Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Cher Jean-Marc Sylvestre,
La participation du Ministre des Finances au Forum de l'investissement est une tradition bien établie. D'ordinaire il intervient après le déjeuner : j'ai quant à moi cette année le privilège de bénéficier d'une audience matinale et l'honneur d'ouvrir l'édition 2005 du Forum de l'investissement.
Cette intervention est l'occasion de partager avec vous les principaux axes retenus dans la loi de finances qui concerne les particuliers, leurs revenus et leur patrimoine. Je vais d'autant moins déroger à cette règle que nous avons placé, avec Jean-François Copé, la question de la réforme fiscale au centre de notre projet.
Le cadre général des finances publiques
Quelques mots, pour commencer, sur le cadre général des finances publiques. Voilà un domaine où je n'ai pas caché, depuis mon arrivée, que les choses n'allaient pas bien et que je souhaitais être rigoureux, au nom de chaque Française et de chaque Français. L'assainissement de nos finances publiques est une des conditions nécessaires à la revitalisation durable de notre économie. Je le dis d'autant plus fermement que je suis convaincu que la croissance est en train de rebondir et que l'objectif d'une croissance 2006 située dans une fourchette 2 % - 2,5 % est réaliste. Il y a des signes tangibles de redressement au 3ème trimestre. Mais, de mon point de vue, cela ne fait que nous mettre encore davantage de pression pour tenir nos engagements et redresser nos comptes.
Nous avons fait un effort considérable cette année. Dans un contexte économique nettement moins porteur qu'on ne pouvait l'anticiper en 2004, nous aurons en 2005 ramené le déficit de 3,6 % du PIB à 3,0 % en 2005. Ce ne sont pas des chiffres en l'air, mais un effort structurel de 10 Mds, partagé à parité entre l'Etat et la sécurité sociale.
Pour l'an prochain, nous respecterons une limite de déficit de 2,9 % du PIB. Avec l'affectation d'une partie significative du produit des cessions de participations au désendettement, nous stabilisons notre endettement. Evidemment, on ne peut pas s'en satisfaire. C'est pour cette raison que j'ai voulu lancer un grand débat sur la dette, que j'ai demandé à Michel Pébereau de préparer. Il s'est entouré d'une commission qui reflète les différentes parties prenantes de notre société et dont il me remettra les conclusions mi-novembre. Une de mes grandes satisfactions depuis mon arrivée, c'est de constater à quel point les Français sont lucides sur cette question et demandeurs d'un discours de vérité.
La réforme fiscale
En même temps, ce n'est pas parce que nous avons préparé un budget rigoureux, un budget sérieux, que nous avons bridé notre volonté de réforme. Bien au contraire, la loi de finances pour 2005 témoigne d'une grande ambition en mettant en uvre la réforme fiscale dont la France avait le plus urgent besoin. Le point clé pour moi, c'est de rendre à notre pays une compétitivité fiscale vitale pour notre avenir et nos emplois. C'est aussi de rendre l'impôt plus juste.
Cette réforme repose sur trois piliers complémentaires. Premièrement, l'institution d'un " bouclier fiscal " : aucun contribuable ne pourra plus être taxé au-delà de 60 % de son revenu au titre des impôts directs. Deuxièmement, la refonte du barème de l'impôt sur le revenu, en intégrant l'abattement de 20 % et en réduisant le nombre de tranches, à laquelle est associée l'augmentation massive de la prime pour l'emploi. Troisièmement, le plafonnement de l'avantage en impôt retiré des dispositifs incitatifs, plus communément appelés " niches fiscales ", sur lequel je vais revenir pour dissiper tout malentendu.
