Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
J'ai l'honneur de soumettre aujourd'hui à votre examen le projet de loi d'orientation agricole. Le texte qui vous est présenté est le résultat d'un travail approfondi engagé depuis plus d'un an. Mon prédécesseur, Hervé GAYMARD, avait organisé une large consultation dans chacune des régions, y compris en outre-mer, dont les débats ont permis de recueillir les propositions des élus, celles des responsables des organisations professionnelles et des acteurs du monde rural. Riches et denses, ces travaux ont révélé les attentes et le besoin de tracer de nouvelles perspectives à l'agriculture.
La loi a été ensuite élaborée en concertation avec les représentants des professions et institutionnels grâce aux pistes tracées par la Commission nationale d'orientation qui m'a remis son rapport le 20 décembre 2004. Le projet progressivement élaboré apporte des réponses à l'évolution de l'agriculture et aux préoccupations des exploitants. Mais, cette loi s'adresse naturellement à l'ensemble de la communauté nationale. C'est pourquoi j'ai voulu la présenter au Conseil économique et social, instance représentant les diverses composantes des professions et de la société civile de notre pays. Depuis le 18 mai dernier, date à laquelle elle fut adoptée par le Conseil des Ministres, les discussions se sont poursuivies et ont permis de renforcer significativement le projet qui va être débattu, notamment sur les questions de l'emploi et du foncier.
Enfin, le travail approfondi et constructif réalisé par la Commission des Affaires Economiques présidée par Patrick OLLIER, l'engagement personnel du rapporteur de ce projet de loi, Antoine HERTH et son apport particulièrement efficace et pertinent ont contribué à intégrer de très utiles améliorations à la préparation de nos débats. Les propositions formulées par Jacques LE GUEN dans son rapport remis au Premier Ministre en juin dernier ont permis également de renforcer, sur l'emploi, le projet initialement transmis. Vous ne manquerez certainement pas de l'enrichir à nouveau.
I - Quelle est la genèse de ce texte ? L'agriculture a besoin de perspectives, d'une orientation.
Cette loi d'orientation, le monde agricole l'attend. Pour répondre aux changements de leur environnement international, aux évolutions récentes de la Politique Agricole Commune, aux défis sociaux qui leur sont posés, les agriculteurs français ont besoin d'un cadre législatif et de perspectives claires. Ils ont besoin d'un statut modernisé favorisant leur capacité à entreprendre ; ils attendent des relations mieux structurées entre la production agricole, sa transformation et sa mise en marché ; ils souhaitent davantage de simplification administrative, de confiance, de légitime reconnaissance pour ce qu'ils apportent à nos concitoyens. L'agriculture parfois désorientée a besoin d'orientations.
La loi d'orientation ne répond pas aux seules attentes du monde agricole. Elle renouvelle le lien profond qui, depuis tant d'années, unit les Français à leur agriculture. Elle reconnaît les nouvelles missions et enjeux de l'activité agricole dans une société moderne : enjeux de production et de développement d'une filière agroalimentaire compétitive mais aussi défis énergétiques, environnementaux et de sécurité sanitaire des aliments.
Nous devons affirmer pour l'agriculture française ces nouvelles perspectives. C'est notre devoir parce qu'il existe une exception agricole comme il existe une exception culturelle. Qui douterait d'ailleurs que l'agriculture porte bien plus loin que le monde des exploitants ? Nos espaces, nos paysages, nos aliments façonnent notre identité. " Heureux comme Dieu en France " dit un proverbe de nos amis allemands. Ce ne sont pas seulement des atouts naturels. C'est aussi le travail des hommes et des femmes. Ce sont nos champs de blé, nos vignes, les vergers, les prairies, les forêts. Que seraient nos arts de la table sans la qualité des produits de notre agriculture ? Que serait même notre indépendance sans l'autosuffisance acquise au cours des années de forte croissance ?
Je n'occulte pas les critiques lancées à nos exploitants. Si l'eau vient à manquer du fait de la sécheresse, certains se tournent vers les agriculteurs et non vers le manque de pluviosité. Le modèle de production retenu aux lendemains de la deuxième guerre mondiale a parfois rendu certains équilibres fragiles ; mais nous n'avons plus à souffrir d'un rationnement dont le plus grand nombre de nos concitoyens n'a même plus la mémoire. Alors, certes, il nous faut aujourd'hui équilibrer certains modes de développement. Mais, en quarante ans, l'agriculture française a opéré une mutation sans précédent, sans doute beaucoup plus marquée que dans la plupart des autres secteurs professionnels. Nous avons l'immense atout d'une agriculture qui évolue, innove, s'adapte. Le progrès technique permet pleinement de répondre aux défis d'une agriculture propre. C'est aussi ce contrat entre agriculture et recherche qu'il faut renouveler.
Pour répondre à ce défi, le Président de la République a fixé un cap à Murat, le 21 octobre 2004 , " celui d'une agriculture économiquement forte et écologiquement responsable, une agriculture fidèle à ses traditions, confiante dans sa capacité à se moderniser et à se
renouveler ".
Mesdames et Messieurs les Députés, voilà pourquoi le Gouvernement vous soumet une loi d'orientation. Parce que nous savons quel avenir nous voulons pour la France en matière agricole, pour les exploitants et nos concitoyens : une agriculture économiquement forte qui assure des conditions de vie et de travail satisfaisantes aux exploitants ; une agriculture qui maintienne le haut niveau de confiance de nos compatriotes dans la qualité de ses aliments et respecte la nature. Parce que c'est notre cadre de vie commun. La nature cultivée, c'est une nature respectée.
I - 2 Ces orientations, nous pouvons les envisager en toute confiance. L'agriculture et l'industrie alimentaire françaises disposent d'atouts incontestables que le Premier Ministre a rappelés le 13 septembre dernier à Rennes.
>>> C'est d'abord un secteur essentiel pour notre pays :
- Le monde agricole et agroalimentaire, ce sont 2,5 millions d'emplois en France. Il faut les conforter parce qu'ils représentent près d'un actif sur dix. Mais aussi parce qu'ils couvrent l'ensemble du territoire, y compris dans les zones les plus difficiles comme en montagne, et créent de ce fait d'autres activités et d'autres emplois, partout en France. L'agriculture contribue ainsi à la cohésion de notre nation.
- Le secteur agricole et alimentaire, c'est aussi un moteur de notre dynamisme économique. Deuxième secteur industriel en termes de chiffres d'affaires, il génère un excédent commercial de plus de 8 milliards d' et constitue à ce titre le deuxième poste de notre la balance commerciale. Rappelons nous, notre industrie agroalimentaire est puissante et dynamique parce qu'elle s'appuie en grande partie sur un approvisionnement en productions nationales, à la fois stables et de qualité. C'est le résultat de quarante années d'effort, de modernisation des structures de nos exploitations agricoles et des entreprises coopératives et privées.
