Déclaration de M. Dominique de Villepin, Premier ministre, sur le plan de service public d'EDF, l'ouverture du capital de l'entreprise et la proposition de faire un inventaire des besoins en électricité et des investissements à réaliser à l'échelle européenne, Paris le 24 octobre 2005.

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Circonstance : Signature du plan de service public d'EDF, à Paris le 24 octobre 2004

Texte intégral

Messieurs les ministres,
Messieurs les présidents
Mesdames, Messieurs,
L'énergie sera l'un des enjeux décisifs des prochaines décennies, sur le plan économique et social bien sûr, mais aussi sur le plan de l'environnement.
La France peut s'appuyer dans ce domaine sur des champions nationaux qui font sa fierté. EDF est le premier d'entre eux.
Avec cette entreprise, nous nous sommes dotés d'atouts essentiels : notre parc de production électrique, qui s'appuie sur une large base nucléaire et hydroélectrique, nous permet de disposer aujourd'hui d'une indépendance énergétique réelle, d'atténuer fortement l'impact de la hausse du prix du pétrole et de contribuer significativement à la lutte contre l'effet de serre.
Je veux saluer nos prédécesseurs visionnaires qui ont su faire le choix du nucléaire dans les années 70. Leur courage politique, allié à l'excellence de nos ingénieurs et des équipes d'EDF, ont fait de la France une référence en ce domaine.
Pour que nos concitoyens et nos entreprises puissent continuer à bénéficier d'une électricité fiable et bon marché, il revient à l'État de s'assurer que l'entreprise réalise les investissements nécessaires aux besoins énergétiques du pays.
Vous le savez, mon Gouvernement a deux objectifs : l'emploi et la préparation de l'avenir du pays. Ce plan d'investissement apportera lui-même par son ampleur une contribution déterminante à l'activité industrielle, à la croissance et à l'emploi, en parfaite cohérence avec le plan de relance des infrastructures de transport que j'ai annoncé la semaine dernière.
1. J'ai demandé à EDF et à son président, Pierre GADONNEIX, de décider un plan d'investissement ambitieux, qui témoigne de l'engagement de cette grande entreprise à relever le défi de l'énergie rare.
Ce plan, qui vient de nous être présenté, répond pleinement à cette exigence. Il prévoit d'investir 40 milliards d'euros sur 5 ans, dont au moins la moitié en France. En augmentant ses investissements de plus de 30% par rapport aux cinq dernières années, EDF fait preuve d'une véritable ambition industrielle : tous les moyens de production sont concernés.
L'énergie nucléaire, d'abord. Elle continuera de jouer un rôle de premier plan dans notre approvisionnement électrique.
EDF est aujourd'hui le premier opérateur industriel nucléaire au monde : nous devons lui donner les moyens de consolider cette réussite et de conforter son avance. Conformément à la loi du 13 juillet dernier et au vu des conclusions du débat public en cours, EDF construira le premier réacteur EPR à Flamanville. Il sera opérationnel en 2012. Cela permettra de garder l'option nucléaire ouverte.
Cela est d'autant plus important que nous sommes entrés dans l'ère de l'après pétrole. Nous allons devoir modifier notre usage de l'énergie et nos modes de consommation au cours des prochaines années.
Je souhaite qu'une réflexion sur les conséquences de cette révolution énergétique soit menée dans les prochains mois. Elle nous permettra notamment d'examiner, en tenant compte des conclusions des grands débats publics en cours sur le nucléaire, la question de la diversification de nos sources d'énergie, qui conditionnera les parts relatives du nucléaire et des énergies renouvelables dans nos prochains investissements.
Le plan d'investissement prévoit enfin de sécuriser les ressources financières qui permettront à EDF de démanteler les centrales nucléaires le moment venu.
En matière d'énergies renouvelables, nous sommes d'ores et déjà aux premiers rangs européens, grâce à notre équipement en énergie hydraulique. EDF confortera cette position en investissant également dans les énergies solaires ou éoliennes.
Ces investissements ne se feront pas au détriment de la stabilité financière de l'entreprise. Le montant de son endettement à la fin 2008 n'excédera pas celui constaté à la fin de cette année. EDF en a pris l'engagement.
2. Pour mener à bien ces projets, nous devons donner à EDF les moyens nécessaires à son développement.
La loi du 9 août 2004, adoptée après un grand débat parlementaire, a autorisé l'ouverture du capital d'EDF. J'ai moi-même demandé à l'entreprise de se préparer à réaliser une augmentation de capital conforme à ses besoins.
