Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais tout d'abord vous dire tout le plaisir que j'ai en tant que ministre en charge de l'écologie, à me retrouver au sein d'un comité qui fête ses 40 ans d'activités dans le domaine de l'eau et de l'environnement.
Si j'ai tenu à être présente parmi vous aujourd'hui, c'est parce que ce comité constitue un excellent exemple de lieu de discussions et d'échanges entre l'ensemble des acteurs du domaine de l'eau.
Je souhaite en effet à l'occasion de cette première rencontre, être à votre écoute sur les grands sujets d'actualité et notamment le projet de loi sur l'eau.
Je sais que l'examen des projets de texte sur l'eau se situe au cur de vos missions et que vous vous y consacrer de deux façons. Il s'agit tout d'abord de contribuer à la transparence de la politique de l'eau, grâce à vos débats d'orientation. Mais vous allez plus loin, puisque vous devez également assurer que les textes relatifs à l'eau contribuent à un équilibre entre les différents usages à la préservation des milieux aquatiques.
Les chiffres illustrant vos travaux sont éloquents puisque votre comité qui comporte 81 membres s'est réuni 56 fois depuis la loi sur l'eau de 1992. le rythme de vos réunions s'est d'ailleurs accéléré au cours des 4 dernières années, en liaison avec la préparation de la loi sur l'eau.
Je mesure à sa juste valeur la part importante que le Comité national de l'eau a prise dans l'élaboration du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques.
Je me félicite pour ma part de la qualité des débats au Sénat sur le projet adopté par la Haute assemblée le 14 avril dernier.
L'examen des 693 amendements, dont 231 adoptés, a apporté des améliorations significatives notamment en matière de protection des milieux aquatiques, de fonctionnement des services d'eau potable ou d'assainissement ou d'organisation institutionnelle.
En matière de protection des rivières, je considère qu'un compromis acceptable a été trouvé entre la nécessaire sauvegarde des continuités écologiques et des écosystèmes pour atteindre le bon état requis par la directive cadre, et le non moins nécessaire développement de l'hydroélectricité pour la lutte contre l'effet de serre.
Je veillerai à ce que cet équilibre soit maintenu lors des examens ultérieurs.
En matière de gestion quantitative des ressources en eau, le projet de loi renforce les dispositifs de gestion collective.
J'en profite pour indiquer qu'à l'instar de mon prédécesseur et du Sénat, je n'ai pas d'a priori sur la mobilisation de nouvelles ressources en eau, comme d'ailleurs la suppression d'ouvrages, dès lors que celle ci s'inscrit dans une problématique de développement durable et d'amélioration globale de l'état des bassins versants.
En matière de lutte contre les pollutions diffuses, le projet issu du Sénat doit permettre à nos agriculteurs de s'adapter aux contraintes imposées par la directive cadre.
Ainsi, il prévoit la mise en uvre de plans d'actions concertés par bassins versants pour modifier les pratiques agricoles, et notamment la possibilité de rendre certaines d'entre elles obligatoires lorsque la concertation aura été jugée suffisante, selon la méthode de l'extension de règle bien connue du monde agricole.
A ce sujet, mon prédécesseur a lancé à titre expérimental en février dernier un appel à projet qui devrait m'amener a sélectionner une quinzaine de projets pilotes à l'automne. Dès à présent, les premiers dossiers reçus sont particulièrement prometteurs.
Par ailleurs, en ce qui concerne les pesticides, le projet de loi comprend de nombreuses mesures, notamment en matière de traçabilité ou de normalisation et de contrôle des appareils de pulvérisation.
Il prévoit également la création d'une redevance spécifique des agences de l'eau pour ce type de produit, et d'une incitation aux bonnes pratiques.
En ce qui concerne les nitrates, la réglementation actuelle, issue de la directive européenne les concernant me semble d'ores et déjà assez complète et devrait permettre de restaurer la qualité de l'eau vis à vis de ce paramètre. Encore faut-il l'appliquer totalement. Et c'est bien ce à quoi je vais m'atteler.
Par contre, l'instauration d'une redevance sur les engrais ne s'impose pas à mes yeux dès lors que les règles de l'éco-conditionnalité sont pleinement appliquées. En effet, à terme, les montants en jeu en matière de réduction des aides de la PAC sont nettement supérieurs à ceux qui seraient visé par une éventuelle redevance.
Les communes et leurs syndicats doivent trouver dans le projet de loi les moyens d'améliorer la transparence du fonctionnement des services d'eau et d'assainissement. Par ailleurs, le Sénat a ouvert des pistes nouvelles en matière de maîtrise de l'assainissement non collectif qu'il convient d'approfondir. Il a également conforté le rôle des départements, mais dans un sens qui fait encore débat.