>>>L'agriculture, c'est aussi un secteur stratégique :
- Les besoins alimentaires sont croissants avec l'évolution de la démographie mondiale. Notre pays entend assumer sa responsabilité envers le monde, y compris pour aider le décollage agricole des pays en développement. Ses atouts naturels comme sa place dans le monde l'y prédisposent naturellement.
- Deuxième enjeu stratégique, l'autosuffisance alimentaire garantit notre capacité à fixer nos propres normes sanitaires et à contrôler la traçabilité des biens alimentaires. En périodes de crises sanitaires, toujours plus fréquentes, cette exigence de sécurité constitue un enjeu essentiel pour l'avenir. A cet égard, notre modèle agricole correspond sans ambiguïté à un choix de société : le produit agricole n'est un pas un produit comme les autres.
>>> C'est enfin un secteur d'avenir :
- Parmi les pôles de compétitivité retenus par le Gouvernement, quinze sont d'origine agricole et agroalimentaire. La nouvelle Agence Nationale pour la Recherche (ANR) a retenu en première sélection des projets touchant l'agriculture durable. Dans le domaine des sciences du vivant, l'Institut National de la Recherche Agronomique se positionne comme un des établissements de recherche leader dans le monde. La chimie verte, la thérapie génique sont autant de domaines ouverts qui apporteront des réponses sur des enjeux essentiels pour l'avenir de notre société.
- L'avenir est aussi dans la diversité des sources d'énergie. Et l'agriculture, à travers les bioénergies, offre une alternative aux énergies fossiles. Première productrice de cette " énergie verte ", l'agriculture française doit valoriser fortement ces perspectives. Les mesures gouvernementales sur l'incorporation de biocarburants concrétisent déjà cette alternative mais celle-ci va constituer une orientation de plus en plus marquée du fait du renchérissement et de l'épuisement des énergies fossiles dans le monde.
- Au-delà de l'énergie, c'est l'ensemble des usages non-alimentaires qui doit être pris en considération tant les produits agricoles peuvent répondre aux attentes nouvelles des autres secteurs tels que la chimie, la construction, etc.
II - Quel est l'esprit du projet de loi : dans un contexte international et communautaire en évolution, l'Etat accompagne l'agriculture française. Il complète ainsi au niveau national grâce à la loi d'orientation agricole l'action engagée hors de nos frontières.
II - 1 Le projet de loi marque une nouvelle étape de l'action des pouvoirs publics.
Les lois fondatrices de 1960 accompagnaient la construction communautaire en définissant un cadre stable pour l'exercice de l'activité agricole. Elles ont donné un statut fiscal, social et économique à l'exploitation agricole ; elles ont organisé le statut du fermage et favorisé le progrès technique en agriculture. Elles intervenaient dans une Europe à six en construction, dans une France très rurale en voie d'industrialisation rapide.
- Le projet de loi d'orientation s'inscrit dans la continuité de cette action mais il prend en compte un nouveau contexte international et la réforme de la PAC intervenue en 2003.
- Il reconnaît la diversification accrue des formes d'exploitations depuis 40 ans, ainsi que l'émergence des exigences nouvelles de nos concitoyens vis-à-vis des activités agricoles, notamment au cours des 15 dernières années.
Son ambition est de contribuer à maintenir une agriculture et une industrie alimentaire françaises efficaces et performantes, répondant aux besoins de notre société et concourant à la richesse de notre économie. Agir pour l'agriculture, c'est agir pour la croissance et l'emploi. C'est agir, au-delà du monde agricole et rural, pour l'avenir de notre pays, de son dynamisme économique et de l'attrait de ses régions.
II - 2 La loi s'inscrit en cohérence avec nos actions pour l'agriculture sur le plan international ou de la politique agricole commune.
>>> Notre action vise d'abord à réaffirmer, comme le Président de la République l'a fait de manière solennelle hier, auprès de la Commission, le mandat qui lui a été assigné dans le cadre des négociations internationales à l'OMC Notre position est claire, fondée sur nos lignes rouges :
- aucune remise en cause par de nouvelles concessions n'est envisageable ;
- l'enjeu prioritaire est le maintien de la préférence européenne ;
- nous ne renoncerons aux soutiens à l'exportation, que si les autres pays font de même et en apportent la preuve, comme le Premier Ministre l'a rappelé le 13 septembre dernier à Rennes.
Par ailleurs, le découplage est un effort important consenti en 2003 par l'Union européenne. Les marges de manoeuvre ainsi dégagées doivent être valorisées au mieux dans la négociation de l'OMC. Cette réforme de la PAC, issue du double accord de 2002 et 2003, ne saurait d'aucune manière être remise en cause. Le mandat de la Commission le précise explicitement et nous veillons, avec nos partenaires, au strict respect de ce point fixe des négociations.
- La France a fait il y quarante ans un choix stratégique, le choix de la PAC
Nous devons le conforter parce que la PAC s'est construite sur des principes qui restent d'actualité : la création d'un grand marché intérieur unifié, la préférence européenne et la solidarité financière.
Ce choix a entraîné une modernisation remarquable de notre agriculture. Celle-ci doit continuer à appuyer son développement sur les avantages d'une politique agricole commune désormais à 25 :
- l'agriculture française bénéficie de l'existence d'un marché intérieur de plus de 450 millions d'habitants ;
- le retour annuel de la PAC pour l'agriculture française s'élève à près de 10 Mds par an. La pérennité des financements est assurée jusqu'en 2013, grâce à l'accord obtenu par le Président de la République en 2002. Cet accord a été possible car la France a accepté la réforme de la PAC de 2003.
- La PAC est un choix d'avenir pour notre société. Elle a été le ciment de la construction communautaire, et a su continuellement s'adapter pour répondre aux nouvelles attentes de la société. Elle est en phase, aujourd'hui, avec les préoccupations environnementales et de sécurité sanitaire des aliments.
Ce cadre reste pertinent et nous voulons le consolider dans la négociation sur les perspectives financières. La France défend avec détermination le budget tel qu'il résulte de l'accord de 2002 ; il s'agit de notre point dur dans la négociation.
Pour autant, nous devons développer une stratégie d'initiative pour préparer l'après 2013. Je présenterai, à la fin de l'année, un mémorandum à la Commission comme me l'a demandé le Premier Ministre le 13 septembre dernier. Il soulignera les enjeux pour la profession agricole d'une meilleure régulation des marchés et avancera des propositions : la régulation des marchés doit passer par des voies nouvelles s'appuyant davantage sur les interprofessions, la contractualisation, des systèmes de peréquation. Elle requiert un examen approfondi, y compris en terme de droit de la concurrence. Cette initiative aura également pour but de conforter notre vision de l'agriculture en gagnant l'adhésion de nos partenaires les plus proches de notre position.
