Point de presse de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie, sur les relations franco-japonaises, la position de la France face à la situation actuelle en Irak et la lutte contre les armes de destruction massive, à Fukuoka le 1er mars 2004.

Prononcé le 1er mars 2004

Intervenant(s) : 

Circonstance : Voyage au Japon de Dominique de Villepin, les 1er et 2 mars 2004

Texte intégral

Permettez-moi d'abord de vous dire tout le plaisir que j'ai d'être aujourd'hui à Fukuoka. Nous avons eu une journée chargée puisque nous avons commencé par des entretiens avec le maire de Fukuoka puis avec le gouverneur. J'ai eu le plaisir de me rendre ce matin à l'Institut franco-japonais et constater son grand dynamisme. Cet après-midi, à la suite d'une conférence sur le thème de "La France, le Japon et les grands défis internationaux", je dois m'entretenir avec des étudiants et des personnalités regroupés à l'Université de Fukuoka. C'était pour moi important de venir ici avant d'être demain à Tokyo. C'était la meilleure façon de découvrir la réalité de votre pays, le dynamisme, l'ouverture de cette région du Kyushu et sa volonté de dialogue et d'échange avec l'Europe et la France. Vous savez que la ville de Fukuoka est jumelée avec la ville de Bordeaux et qu'il existe donc des projets décentralisés et une ambition de développer notre présence et nos intérêts nationaux. L'Institut culturel franco-japonais en est un merveilleux témoignage, par son ambition à la fois d'enseigner notre langue (il y a plus de 3.000 étudiants inscrits cette année), mais aussi de développer nos échanges culturels, conférences, rencontres, expositions, et de développer la coopération universitaire et scientifique. Il y a par ailleurs la présence forte de nos entreprises : j'en prendrais deux symboles, l'alliance entre Nissan et Renault et celle entre Aso ciment et Lafarge, des exemples de coopération et de collaboration exceptionnels qui témoignent d'un véritable esprit de proximité et de qualité entre le Japon et la France. C'est pour nous un laboratoire exemplaire de ce que nous pourrions continuer de développer dans l'avenir.
Q - Vous avez avancé le concept de lancer une conférence internationale sur la reconstruction en Irak : est-ce une structure qui ressemblerait à la conférence internationale organisée à Tokyo sur la reconstruction de l'Afghanistan ou avez-vous d'autres idées ?
Concernant la coopération entre la France, le Japon et l'Allemagne, notamment dans le domaine de la police ou de la gendarmerie, souhaitez-vous une plus forte implication des Japonais pour la reconstruction en Irak, peut-être une aide financière pour reconstruire des écoles ?
R - En ce qui concerne la conférence internationale, cette proposition avait été faite dans le contexte défini d'un processus politique qui devait conduire à la formation d'un gouvernement souverain au 30 juin. Vous savez que ce processus politique est actuellement en cours de discussion. La mission des Nations unies conduite par M. Brahimi a rendu son rapport et il s'agit maintenant de savoir quelles vont être les modalités de reprise de ce processus. S'agira-t-il d'un élargissement des organes existants ou d'une conférence nationale ayant pour but de former ce gouvernement ? C'est encore à définir. Notre idée était, au lendemain du retour à la souveraineté de l'Irak, de faire en sorte d'accroître et d'amplifier la dynamique permettant à l'Irak de retrouver pleinement sa place dans la communauté internationale.
En effet, pour que le processus puisse réussir, il faut un certain nombre de conditions : la première c'est que l'ensemble des forces politiques irakiennes puissent se mobiliser et que de ce fait le processus politique puisse rassembler toutes les forces qui se disent prêtes à renoncer à la violence ; la deuxième, c'est que la communauté régionale puisse donner tout son appui et se mobiliser en faveur de la stabilisation de l'Irak, et je pense en particulier à la situation des frontières de l'Irak qui doivent être protégées et ne pas être ouvertes à tous les vents susceptibles de conduire à l'utilisation de ces frontières pour nourrir des projets d'instabilité et de turbulences ; la troisième, c'est que la communauté internationale tout entière appuie ce processus. Dans notre esprit, la conférence internationale c'était le lieu et le moment où cette communauté régionale et internationale donnait son soutien pour entrer dans la deuxième étape, celle de la souveraineté, préparant la constitution et les élections générales qui devraient être organisées avant la fin 2005.
Nous voulons, dans les grands domaines de la coopération civile, essayer d'avancer ensemble. Je pense en particulier à des thèmes importants pour la société irakienne, la culture, l'éducation, le sport. Il faut faire en sorte de pouvoir initier des actions communes. Nous aurons l'occasion d'évoquer d'autres aspects possibles de cette coopération, dont vous avez vous-même évoqué les domaines concernant la sécurité. La position de la France, c'est de considérer que tant que la souveraineté de l'Irak n'est pas pleinement satisfaite, tant qu'un véritable gouvernement souverain de l'Irak n'est pas en action, il est prématuré pour nous d'envisager ces différents domaines de coopération.
Q - Concernant les armes de destruction massive, les Etats-Unis considèrent que les traités existants ne sont plus valables. La France est-elle du même avis ou trouve-t-elle naturel de conserver les traités déjà signés et ratifiés ?
R - Qu'il soit nécessaire d'améliorer, de compléter et d'adapter notre réglementation internationale, c'est l'évidence. Un certain nombre d'initiatives ont été lancées dans ce sens. Je pense au projet de résolution en matière de prolifération, ou à d'autres initiatives politiques qui pourraient déboucher sur certaines évolutions de ces normes internationales, en particulier le projet français proposé par le président de la République Jacques Chirac d'une réunion au sommet du Conseil de sécurité. Il est évident que les questions de prolifération sont au centre des préoccupations de la communauté internationale. Il est évident aussi que les événements récents, je pense à l'évolution de notre action vis-à-vis de l'Iran, de la Libye, de la Corée du Nord, ont contribué à sensibiliser la communauté internationale à ces problèmes. Faisons en sorte que par le dialogue et la concertation nous puissions nous doter des instruments les plus pertinents et les plus efficaces. Je constate que sur ces crises, par exemple la crise iranienne, l'action menée par l'Agence internationale de l'Energie atomique s'avère particulièrement efficace, en liaison avec un certain nombre d'Etats, les plus mobilisés ou les plus concernés, en l'occurrence le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France ou dans le cas de la Corée du Nord les six pays directement concernés soit géographiquement, soit par la nature des enjeux, ou encore dans le cas de la Libye, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Tout cela permet de faire avancer les choses. C'est avec pragmatisme que nous pouvons traiter ces questions, avec le souci de valoriser les acquis, ce qui existe et qui parfois peut mériter d'être amendé et adapté. Pour ce qui est encore insuffisant, pour les manques de la législation, il convient de réfléchir aux nouveaux outils indispensables à la communauté internationale pour éviter que la prolifération ne soit un fléau grandissant et menaçant pour nos sociétés.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 mars 2004)