Texte intégral
Quelques mots peut-être en introduction, en présentation de ma visite et de mes entretiens aujourd'hui, avant de répondre à vos questions. D'abord, je suis heureuse d'être ici à Copenhague. Tout à l'heure, je regardais par la fenêtre de l'ambassade des canaux et cela me rappelait le bon vieux temps, la dernière fois que j'étais ici pour le Conseil européen et un dîner très sympathique dans un des restaurants le long du canal, comme il y en a beaucoup.
Mais au-delà du plaisir qui est le mien d'être ici, laissez moi vous dire quelle est la raison principale de mon déplacement. Dans le cadre de la préparation du Conseil européen informel de la fin du mois d'octobre, nous regardons en France comment faire avancer un certain nombre de choses dans le débat européen et dans notre propre conduite de la politique économique.
Le Danemark est l'un des pays cités, et en particulier cité par des responsables français par le Premier ministre français assez souvent, comme l'un des pays connus pour avoir réussi la conciliation du dynamisme économique et de l'attachement aux valeurs sociales. Comme je le disais dans un entretien paru ici ce matin, chaque pays a ses traditions politiques, sociales, culturelles et donc ce qui existe dans un pays n'est peut-être pas transposable tel quel dans un autre pays, mais nous avons certainement des leçons à tirer des expériences étrangères. Nous avons certainement à échanger sur ce qui marche et ce qui ne marche pas. Je crois que nous avons tous intérêt à regarder collectivement comment trouver la réponse à cette question qui se pose à tous nos pays de la conciliation entre l'économique et le social.
Ce matin, j'ai pu visiter un centre pour l'emploi et avoir un entretien avec le président du syndicat Dansk Metal. J'ai également eu un entretien de travail avec le ministre des Affaires étrangères sur ces sujets et plus largement sur les questions européennes - je vous en parlerai dans un instant - et je verrai tout à l'heure le Secrétaire général du Conseil pour la propagation du débat et de l'information sur l'Europe. Et enfin, dernier entretien à vous citer dans cette journée, qui est une journée bien chargée, un entretien avec la Commission des Affaires européennes au Folketing. La présidente est d'un parti qui n'est pas le parti au gouvernement, ce qui est intéressant dans le système danois.
Voilà pour le programme. Encore quelques mots ou quelques réflexions sur ce sujet. Nous avons une approche constructive du prochain Conseil européen. Il ne s'agit pas d'opposer un modèle à un autre. Il ne s'agit pas d'une querelle entre les anciens et les modernes. Cela est une fausse présentation des choses. Nous avons tous besoin de regarder comment mieux concilier l'économique et le social et je crois tout simplement, comme je vous l'ai dit, qu'on a tous à apprendre les uns des autres. C'est dans cet esprit qu'on aborde le Conseil européen. C'est dans cet esprit que je me suis rendue au Danemark, comme j'étais allée un peu sur le même sujet en Irlande, il y a quelques jours.
Pour réussir cette conciliation, il y a évidemment une première responsabilité qui est celle des Etats et il y a ce que peut faire l'Union européenne. Nous faisons des réformes en France. Il y a eu déjà des réformes dans le domaine des retraites, dans le domaine de la santé, et puis, avec l'arrivée du nouveau gouvernement, une nouvelle phase de réformes sur le marché du travail avec un plan qui vise à faciliter le retour à l'activité des personnes qui sont sans emploi et rendre le travail plus attractif. Des réformes aussi dans le domaine de la fiscalité et un programme d'investissements de l'Etat de 10 milliards d'euros et aussi des réformes pour accroître nos efforts en matière de recherche et d'innovation. Le Premier ministre tout à l'heure a fait une conférence de presse, comme il en fait tous les mois, centrée sur ce thème de la recherche et de l'innovation avec là aussi un programme d'ensemble que je ne vous détaille pas, mais que l'on pourra certainement vous donner. Donc beaucoup d'efforts pour faire notre part du travail.
L'une des choses que je voudrais vous dire aussi, c'est que la France change. Elle se modernise, elle s'adapte en recherchant ce que le Premier ministre appelle la croissance sociale, c'est-à-dire la croissance oui, mais la croissance au service de la justice sociale.
