Texte intégral
P.-L. Séguillon - Est-ce que vous estimez, dans l'affaire de la SNCM, que le Premier ministre a eu raison de mettre les organisations syndicales au pied du mur en ne leur laissant le choix qu'entre la reprise du travail ou le dépôt de bilan ?
R - Au point où l'on en était, il n'avait pas d'autre solution possible. Malgré toutes les remarques que l'on peut faire sur la manière différente dont on aurait pu conduire cette affaire, le moment était venu, en effet, de dire que c'était crucial et qu'il fallait faire un choix.
Q - Estimez-vous néanmoins que le Gouvernement pourrait encore faire un geste dans la modification de son plan, pour donner du grain à moudre aux organisations syndicales ?
R - Il y a toujours un geste imaginable pour accompagner la sortie de crise. Peut-être, par exemple, donner une petite part du capital aux régions, de manière à ce qu'une puissance publique régionale soit là pour accompagner. Mais pour l'essentiel, l'équilibre me parait acquis. Sera-t-il suffisant ? C'est ce que l'on va voir dans la journée. J'ai l'impression que cela devrait déboucher vers une sortie de crise.
Q - Critiquez-vous la gestion de ce dossier ?
R - Non, je ne critique pas, je ne donne pas de leçon, ce n'est pas facile à faire. Il me semble que l'on aurait du faire davantage de pédagogie avant, pour montrer à quel degré de dégradation des comptes on en était arrivé. Il me semble que cela aurait facilité les choses, mais je ne veux pas faire de critiques systématiques sur une situation difficile à gérer. Simplement, il faut, maintenant, si l'on va vers la sortie de crise, mettre beaucoup de transparence, notamment pour ce qui concerne la valeur de l'entreprise.
Q - Il y a un autre dossier à venir, qui va sans doute être difficile à gérer pour le Gouvernement, c'est l'ouverture du capital d'EDF ; quelle est la position de votre parti sur ce dossier et quelle attitude est-ce qu'il va vous prendre ?
R - Je vais vous dire la mienne...
Q - Pourquoi dites-vous "la vôtre", n'est-ce pas aussi celle de l'UDF ?
R - Honnêtement, on n'a pas eu de délibérations sur ce point. J'étais de ceux qui espéraient que l'on aurait, par le regroupement d'EDF et de GDF, la création d'un grand acteur énergétique ne France, parce que le siècle qui vient sera très marqué par la crise de l'énergie et l'intérêt national n'est pas tout à fait la même chose que l'intérêt strict d'une entreprise. C'est même pour cela que j'ai voté la loi, avec l'espoir que ce rapprochement EDF-GDF pourrait se faire. Je ne suis un enthousiaste de la privatisation d'EDF, pour deux raisons principales. La première, je viens de la dire : il me semble qu'il faut un grand acteur public en matière énergétique, qui pense à l'intérêt national et pas seulement à l'intérêt d'une entreprise. La deuxième, c'est que EDF, ce sont des centrales nucléaires et je n'ai pas envie de voir le parc nucléaire français tomber en d'autres mains que celles de l'Etat.
Q - Dans la discussion budgétaire qui va s'ouvrir sur le budget 2006, vous avez dit hier que toutes les portes sont ouvertes pour vous, aussi bien l'abstention, le non, que l'approbation. Je vois à votre regard que cette [dernière] hypothèse doit être écartée...
R - Non...
Q - Vous avez dit qu'il y avait trois critères : il faut que ce budget soit fiable, juste et efficace. Au regard de l'architecture du budget tel qu'il est présenté aujourd'hui, est-ce que vous l'estimez fiable, juste et efficace ?
R - Je ne crois pas qu'aujourd'hui, on puisse dire que le critère de fiabilité, qui est pour moi le premier critère, soit rempli...
Q - Cela veut dire avoir confiance au fond...
R - Qui veut dire avoir confiance et qui veut dire donner aux Français des chiffres justes, dans lesquels il puisse avoir confiance pour juger la situation du pays. Si on ne donne pas la vérité aux citoyens, ils ne peuvent pas se former une idée de la situation et donc, ils ne peuvent pas se forger une volonté. La vérité est le premier critère de jugement d'un budget. Et vous savez bien ce que l'on dit sur tous les bancs, et même ceux du parti majoritaire : jamais, probablement, on a eu des chiffres aussi éloignés de la réalité. Donc, à mes yeux, le premier critère n'est pas vraiment rempli.
Q - Donc on voit déjà la position qui a toute chance d'être la vôtre in fine ?
