Interview de M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche, à "RTL" le 6 octobre 2005, sur le projet de loi d'orientation agricole, sur le virus de la grippe aviaire, sur l'élection de Jean-Pierre Raffarin au Sénat.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q- Jean-Michel Aphatie : Dominique Bussereau, bonjour.
R- Dominique Bussereau : Bonjour, Jean-Michel Aphatie.
Q- Jean-Michel Aphatie : Vous avez participé, hier matin, comme tous les mercredis matin, au Conseil des Ministres.
R- Dominique Bussereau : A 10 heures.
Q- Jean-Michel Aphatie : Vous avez noté, comme tous vos collègues ministres, l'absence de Nicolas Sarkozy, officiellement cloué au lit par une méchante migraine. Migraine physique ou migraine politique, Dominique Bussereau ?
R- Dominique Bussereau : La migraine, ça arrive à chacune et chacun d'entre nous. En plus, quand on est dans la vie politique, on a un rythme un peu infernal. Donc, je crois que Nicolas Sarkozy a souffert de ce dont souffrent beaucoup de français.
Q- Jean-Michel Aphatie : Vous avez déjà loupé des Conseils de Ministres pour
des migraines ?
R- Dominique Bussereau : Non. Mais j'ai loupé pour des déplacements à l'étranger pour des raisons X ou Y que le président de la république m'avait autorisé à mettre en avant. C'est, en général, parce qu'on est à l'étranger, parce qu'on est au Parlement que l'on ne va pas au Conseil des Ministres. Mais il peut y avoir un incident de santé, ça arrive à chacune et chacun d'entre nous
Q- Jean-Michel Aphatie : Vous avez déjà noté, pour Nicolas Sarkozy, une absence due à un problème de santé, justement, dans le Conseil des Ministres depuis 2002 ?
R- Dominique Bussereau : Non.
Q- Jean-Michel Aphatie : C'est la première fois ?
R- Dominique Bussereau : D'abord, parfois il y a des ministres qui sont absents au Conseil, on ne sait pas pourquoi. Seul, le sait le président de la république auprès duquel ils se sont, par écrit, dûment excusés.
Q- Jean-Michel Aphatie : Mais, vous vous renseignez ? Vous dites : "tiens, mon copain, pourquoi il n'est pas là ?"
R- Dominique Bussereau : Non. Vous savez, la géographie du Conseil des Ministres est à géométrie variable puisque le plan de table change chaque semaine et, en fonction de la place que l'on a, on se doute du ministre qui est en déplacement, qui est à l'étranger. Voilà, je crois que c'est quelque chose sur laquelle il ne faut pas passer la journée.
Q- Jean-Michel Aphatie : Alors, dernière question tout de même. N'est-ce pas un problème qu'un ministre de l'Intérieur puisse être ainsi empêché physiquement - dans une période de tensions que l'on connaît - de participer à des rendez-vous institutionnels ?
R- Dominique Bussereau : Le Conseil des Ministres, c'est un moment important mais on peut comprendre que l'on soit absent. Jean-Pierre Raffarin, qui est un homme de grand talent et d'une grande résistance - il l'a montré pendant 3 ans, pas pendant sa période à Matignon, a longtemps souffert de migraines - il a trouvé, un jour, le traitement qu'il fallait. Voilà. Et puis, on n'en n'a pas fait un drame et il a, pendant 3 ans, assumé ses fonctions. Donc, je souhaite à Nicolas Sarkozy un prompt rétablissement.
Q- Jean-Michel Aphatie : Vous présentez, depuis hier, à l'Assemblée Nationale, un projet de loi d'orientation agricole. Ce projet de loi est censé moderniser l'agriculture française et l'adapter au défi des prochaines années. Dans "Le Figaro économie" d'hier, on lisait ceci, à propos des agriculteurs : "ils sont endettés, isolés, ils sont devenus, par la force des choses, des chasseurs de subventions. Ils souffrent profondément du désamour des français pour le secteur agricole". Votre loi ne changera pas beaucoup cette situation, Dominique Bussereau.