III - Dans cet objectif, le projet de loi d'orientation fait le choix d'accompagner l'effort nécessaire d'adaptation et de modernisation de l'agriculture française
Le projet de loi d'orientation agricole vient compléter l'action menée sur le plan international et communautaire en offrant à l'agriculture les moyens d'être plus performante et plus efficace et de mieux répondre à la demande.
- Nous baliserons, ainsi, dans un monde en évolution rapide un chemin pour les exploitants. Ils disposent, par ailleurs, de l'assurance qu'apporte jusqu'en 2013 le double accord européen de 2002 et 2003 pour préparer l'avenir.
- Ce projet affiche avec conviction son dessein de consolider l'activité économique agricole et conforte la vision positive de la fonction productive de l'agriculture. Il dépasse le principe d'un modèle unique de l'agriculture fondée sur l'exploitation familiale à deux Unités de Travail Homme - deux UTH - et propose, au contraire, différentes voies pour l'agriculture. Dans ce cadre, il souligne la multifonctionnalité de l'agriculture et sa contribution à des services non marchands en termes d'occupation des espaces et de préservation de l'environnement. Enfin, il prend en compte les attentes de la société en matière de sécurité sanitaire et d'environnement et de qualité des produits.
Redonner des marges de manuvre à l'agriculture pour lui permettre de conserver son efficacité économique, c'est le meilleur moyen pour qu'elle reste présente sur nos territoires et continue à créer des emplois.
La loi d'orientation agricole est fondée sur un triple impératif : économique, environnemental et sanitaire.
Elle prolonge l'action engagée par le Gouvernement en faveur des agriculteurs au cours des derniers mois, notamment pour sécuriser leurs revenus. Nous sommes déterminés à aller plus loin grâce à la loi d'orientation agricole.
III - 1 Premier impératif, un impératif économique : la défense de notre modèle agricole, de nos industries agro-alimentaires et de notre indépendance alimentaire nécessite un secteur et des entreprises efficaces et performantes
>>> Des entreprises puissantes fondées sur la valorisation de la démarche d'entreprise De plus en plus, les formes d'exploitation se sont diversifiées en faisant place, en particulier, aux formes sociétaires.
La nécessité se fait sentir par ailleurs d'appréhender globalement l'ensemble des facteurs de production, en tant qu'entité économique capable de dégager un revenu. Le projet de loi vise à encourager la formation d'exploitations organisées autour d'une démarche d'entreprise, en conservant la responsabilité personnelle.
C'est pourquoi il crée le fonds agricole et introduit la cessibilité du bail rural. Le bail cessible permettra à un exploitant de transmettre globalement une exploitation hors cadre familial. Cette possibilité supposera le libre choix entre les parties ; elle ne se substitue pas au bail rural classique.
Le fonds agricole permettra, quant à lui, de mieux reconnaître la valeur du travail agricole, et de mieux distinguer la valeur patrimoniale de la valeur économique de l'exploitation agricole. Il ne renchérit pas le coût des cessions : il ne crée, en effet, aucune valeur nouvelle mais identifie les éléments de la valeur économique de l'exploitation existant aujourd'hui sans reconnaissance juridique, tout spécialement dans les exploitations individuelles. A l'initiative de votre Commission des Finances, il bénéficie d'une neutralité fiscale.
Pour promouvoir la forme sociétaire, le projet de loi permet aux associés d'EARL de conserver leur statut fiscal de type personnel en dehors du cadre familial. Le Premier Ministre a annoncé le 13 septembre la suppression de la cotisation de solidarité pour les associés non exploitants. Cette disposition sera intégrée dans le projet du Gouvernement au moment de l'examen parlementaire.
Tenant compte de l'évolution des structures d'exploitation, le projet de loi introduit deux dispositions que je voudrais mentionner ici :
- le contrôle des structures est simplifié. Nous avons trouvé un point d'équilibre entre les différentes parties, en permettant d'exonérer du contrôle les opérations portant sur des liens de familles et en relevant les seuils d'opérations soumises à contrôle.
- un mécanisme fiscal d'incitation à la transmission progressive est instauré.
Enfin, le projet de loi apporte une réponse aux difficultés réelles d'exercice de ce métier : il favorise par un crédit d'impôt le remplacement pour congé des agriculteurs dans le cas où leur activité nécessite une présence quotidienne sur l'exploitation.
>>> Des marchés efficaces sur lesquels l'équilibre entre producteurs et aval est assuré Cette orientation doit manifester en premier lieu notre objectif de sécuriser les revenus des exploitants. C'est une nécessité à un moment où les instruments communautaires de régulation sont profondément modifiés pour répondre aux nouvelles règles du commerce international. A l'intérieur des marges de manoeuvre autorisées par le cadre communautaire, le Gouvernement privilégie notamment le renforcement de l'offre, la gestion des risques et la baisse des charges.
Sécuriser les revenus, c'est souvent renforcer l'organisation des filières :
- les missions des interprofessions seront étendues de manière à leur permettre d'intervenir dans la promotion de nouveaux débouchés, ou la gestion des crises ;
- la contractualisation sera encouragée, dans la mesure où elle permet une relation plus équilibrée entre l'amont et l'aval ;
- la coopération agricole, qui a un rôle essentiel à jouer dans l'équilibre des filières, bénéficiera d'un statut modernisé. Des responsabilités nouvelles seront confiées à un Haut Conseil de la Coopération et les relations financières avec les adhérents coopérateurs sont améliorées.
Sécuriser les revenus, c'est encore développer les outils de gestion des risques, qu'ils soient climatiques ou conjoncturels. Le projet de loi favorise le développement de l'assurance récolte, et revalorise les plafonds applicables à la déduction pour investissement et à la dotation pour aléas.
C'est enfin baisser les charges. A la suite du Président de la République dans son discours de Murat, le Premier ministre a décidé la diminution progressive de la taxe sur le foncier non bâti pour les exploitants agricoles. Cette baisse de 20% sera mise en uvre dès 2006 par la loi de finances ; elle représente 140 M intégralement compensés par l'Etat aux communes.
>>> Un environnement administratif simplifié qui valorise l'acte de production Comme l'a rappelé le Premier ministre, il est nécessaire d'aller vers plus de simplification. C'est un axe prioritaire de ma politique. Les exploitants doivent se concentrer sur l'essentiel, produire.
Le projet de loi crée ainsi l'agence unique de paiement pour les aides du premier pilier ; celles du second pilier seront versées par le CNASEA. Le dispositif de développement agricole sera modernisé.