Ensuite l'action de l'Union européenne, puisqu'il faut que les deux se complètent, et que l'action de l'Union européenne aide aussi à développer un cadre pour la croissance. Et là nous devons parler, notamment au Conseil européen du mois d'octobre, mais pas seulement à cette occasion, de la façon dont l'Union peut développer des politiques qui répondent aux attentes des citoyens, en particulier dans le domaine économique. Ayons ce débat sur la modernisation économique et sociale de nos pays. Regardons comment faire progresser la coordination des politiques économiques, comment trouver un budget futur pour l'Union européenne qui fasse plus de place à la recherche et à l'innovation. Non seulement nous y sommes prêts, mais nous souhaitons pouvoir progresser collectivement. Voilà ce qu'était le thème principal de ce déplacement. Pour le reste, nous avons évoqué nos relations bilatérales. Elles sont bonnes et denses dans le domaine politique. Les relations économiques ont une marge de progression, comme on dit toujours, mais elles sont à un niveau relativement satisfaisant. Les relations culturelles sont bonnes aussi, il n'y a pas de problèmes particuliers. Donc, avec M. Moeller, nous sommes concentrés sur les questions européennes : l'élargissement, la question du budget, l'avenir de l'Union, les négociations à l'OMC, un certain nombre de dossiers qui sont dans l'actualité européenne et vous aurez sûrement des questions sur ces différents sujets.
Q - Permettez-moi de revenir aux questions européennes. La Turquie, j'imagine que vous en avez discuté. D'abord, est-ce vous pouvez confirmer qu'il va y avoir une réunion extraordinaire dimanche à Bruxelles pour préparer les négociations qui doivent commencer lundi ? Mais aussi, que pensez-vous de la position de l'Autriche, qui parle maintenant que la Turquie peut devenir membre, mais pas à part entière ?
R - Les discussions se poursuivent entre les 25 pour agréer ce qu'on appelle le cadre de négociations avec la Turquie. Il y a encore un certain nombre d'éléments qui sont en discussion. Si la Présidence estime qu'il faut réunir les 25 non plus seulement au niveau des ambassadeurs, mais au niveau des ministres, nous serons présents naturellement si, dimanche, les choses ne sont pas réglées.
Vous m'avez posé une question plus précise : est-ce que je peux confirmer qu'il y a bien cette réunion ? Vous me pardonnerez de vous répondre qu'en l'état de mes informations, je ne veux pas le faire sans en être certaine. Or, je n'ai pas toutes les vérifications nécessaires. Je comprends que oui, mais ce n'est pas à moi de faire une confirmation officielle. Je ne voudrais pas, n'ayant pas toutes les informations, vous dire quelque chose qui n'est pas exact.
Sur la position autrichienne. D'abord je crois utile de rappeler que chaque candidature doit être examinée selon ses mérites propres - c'est la règle - et qu'il ne faudrait pas, j'utilise le conditionnel, faire de lien entre un dossier et un autre. Puisque l'on parle de la Turquie et seulement de la Turquie, le cadre de négociations qui a été préparé par la Commission correspond à ce que nous souhaitions, c'est-à-dire un mécanisme de négociations suffisamment précis et contrôlé positivement et, en effet, il a été répondu à notre demande et à celle de beaucoup d'Etats membres de s'assurer que ce contrôle politique existerait bien tout au long du processus, chapitre après chapitre, et c'était important. De même, le cadre de négociations rappelle-t-il les critères nécessaires à l'adhésion, y compris le critère de la capacité d'absorption par l'Union européenne de nouveaux Etats membres.
Enfin, un autre élément important était que le processus qui devrait s'engager à partir du 3 octobre soit un processus ouvert. Alors que veut dire un processus ouvert dans le cadre communautaire ? C'est un processus où le point de départ est l'ouverture de négociations en vue de l'adhésion, puisque l'Union européenne dans le passé a reconnu la qualité de candidat à la Turquie. Mais ce processus sera long. C'est d'ailleurs, je cite le président de la République, un chemin long et difficile que la Turquie aura à parcourir et l'issue de ces négociations étant incertaine, on ne sait pas par quoi les négociations se concluront. C'est cela que veut dire l'expression "processus ouvert". Le point d'arrivée n'est pas connu ou prédéterminé au moment où les négociations s'engagent. L'essentiel est dit. Faut-il préciser les choses et la nature du lien qui existerait entre la Turquie et l'Union européenne si les négociations ne se concluaient pas par une possibilité d'adhésion ? L'Autriche souhaite que l'accord se fasse dans le cadre de négociations à l'unanimité. Je ne suis pas certaine qu'il soit possible de recueillir l'unanimité des 25 sur une telle précision. Encore une fois, il est important, il était important, et c'est acquis, qu'il soit bien précisé que ce processus est un processus ouvert.
