronique.
Je suis, pourtant, convaincu que nous pouvons encore faire mieux.
Les usagers du net se multiplient au fur et à mesure que la couverture du territoire en haut-débit progresse et la demande de services en tous genres s'accroît car nos concitoyens y trouvent leur compte.
Accès rapide, traitement en temps réel, meilleure écoute et variété des informations accessibles sont autant d'atouts appréciés. Certes, il existe encore des tâtonnements techniques ou des interrogations juridiques mais la tendance est réelle : au sein de l'Etat, la fourniture de services dématérialisés aux administrés rentre très progressivement dans les murs.
L'administration électronique ne se limite pas aux initiatives prises par l'Etat. Celles-ci sont essentielles pour montrer la voie, mais elles seraient vaines si elles n'étaient pas relayées au plus près des citoyens par les collectivités locales qui sont des acteurs de proximité irremplaçables.
Pour ce faire, nous devrons travailler ensemble, main dans la main. Il nous appartient de trouver une cohérence et une lisibilité des services rendus qui soient centrés sur les besoins des usagers.
II. Les collectivités doivent, aussi, collaborer avec l'Etat pour faire émerger des solutions innovantes auxquels les Français auront un égal accès
L'égalité dans l'accès au service public est un principe fondamental qu'il est essentiel de promouvoir.
Nombreux sont nos concitoyens qui, parce qu'isolés géographiquement, parce que mal informés ou encore réfractaires aux nouvelles technologies, ne disposent pas d'Internet chez eux et ne vivent pas à domicile les avancées technologiques qui s'offrent à nous.
Ceux-là ne devront en aucun cas être exclus ou même désavantagés. L'Etat et les collectivités locales devront y veiller.
En tant que Ministre chargé des collectivités territoriales, je souhaite faire des propositions concrètes pour rapprocher les services publics des citoyens les plus isolés. Je crois, en effet, qu'Internet peut sauver la ruralité de l'oubli.
Ce formidable outil de connaissances et d'ouverture constitue, dans les zones rurales plus que partout ailleurs, une véritable nécessité.
Les communes étant le point d'accueil et d'assistance privilégié des citoyens, pourquoi, par exemple, ne pas repenser le rôle des mairies rurales qui le souhaitent ?
Pourquoi ne pas fédérer dans ce même lieu des services quotidiens de l'Etat (demande de carte d'identité ou de carte grise, déclaration d'impôt, etc.) et certaines prestations commerciales d'opérateurs publics comme la Poste mais aussi l'ouverture de lignes téléphoniques ou la souscription de contrat d'électricité ?
Faire du plus grand nombre de mairies de France des guichets de la République aurait un triple avantage :
- garantir l'égalité d'accès aux services publics grâce au système d'écrivain public informatique. Ainsi, les personnes ne disposant pas chez elles de l'équipement ou des connaissances nécessaires pourront avoir accès aux mêmes services que les internautes et être assistées d'agents compétents et adaptés;
- revaloriser le rôle des petites mairies en fournissant à leurs agents des outils modernes qui leur permettent d'assurer leur travail quotidien plus efficacement et plus simplement ;
- enfin, constituer une source d'économies pour la puissance publique grâce à la concentration des différents services publics en un même lieu.
Je suis convaincu que l'on peut encourager cette polyvalence et cette collaboration, notamment entre les grands opérateurs publics, la Poste, la SNCF, EDF ou encore l'ANPE et les communes ou leurs groupements lorsqu'ils sont à la bonne échelle. Nous sommes actuellement en train de faire appel aux mairies qui souhaitent tester cette possibilité, avant de l'élargir au plus grand nombre de communes volontaires.
En repensant ainsi le rôle des mairies et en fédérant les différents services de l'Etat en un même lieu, nous permettrons à l'administration électronique de restaurer la présence de l'Etat dans chaque parcelle de notre territoire.
Pour apporter l'impulsion qui a peut-être fait défaut lors du lancement des maisons du service public, nous consacrerons, en 2006, une part de la dotation de développement rural à hauteur de 20 millions d'euros pour financer des initiatives les plus innovantes dans le champ du service au citoyen.
Il est dans mon esprit que toutes les initiatives locales de bornes multi-services, de visio-conférences, de co-marquage, de carte de vie quotidienne et bien évidemment de guichet unique de la République seront susceptibles d'être aidées.