La performance économique renforcée concourra à créer des emplois pour lesquels des dispositions spécifiques sont également proposées.
III - 2 Un impératif sanitaire
>>> L'agriculture doit répondre aux nouvelles exigences de la société en terme de sécurité sanitaire des aliments Le projet de loi complète le dispositif de sécurité sanitaire des aliments en confiant l'évaluation du risque lié aux fertilisants et produits phyto-sanitaires à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments.
>>> La qualité des produits doit être valorisée en étant plus lisible sur le marché Il cherche également à améliorer la lisibilités des signes de qualité pour le consommateur et crée un institut de la qualité.
Cette recherche de la qualité, nos compatriotes la demandent et veulent en être informés. Faut-il faire référence à Hippocrate pour rappeler ce que chacun sait aujourd'hui : " l'alimentation sera ta médecine " affirmait-il déjà. Car, une alimentation saine, sûre, équilibrée est le fondement de la santé.
III - 3 L'impératif environnemental : un impératif d'avenir
Nos compatriotes attendent des signes clairs du respect de l'environnement par les exploitants. Nous voulons répondre à leurs attentes et conforter la mutation des modes de production déjà engagée par la profession, notamment dans le cadre de la nouvelle Politique Agricole Commune.
L'agriculture biologique sera encouragée au travers d'un crédit d'impôt pour les agriculteurs ayant achevé leur conversion.
Le projet de loi instaure la possibilité de conclure un bail comportant des clauses environnementales dans certains territoires à enjeux.
>>> Le développement des bioénergies répond à notre préoccupation pour l'environnement tout en offrant des perspectives d'avenir pour la production agricole. En effet, l'agriculture a une carte à jouer dans le développement de l'utilisation de la biomasse. Nous en sommes encore aux débuts mais ce sujet est sans doute l'enjeu stratégique majeur des prochaines années. Conscient de cet enjeu, le Gouvernement en a fait un axe fort du projet de loi.
L'article 11 prévoit que le Gouvernement ouvre la possibilité à la production agricole et forestière de participer aux bilans et mécanismes de marché destinés à mettre en uvre nos engagements internationaux en matière de lutte contre l'effet de serre.
Au delà de l'impact attendu sur le plan environnemental, il s'agit aussi pour l'agriculture de conquérir de nouveaux débouchés non alimentaires et donc de se créer des marchés.
>>> L'agriculture doit miser sur l'innovation et la recherche Le projet de loi d'orientation agricole habilite le Gouvernement à adapter par ordonnance l'organisation du dispositif génétique français. Les éleveurs ont été associés aux travaux relatifs à la révision de la loi sur l'élevage de 1966. Je souhaite, en effet, que, dans le cadre du nouveau contexte communautaire, nous répondions à leurs besoins. Il s'agit d'une grande ambition, car cette réforme doit simplifier et adapter le dispositif au droit communautaire, tout en préservant la diversité des ressources génétiques des animaux. Nous devons à présent la finaliser, afin que l'ordonnance soit publiée dans les jours qui suivront la parution de la loi.
IV - Mesdames et Messieurs les Députés, j'ai évoqué en introduction les concertations qui ont suivi l'adoption en Conseil des Ministre de ce texte. C'est pourquoi je me dois de vous présenter les améliorations envisagées. Les modifications portent notamment sur le foncier et l'emploi : elles sont le fruit des discussions qui se sont poursuivies avec les organisations agricoles, mais aussi avec les rapporteurs et bon nombre d'entre vous.
Concernant le foncier, les conflits d'usage entre culture et d'autres activités ou objectifs sont vifs. Le débat parlementaire pourrait être l'occasion, comme je m'y étais engagé devant le Comité Economique et Social, de renforcer la prise en compte de l'agriculture dans les documents d'urbanisme.
Quant à l'emploi, nous sommes en mesure d'étoffer le projet de loi. Agir pour l'agriculture, c'est aussi agir pour l'emploi, priorité du Gouvernement conduit par Dominique de VILLEPIN. L'objectif est d'alléger le coût total de l'emploi, d'améliorer la rémunération et donc le pouvoir d'achat, mais aussi d'accroître la sécurité de l'emploi.
Le Gouvernement proposera ainsi la création d'un contrat jeune saisonnier agricole, la mise en place d'une incitation à la conversion de contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, enfin une mesure en faveur des groupements d'employeurs. Plusieurs de ces propositions sont inspirées du rapport de votre collègue Jacques LE GUEN ; elles visent à mieux prendre en compte l'importance du travail saisonnier dans certaines productions agricoles.
Je suis enfin disposé à enrichir ce projet de loi de mesures concernant la montagne, à partir de propositions émanant de la représentation nationale.
CONCLUSION
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Certains d'entre vous m'ont interrogé sur les ordonnances couvrant des champs aussi divers et importants que le statut du fermage, la loi sur l'élevage ou la protection sociale agricole.
Mon intention n'est pas de réduire le débat, sur des questions essentielles pour l'agriculture. Les ordonnances proposées n'ont d'autre but que de simplifier en supprimant certaines dispositions obsolètes ou techniques. Je souhaite que les parlementaires disposent d'un descriptifcompletsurle contenu des mesures de chaque ordonnance pour que votre information soit totale et que vous soyez en mesure de constater par vous même la portée de ces dispositions.
En définitive, pour répondre aux évolutions actuelles et renforcer notre agriculture de demain, le texte présenté offre des outils importants afin d'accroître la compétitivité des secteurs agricole et agroalimentaire.
Nous accompagnerons l'agriculture dans la recherche de nouveaux débouchés, notamment non alimentaires, et soutiendrons le renouvellement des générations pour maintenir vivante notre tradition agricole et dynamiser l'ensemble de nos territoires. L'agriculture marquera ainsi notre engagement en faveur du développement durable, une croissance agricole soucieuse des équilibres écologiques, d'une répartition équitable des fruits de la richesse créée et de territoires intégrés.
Enfin, la simplification des procédures et de l'organisation administratives participera à l'objectif de réforme de l'Etat voulu par le Premier Ministre.
En soumettant ce projet à notre Parlement, le Gouvernement affirme sa confiance dans les atouts de notre agriculture et sa détermination à bâtir selon les vux du Président de la République une " agriculture économiquement efficace et écologiquement responsable ". C'est notre ambition, confiants et certains que les agriculteurs et la Nation tout entière seront fiers de leur agriculture.