Q - Est-ce que la France soutient l'Autriche ?
R - Le cadre tel qu'il était en discussion encore ce matin nous convient. Ce qui ne veut aucunement dire que des évolutions ne sont pas envisageables. Mais l'essentiel est dit par rapport aux préoccupations qui sont les nôtres.
Q - Est-ce que vous en avez discuté avec le ministre des Affaires étrangères ?
R - Nous avons discuté de ce sujet, comme d'autres sujets européens. L'élargissement, et d'une façon plus précise, le cas d'un certain nombre de pays avec lesquels nous envisageons des relations ou un rapprochement. Les Balkans, le processus d'élargissement en lui-même, mais aussi les négociations sur le futur budget de l'Union, ce qu'on appelle les perspectives financières, les négociations à l'OMC, la préparation du Conseil européen. Cela n'a pas été le seul sujet, loin de là, de notre entretien.
Q - Le Premier ministre danois a indiqué il y a trois jours qu'il faut prévoir une pause, peut-être de plusieurs années, du processus de ratification de la Constitution. Aujourd'hui dans Politiken, le président de la Commission des Affaires européennes de l'Assemblée nationale propose que la France invite à ratifier et que les autres pays n'arrêtent pas la ratification. Quelle est la position du gouvernement français ? Est-ce que c'est sa propre opinion ?
R - Notre appréciation des choses, c'est que les décisions prises au Conseil européen au mois de juin sont les décisions les plus sages, parce qu'elles permettent au processus de ratification de se poursuivre. Depuis le mois de juin, deux pays ont ratifié. La Belgique va achever prochainement sa procédure interne. D'autres pourraient le faire. Il est possible en même temps d'adapter le calendrier pour tenir compte des interrogations qui sont apparues en Europe. Certains pays ont choisi d'adapter le calendrier. Mais, cela préserve toutes les solutions d'avenir. Dans le même temps, les 25 ont décidé de se donner du temps, mais non pas une pause : une période de réflexion. Alors, ils ont longuement débattu sur le sens des mots au mois de juin, puisqu'il y avait déjà ces débats entre nous. Période plutôt que pause, parce qu'il faut que ce temps qui sépare le Conseil de juin dernier du rendez-vous qu'ils se sont fixés un an plus tard, soit une période active. C'est à dire, à la fois un moment où nous menons des débats à 25 comme chacun de nos pays, aussi de façon interne, sur la construction européenne, sur les moyens de mieux associer le Parlement, la société civile, les collectivités territoriales, les partenaires sociaux aux décisions européennes. Mais aussi un moment qui doit permettre à l'Europe de montrer que même en l'absence de traité constitutionnel, puisque aujourd'hui il n'est pas ratifié, l'Europe agit, avance, prend des décisions et continue de faire son travail. C'est la raison pour laquelle nous considérons que la décision du mois de juin est la bonne et qu'il faut mettre à profit ce temps pour agir. La meilleure réponse pour l'Union européenne sera dans sa capacité d'action. De montrer qu'elle est capable d'avancer. C'est la raison pour laquelle j'ai une hésitation sur le terme de pause, je ne le crois pas le mieux choisi. Il peut être compris comme une attente. Or, il ne faut pas attendre. Il faut au contraire agir.
Q - (Sur un nouveau vote des Français)
R - Redisons les choses. Je ne m'imagine pas qu'il soit possible de faire revoter le peuple français sur le même texte une deuxième fois sans avoir le même résultat.
Q - Est-ce que cela veut dire que la Constitution, telle qu'elle a été rejetée par la France, pour vous elle n'a plus vocation à exister ? Il faut qu'elle soit modifiée.