Cette réforme renforce l'attractivité de notre pays : nous rejoignons les standards européens de taux supérieurs d'imposition sur le revenu (40 %) et nous garantissons, avec le bouclier fiscal, que l'impôt ne peut pas être confiscatoire. Elle est juste, car elle bénéficie en priorité aux revenus modestes et moyens et valorise le travail. Plus de 70 % des 3,5 milliards d'euros de baisses d'impôts liées à la réforme de l'IR sont restitués aux Français qui gagnent entre 10 000 et 40 000 euros par an. La règle du bouclier fiscal bénéficiera, quant à elle, dans 90 % des cas aux Français imposés dans la première tranche.
Je sais que le plafonnement des fameuses " niches fiscales " a suscité des craintes, voire un soupçon de paranoïa. Je voudrais les dissiper très clairement. Quelles sont les motivations de cette mesure ? Il y en a deux, et seulement deux. L'objectif principal, c'est d'éviter des cumuls abusifs, pour respecter l'égalité devant l'impôt. Il n'est pas légitime que des comportements d'optimisation permettent d'échapper parfois totalement à l'impôt. Seuls quelques contribuables très bien informés y parviennent. Dès lors que notre pays garantit, grâce au bouclier fiscal, que l'impôt n'est pas confiscatoire, il est normal de plafonner les avantages " parallèles ". La seconde raison, c'est de nous responsabiliser collectivement. L'imputation sur une " ligne commune " oblige les gouvernants à se poser de bonnes questions, notamment sur les objectifs poursuivis et les priorités de politique économique liés à chaque niche. Le débat sur le plafonnement, j'en suis sûr, amènera à se reposer la question de l'efficacité, de l'intérêt et du niveau de chaque avantage fiscal dérogatoire. Il est extrêmement vertueux de pouvoir procéder à cette réévaluation d'ensemble de notre politique fiscale.
Voilà tout. La meilleure preuve des intentions du Gouvernement réside dans l'effet concret du plafonnement : d'après les travaux de l'administration fiscale, il concerne 7000 personnes sur les 34 millions de contribuables à l'impôt sur le revenu. C'est-à-dire 0,005 % d'entre eux, cinq contribuables pour 10 000. L'économie pour le budget est évaluée à 50 M euros, à comparer aux milliards de dépenses fiscales intégrées.
Ces quelques chiffres permettent de ramener cette mesure à sa juste valeur : un garde-fou démocratique, protecteur de l'égalité devant l'impôt et un outil utile d'évaluation de l'utilité de certains avantages fiscaux. En réalité, bien loin de fragiliser la logique d'orientation de l'épargne vers des emplois prioritaires grâce à la fiscalité, notamment en direction de l'innovation, ce dispositif conduira à favoriser les dépenses fiscales les plus utiles pour la Nation car les plus importantes pour le contribuable. Je rappelle par ailleurs que ce dispositif n'est pas rétroactif : il ne s'appliquera que pour les nouveaux investissements. Nous sommes très attentifs, par exemple, à ne pas perturber les opérations " Robien " en cours de montage : toute opération d'investissement entamée avant le 1er janvier ne sera pas imputée sur le plafond.
Insuffler une dynamique actionnariale favorable à la stabilité du capital de nos entreprises
La réforme fiscale proposée par le Gouvernement est, au total, d'une ampleur sans précédent en ayant l'équité comme première règle. Le chantier n'est pas pour autant totalement clos. Vous avez entendu, dans cette enceinte, de nombreux ministres des Finances - et, je le soupçonne, de tous bords politiques - regretter que les épargnants français n'aient pas une épargne plus dynamique, davantage investie en actions. Le regretter pour eux, car cela se traduit très concrètement par un rendement plus faible de leur épargne, et donc une moindre espérance de consommation. Le regretter pour notre économie, car le financement de nos entreprises s'en trouve pénalisé. On doit se féliciter de ce que nos entreprises attirent les capitaux étrangers : c'est le signe de leur vitalité et de l'attractivité de notre économie. Mais la sous-allocation des ménages français en actions fait perdre à nos entreprises le bénéfice de ce que l'on appelle le " biais domestique " : une étude récente tend à démontrer que si les ménages français étaient aussi investis en actions et diversifiés que leurs voisins anglo-saxons, le coût du capital des entreprises françaises serait diminué de plus de 5 %, ou environ 40 points de base. C'est loin d'être négligeable.