Parce qu'elle est notre patrimoine et notre identité, je conclurai en citant " Le laboureur et ses enfants ", autre élément de notre patrimoine : " un trésor est caché dedans ". Ce sont bien entendu le travail des exploitants et ce que nous pouvons faire, ensemble, pour les aider.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 6 octobre 2005)
Mesdames et Messieurs les Députés,
J'ai l'honneur de soumettre aujourd'hui à votre examen le projet de loi d'orientation agricole. Le texte qui vous est présenté est le résultat d'un travail approfondi engagé depuis plus d'un an. Mon prédécesseur, Hervé GAYMARD, avait organisé une large consultation dans chacune des régions, y compris en outre-mer, dont les débats ont permis de recueillir les propositions des élus, celles des responsables des organisations professionnelles et des acteurs du monde rural. Riches et denses, ces travaux ont révélé les attentes et le besoin de tracer de nouvelles perspectives à l'agriculture.
La loi a été ensuite élaborée en concertation avec les représentants des professions et institutionnels grâce aux pistes tracées par la Commission nationale d'orientation qui m'a remis son rapport le 20 décembre 2004. Le projet progressivement élaboré apporte des réponses à l'évolution de l'agriculture et aux préoccupations des exploitants. Mais, cette loi s'adresse naturellement à l'ensemble de la communauté nationale. C'est pourquoi j'ai voulu la présenter au Conseil économique et social, instance représentant les diverses composantes des professions et de la société civile de notre pays. Depuis le 18 mai dernier, date à laquelle elle fut adoptée par le Conseil des Ministres, les discussions se sont poursuivies et ont permis de renforcer significativement le projet qui va être débattu, notamment sur les questions de l'emploi et du foncier.
Enfin, le travail approfondi et constructif réalisé par la Commission des Affaires Economiques présidée par Patrick OLLIER, l'engagement personnel du rapporteur de ce projet de loi, Antoine HERTH et son apport particulièrement efficace et pertinent ont contribué à intégrer de très utiles améliorations à la préparation de nos débats. Les propositions formulées par Jacques LE GUEN dans son rapport remis au Premier Ministre en juin dernier ont permis également de renforcer, sur l'emploi, le projet initialement transmis. Vous ne manquerez certainement pas de l'enrichir à nouveau.
I - Quelle est la genèse de ce texte ? L'agriculture a besoin de perspectives, d'une orientation.
Cette loi d'orientation, le monde agricole l'attend. Pour répondre aux changements de leur environnement international, aux évolutions récentes de la Politique Agricole Commune, aux défis sociaux qui leur sont posés, les agriculteurs français ont besoin d'un cadre législatif et de perspectives claires. Ils ont besoin d'un statut modernisé favorisant leur capacité à entreprendre ; ils attendent des relations mieux structurées entre la production agricole, sa transformation et sa mise en marché ; ils souhaitent davantage de simplification administrative, de confiance, de légitime reconnaissance pour ce qu'ils apportent à nos concitoyens. L'agriculture parfois désorientée a besoin d'orientations.
La loi d'orientation ne répond pas aux seules attentes du monde agricole. Elle renouvelle le lien profond qui, depuis tant d'années, unit les Français à leur agriculture. Elle reconnaît les nouvelles missions et enjeux de l'activité agricole dans une société moderne : enjeux de production et de développement d'une filière agroalimentaire compétitive mais aussi défis énergétiques, environnementaux et de sécurité sanitaire des aliments.
Nous devons affirmer pour l'agriculture française ces nouvelles perspectives. C'est notre devoir parce qu'il existe une exception agricole comme il existe une exception culturelle. Qui douterait d'ailleurs que l'agriculture porte bien plus loin que le monde des exploitants ? Nos espaces, nos paysages, nos aliments façonnent notre identité. " Heureux comme Dieu en France " dit un proverbe de nos amis allemands. Ce ne sont pas seulement des atouts naturels. C'est aussi le travail des hommes et des femmes. Ce sont nos champs de blé, nos vignes, les vergers, les prairies, les forêts. Que seraient nos arts de la table sans la qualité des produits de notre agriculture ? Que serait même notre indépendance sans l'autosuffisance acquise au cours des années de forte croissance ?
Je n'occulte pas les critiques lancées à nos exploitants. Si l'eau vient à manquer du fait de la sécheresse, certains se tournent vers les agriculteurs et non vers le manque de pluviosité. Le modèle de production retenu aux lendemains de la deuxième guerre mondiale a parfois rendu certains équilibres fragiles ; mais nous n'avons plus à souffrir d'un rationnement dont le plus grand nombre de nos concitoyens n'a même plus la mémoire. Alors, certes, il nous faut aujourd'hui équilibrer certains modes de développement. Mais, en quarante ans, l'agriculture française a opéré une mutation sans précédent, sans doute beaucoup plus marquée que dans la plupart des autres secteurs professionnels. Nous avons l'immense atout d'une agriculture qui évolue, innove, s'adapte. Le progrès technique permet pleinement de répondre aux défis d'une agriculture propre. C'est aussi ce contrat entre agriculture et recherche qu'il faut renouveler.
Pour répondre à ce défi, le Président de la République a fixé un cap à Murat, le 21 octobre 2004 , " celui d'une agriculture économiquement forte et écologiquement responsable, une agriculture fidèle à ses traditions, confiante dans sa capacité à se moderniser et à se
renouveler ".
Mesdames et Messieurs les Députés, voilà pourquoi le Gouvernement vous soumet une loi d'orientation. Parce que nous savons quel avenir nous voulons pour la France en matière agricole, pour les exploitants et nos concitoyens : une agriculture économiquement forte qui assure des conditions de vie et de travail satisfaisantes aux exploitants ; une agriculture qui maintienne le haut niveau de confiance de nos compatriotes dans la qualité de ses aliments et respecte la nature. Parce que c'est notre cadre de vie commun. La nature cultivée, c'est une nature respectée.
I - 2 Ces orientations, nous pouvons les envisager en toute confiance. L'agriculture et l'industrie alimentaire françaises disposent d'atouts incontestables que le Premier Ministre a rappelés le 13 septembre dernier à Rennes.
>>> C'est d'abord un secteur essentiel pour notre pays :
- Le monde agricole et agroalimentaire, ce sont 2,5 millions d'emplois en France. Il faut les conforter parce qu'ils représentent près d'un actif sur dix. Mais aussi parce qu'ils couvrent l'ensemble du territoire, y compris dans les zones les plus difficiles comme en montagne, et créent de ce fait d'autres activités et d'autres emplois, partout en France. L'agriculture contribue ainsi à la cohésion de notre nation.
- Le secteur agricole et alimentaire, c'est aussi un moteur de notre dynamisme économique. Deuxième secteur industriel en termes de chiffres d'affaires, il génère un excédent commercial de plus de 8 milliards d' et constitue à ce titre le deuxième poste de notre la balance commerciale. Rappelons nous, notre industrie agroalimentaire est puissante et dynamique parce qu'elle s'appuie en grande partie sur un approvisionnement en productions nationales, à la fois stables et de qualité. C'est le résultat de quarante années d'effort, de modernisation des structures de nos exploitations agricoles et des entreprises coopératives et privées.