R - De toutes les façons, pour entrer en vigueur, il faut qu'elle soit ratifiée par chacun des Etats membres et donc, il faudra 25 ratifications. La décision prise en juin permet de préserver l'avenir et c'est pour cela qu'elle est intéressante. Ceux qui veulent poursuivre poursuivront. Ceux qui veulent prendre un peu plus de temps le prendront. Et puis, ils se sont donnés rendez-vous au premier semestre 2006. Pour faire quoi ? Très clairement, cela a été écrit, donc je ne fais que reprendre des termes : pour évaluer la situation et, en fonction de la situation, prendre des décisions. Peut-être faudra-t-il à ce moment-là à nouveau se dire qu'il faut un peu de temps ou peut-être que la situation aura changé. Peut-être que la perception de l'Europe sera différente. Mais en tout cas, prenons ce temps de réflexion, non pas pour ne rien faire, mais au contraire pour agir. D'ailleurs, si l'Europe avançait, bien évidemment cela aurait aussi des effets sur le regard que portent sur elle nos citoyens.
Q - Un nouveau référendum en France. C'est pour dans cinq ans, dix ans ?
R - Moi, je parle de ce que je sais avec certitude. Pour le reste, je préfère ne pas m'aventurer. Donc, ce que je sais de façon certaine, c'est que présenter une deuxième fois, maintenant, ou dans un avenir proche, le même texte aux Français, donnerait le même résultat. Tout le monde le sait. Donc, je ne fais que dire des choses d'évidence.
Est-ce que le temps nous aidera à apporter des réponses ? Peut-être. Mais là je ne suis plus certaine. C'est pour cela que je ne le dis pas. Mais peut-être.
Q - Et pour les Pays-Bas, ont-ils besoin d'une renégociation ?
R - Ou que les conditions changent pour que les citoyens aient une autre appréciation de la construction européenne. En tout cas, ou le même texte, ou un texte modifié, mais un texte qui réponde aux attentes des citoyens et qui passe la barre de leur examen. Or, on a eu un référendum négatif, donc il ne serait pas avisé de se précipiter pour refaire la même expérience. Voilà.
La renégociation n'est pas une hypothèse dans laquelle on se trouverait. Aucun de nos partenaires ne la demande, ne l'envisage ou ne la souhaite. On est dans une situation qui est une clause de rendez-vous dans un an pour réévaluer les choses.
Q - Le Premier ministre danois pense que le traité est rangé bien au fond du placard et qu'il y a très peu d'espoir de le faire ressortir un jour.
R - Je n'en suis pas sûre. En même temps, vous voyez bien que je n'ai pas de meilleure réponse à vous donner que de me référer aux décisions des chefs d'Etat ou de gouvernement au mois de juin. Prenons le temps de se revoir et, en attendant, avançons sur d'autres questions politiques, sur le fond. Par ailleurs, il faudra des institutions rénovées à l'Europe. Il est certain qu'une Europe élargie a besoin d'institutions plus efficaces, plus démocratiques avec un mécanisme de prise de décisions qui fasse davantage de place aux décisions à la majorité qualifiée et qui donne un plus grand rôle au Parlement européen. C'est en partie en raison de ce besoin que le travail de la Convention avait été fait et la Conférence intergouvernementale organisée. Et le besoin demeure d'avoir des institutions rénovées. Mais aujourd'hui, il n'y a pas de réponses autres que celle du Conseil européen du mois de juin.
Q - Une question sur le problème de la Turquie. Est-ce que le ministre des Affaires étrangères danois vous a exposé le point de vue du gouvernement danois à ce sujet ?
R - Oui, bien sûr puisque nous avons échangé nos propres points de vue. Mais lorsque nous l'avons fait, nous l'avions fait avant d'avoir connaissance du blocage apparent actuel, on ne peut pas tout vérifier, avant d'avoir connaissance de l'éventualité de la réunion de dimanche prochain. Donc, en fait, on avait sur ce dossier de la Turquie tout à fait la même approche des choses. Ce qui ne veut pas dire que des ajustements ne soient pas possibles, mais il faut l'unanimité pour les obtenir.
Q - Le Premier ministre danois avait évoqué un partenariat entre l'Union européenne et la Turquie.
R - C'est une possibilité bien sûr. Dès lors que le processus est un processus ouvert, encore une fois, c'est possible que tout cela ne soit pas conclusif. Mais s'il y a une conclusion, cela peut être soit l'adhésion, soit une autre solution, partenariat privilégié ou lien fort. Il y a une grande variété, en réalité, de formules.