Les missions des agences de l'eau sortent renforcées et mieux orientées vers les objectifs de la directive cadre, le Sénat ayant souligné également leur rôle en matière de solidarité envers le monde rural suite à la suppression du fonds national pour le développement des adductions d'eau (FNDAE). Le dispositif des redevances bénéficiera avec ce projet de loi d'un socle constitutionnel non contestable.
Le Sénat a entériné le projet de création de l'office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA). Je m'en réjouis car ce projet de rénovation du conseil supérieur de la pêche est indispensable pour conforter l'action publique dans la mise en uvre de la directive cadre.
Enfin le projet de loi donne aux collectivités piscicoles les moyens de gérer en toute autonomie leur activité.
Je m'attacherai à ce que la première lecture à l'Assemblée nationale ait lieu dans les meilleurs délais possibles, compte tenu du programme très chargé du Parlement. D'ici là je serai particulièrement attentif à vos propositions d'améliorations du texte en liaison étroite avec les rapporteurs Messieurs FLAJOLET et SIDO.
Comme je l'ai indiqué, ce projet de loi contribuera à l'atteinte d'un objectif plus global qui est celui du bon état des eaux en 2015, conformément à la directive cadre européenne sur l'eau.
A ce jour, l'objectif de bon état écologique des eaux n'est atteint actuellement que sur environ la moitié des points de suivi de la qualité des eaux superficielles.
Cet objectif peut paraître ambitieux, mais c'est un cap clair et précis qui s'inscrit totalement dans une politique de développement durable : plutôt prévenir et avoir un milieu naturel en bon état, que guérir et avec des coûts de traitement de l'eau de plus en plus onéreux.
Reconquérir la qualité des eaux dans le milieu naturel, c'est s'assurer que, demain, l'ensemble des usages de l'eau pourra être satisfait.
D'une part c'est permettre de produire de l'eau potable à moindre coût, d'autre part c'est permettre le développement d'activités économiques. Enfin c'est permettre le développement d'activités de loisir comme la pêche ou la baignade.
C'est en ce sens que la loi sur l'eau française de 1992 avait érigé l'eau en " patrimoine commun de la nation ". Car c'est un bien précieux et limité. On le mesure bien en cette période où l'on constate déjà une sécheresse qui dans certaines régions françaises est plus importante que celle de 1976 à même époque. Heureusement depuis lors, de nombreuses mesures ont été prises et nous sommes mieux préparés à ce type d'évènement. En effet, qu'il s'agisse de sécheresse ou d'inondations l'expérience nous a appris que l'anticipation est la clé d'une action efficace.
La directive consacre également l'implication et la participation du public dans le processus de définition de la politique locale de l'eau. Il s'agit là de dépasser le public des professionnels pour toucher le grand public.
Une grande campagne télévisée de communication sur l'eau est en cours, sous la forme de programmes courts. Fin juin, à l'issue de cette campagne, 22 millions de téléspectateurs auront vu le message en moyenne six fois. C'est considérable, mais nécessaire si nous voulons que les Français se réapproprient les enjeux de l'eau. Cette campagne, au-delà de la sensibilisation aux enjeux de l'eau, doit amener les Français à participer à la grande consultation sur l'eau qui est lancée depuis le 2 mai et pour une durée de 6 mois.
Enfin, la phase d'analyse, prévue par la directive cadre, vient de s'achever avec la transmission à Bruxelles de la synthèse des états des lieux établis dans nos bassins.
A ce sujet, j'ai constaté à travers des publications récentes dans la presse à quel point nous devons nous efforcer de fournir une information claire et simple.
Les résultats de nos états des lieux, établis dans nos bassins et disponibles sur Internet pour le public, font référence à la notion de " masse d'eau risquant de ne pas atteindre le bon état ". Cette dénomination recouvre deux notions bien distinctes : celle d'un risque lié aux conditions du terrain et celle de l'insuffisance de données causant un doute sur le résultat à venir.
Cette prudence est logique à ce stade préliminaire des travaux mais l'assimilation du risque mentionné à l'existence d'une pollution avérée peut conduire à une vision pessimiste de la situation des eaux en France.
Quoi qu'il en soit, l'intérêt qu'ont suscité les débats sur l'état des lieux de nos bassins, montre à quel point nos concitoyens sont attachés au thème de l'eau.
Je sais que cet intérêt comporte différentes sensibilités selon la nature des usagers concernés que vous représentez ici.
Je vous remercie d'avoir bien voulu modifier l'organisation prévue de vos travaux pour me permettre d'être présente parmi vous ce matin.
Et j'arrête là mon propos pour laisser place à l'écoute des acteurs du domaine de l'eau.
(Source http://www.ecologie.gouv.fr, le 4 juillet 2005)