>>>L'agriculture, c'est aussi un secteur stratégique :
- Les besoins alimentaires sont croissants avec l'évolution de la démographie mondiale. Notre pays entend assumer sa responsabilité envers le monde, y compris pour aider le décollage agricole des pays en développement. Ses atouts naturels comme sa place dans le monde l'y prédisposent naturellement.
- Deuxième enjeu stratégique, l'autosuffisance alimentaire garantit notre capacité à fixer nos propres normes sanitaires et à contrôler la traçabilité des biens alimentaires. En périodes de crises sanitaires, toujours plus fréquentes, cette exigence de sécurité constitue un enjeu essentiel pour l'avenir. A cet égard, notre modèle agricole correspond sans ambiguïté à un choix de société : le produit agricole n'est un pas un produit comme les autres.
>>> C'est enfin un secteur d'avenir :
- Parmi les pôles de compétitivité retenus par le Gouvernement, quinze sont d'origine agricole et agroalimentaire. La nouvelle Agence Nationale pour la Recherche (ANR) a retenu en première sélection des projets touchant l'agriculture durable. Dans le domaine des sciences du vivant, l'Institut National de la Recherche Agronomique se positionne comme un des établissements de recherche leader dans le monde. La chimie verte, la thérapie génique sont autant de domaines ouverts qui apporteront des réponses sur des enjeux essentiels pour l'avenir de notre société.
- L'avenir est aussi dans la diversité des sources d'énergie. Et l'agriculture, à travers les bioénergies, offre une alternative aux énergies fossiles. Première productrice de cette " énergie verte ", l'agriculture française doit valoriser fortement ces perspectives. Les mesures gouvernementales sur l'incorporation de biocarburants concrétisent déjà cette alternative mais celle-ci va constituer une orientation de plus en plus marquée du fait du renchérissement et de l'épuisement des énergies fossiles dans le monde.
- Au-delà de l'énergie, c'est l'ensemble des usages non-alimentaires qui doit être pris en considération tant les produits agricoles peuvent répondre aux attentes nouvelles des autres secteurs tels que la chimie, la construction, etc.
II - Quel est l'esprit du projet de loi : dans un contexte international et communautaire en évolution, l'Etat accompagne l'agriculture française. Il complète ainsi au niveau national grâce à la loi d'orientation agricole l'action engagée hors de nos frontières.
II - 1 Le projet de loi marque une nouvelle étape de l'action des pouvoirs publics.
Les lois fondatrices de 1960 accompagnaient la construction communautaire en définissant un cadre stable pour l'exercice de l'activité agricole. Elles ont donné un statut fiscal, social et économique à l'exploitation agricole ; elles ont organisé le statut du fermage et favorisé le progrès technique en agriculture. Elles intervenaient dans une Europe à six en construction, dans une France très rurale en voie d'industrialisation rapide.
- Le projet de loi d'orientation s'inscrit dans la continuité de cette action mais il prend en compte un nouveau contexte international et la réforme de la PAC intervenue en 2003.
- Il reconnaît la diversification accrue des formes d'exploitations depuis 40 ans, ainsi que l'émergence des exigences nouvelles de nos concitoyens vis-à-vis des activités agricoles, notamment au cours des 15 dernières années.
Son ambition est de contribuer à maintenir une agriculture et une industrie alimentaire françaises efficaces et performantes, répondant aux besoins de notre société et concourant à la richesse de notre économie. Agir pour l'agriculture, c'est agir pour la croissance et l'emploi. C'est agir, au-delà du monde agricole et rural, pour l'avenir de notre pays, de son dynamisme économique et de l'attrait de ses régions.
II - 2 La loi s'inscrit en cohérence avec nos actions pour l'agriculture sur le plan international ou de la politique agricole commune.
>>> Notre action vise d'abord à réaffirmer, comme le Président de la République l'a fait de manière solennelle hier, auprès de la Commission, le mandat qui lui a été assigné dans le cadre des négociations internationales à l'OMC Notre position est claire, fondée sur nos lignes rouges :
- aucune remise en cause par de nouvelles concessions n'est envisageable ;
- l'enjeu prioritaire est le maintien de la préférence européenne ;
- nous ne renoncerons aux soutiens à l'exportation, que si les autres pays font de même et en apportent la preuve, comme le Premier Ministre l'a rappelé le 13 septembre dernier à Rennes.
Par ailleurs, le découplage est un effort important consenti en 2003 par l'Union européenne. Les marges de manoeuvre ainsi dégagées doivent être valorisées au mieux dans la négociation de l'OMC. Cette réforme de la PAC, issue du double accord de 2002 et 2003, ne saurait d'aucune manière être remise en cause. Le mandat de la Commission le précise explicitement et nous veillons, avec nos partenaires, au strict respect de ce point fixe des négociations.
- La France a fait il y quarante ans un choix stratégique, le choix de la PAC
Nous devons le conforter parce que la PAC s'est construite sur des principes qui restent d'actualité : la création d'un grand marché intérieur unifié, la préférence européenne et la solidarité financière.
Ce choix a entraîné une modernisation remarquable de notre agriculture. Celle-ci doit continuer à appuyer son développement sur les avantages d'une politique agricole commune désormais à 25 :
- l'agriculture française bénéficie de l'existence d'un marché intérieur de plus de 450 millions d'habitants ;
- le retour annuel de la PAC pour l'agriculture française s'élève à près de 10 Mds par an. La pérennité des financements est assurée jusqu'en 2013, grâce à l'accord obtenu par le Président de la République en 2002. Cet accord a été possible car la France a accepté la réforme de la PAC de 2003.
- La PAC est un choix d'avenir pour notre société. Elle a été le ciment de la construction communautaire, et a su continuellement s'adapter pour répondre aux nouvelles attentes de la société. Elle est en phase, aujourd'hui, avec les préoccupations environnementales et de sécurité sanitaire des aliments.
Ce cadre reste pertinent et nous voulons le consolider dans la négociation sur les perspectives financières. La France défend avec détermination le budget tel qu'il résulte de l'accord de 2002 ; il s'agit de notre point dur dans la négociation.
Pour autant, nous devons développer une stratégie d'initiative pour préparer l'après 2013. Je présenterai, à la fin de l'année, un mémorandum à la Commission comme me l'a demandé le Premier Ministre le 13 septembre dernier. Il soulignera les enjeux pour la profession agricole d'une meilleure régulation des marchés et avancera des propositions : la régulation des marchés doit passer par des voies nouvelles s'appuyant davantage sur les interprofessions, la contractualisation, des systèmes de peréquation. Elle requiert un examen approfondi, y compris en terme de droit de la concurrence. Cette initiative aura également pour but de conforter notre vision de l'agriculture en gagnant l'adhésion de nos partenaires les plus proches de notre position.