Faisons les choses dans l'ordre. C'est d'abord aux 25 d'arrêter le cadre de négociations avec la Turquie. Ensuite, lorsque ce cadre sera arrêté, la Turquie, je n'en doute pas, portera son appréciation sur ce qui lui est proposé et prendra sa décision et sa responsabilité de dire s'il lui convient ou non.
Merci beaucoup à tous.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 octobre 2005)
Mais au-delà du plaisir qui est le mien d'être ici, laissez moi vous dire quelle est la raison principale de mon déplacement. Dans le cadre de la préparation du Conseil européen informel de la fin du mois d'octobre, nous regardons en France comment faire avancer un certain nombre de choses dans le débat européen et dans notre propre conduite de la politique économique.
Le Danemark est l'un des pays cités, et en particulier cité par des responsables français par le Premier ministre français assez souvent, comme l'un des pays connus pour avoir réussi la conciliation du dynamisme économique et de l'attachement aux valeurs sociales. Comme je le disais dans un entretien paru ici ce matin, chaque pays a ses traditions politiques, sociales, culturelles et donc ce qui existe dans un pays n'est peut-être pas transposable tel quel dans un autre pays, mais nous avons certainement des leçons à tirer des expériences étrangères. Nous avons certainement à échanger sur ce qui marche et ce qui ne marche pas. Je crois que nous avons tous intérêt à regarder collectivement comment trouver la réponse à cette question qui se pose à tous nos pays de la conciliation entre l'économique et le social.
Ce matin, j'ai pu visiter un centre pour l'emploi et avoir un entretien avec le président du syndicat Dansk Metal. J'ai également eu un entretien de travail avec le ministre des Affaires étrangères sur ces sujets et plus largement sur les questions européennes - je vous en parlerai dans un instant - et je verrai tout à l'heure le Secrétaire général du Conseil pour la propagation du débat et de l'information sur l'Europe. Et enfin, dernier entretien à vous citer dans cette journée, qui est une journée bien chargée, un entretien avec la Commission des Affaires européennes au Folketing. La présidente est d'un parti qui n'est pas le parti au gouvernement, ce qui est intéressant dans le système danois.
Voilà pour le programme. Encore quelques mots ou quelques réflexions sur ce sujet. Nous avons une approche constructive du prochain Conseil européen. Il ne s'agit pas d'opposer un modèle à un autre. Il ne s'agit pas d'une querelle entre les anciens et les modernes. Cela est une fausse présentation des choses. Nous avons tous besoin de regarder comment mieux concilier l'économique et le social et je crois tout simplement, comme je vous l'ai dit, qu'on a tous à apprendre les uns des autres. C'est dans cet esprit qu'on aborde le Conseil européen. C'est dans cet esprit que je me suis rendue au Danemark, comme j'étais allée un peu sur le même sujet en Irlande, il y a quelques jours.
Pour réussir cette conciliation, il y a évidemment une première responsabilité qui est celle des Etats et il y a ce que peut faire l'Union européenne. Nous faisons des réformes en France. Il y a eu déjà des réformes dans le domaine des retraites, dans le domaine de la santé, et puis, avec l'arrivée du nouveau gouvernement, une nouvelle phase de réformes sur le marché du travail avec un plan qui vise à faciliter le retour à l'activité des personnes qui sont sans emploi et rendre le travail plus attractif. Des réformes aussi dans le domaine de la fiscalité et un programme d'investissements de l'Etat de 10 milliards d'euros et aussi des réformes pour accroître nos efforts en matière de recherche et d'innovation. Le Premier ministre tout à l'heure a fait une conférence de presse, comme il en fait tous les mois, centrée sur ce thème de la recherche et de l'innovation avec là aussi un programme d'ensemble que je ne vous détaille pas, mais que l'on pourra certainement vous donner. Donc beaucoup d'efforts pour faire notre part du travail.
L'une des choses que je voudrais vous dire aussi, c'est que la France change. Elle se modernise, elle s'adapte en recherchant ce que le Premier ministre appelle la croissance sociale, c'est-à-dire la croissance oui, mais la croissance au service de la justice sociale.