Ce que se propose de faire le Gouvernement, c'est d'agir concrètement.
Pour cela, nous devons commencer par jouer sur nos atouts. La détention d'actions par les particuliers en France repose sur le dynamisme de l'épargne collective, le succès populaire des privatisations et le rôle de l'épargne salariale.
De fait, chaque fois que le Gouvernement l'a pu, il a privilégié, dans les opérations de privatisation, le développement de l'actionnariat populaire, en allouant aux particuliers plus de 40 % des actions offertes même lorsqu'il était 27 fois couvert. En un an, avec quatre opérations ouvertes aux particuliers (SNECMA, APRR, SANEF, GDF), 7 millions d'ordres de particuliers ont été reçus. Je compte poursuivre à l'avenir cette stratégie, dont l'impact pédagogique est important : au-delà même du succès des opérations, c'est un effet d'entraînement que nous recherchons.
L'épargne collective est un bon moyen pour les particuliers de déléguer à des spécialistes le soin de la diversification et de l'arbitrage au jour le jour de leur portefeuille. Nous avons fait considérablement progresser l'information et le conseil donnés aux épargnants dans le cadre de la gestion collective, pour que les leçons de l'éclatement de la bulle internet soient bien tirées. Ces progrès concernent également la sphère, " voisine ", de l'assurance-vie : le texte de loi sur l'assurance-vie adopté en première lecture par l'Assemblée nationale et, tout récemment, par le Sénat, met en uvre des progrès notables, s'agissant par exemple de l'information délivrée aux souscripteurs de contrats de groupe ou de la gouvernance des associations d'épargnants.
Comme vous le savez, la loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, que j'ai défendue l'été dernier au Parlement, permet désormais de transformer un contrat d'assurance-vie " en euros " en contrats " multi-supports ", sans perdre l'antériorité fiscale. L'instruction fiscale est prête, et je pourrai vous donner quelques détails si vous le souhaitez, mais je souhaite avant de la publier avoir confirmation des engagements déontologiques que la profession a entrepris, à ma demande, de préciser avant de proposer des transformations de contrats à leurs clients. Mes attentes sont de trois ordres : respecter la volonté du législateur, qui attend de cette mesure un surcroît significatif de l'investissement en actions françaises et européennes. Assurer une information complète du souscripteur. Et enfin, assumer pleinement le devoir de conseil, avec une véritable analyse d'opportunité du point de vue du client, au vu des garanties acquises, de son profil et de son âge. Je sais que les professionnels sont conscients des enjeux, je les encourage à finaliser rapidement leur réflexion afin que la mesure adoptée cet été puisse rapidement entrer en vigueur.
Troisième atout à valoriser : l'épargne salariale et plus particulièrement l'actionnariat salarié. On sait que l'épargne salariale est le vecteur d'épargne le plus investi en actions : près des deux tiers de l'épargne salariale collective (67 Mds d'euros au 30 juin 2005) est investie en actions. J'ai bien entendu la demande des acteurs de la participation et de l'intéressement de prévoir pour l'avenir un cadre juridique stable et de ne plus procéder de manière imprévisible à des déblocages exceptionnels ; je peux vous confirmer que le Gouvernement travaille actuellement sur un nouveau cadre stabilisé.
L'actionnariat salarié présente l'avantage d'associer encore plus les salariés au destin de l'entreprise. De nombreux groupes français ont compris que c'était une stratégie gagnante et l'ont développée, non seulement quantitativement, mais aussi qualitativement, en l'appuyant sur un dialogue interne renforcé. Le Gouvernement souhaite encourager cette logique et favoriser sa diffusion dans les entreprises cotées et non cotées.