Je décide donc aujourd'hui de lancer l'augmentation de capital d'EDF par appel au marché. Cette opération sera mise en uvre dans les prochains jours sous l'autorité de M. Thierry BRETON.
Je veux ici vous rappeler solennellement les principes qui fondent cette décision :
Toute l'augmentation de capital sera strictement et intégralement affectée au développement de l'entreprise et à ses investissements. Il n'est évidemment pas question pour l'Etat de tirer parti de cette augmentation de capital pour récupérer pour lui-même, directement ou indirectement, des ressources supplémentaires.
Il n'est pas davantage question pour l'Etat de se désengager d'EDF. L'Etat conservera au moins 85 % du capital.
D'après la loi, l'Etat doit rester actionnaire à plus de 70 %. Nous avons décidé d'aller au-delà de ce seuil de garantie. Ma conviction, et celle de mon gouvernement, c'est que l'Etat a vocation à contrôler durablement EDF. Dans un secteur où la vision à long terme est essentielle, je souhaite que l'Etat puisse guider les décisions, dans le souci de l'intérêt général.
L'augmentation du capital permettra à tous les Français qui le souhaitent de devenir directement actionnaires de cette entreprise à laquelle ils sont très attachés. L'ouverture du capital d'EDF sera un bel exemple d'actionnariat populaire en France.
Elle sera également l'occasion d'associer largement les salariés d'EDF au succès de leur entreprise. Nous avons en effet décidé de réserver 15 % de l'opération aux salariés du groupe dans des conditions préférentielles. Le renforcement de l'actionnariat salarié est une priorité de mon gouvernement, pour toutes les entreprises, privées comme publiques. Je me réjouis donc qu'EDF, comme de nombreuses entreprises publiques avant elle, soit exemplaire dans ce domaine.
Vous le voyez, l'ouverture du capital d'EDF se fera dans l'intérêt de la France, de l'entreprise et de ses salariés.
3. Pour accompagner cette augmentation de capital, EDF doit réaffirmer sa spécificité et conforter sa mission de service public.
Aujourd'hui, l'ouverture des marchés de l'énergie à la concurrence est une réalité.
C'est un engagement que nous avons pris avec nos partenaires européens.
C'est une chance pour des entreprises comme EDF et Gaz de France qui sont aux premiers rangs de la compétition internationale : ils vont trouver avec l'Europe de nouvelles perspectives de développement.
La spécificité française, c'est de s'appuyer sur le dynamisme de l'ouverture des marchés pour réaffirmer et renforcer le service public de l'énergie. Dans une économie mondialisée, notre pays a plus que jamais besoin de services publics qui soient à la fois efficaces, modernes et impartiaux.
C'est dans cet esprit que les obligations de service public d'EDF vont être précisées et affirmées par le contrat que nous allons signer entre l'entreprise et l'État. EDF et sa filiale RTE (Réseau de Transport d'Electricité) s'engagent ainsi, sans limitation de durée, à fournir un service public de qualité.
La qualité du service public de l'électricité, c'est d'abord la sécurité d'approvisionnement.
EDF a des responsabilités spécifiques : depuis 1946, elle est le socle de notre production électrique nationale.
Dans ce contrat, EDF s'engage à être le producteur de dernier recours. Elle investira pour la sécurité du réseau chaque fois que cela sera nécessaire et notamment en cas d'absence d'autres fournisseurs.
La sécurité d'approvisionnement concerne l'ensemble du territoire national. L'égal accès à l'énergie est un principe essentiel de notre politique énergétique. J'ai demandé au groupe EDF de prévoir rapidement le renforcement des moyens d'alimentation électrique dans les régions qui rencontrent des problèmes de sous-capacité en période de pointe :
C'est le cas de la Bretagne.
C'est le cas aussi de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Après plusieurs années de concertations, la Déclaration d'Utilité Publique de la ligne à très haute tension de Boutre-Carros sera signée très prochainement. Une attention particulière a été portée au bilan environnemental du projet. Je tiens à souligner en particulier les efforts d'insertion paysagère de l'ensemble de la ligne et les mesures de compensations représentant 80 millions d'euros, soit plus de 40 % de l'enveloppe globale du projet ; enfin, la mise en oeuvre d'un programme ambitieux d'économies d'énergies, s'appuyant sur un groupement d'intérêt public, permettra d'optimiser, en concertation avec les collectivités locales, les infrastructures énergétiques existantes.
La qualité du service public de l'électricité, c'est aussi l'accès de tous à l'énergie, avec une double exigence d'égalité et de solidarité.