Ensuite l'action de l'Union européenne, puisqu'il faut que les deux se complètent, et que l'action de l'Union européenne aide aussi à développer un cadre pour la croissance. Et là nous devons parler, notamment au Conseil européen du mois d'octobre, mais pas seulement à cette occasion, de la façon dont l'Union peut développer des politiques qui répondent aux attentes des citoyens, en particulier dans le domaine économique. Ayons ce débat sur la modernisation économique et sociale de nos pays. Regardons comment faire progresser la coordination des politiques économiques, comment trouver un budget futur pour l'Union européenne qui fasse plus de place à la recherche et à l'innovation. Non seulement nous y sommes prêts, mais nous souhaitons pouvoir progresser collectivement. Voilà ce qu'était le thème principal de ce déplacement. Pour le reste, nous avons évoqué nos relations bilatérales. Elles sont bonnes et denses dans le domaine politique. Les relations économiques ont une marge de progression, comme on dit toujours, mais elles sont à un niveau relativement satisfaisant. Les relations culturelles sont bonnes aussi, il n'y a pas de problèmes particuliers. Donc, avec M. Moeller, nous sommes concentrés sur les questions européennes : l'élargissement, la question du budget, l'avenir de l'Union, les négociations à l'OMC, un certain nombre de dossiers qui sont dans l'actualité européenne et vous aurez sûrement des questions sur ces différents sujets.
Q - Permettez-moi de revenir aux questions européennes. La Turquie, j'imagine que vous en avez discuté. D'abord, est-ce vous pouvez confirmer qu'il va y avoir une réunion extraordinaire dimanche à Bruxelles pour préparer les négociations qui doivent commencer lundi ? Mais aussi, que pensez-vous de la position de l'Autriche, qui parle maintenant que la Turquie peut devenir membre, mais pas à part entière ?
R - Les discussions se poursuivent entre les 25 pour agréer ce qu'on appelle le cadre de négociations avec la Turquie. Il y a encore un certain nombre d'éléments qui sont en discussion. Si la Présidence estime qu'il faut réunir les 25 non plus seulement au niveau des ambassadeurs, mais au niveau des ministres, nous serons présents naturellement si, dimanche, les choses ne sont pas réglées.
Vous m'avez posé une question plus précise : est-ce que je peux confirmer qu'il y a bien cette réunion ? Vous me pardonnerez de vous répondre qu'en l'état de mes informations, je ne veux pas le faire sans en être certaine. Or, je n'ai pas toutes les vérifications nécessaires. Je comprends que oui, mais ce n'est pas à moi de faire une confirmation officielle. Je ne voudrais pas, n'ayant pas toutes les informations, vous dire quelque chose qui n'est pas exact.
Sur la position autrichienne. D'abord je crois utile de rappeler que chaque candidature doit être examinée selon ses mérites propres - c'est la règle - et qu'il ne faudrait pas, j'utilise le conditionnel, faire de lien entre un dossier et un autre. Puisque l'on parle de la Turquie et seulement de la Turquie, le cadre de négociations qui a été préparé par la Commission correspond à ce que nous souhaitions, c'est-à-dire un mécanisme de négociations suffisamment précis et contrôlé positivement et, en effet, il a été répondu à notre demande et à celle de beaucoup d'Etats membres de s'assurer que ce contrôle politique existerait bien tout au long du processus, chapitre après chapitre, et c'était important. De même, le cadre de négociations rappelle-t-il les critères nécessaires à l'adhésion, y compris le critère de la capacité d'absorption par l'Union européenne de nouveaux Etats membres.
Enfin, un autre élément important était que le processus qui devrait s'engager à partir du 3 octobre soit un processus ouvert. Alors que veut dire un processus ouvert dans le cadre communautaire ? C'est un processus où le point de départ est l'ouverture de négociations en vue de l'adhésion, puisque l'Union européenne dans le passé a reconnu la qualité de candidat à la Turquie. Mais ce processus sera long. C'est d'ailleurs, je cite le président de la République, un chemin long et difficile que la Turquie aura à parcourir et l'issue de ces négociations étant incertaine, on ne sait pas par quoi les négociations se concluront. C'est cela que veut dire l'expression "processus ouvert". Le point d'arrivée n'est pas connu ou prédéterminé au moment où les négociations s'engagent. L'essentiel est dit. Faut-il préciser les choses et la nature du lien qui existerait entre la Turquie et l'Union européenne si les négociations ne se concluaient pas par une possibilité d'adhésion ? L'Autriche souhaite que l'accord se fasse dans le cadre de négociations à l'unanimité. Je ne suis pas certaine qu'il soit possible de recueillir l'unanimité des 25 sur une telle précision. Encore une fois, il est important, il était important, et c'est acquis, qu'il soit bien précisé que ce processus est un processus ouvert.