C'est dans le même esprit de favoriser un actionnariat stable à nos entreprises, que le Président de la République avait demandé au Gouvernement, au début de l'année, d'étudier le moyen d'encourager la détention longue d'actions, en prenant comme référence le régime fiscal de l'immobilier. Nous étudions attentivement cette question et serons en position de faire très prochainement des propositions concrètes : je veux des mesures puissantes et claires pour encourager un actionnariat stable et fidèle, autour de deux idées :
- ne pas surfiscaliser la détention des actions ;
- récompenser la fidélité en allégeant progressivement les impôts en fonction de la durée de détention.
Une autre idée à laquelle je suis attaché, c'est de favoriser la fluidité des transmissions d'entreprise pour assurer la respiration et la vitalité de notre tissu entrepreneurial.
Aujourd'hui, il existe un abattement pour les cessions d'entreprises individuelles d'une valeur inférieure à 300 000 euros. Ce faisant, on pénalise les entrepreneurs qui ont fait le pari de la croissance et adopté le régime de la SARL ou même de la SA. Il me semble qu'il serait opportun, et en pleine cohérence avec la stratégie du Gouvernement de faire sauter les freins au développement des entreprises, de relever ce seuil et d'y rendre éligible les SA et SARL.
Dans le même esprit, il faut réfléchir à la situation des chefs d'entreprises qui voudraient passer la main à la génération suivante mais diffèrent cette décision en raison des conséquences fiscales très brutales que cela peut entraîner. S'ils sont prêts à ne pas " quitter le navire " en tant qu'actionnaires, il me semble que le Gouvernement aurait tout avantage à favoriser ainsi des transitions douces.
Nous devons bien sûr encore travailler autour de ces pistes et consulter les acteurs économiques, mais je pense qu'elles sont prometteuses et que nous pourrions envisager, si le Premier Ministre les approuvait, de les présenter au Parlement avant la fin de l'année.
Vous le voyez, c'est un budget et une stratégie fiscale gagnants pour la France que nous présentons. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 18 octobre 2005)
Cher Jean-Marc Sylvestre,
La participation du Ministre des Finances au Forum de l'investissement est une tradition bien établie. D'ordinaire il intervient après le déjeuner : j'ai quant à moi cette année le privilège de bénéficier d'une audience matinale et l'honneur d'ouvrir l'édition 2005 du Forum de l'investissement.
Cette intervention est l'occasion de partager avec vous les principaux axes retenus dans la loi de finances qui concerne les particuliers, leurs revenus et leur patrimoine. Je vais d'autant moins déroger à cette règle que nous avons placé, avec Jean-François Copé, la question de la réforme fiscale au centre de notre projet.
Le cadre général des finances publiques
Quelques mots, pour commencer, sur le cadre général des finances publiques. Voilà un domaine où je n'ai pas caché, depuis mon arrivée, que les choses n'allaient pas bien et que je souhaitais être rigoureux, au nom de chaque Française et de chaque Français. L'assainissement de nos finances publiques est une des conditions nécessaires à la revitalisation durable de notre économie. Je le dis d'autant plus fermement que je suis convaincu que la croissance est en train de rebondir et que l'objectif d'une croissance 2006 située dans une fourchette 2 % - 2,5 % est réaliste. Il y a des signes tangibles de redressement au 3ème trimestre. Mais, de mon point de vue, cela ne fait que nous mettre encore davantage de pression pour tenir nos engagements et redresser nos comptes.
Nous avons fait un effort considérable cette année. Dans un contexte économique nettement moins porteur qu'on ne pouvait l'anticiper en 2004, nous aurons en 2005 ramené le déficit de 3,6 % du PIB à 3,0 % en 2005. Ce ne sont pas des chiffres en l'air, mais un effort structurel de 10 Mds, partagé à parité entre l'Etat et la sécurité sociale.