III - Dans cet objectif, le projet de loi d'orientation fait le choix d'accompagner l'effort nécessaire d'adaptation et de modernisation de l'agriculture française
Le projet de loi d'orientation agricole vient compléter l'action menée sur le plan international et communautaire en offrant à l'agriculture les moyens d'être plus performante et plus efficace et de mieux répondre à la demande.
- Nous baliserons, ainsi, dans un monde en évolution rapide un chemin pour les exploitants. Ils disposent, par ailleurs, de l'assurance qu'apporte jusqu'en 2013 le double accord européen de 2002 et 2003 pour préparer l'avenir.
- Ce projet affiche avec conviction son dessein de consolider l'activité économique agricole et conforte la vision positive de la fonction productive de l'agriculture. Il dépasse le principe d'un modèle unique de l'agriculture fondée sur l'exploitation familiale à deux Unités de Travail Homme - deux UTH - et propose, au contraire, différentes voies pour l'agriculture. Dans ce cadre, il souligne la multifonctionnalité de l'agriculture et sa contribution à des services non marchands en termes d'occupation des espaces et de préservation de l'environnement. Enfin, il prend en compte les attentes de la société en matière de sécurité sanitaire et d'environnement et de qualité des produits.
Redonner des marges de manuvre à l'agriculture pour lui permettre de conserver son efficacité économique, c'est le meilleur moyen pour qu'elle reste présente sur nos territoires et continue à créer des emplois.
La loi d'orientation agricole est fondée sur un triple impératif : économique, environnemental et sanitaire.
Elle prolonge l'action engagée par le Gouvernement en faveur des agriculteurs au cours des derniers mois, notamment pour sécuriser leurs revenus. Nous sommes déterminés à aller plus loin grâce à la loi d'orientation agricole.
III - 1 Premier impératif, un impératif économique : la défense de notre modèle agricole, de nos industries agro-alimentaires et de notre indépendance alimentaire nécessite un secteur et des entreprises efficaces et performantes
>>> Des entreprises puissantes fondées sur la valorisation de la démarche d'entreprise De plus en plus, les formes d'exploitation se sont diversifiées en faisant place, en particulier, aux formes sociétaires.
La nécessité se fait sentir par ailleurs d'appréhender globalement l'ensemble des facteurs de production, en tant qu'entité économique capable de dégager un revenu. Le projet de loi vise à encourager la formation d'exploitations organisées autour d'une démarche d'entreprise, en conservant la responsabilité personnelle.
C'est pourquoi il crée le fonds agricole et introduit la cessibilité du bail rural. Le bail cessible permettra à un exploitant de transmettre globalement une exploitation hors cadre familial. Cette possibilité supposera le libre choix entre les parties ; elle ne se substitue pas au bail rural classique.
Le fonds agricole permettra, quant à lui, de mieux reconnaître la valeur du travail agricole, et de mieux distinguer la valeur patrimoniale de la valeur économique de l'exploitation agricole. Il ne renchérit pas le coût des cessions : il ne crée, en effet, aucune valeur nouvelle mais identifie les éléments de la valeur économique de l'exploitation existant aujourd'hui sans reconnaissance juridique, tout spécialement dans les exploitations individuelles. A l'initiative de votre Commission des Finances, il bénéficie d'une neutralité fiscale.
Pour promouvoir la forme sociétaire, le projet de loi permet aux associés d'EARL de conserver leur statut fiscal de type personnel en dehors du cadre familial. Le Premier Ministre a annoncé le 13 septembre la suppression de la cotisation de solidarité pour les associés non exploitants. Cette disposition sera intégrée dans le projet du Gouvernement au moment de l'examen parlementaire.
Tenant compte de l'évolution des structures d'exploitation, le projet de loi introduit deux dispositions que je voudrais mentionner ici :
- le contrôle des structures est simplifié. Nous avons trouvé un point d'équilibre entre les différentes parties, en permettant d'exonérer du contrôle les opérations portant sur des liens de familles et en relevant les seuils d'opérations soumises à contrôle.
- un mécanisme fiscal d'incitation à la transmission progressive est instauré.
Enfin, le projet de loi apporte une réponse aux difficultés réelles d'exercice de ce métier : il favorise par un crédit d'impôt le remplacement pour congé des agriculteurs dans le cas où leur activité nécessite une présence quotidienne sur l'exploitation.
>>> Des marchés efficaces sur lesquels l'équilibre entre producteurs et aval est assuré Cette orientation doit manifester en premier lieu notre objectif de sécuriser les revenus des exploitants. C'est une nécessité à un moment où les instruments communautaires de régulation sont profondément modifiés pour répondre aux nouvelles règles du commerce international. A l'intérieur des marges de manoeuvre autorisées par le cadre communautaire, le Gouvernement privilégie notamment le renforcement de l'offre, la gestion des risques et la baisse des charges.
Sécuriser les revenus, c'est souvent renforcer l'organisation des filières :
- les missions des interprofessions seront étendues de manière à leur permettre d'intervenir dans la promotion de nouveaux débouchés, ou la gestion des crises ;
- la contractualisation sera encouragée, dans la mesure où elle permet une relation plus équilibrée entre l'amont et l'aval ;
- la coopération agricole, qui a un rôle essentiel à jouer dans l'équilibre des filières, bénéficiera d'un statut modernisé. Des responsabilités nouvelles seront confiées à un Haut Conseil de la Coopération et les relations financières avec les adhérents coopérateurs sont améliorées.
Sécuriser les revenus, c'est encore développer les outils de gestion des risques, qu'ils soient climatiques ou conjoncturels. Le projet de loi favorise le développement de l'assurance récolte, et revalorise les plafonds applicables à la déduction pour investissement et à la dotation pour aléas.
C'est enfin baisser les charges. A la suite du Président de la République dans son discours de Murat, le Premier ministre a décidé la diminution progressive de la taxe sur le foncier non bâti pour les exploitants agricoles. Cette baisse de 20% sera mise en uvre dès 2006 par la loi de finances ; elle représente 140 M intégralement compensés par l'Etat aux communes.
>>> Un environnement administratif simplifié qui valorise l'acte de production Comme l'a rappelé le Premier ministre, il est nécessaire d'aller vers plus de simplification. C'est un axe prioritaire de ma politique. Les exploitants doivent se concentrer sur l'essentiel, produire.
Le projet de loi crée ainsi l'agence unique de paiement pour les aides du premier pilier ; celles du second pilier seront versées par le CNASEA. Le dispositif de développement agricole sera modernisé.