Q - Est-ce que la France soutient l'Autriche ?
R - Le cadre tel qu'il était en discussion encore ce matin nous convient. Ce qui ne veut aucunement dire que des évolutions ne sont pas envisageables. Mais l'essentiel est dit par rapport aux préoccupations qui sont les nôtres.
Q - Est-ce que vous en avez discuté avec le ministre des Affaires étrangères ?
R - Nous avons discuté de ce sujet, comme d'autres sujets européens. L'élargissement, et d'une façon plus précise, le cas d'un certain nombre de pays avec lesquels nous envisageons des relations ou un rapprochement. Les Balkans, le processus d'élargissement en lui-même, mais aussi les négociations sur le futur budget de l'Union, ce qu'on appelle les perspectives financières, les négociations à l'OMC, la préparation du Conseil européen. Cela n'a pas été le seul sujet, loin de là, de notre entretien.
Q - Le Premier ministre danois a indiqué il y a trois jours qu'il faut prévoir une pause, peut-être de plusieurs années, du processus de ratification de la Constitution. Aujourd'hui dans Politiken, le président de la Commission des Affaires européennes de l'Assemblée nationale propose que la France invite à ratifier et que les autres pays n'arrêtent pas la ratification. Quelle est la position du gouvernement français ? Est-ce que c'est sa propre opinion ?
R - Notre appréciation des choses, c'est que les décisions prises au Conseil européen au mois de juin sont les décisions les plus sages, parce qu'elles permettent au processus de ratification de se poursuivre. Depuis le mois de juin, deux pays ont ratifié. La Belgique va achever prochainement sa procédure interne. D'autres pourraient le faire. Il est possible en même temps d'adapter le calendrier pour tenir compte des interrogations qui sont apparues en Europe. Certains pays ont choisi d'adapter le calendrier. Mais, cela préserve toutes les solutions d'avenir. Dans le même temps, les 25 ont décidé de se donner du temps, mais non pas une pause : une période de réflexion. Alors, ils ont longuement débattu sur le sens des mots au mois de juin, puisqu'il y avait déjà ces débats entre nous. Période plutôt que pause, parce qu'il faut que ce temps qui sépare le Conseil de juin dernier du rendez-vous qu'ils se sont fixés un an plus tard, soit une période active. C'est à dire, à la fois un moment où nous menons des débats à 25 comme chacun de nos pays, aussi de façon interne, sur la construction européenne, sur les moyens de mieux associer le Parlement, la société civile, les collectivités territoriales, les partenaires sociaux aux décisions européennes. Mais aussi un moment qui doit permettre à l'Europe de montrer que même en l'absence de traité constitutionnel, puisque aujourd'hui il n'est pas ratifié, l'Europe agit, avance, prend des décisions et continue de faire son travail. C'est la raison pour laquelle nous considérons que la décision du mois de juin est la bonne et qu'il faut mettre à profit ce temps pour agir. La meilleure réponse pour l'Union européenne sera dans sa capacité d'action. De montrer qu'elle est capable d'avancer. C'est la raison pour laquelle j'ai une hésitation sur le terme de pause, je ne le crois pas le mieux choisi. Il peut être compris comme une attente. Or, il ne faut pas attendre. Il faut au contraire agir.
Q - (Sur un nouveau vote des Français)
R - Redisons les choses. Je ne m'imagine pas qu'il soit possible de faire revoter le peuple français sur le même texte une deuxième fois sans avoir le même résultat.
Q - Est-ce que cela veut dire que la Constitution, telle qu'elle a été rejetée par la France, pour vous elle n'a plus vocation à exister ? Il faut qu'elle soit modifiée.
R - De toutes les façons, pour entrer en vigueur, il faut qu'elle soit ratifiée par chacun des Etats membres et donc, il faudra 25 ratifications. La décision prise en juin permet de préserver l'avenir et c'est pour cela qu'elle est intéressante. Ceux qui veulent poursuivre poursuivront. Ceux qui veulent prendre un peu plus de temps le prendront. Et puis, ils se sont donnés rendez-vous au premier semestre 2006. Pour faire quoi ? Très clairement, cela a été écrit, donc je ne fais que reprendre des termes : pour évaluer la situation et, en fonction de la situation, prendre des décisions. Peut-être faudra-t-il à ce moment-là à nouveau se dire qu'il faut un peu de temps ou peut-être que la situation aura changé. Peut-être que la perception de l'Europe sera différente. Mais en tout cas, prenons ce temps de réflexion, non pas pour ne rien faire, mais au contraire pour agir. D'ailleurs, si l'Europe avançait, bien évidemment cela aurait aussi des effets sur le regard que portent sur elle nos citoyens.