Pour l'an prochain, nous respecterons une limite de déficit de 2,9 % du PIB. Avec l'affectation d'une partie significative du produit des cessions de participations au désendettement, nous stabilisons notre endettement. Evidemment, on ne peut pas s'en satisfaire. C'est pour cette raison que j'ai voulu lancer un grand débat sur la dette, que j'ai demandé à Michel Pébereau de préparer. Il s'est entouré d'une commission qui reflète les différentes parties prenantes de notre société et dont il me remettra les conclusions mi-novembre. Une de mes grandes satisfactions depuis mon arrivée, c'est de constater à quel point les Français sont lucides sur cette question et demandeurs d'un discours de vérité.
La réforme fiscale
En même temps, ce n'est pas parce que nous avons préparé un budget rigoureux, un budget sérieux, que nous avons bridé notre volonté de réforme. Bien au contraire, la loi de finances pour 2005 témoigne d'une grande ambition en mettant en uvre la réforme fiscale dont la France avait le plus urgent besoin. Le point clé pour moi, c'est de rendre à notre pays une compétitivité fiscale vitale pour notre avenir et nos emplois. C'est aussi de rendre l'impôt plus juste.
Cette réforme repose sur trois piliers complémentaires. Premièrement, l'institution d'un " bouclier fiscal " : aucun contribuable ne pourra plus être taxé au-delà de 60 % de son revenu au titre des impôts directs. Deuxièmement, la refonte du barème de l'impôt sur le revenu, en intégrant l'abattement de 20 % et en réduisant le nombre de tranches, à laquelle est associée l'augmentation massive de la prime pour l'emploi. Troisièmement, le plafonnement de l'avantage en impôt retiré des dispositifs incitatifs, plus communément appelés " niches fiscales ", sur lequel je vais revenir pour dissiper tout malentendu.
Cette réforme renforce l'attractivité de notre pays : nous rejoignons les standards européens de taux supérieurs d'imposition sur le revenu (40 %) et nous garantissons, avec le bouclier fiscal, que l'impôt ne peut pas être confiscatoire. Elle est juste, car elle bénéficie en priorité aux revenus modestes et moyens et valorise le travail. Plus de 70 % des 3,5 milliards d'euros de baisses d'impôts liées à la réforme de l'IR sont restitués aux Français qui gagnent entre 10 000 et 40 000 euros par an. La règle du bouclier fiscal bénéficiera, quant à elle, dans 90 % des cas aux Français imposés dans la première tranche.
Je sais que le plafonnement des fameuses " niches fiscales " a suscité des craintes, voire un soupçon de paranoïa. Je voudrais les dissiper très clairement. Quelles sont les motivations de cette mesure ? Il y en a deux, et seulement deux. L'objectif principal, c'est d'éviter des cumuls abusifs, pour respecter l'égalité devant l'impôt. Il n'est pas légitime que des comportements d'optimisation permettent d'échapper parfois totalement à l'impôt. Seuls quelques contribuables très bien informés y parviennent. Dès lors que notre pays garantit, grâce au bouclier fiscal, que l'impôt n'est pas confiscatoire, il est normal de plafonner les avantages " parallèles ". La seconde raison, c'est de nous responsabiliser collectivement. L'imputation sur une " ligne commune " oblige les gouvernants à se poser de bonnes questions, notamment sur les objectifs poursuivis et les priorités de politique économique liés à chaque niche. Le débat sur le plafonnement, j'en suis sûr, amènera à se reposer la question de l'efficacité, de l'intérêt et du niveau de chaque avantage fiscal dérogatoire. Il est extrêmement vertueux de pouvoir procéder à cette réévaluation d'ensemble de notre politique fiscale.
Voilà tout. La meilleure preuve des intentions du Gouvernement réside dans l'effet concret du plafonnement : d'après les travaux de l'administration fiscale, il concerne 7000 personnes sur les 34 millions de contribuables à l'impôt sur le revenu. C'est-à-dire 0,005 % d'entre eux, cinq contribuables pour 10 000. L'économie pour le budget est évaluée à 50 M euros, à comparer aux milliards de dépenses fiscales intégrées.