R - Je vois que vous savez lire entre les lignes ! J'ai dit que nous donnerons notre position au terme du débat budgétaire, parce qu'il faut que nous puissions étayer cette position par des chiffres indiscutables, sur des faits indiscutables. Je vais vous en donner un : le Premier ministre a dit à plusieurs reprises, et nous a dit en particulier, aux trois présidents de groupe de l'UDF et moi-même, alors que nous le visitions dans son bureau, et il a dit à la télévision, qu'il serait le premier Premier ministre qui baissera l'endettement de la France. Est-ce vrai, auquel cas, c'est à saluer ? Est-ce que ce n'est pas vrai, auquel cas, il faut le dire aux Français. L'endettement de la France va-t-il baisser ou, au contraire, continuer à progresser ? Vous savez que nous venons de dépasser 1.100 milliards affichés ; nous sommes maintenant en route vers les 1.200 milliards d'euros affichés, et encore, comme vous le savez, une commission, avant la fin du mois de décembre, va dire aux Français quel est le montant réel de la dette. Je crois que l'on peut penser que le montant réel de la dette du pays est beaucoup plus important que ce chiffre affiché...
Q - Cela veut-il dire que vous vous associerez aux amendements déjà imaginés par la commission des finances et par son président, P. Méhaignerie, qui veulent obliger le Gouvernement à renoncer à près d'un milliard de recettes en faisant les économies afférentes ?
R - En tout cas, cela va dans le bon sens. Mais cela suffit-il pour que le budget soit fiable, juste et efficace ? C'est une autre question.
Q - Par ailleurs, votre attitude sera-t-elle semblable sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, qui va être aussi discuté à l'Assemblée nationale ?
R - Les chiffres sont-ils justes ? Il me semble qu'en tout cas, les experts qui travaillent sur cette question disent...
Q - Mais là, il y a deux questions : est-ce que les chiffres sont justes quand on prévoit un déficit de plus de 11 milliards ? Est-ce que les engagements du Gouvernement pour réduire ce déficit vous semblent crédibles ?
R - Est-ce qu'ils sont justes, est-ce que les engagements pour le réduire sont crédibles ? Aujourd'hui, il me semble que les chiffres ne sont pas exacts et que surtout, les engagements du Gouvernement pour réduire le déficit ne sont pas, pour l'instant, à la hauteur de ce qu'il faudrait.
Q - Donc, au mieux, ce serait une abstention de votre part ?
R - On va aussi examiner ce texte.
Q - Est-ce que toutes les forces de l'UDF sont d'accord sur la stratégie que vous suivez ? Je vais prendre un exemple : il fallait voter la ratification définitive du budget 2004 ; les députés UDF s'y sont opposés, les sénateurs centristes ont ratifié. Il y a des failles dans votre mouvement !
R - Non, ce n'est pas un mouvement caporalisé, et comment le serait-il ? Vous voyez bien le grand mouvement auquel nous participons, que nous faisons ensemble. L'UDF, autrefois, c'était - on va simplifier - une partie de la droite, c'était "UDF-RPR", avec un trait d'union. Et au fond, les Français considéraient que c'était un seul ensemble. Il m'a semblé, depuis des années, que l'on avait besoin, pour cette UDF, d'autonomie. Il fallait que le Centre se marque en tant que tel. Nous avons rendu public hier un sondage, qui indique que 31 % des Français se disent à gauche, 31 % se disent au centre et 22 % se disent à droite...
Q - Et vous estimez que vous êtes la véritable opposition aujourd'hui ?
R - En tout cas, sur un certain nombre de mauvaises décision du Gouvernement - je pense à la privatisation des autoroutes, je pense à l'ouverture de négociations pour l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne... -, c'est nous qui avons porté au Parlement, c'est l'UDF qui a porté au Parlement, la voix des Français qui ne reconnaissent pas leurs attentes et leurs aspirations dans ces choix. Et si nous n'avions pas été là, qui l'aurait fait ? Personne.
Q - Avec une opposition arithmétique qui est celle de la gauche, avec une opposition qui fait beaucoup de bruit qui est la vôtre, avec les critiques de l'UMP, est-ce que vous pensez que D. de Villepin va pouvoir continuer comme cela pendant dix-huit mois ?