La performance économique renforcée concourra à créer des emplois pour lesquels des dispositions spécifiques sont également proposées.
III - 2 Un impératif sanitaire
>>> L'agriculture doit répondre aux nouvelles exigences de la société en terme de sécurité sanitaire des aliments Le projet de loi complète le dispositif de sécurité sanitaire des aliments en confiant l'évaluation du risque lié aux fertilisants et produits phyto-sanitaires à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments.
>>> La qualité des produits doit être valorisée en étant plus lisible sur le marché Il cherche également à améliorer la lisibilités des signes de qualité pour le consommateur et crée un institut de la qualité.
Cette recherche de la qualité, nos compatriotes la demandent et veulent en être informés. Faut-il faire référence à Hippocrate pour rappeler ce que chacun sait aujourd'hui : " l'alimentation sera ta médecine " affirmait-il déjà. Car, une alimentation saine, sûre, équilibrée est le fondement de la santé.
III - 3 L'impératif environnemental : un impératif d'avenir
Nos compatriotes attendent des signes clairs du respect de l'environnement par les exploitants. Nous voulons répondre à leurs attentes et conforter la mutation des modes de production déjà engagée par la profession, notamment dans le cadre de la nouvelle Politique Agricole Commune.
L'agriculture biologique sera encouragée au travers d'un crédit d'impôt pour les agriculteurs ayant achevé leur conversion.
Le projet de loi instaure la possibilité de conclure un bail comportant des clauses environnementales dans certains territoires à enjeux.
>>> Le développement des bioénergies répond à notre préoccupation pour l'environnement tout en offrant des perspectives d'avenir pour la production agricole. En effet, l'agriculture a une carte à jouer dans le développement de l'utilisation de la biomasse. Nous en sommes encore aux débuts mais ce sujet est sans doute l'enjeu stratégique majeur des prochaines années. Conscient de cet enjeu, le Gouvernement en a fait un axe fort du projet de loi.
L'article 11 prévoit que le Gouvernement ouvre la possibilité à la production agricole et forestière de participer aux bilans et mécanismes de marché destinés à mettre en uvre nos engagements internationaux en matière de lutte contre l'effet de serre.
Au delà de l'impact attendu sur le plan environnemental, il s'agit aussi pour l'agriculture de conquérir de nouveaux débouchés non alimentaires et donc de se créer des marchés.
>>> L'agriculture doit miser sur l'innovation et la recherche Le projet de loi d'orientation agricole habilite le Gouvernement à adapter par ordonnance l'organisation du dispositif génétique français. Les éleveurs ont été associés aux travaux relatifs à la révision de la loi sur l'élevage de 1966. Je souhaite, en effet, que, dans le cadre du nouveau contexte communautaire, nous répondions à leurs besoins. Il s'agit d'une grande ambition, car cette réforme doit simplifier et adapter le dispositif au droit communautaire, tout en préservant la diversité des ressources génétiques des animaux. Nous devons à présent la finaliser, afin que l'ordonnance soit publiée dans les jours qui suivront la parution de la loi.
IV - Mesdames et Messieurs les Députés, j'ai évoqué en introduction les concertations qui ont suivi l'adoption en Conseil des Ministre de ce texte. C'est pourquoi je me dois de vous présenter les améliorations envisagées. Les modifications portent notamment sur le foncier et l'emploi : elles sont le fruit des discussions qui se sont poursuivies avec les organisations agricoles, mais aussi avec les rapporteurs et bon nombre d'entre vous.
Concernant le foncier, les conflits d'usage entre culture et d'autres activités ou objectifs sont vifs. Le débat parlementaire pourrait être l'occasion, comme je m'y étais engagé devant le Comité Economique et Social, de renforcer la prise en compte de l'agriculture dans les documents d'urbanisme.
Quant à l'emploi, nous sommes en mesure d'étoffer le projet de loi. Agir pour l'agriculture, c'est aussi agir pour l'emploi, priorité du Gouvernement conduit par Dominique de VILLEPIN. L'objectif est d'alléger le coût total de l'emploi, d'améliorer la rémunération et donc le pouvoir d'achat, mais aussi d'accroître la sécurité de l'emploi.
Le Gouvernement proposera ainsi la création d'un contrat jeune saisonnier agricole, la mise en place d'une incitation à la conversion de contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, enfin une mesure en faveur des groupements d'employeurs. Plusieurs de ces propositions sont inspirées du rapport de votre collègue Jacques LE GUEN ; elles visent à mieux prendre en compte l'importance du travail saisonnier dans certaines productions agricoles.
Je suis enfin disposé à enrichir ce projet de loi de mesures concernant la montagne, à partir de propositions émanant de la représentation nationale.
CONCLUSION
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Certains d'entre vous m'ont interrogé sur les ordonnances couvrant des champs aussi divers et importants que le statut du fermage, la loi sur l'élevage ou la protection sociale agricole.
Mon intention n'est pas de réduire le débat, sur des questions essentielles pour l'agriculture. Les ordonnances proposées n'ont d'autre but que de simplifier en supprimant certaines dispositions obsolètes ou techniques. Je souhaite que les parlementaires disposent d'un descriptifcompletsurle contenu des mesures de chaque ordonnance pour que votre information soit totale et que vous soyez en mesure de constater par vous même la portée de ces dispositions.
En définitive, pour répondre aux évolutions actuelles et renforcer notre agriculture de demain, le texte présenté offre des outils importants afin d'accroître la compétitivité des secteurs agricole et agroalimentaire.
Nous accompagnerons l'agriculture dans la recherche de nouveaux débouchés, notamment non alimentaires, et soutiendrons le renouvellement des générations pour maintenir vivante notre tradition agricole et dynamiser l'ensemble de nos territoires. L'agriculture marquera ainsi notre engagement en faveur du développement durable, une croissance agricole soucieuse des équilibres écologiques, d'une répartition équitable des fruits de la richesse créée et de territoires intégrés.
Enfin, la simplification des procédures et de l'organisation administratives participera à l'objectif de réforme de l'Etat voulu par le Premier Ministre.
En soumettant ce projet à notre Parlement, le Gouvernement affirme sa confiance dans les atouts de notre agriculture et sa détermination à bâtir selon les vux du Président de la République une " agriculture économiquement efficace et écologiquement responsable ". C'est notre ambition, confiants et certains que les agriculteurs et la Nation tout entière seront fiers de leur agriculture.
Parce qu'elle est notre patrimoine et notre identité, je conclurai en citant " Le laboureur et ses enfants ", autre élément de notre patrimoine : " un trésor est caché dedans ". Ce sont bien entendu le travail des exploitants et ce que nous pouvons faire, ensemble, pour les aider.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 6 octobre 2005)