R- Dominique Bussereau : Les agriculteurs français ont fait quelque chose de formidable. En un demi siècle, ils ont réussi à devenir la première agriculture au monde pour l'exportation de produits non transformés. Et la deuxième au monde pour l'exportation pour les transformés.
Tout ça, en étant de moins en moins nombreux. Ils assurent notre auto-suffisance alimentaire. Ils font de nous une grande puissance exportatrice : il y a 15% des français qui travaillent grâce à l'agriculture par les industries agro-alimentaires. Ils préservent notre environnement et ils font de nous la première nation touristique parce qu'ils entretiennent le paysage.
Q- Jean-Michel Aphatie : Et là, c'est un secteur en déclin ?
R- Dominique Bussereau : Ce n'est pas du tout un secteur en déclin ! Je vais vous dire un chiffre : les exportations, par exemple de vin et de spiritueux français représentent, chaque année, l'équivalent d'une centaine d'Airbus et de 400 T.G.V. Quand on a un marché d'Airbus ou de T.G.V., ça fait la "une" de votre journal du matin. Quand on vend tous les ans du vin et du Cognac ou d'autres produits, ça ne le fait pas.
Donc, les agriculteurs ont besoin d'être aidés parce que c'est un métier difficile : la loi va essayer de les y aider. On ne fait pas les 35 heures, on ne fait pas les R.T.T. Quand on est agriculteur, éleveur - j'ai entendu votre journal de 7 heures : c'est 365 jours par an - et donc, il faut aider les agriculteurs à sortir de conditions de vie difficiles, à aider leurs revenus. Et ma loi a simplement pour objectif d'y participer et de leur donner des outils pour le faire.
Q- Jean-Michel Aphatie : En quoi ? Qu'est-ce que vous leur apportez avec cette loi ? Encore une loi ! Il y a toujours une loi !
R- Dominique Bussereau : La dernière date d'il y a 6 ans. Elle avait été présentée par la majorité précédente - par Jean Glavany - elle n'était d'ailleurs pas sans intérêt. On évolue. La P.A.C. a évolué : vous savez que la nouvelle Politique Agricole Commune, ce n'est plus une aide directe à la production, c'est une aide directe par le découplage au maintien de l'activité économique de l'agriculteur avec des règles nouvelles de conditionnalité, d'hygiène, etc. Il faut qu'on essaie de donner aux agriculteurs les moyens de s'adapter.
L'entreprise agricole, on la connaît bien. C'était quoi, en général : c'était le mari et la femme. Maintenant, c'est souvent des associés, des gens qui viennent de l'extérieur de l'agriculture. Une forme de plus en plus entrepreneuriale. Donc, nous aidons, avec cette loi, l'entreprise agricole à devenir une entreprise comme les autres avec un statut, tout en maintenant son caractère familial auquel les français sont très attachés.
Q- Jean-Michel Aphatie : Et ça facilite quoi? Les transmissions, par exemple ?
R- Dominique Bussereau : Oui, ça facilite les transmissions qui sont difficiles. Ca facilite l'usage du foncier. Ca permet aussi aux jeunes de s'installer. On parlait tout à l'heure, sur votre antenne, du "crédit remplacement". Il y a aussi, dans cette loi, "un crédit transmission" pour permettre à un jeune, plus facilement, de remplacer son aîné.
Chaque année - je vois dans mon département, en Charente-Maritime - il y a, à peu près, une centaine de jeunes qui s'installent. Ce n'est pas rien, mais ce n'est pas encore assez. Nous essayons, par cette loi, de les aider à pouvoir s'installer.
Q- Jean-Michel Aphatie : On parle beaucoup du virus de la grippe aviaire. On dit que ça pourrait menacer nos élevages de volailles, que le virus pourrait rentrer, par cette intermédiaire, dans notre pays. La menace est importante selon vous, Dominique Bussereau ?
R- Dominique Bussereau : La menace est réelle. Elle est d'abord présente en Asie-du-Sud-Est. C'est là où il y a des morts d'hommes et des transmissions. On a vu ces volatiles arriver vers la barrière sibérienne - enfin, dépasser la barrière sibérienne, arriver à l'Oural.