R - Le principal obstacle du Gouvernement, c'est sa composition et la guerre interne qu'il y a à l'intérieur. Et en effet, ou bien cette guerre s'apaise et cela pourra durer, ou bien cette guerre s'enflamme et cela ne pourra pas durer. Mais cela, nous le savions dès le premier jour de la formation du Gouvernement, raison pour laquelle l'UDF a décidé de ne pas y participer.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 13 octobre 2005)
R - Au point où l'on en était, il n'avait pas d'autre solution possible. Malgré toutes les remarques que l'on peut faire sur la manière différente dont on aurait pu conduire cette affaire, le moment était venu, en effet, de dire que c'était crucial et qu'il fallait faire un choix.
Q - Estimez-vous néanmoins que le Gouvernement pourrait encore faire un geste dans la modification de son plan, pour donner du grain à moudre aux organisations syndicales ?
R - Il y a toujours un geste imaginable pour accompagner la sortie de crise. Peut-être, par exemple, donner une petite part du capital aux régions, de manière à ce qu'une puissance publique régionale soit là pour accompagner. Mais pour l'essentiel, l'équilibre me parait acquis. Sera-t-il suffisant ? C'est ce que l'on va voir dans la journée. J'ai l'impression que cela devrait déboucher vers une sortie de crise.
Q - Critiquez-vous la gestion de ce dossier ?
R - Non, je ne critique pas, je ne donne pas de leçon, ce n'est pas facile à faire. Il me semble que l'on aurait du faire davantage de pédagogie avant, pour montrer à quel degré de dégradation des comptes on en était arrivé. Il me semble que cela aurait facilité les choses, mais je ne veux pas faire de critiques systématiques sur une situation difficile à gérer. Simplement, il faut, maintenant, si l'on va vers la sortie de crise, mettre beaucoup de transparence, notamment pour ce qui concerne la valeur de l'entreprise.
Q - Il y a un autre dossier à venir, qui va sans doute être difficile à gérer pour le Gouvernement, c'est l'ouverture du capital d'EDF ; quelle est la position de votre parti sur ce dossier et quelle attitude est-ce qu'il va vous prendre ?
R - Je vais vous dire la mienne...
Q - Pourquoi dites-vous "la vôtre", n'est-ce pas aussi celle de l'UDF ?
R - Honnêtement, on n'a pas eu de délibérations sur ce point. J'étais de ceux qui espéraient que l'on aurait, par le regroupement d'EDF et de GDF, la création d'un grand acteur énergétique ne France, parce que le siècle qui vient sera très marqué par la crise de l'énergie et l'intérêt national n'est pas tout à fait la même chose que l'intérêt strict d'une entreprise. C'est même pour cela que j'ai voté la loi, avec l'espoir que ce rapprochement EDF-GDF pourrait se faire. Je ne suis un enthousiaste de la privatisation d'EDF, pour deux raisons principales. La première, je viens de la dire : il me semble qu'il faut un grand acteur public en matière énergétique, qui pense à l'intérêt national et pas seulement à l'intérêt d'une entreprise. La deuxième, c'est que EDF, ce sont des centrales nucléaires et je n'ai pas envie de voir le parc nucléaire français tomber en d'autres mains que celles de l'Etat.
Q - Dans la discussion budgétaire qui va s'ouvrir sur le budget 2006, vous avez dit hier que toutes les portes sont ouvertes pour vous, aussi bien l'abstention, le non, que l'approbation. Je vois à votre regard que cette [dernière] hypothèse doit être écartée...
R - Non...
Q - Vous avez dit qu'il y avait trois critères : il faut que ce budget soit fiable, juste et efficace. Au regard de l'architecture du budget tel qu'il est présenté aujourd'hui, est-ce que vous l'estimez fiable, juste et efficace ?
R - Je ne crois pas qu'aujourd'hui, on puisse dire que le critère de fiabilité, qui est pour moi le premier critère, soit rempli...
Q - Cela veut dire avoir confiance au fond...
R - Qui veut dire avoir confiance et qui veut dire donner aux Français des chiffres justes, dans lesquels il puisse avoir confiance pour juger la situation du pays. Si on ne donne pas la vérité aux citoyens, ils ne peuvent pas se former une idée de la situation et donc, ils ne peuvent pas se forger une volonté. La vérité est le premier critère de jugement d'un budget. Et vous savez bien ce que l'on dit sur tous les bancs, et même ceux du parti majoritaire : jamais, probablement, on a eu des chiffres aussi éloignés de la réalité. Donc, à mes yeux, le premier critère n'est pas vraiment rempli.
Q - Donc on voit déjà la position qui a toute chance d'être la vôtre in fine ?