EDF s'est engagée à respecter trois règles :
Première règle : la péréquation tarifaire. Je tiens à maintenir pour tous les Français et sur tout notre territoire, y compris dans les régions insulaires, le même prix pour l'acheminement de l'électricité.
Deuxième règle : la modération tarifaire. A l'heure où les prix de l'énergie augmentent en raison de la hausse des cours du pétrole, la structure de production d'EDF permet de limiter les hausses des tarifs. Le contrat de service public prévoit ainsi que l'évolution des tarifs aux particuliers ne sera pas supérieure à l'inflation pendant au moins cinq ans.
Troisième règle : l'accès à l'électricité pour les plus démunis. J'ai demandé que pendant la période hivernale, aucune coupure d'électricité ne touche des personnes démunies faisant déjà l'objet d'une aide du Fonds Social au Logement. Cette mesure sera inscrite dans le projet de loi sur le logement qui sera approuvé mercredi en Conseil des Ministres.
La mise en oeuvre de ce contrat de service public fera l'objet d'un rapport régulier du ministre en charge de l'énergie au Parlement. C'est un gage supplémentaire de la volonté de transparence et d'efficacité dont nous sommes redevables aux Français sur un bien qui les concerne tous.

4. Je souhaite enfin que nous relevions les grands défis énergétiques à l'échelle de l'Europe et du monde.
Ces grands défis concernent le prix des énergies fossiles, mais aussi la préservation de l'environnement. Depuis plusieurs années, le Président de la République porte la voix de la France auprès de nos partenaires étrangers dans ce domaine. Le Gouvernement est également mobilisé.
Thierry Breton et François Loos ont récemment plaidé pour une plus grande transparence des marchés et une reprise des investissements au niveau international.
Je proposerai à la Commission et à nos partenaires européens de faire un inventaire des besoins en électricité et des investissements à réaliser à l'échelle du continent.
La France a déjà mis en place un dispositif de pilotage à long terme avec la Programmation Pluriannuelle des Investissements de production. Nous proposerons à nos partenaires européens de réfléchir à la mise en uvre d'un dispositif identique à l'échelle européenne. Nous leur proposerons également de définir ensemble un schéma de production et des investissements garantissant la sécurité d'approvisionnement européenne.
Les complémentarités entre les Etats-membres de l'Union ne sont pas pleinement exploitées. Nous avons tout intérêt à mutualiser et à optimiser nos ressources en développant les interconnexions, afin de garantir la sécurité d'approvisionnement et la solidarité de l'alimentation. L'énergie est l'un des domaines où l'Europe est aujourd'hui très attendue : ces chantiers font partie de l'Europe des projets que j'appelle de mes vux.
Nous devons enfin mieux prendre en compte les exigences de respect de l'environnement. Les interconnexions, qui permettent d'optimiser nos parcs de productions, participeront à cet objectif. Au-delà, nous devons mettre en place de véritables stratégies européennes de production électrique sans émission de gaz à effet de serre.
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes entrés dans l'ère de l'après pétrole. Pour relever ce défi, le Gouvernement a mis en place un programme ambitieux d'économies d'énergie et de développement de ressources alternatives. Aujourd'hui, nous franchissons une nouvelle étape.
Le contrat qu'EDF va signer montre que l'entreprise reste fidèle à la philosophie qui est la sienne depuis 1946 : de grands projets d'investissement au service de tous les Français. Le renforcement des fonds propres d'EDF viendra en effet financer de nouveaux investissements. Il ne s'agit en aucun cas pour l'Etat de se désengager de l'entreprise ou de tirer profit de l'ouverture du capital pour bénéficier de recettes supplémentaires.
Je veux saluer le travail des équipes d'EDF qui ont su ces derniers mois, sous votre autorité M. le Président, améliorer considérablement la situation de l'entreprise. Grâce à vos efforts, nous pouvons ensemble préparer l'avenir. Je suis convaincu qu'EDF pourra ainsi, en Europe comme dans le monde, conforter sa place parmi les tous premiers opérateurs d'électricité.
Avant de signer le contrat de service public d'EDF, je tiens à vous dire que ce document a fait l'objet de consultations approfondies au sein des instances représentatives des personnels. Je souhaite que ce dialogue se poursuive pour la mise en uvre de ces orientations. Aujourd'hui je suis fier de ce qu'EDF a fait et de ce qu'EDF va pouvoir faire, grâce à ses salariés et grâce à l'engagement de l'Etat.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 26 octobre 2005)