Q - Un nouveau référendum en France. C'est pour dans cinq ans, dix ans ?
R - Moi, je parle de ce que je sais avec certitude. Pour le reste, je préfère ne pas m'aventurer. Donc, ce que je sais de façon certaine, c'est que présenter une deuxième fois, maintenant, ou dans un avenir proche, le même texte aux Français, donnerait le même résultat. Tout le monde le sait. Donc, je ne fais que dire des choses d'évidence.
Est-ce que le temps nous aidera à apporter des réponses ? Peut-être. Mais là je ne suis plus certaine. C'est pour cela que je ne le dis pas. Mais peut-être.
Q - Et pour les Pays-Bas, ont-ils besoin d'une renégociation ?
R - Ou que les conditions changent pour que les citoyens aient une autre appréciation de la construction européenne. En tout cas, ou le même texte, ou un texte modifié, mais un texte qui réponde aux attentes des citoyens et qui passe la barre de leur examen. Or, on a eu un référendum négatif, donc il ne serait pas avisé de se précipiter pour refaire la même expérience. Voilà.
La renégociation n'est pas une hypothèse dans laquelle on se trouverait. Aucun de nos partenaires ne la demande, ne l'envisage ou ne la souhaite. On est dans une situation qui est une clause de rendez-vous dans un an pour réévaluer les choses.
Q - Le Premier ministre danois pense que le traité est rangé bien au fond du placard et qu'il y a très peu d'espoir de le faire ressortir un jour.
R - Je n'en suis pas sûre. En même temps, vous voyez bien que je n'ai pas de meilleure réponse à vous donner que de me référer aux décisions des chefs d'Etat ou de gouvernement au mois de juin. Prenons le temps de se revoir et, en attendant, avançons sur d'autres questions politiques, sur le fond. Par ailleurs, il faudra des institutions rénovées à l'Europe. Il est certain qu'une Europe élargie a besoin d'institutions plus efficaces, plus démocratiques avec un mécanisme de prise de décisions qui fasse davantage de place aux décisions à la majorité qualifiée et qui donne un plus grand rôle au Parlement européen. C'est en partie en raison de ce besoin que le travail de la Convention avait été fait et la Conférence intergouvernementale organisée. Et le besoin demeure d'avoir des institutions rénovées. Mais aujourd'hui, il n'y a pas de réponses autres que celle du Conseil européen du mois de juin.
Q - Une question sur le problème de la Turquie. Est-ce que le ministre des Affaires étrangères danois vous a exposé le point de vue du gouvernement danois à ce sujet ?
R - Oui, bien sûr puisque nous avons échangé nos propres points de vue. Mais lorsque nous l'avons fait, nous l'avions fait avant d'avoir connaissance du blocage apparent actuel, on ne peut pas tout vérifier, avant d'avoir connaissance de l'éventualité de la réunion de dimanche prochain. Donc, en fait, on avait sur ce dossier de la Turquie tout à fait la même approche des choses. Ce qui ne veut pas dire que des ajustements ne soient pas possibles, mais il faut l'unanimité pour les obtenir.
Q - Le Premier ministre danois avait évoqué un partenariat entre l'Union européenne et la Turquie.
R - C'est une possibilité bien sûr. Dès lors que le processus est un processus ouvert, encore une fois, c'est possible que tout cela ne soit pas conclusif. Mais s'il y a une conclusion, cela peut être soit l'adhésion, soit une autre solution, partenariat privilégié ou lien fort. Il y a une grande variété, en réalité, de formules.
Faisons les choses dans l'ordre. C'est d'abord aux 25 d'arrêter le cadre de négociations avec la Turquie. Ensuite, lorsque ce cadre sera arrêté, la Turquie, je n'en doute pas, portera son appréciation sur ce qui lui est proposé et prendra sa décision et sa responsabilité de dire s'il lui convient ou non.
Merci beaucoup à tous.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 octobre 2005)