R - Je vois que vous savez lire entre les lignes ! J'ai dit que nous donnerons notre position au terme du débat budgétaire, parce qu'il faut que nous puissions étayer cette position par des chiffres indiscutables, sur des faits indiscutables. Je vais vous en donner un : le Premier ministre a dit à plusieurs reprises, et nous a dit en particulier, aux trois présidents de groupe de l'UDF et moi-même, alors que nous le visitions dans son bureau, et il a dit à la télévision, qu'il serait le premier Premier ministre qui baissera l'endettement de la France. Est-ce vrai, auquel cas, c'est à saluer ? Est-ce que ce n'est pas vrai, auquel cas, il faut le dire aux Français. L'endettement de la France va-t-il baisser ou, au contraire, continuer à progresser ? Vous savez que nous venons de dépasser 1.100 milliards affichés ; nous sommes maintenant en route vers les 1.200 milliards d'euros affichés, et encore, comme vous le savez, une commission, avant la fin du mois de décembre, va dire aux Français quel est le montant réel de la dette. Je crois que l'on peut penser que le montant réel de la dette du pays est beaucoup plus important que ce chiffre affiché...
Q - Cela veut-il dire que vous vous associerez aux amendements déjà imaginés par la commission des finances et par son président, P. Méhaignerie, qui veulent obliger le Gouvernement à renoncer à près d'un milliard de recettes en faisant les économies afférentes ?
R - En tout cas, cela va dans le bon sens. Mais cela suffit-il pour que le budget soit fiable, juste et efficace ? C'est une autre question.
Q - Par ailleurs, votre attitude sera-t-elle semblable sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, qui va être aussi discuté à l'Assemblée nationale ?
R - Les chiffres sont-ils justes ? Il me semble qu'en tout cas, les experts qui travaillent sur cette question disent...
Q - Mais là, il y a deux questions : est-ce que les chiffres sont justes quand on prévoit un déficit de plus de 11 milliards ? Est-ce que les engagements du Gouvernement pour réduire ce déficit vous semblent crédibles ?
R - Est-ce qu'ils sont justes, est-ce que les engagements pour le réduire sont crédibles ? Aujourd'hui, il me semble que les chiffres ne sont pas exacts et que surtout, les engagements du Gouvernement pour réduire le déficit ne sont pas, pour l'instant, à la hauteur de ce qu'il faudrait.
Q - Donc, au mieux, ce serait une abstention de votre part ?
R - On va aussi examiner ce texte.
Q - Est-ce que toutes les forces de l'UDF sont d'accord sur la stratégie que vous suivez ? Je vais prendre un exemple : il fallait voter la ratification définitive du budget 2004 ; les députés UDF s'y sont opposés, les sénateurs centristes ont ratifié. Il y a des failles dans votre mouvement !
R - Non, ce n'est pas un mouvement caporalisé, et comment le serait-il ? Vous voyez bien le grand mouvement auquel nous participons, que nous faisons ensemble. L'UDF, autrefois, c'était - on va simplifier - une partie de la droite, c'était "UDF-RPR", avec un trait d'union. Et au fond, les Français considéraient que c'était un seul ensemble. Il m'a semblé, depuis des années, que l'on avait besoin, pour cette UDF, d'autonomie. Il fallait que le Centre se marque en tant que tel. Nous avons rendu public hier un sondage, qui indique que 31 % des Français se disent à gauche, 31 % se disent au centre et 22 % se disent à droite...
Q - Et vous estimez que vous êtes la véritable opposition aujourd'hui ?
R - En tout cas, sur un certain nombre de mauvaises décision du Gouvernement - je pense à la privatisation des autoroutes, je pense à l'ouverture de négociations pour l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne... -, c'est nous qui avons porté au Parlement, c'est l'UDF qui a porté au Parlement, la voix des Français qui ne reconnaissent pas leurs attentes et leurs aspirations dans ces choix. Et si nous n'avions pas été là, qui l'aurait fait ? Personne.
Q - Avec une opposition arithmétique qui est celle de la gauche, avec une opposition qui fait beaucoup de bruit qui est la vôtre, avec les critiques de l'UMP, est-ce que vous pensez que D. de Villepin va pouvoir continuer comme cela pendant dix-huit mois ?
R - Le principal obstacle du Gouvernement, c'est sa composition et la guerre interne qu'il y a à l'intérieur. Et en effet, ou bien cette guerre s'apaise et cela pourra durer, ou bien cette guerre s'enflamme et cela ne pourra pas durer. Mais cela, nous le savions dès le premier jour de la formation du Gouvernement, raison pour laquelle l'UDF a décidé de ne pas y participer.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 13 octobre 2005)