Mon intention est que chacun d'entre nous, riche comme pauvre, initié ou profane, puisse vivre les révolutions technologiques de notre temps. De telles solutions ou de tels guichets qui existent déjà dans certaines mairies, vous en êtes la preuve, doivent être développés de manière significative.
Vous l'avez compris, avec le ministre d'Etat Nicolas Sarkozy, le ministre délégué à l'aménagement du territoire Christian Estrosi et l'ensemble de nos services, nous sommes déterminés à faire émerger des solutions innovantes pour que l'accès à un service public de qualité soit le même partout et pour tous.
Soyez bien convaincus que je ne laisserai pas davantage s'élargir le fossé entre les deux France, celle déjà familiarisée aux nouvelles technologies et celle qui doit encore y être formée. J'aiderai tous les acteurs locaux qui prendront des initiatives afin que les services publics de proximité soient développés.
Les solutions trouvées et les moyens mis en oeuvre sont le plus souvent une question d'audace, d'état d'esprit et de volonté politique. Vous en êtes l'illustration.
III. Il faudra, bien entendu, que les moyens techniques suivent
Les efforts menés en aval en direction de l'usager devront être confortés en amont par une couverture rapide du territoire national en liaisons haut-débit.
Dans ce domaine, l'année 2005 marque un tournant important car le parc d'abonnement atteint 8 millions de nos concitoyens à mi-2005 et probablement de l'ordre de 9 millions en fin d'année. Ce taux de croissance est plus rapide que dans les autres pays européens, ce qui a permis à la France de dépasser ses principaux voisins.
Cette croissance remarquable de la couverture du territoire par le haut-débit est le fruit d'un travail collectif. Les collectivités y ont pris toute leur part, notamment grâce à la loi sur l'économie numérique qui a assoupli le cadre d'intervention en matière d'établissement et d'exploitation de réseaux de télécommunications.
Il est désormais possible de subventionner la mise en place de ces réseaux, notamment lorsque l'investissement privé ne suffit pas. On dénombre d'ailleurs 55 projets d'ampleur significative pour un montant cumulé de l'ordre du milliard d'euros.
A ce jour, les zones blanches concernent moins de 10 % de la population tandis que les zones grises où les offres sont moins diversifiées et plus chères concernent encore un peu plus de 40 % de la population.
J'ai bon espoir que d'ici à la fin 2006, l'ensemble des répartiteurs de l'opérateur historique auront été équipés en haut-débit pour atteindre de l'ordre de 97 % de couverture. Les zones blanches résiduelles devront être couvertes par des technologies alternatives (satellite ou Wimax).
En complément de l'aménagement numérique du territoire, je crois qu'il faut également apporter de nouveaux services pour continuer à séduire nos concitoyens et pour les inciter à recourir à l'administration électronique.
Au sein du ministère de l'Intérieur, je peux vous assurer que la question des nouvelles technologies et de leur faculté à faciliter la vie des usagers est au cur de nombreux programmes en cours de développement.
Sous l'impulsion du Ministre d'Etat, Nicolas Sarkozy, ces efforts s'accélèrent.
En début d'année 2006, les déclarations d'associations en préfecture pourront s'effectuer à distance grâce à la généralisation du logiciel Waldeck et ces mêmes associations pourront formuler en ligne leurs demandes de subvention auprès des pouvoirs publics.
D'autres réflexions sont en cours pour réformer le système d'immatriculation des véhicules, pour permettre l'inscription sur les listes électorales à partir de son domicile ou encore voter électroniquement à certains scrutins non politiques comme l'élection des conseillers dans les chambres consulaires.
Voici quelques exemples de nouveaux services ou de pistes de travail qui illustrent le virage appuyé que sont en train de négocier les services du Ministère de l'Intérieur et qui constituent autant d'exemples d'innovation qui pourront alimenter le portail "service-public.fr".
Je voudrais, pour conclure, vous redire toute ma satisfaction d'avoir pris part ce matin à cette cérémonie et vous assurer de tout mon soutien car je sais à quel point vous travaillez tous avec conviction et détermination pour faire rentrer l'administration de notre pays de plain-pied dans le XXIe siècle.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 9 novembre 2005)