Le problème est de savoir si, au printemps, quand les oiseaux bougent, migrent, ça risque d'arriver chez nous. Pour le faire, nous avons pris des précautions maximums qui consistent à protéger nos élevages, à mettre tout notre réseau vétérinaire en alerte, à faire en sorte que les oiseaux, les volatiles, dans les élevages, ne mangent pas dehors, etc.
Donc, nous sommes en alerte. Toutes les précautions sont prises. C'est fait en France et, naturellement, au niveau européen parce que les oiseaux ne connaissent pas vraiment nos frontières.
Q- Jean-Michel Aphatie : Pour l'instant, on n'a rien noté, en France ou dans les pays environnant qui serait synonyme d'alerte ?
R- Dominique Bussereau : Non. On a eu, au printemps dernier, en avril, en Vendée, une alerte sur un élevage de canards. Mais ce n'était pas le virus dont on parle. C'était un virus dérivé, moins puissant, et on a fait ce qu'il faut faire dans ces cas-là : on a éradiqué l'élevage. On a pris tout de suite les précautions qu'il fallait.
Q- Jean-Michel Aphatie : Cette fois, le virus ne s'arrêtera pas aux frontières comme le nuage de Tchernobyl. La transparence, les vérités seront dites quand il faudra les dires ?
R- Dominique Bussereau : Si on veut lutter contre ce mal, il faut le faire dans la transparence. On a besoin que tout le monde soit mobilisé : les chasseurs, les éleveurs, les élus, le réseau sanitaire, le réseau de santé autour du ministre de la Santé, Xavier Bertrand. Voilà.
Dominique de Villepin a réuni plusieurs fois le gouvernement autour de ça. Le président de la république nous a alertés et nous sommes en alerte, mais il ne faut pas non plus s'affoler à l'avance. Les précautions qu'il faut prendre sont prises. On ne permet plus à quelqu'un qui arrive de Russie, par avion, d'arriver avec un poulet, ou d'Asie, etc. On est très prudent dans tous les domaines.
Q- Jean-Michel Aphatie : Il paraît - on nous a dit - que Jean-Pierre Raffarin était rentré au Sénat, mardi. Mais on ne l'a pas vu, on ne l'a pas entendu. Alors, vous confirmez, Dominique Bussereau ?
R- Dominique Bussereau : Je confirme. D'abord, si vous étiez allé au Sénat.
Q- Jean-Michel Aphatie : Je n'y ai pas été, ça c'est vrai !
R- Dominique Bussereau : Vous l'auriez rencontré, Jean-Michel Aphatie. Il a assisté, en pleine forme, à des débats. Il est heureux d'avoir été élu sénateur. Il a été bien réélu dans son département.
Q- Jean-Michel Aphatie : Qu'est-ce qu'il va faire, maintenant ? Il ne va pas rester au Sénat, il va s'ennuyer ?
R- Dominique Bussereau : D'abord, on ne s'ennuie pas au Sénat. Vous savez que c'est une assemblée qui légifère très bien et qui prend son temps pour le faire avec beaucoup de qualités.
Il va faire deux choses. La première, c'est assumer son mandat. Il est aujourd'hui sénateur : il représente des hommes et des femmes qui l'ont élu dans la Vienne, il va assumer ses responsabilités.
Et, deuxièmement, il va aider le gouvernement de Dominique de Villepin - c'est ce qu'il a dit. Il sera un peu avare de ses propos publics parce qu'il ne veut pas, en permanence, interférer dans l'action gouvernementale. Mais son travail et sa mission, c'est d'aider le président de la république et d'aider le premier ministre à réussir le quinquennat, et à réussir le mandat de Dominique de Villepin.
Q- Jean-Michel Aphatie : Vous n'avez pas la migraine à l'issue de notre entretien ?
R- Dominique Bussereau : Moi, j'aime beaucoup RTL. C'est une radio qui maintient en bonne santé.
Jean-Michel Aphatie : Et bien, formidable ! Dominique Bussereau, ministre en pleine santé, était l'invité de RTL, ce matin. Bonne journée.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 octobre 2005)