Ces quelques chiffres permettent de ramener cette mesure à sa juste valeur : un garde-fou démocratique, protecteur de l'égalité devant l'impôt et un outil utile d'évaluation de l'utilité de certains avantages fiscaux. En réalité, bien loin de fragiliser la logique d'orientation de l'épargne vers des emplois prioritaires grâce à la fiscalité, notamment en direction de l'innovation, ce dispositif conduira à favoriser les dépenses fiscales les plus utiles pour la Nation car les plus importantes pour le contribuable. Je rappelle par ailleurs que ce dispositif n'est pas rétroactif : il ne s'appliquera que pour les nouveaux investissements. Nous sommes très attentifs, par exemple, à ne pas perturber les opérations " Robien " en cours de montage : toute opération d'investissement entamée avant le 1er janvier ne sera pas imputée sur le plafond.
Insuffler une dynamique actionnariale favorable à la stabilité du capital de nos entreprises
La réforme fiscale proposée par le Gouvernement est, au total, d'une ampleur sans précédent en ayant l'équité comme première règle. Le chantier n'est pas pour autant totalement clos. Vous avez entendu, dans cette enceinte, de nombreux ministres des Finances - et, je le soupçonne, de tous bords politiques - regretter que les épargnants français n'aient pas une épargne plus dynamique, davantage investie en actions. Le regretter pour eux, car cela se traduit très concrètement par un rendement plus faible de leur épargne, et donc une moindre espérance de consommation. Le regretter pour notre économie, car le financement de nos entreprises s'en trouve pénalisé. On doit se féliciter de ce que nos entreprises attirent les capitaux étrangers : c'est le signe de leur vitalité et de l'attractivité de notre économie. Mais la sous-allocation des ménages français en actions fait perdre à nos entreprises le bénéfice de ce que l'on appelle le " biais domestique " : une étude récente tend à démontrer que si les ménages français étaient aussi investis en actions et diversifiés que leurs voisins anglo-saxons, le coût du capital des entreprises françaises serait diminué de plus de 5 %, ou environ 40 points de base. C'est loin d'être négligeable.
Ce que se propose de faire le Gouvernement, c'est d'agir concrètement.
Pour cela, nous devons commencer par jouer sur nos atouts. La détention d'actions par les particuliers en France repose sur le dynamisme de l'épargne collective, le succès populaire des privatisations et le rôle de l'épargne salariale.
De fait, chaque fois que le Gouvernement l'a pu, il a privilégié, dans les opérations de privatisation, le développement de l'actionnariat populaire, en allouant aux particuliers plus de 40 % des actions offertes même lorsqu'il était 27 fois couvert. En un an, avec quatre opérations ouvertes aux particuliers (SNECMA, APRR, SANEF, GDF), 7 millions d'ordres de particuliers ont été reçus. Je compte poursuivre à l'avenir cette stratégie, dont l'impact pédagogique est important : au-delà même du succès des opérations, c'est un effet d'entraînement que nous recherchons.
L'épargne collective est un bon moyen pour les particuliers de déléguer à des spécialistes le soin de la diversification et de l'arbitrage au jour le jour de leur portefeuille. Nous avons fait considérablement progresser l'information et le conseil donnés aux épargnants dans le cadre de la gestion collective, pour que les leçons de l'éclatement de la bulle internet soient bien tirées. Ces progrès concernent également la sphère, " voisine ", de l'assurance-vie : le texte de loi sur l'assurance-vie adopté en première lecture par l'Assemblée nationale et, tout récemment, par le Sénat, met en uvre des progrès notables, s'agissant par exemple de l'information délivrée aux souscripteurs de contrats de groupe ou de la gouvernance des associations d'épargnants.
Comme vous le savez, la loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, que j'ai défendue l'été dernier au Parlement, permet désormais de transformer un contrat d'assurance-vie " en euros " en contrats " multi-supports ", sans perdre l'antériorité fiscale. L'instruction fiscale est prête, et je pourrai vous donner quelques détails si vous le souhaitez, mais je souhaite avant de la publier avoir confirmation des engagements déontologiques que la profession a entrepris, à ma demande, de préciser avant de proposer des transformations de contrats à leurs clients. Mes attentes sont de trois ordres : respecter la volonté du législateur, qui attend de cette mesure un surcroît significatif de l'investissement en actions françaises et européennes. Assurer une information complète du souscripteur. Et enfin, assumer pleinement le devoir de conseil, avec une véritable analyse d'opportunité du point de vue du client, au vu des garanties acquises, de son profil et de son âge. Je sais que les professionnels sont conscients des enjeux, je les encourage à finaliser rapidement leur réflexion afin que la mesure adoptée cet été puisse rapidement entrer en vigueur.
Troisième atout à valoriser : l'épargne salariale et plus particulièrement l'actionnariat salarié. On sait que l'épargne salariale est le vecteur d'épargne le plus investi en actions : près des deux tiers de l'épargne salariale collective (67 Mds d'euros au 30 juin 2005) est investie en actions. J'ai bien entendu la demande des acteurs de la participation et de l'intéressement de prévoir pour l'avenir un cadre juridique stable et de ne plus procéder de manière imprévisible à des déblocages exceptionnels ; je peux vous confirmer que le Gouvernement travaille actuellement sur un nouveau cadre stabilisé.
L'actionnariat salarié présente l'avantage d'associer encore plus les salariés au destin de l'entreprise. De nombreux groupes français ont compris que c'était une stratégie gagnante et l'ont développée, non seulement quantitativement, mais aussi qualitativement, en l'appuyant sur un dialogue interne renforcé. Le Gouvernement souhaite encourager cette logique et favoriser sa diffusion dans les entreprises cotées et non cotées.
C'est dans le même esprit de favoriser un actionnariat stable à nos entreprises, que le Président de la République avait demandé au Gouvernement, au début de l'année, d'étudier le moyen d'encourager la détention longue d'actions, en prenant comme référence le régime fiscal de l'immobilier. Nous étudions attentivement cette question et serons en position de faire très prochainement des propositions concrètes : je veux des mesures puissantes et claires pour encourager un actionnariat stable et fidèle, autour de deux idées :
- ne pas surfiscaliser la détention des actions ;
- récompenser la fidélité en allégeant progressivement les impôts en fonction de la durée de détention.
Une autre idée à laquelle je suis attaché, c'est de favoriser la fluidité des transmissions d'entreprise pour assurer la respiration et la vitalité de notre tissu entrepreneurial.
Aujourd'hui, il existe un abattement pour les cessions d'entreprises individuelles d'une valeur inférieure à 300 000 euros. Ce faisant, on pénalise les entrepreneurs qui ont fait le pari de la croissance et adopté le régime de la SARL ou même de la SA. Il me semble qu'il serait opportun, et en pleine cohérence avec la stratégie du Gouvernement de faire sauter les freins au développement des entreprises, de relever ce seuil et d'y rendre éligible les SA et SARL.
Dans le même esprit, il faut réfléchir à la situation des chefs d'entreprises qui voudraient passer la main à la génération suivante mais diffèrent cette décision en raison des conséquences fiscales très brutales que cela peut entraîner. S'ils sont prêts à ne pas " quitter le navire " en tant qu'actionnaires, il me semble que le Gouvernement aurait tout avantage à favoriser ainsi des transitions douces.
Nous devons bien sûr encore travailler autour de ces pistes et consulter les acteurs économiques, mais je pense qu'elles sont prometteuses et que nous pourrions envisager, si le Premier Ministre les approuvait, de les présenter au Parlement avant la fin de l'année.
Vous le voyez, c'est un budget et une stratégie fiscale gagnants pour la France que nous présentons. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 18 octobre 2005)