Texte intégral
Permettez-moi d'abord de vous dire tout le plaisir que j'ai de vous accueillir ici pour cette première conférence de presse, avec Jean-Louis BORLOO, Thierry BRETON et Jean-François COPE. Après un bref propos introductif, nous aurons le plaisir de répondre à vos questions.
Nous sommes au trentième jour depuis ma prise de fonction, et je ne peux pas m'empêcher de penser à cet instant à tous les Françaises et tous les Français que j'ai croisés au cours des dernières semaines et qui m'ont dit : "bon courage Monsieur le Premier ministre". Cela me touche. Cela m'encourage. Je sais pourquoi je me bats.
Chaque jour qui passe est ici un jour d'action. Chaque jour qui passe est un jour au service des Françaises et des Français. Chaque jour qui passe, je veux valoriser les atouts de notre pays et défendre, dans la ligne tracée par le Président de la République, un projet collectif, un projet d'avenir.
Le 29 mai, les Français ont refusé le projet de traité constitutionnel. Derrière ce vote s'expriment des interrogations sur l'avenir de l'Europe et une crise de confiance dans notre pays.
Je me suis fixé pour objectif de créer rapidement les conditions d'un retour de la confiance avec chaque Français.
Partons, si vous le voulez bien, de la situation de nos compatriotes. Ils éprouvent des sentiments partagés :
Ils ont conscience du potentiel de notre pays : ils le voient à travers des grands projets comme ITER, le pont de Millau ou l'Airbus A380 que j'ai pu voir au salon du Bourget. Ils font preuve de dynamisme et de volonté.
Mais ils sont aussi inquiets face à la persistance du chômage ; face au risque de la montée du communautarisme ; face à la difficulté de réaliser leurs aspirations collectives ou individuelles, dans un monde ouvert, un monde changeant, marqué par la dureté de la concurrence.
Devant cette situation ils ont le sentiment que l'Etat ne les protège pas toujours assez. Ils manifestent leur impatience et leur frustration devant la lenteur et la complexité des décisions publiques.
C'est donc un défi historique qu'il nous faut relever, avec un impératif d'action, de défense de l'intérêt général et d'affirmation de notre unité nationale.
Nous devons retrouver le sentiment d'un destin commun, d'une grande aventure collective et en même temps donner à chacun la possibilité de s'épanouir et de donner le meilleur de lui-même.
Mon gouvernement est un gouvernement de service public : chaque décision sera donc prise avec le souci de la justice et de l'unité.
Ce défi, nous devons le relever dans un contexte difficile. Les Français savent que les marges financières de l'Etat sont étroites. L'augmentation du prix du pétrole, la baisse des recettes de l'impôt sur les sociétés créent une contrainte supplémentaire. Alors comment faire ?
Je veux que le gouvernement tienne ses engagements en matière de dépense publique : l'Etat ne peut pas dépenser sans compter l'argent que les Français gagnent difficilement. Nous tiendrons l'objectif d'une stabilité des dépenses en volume et même en valeur hors rémunérations.
J'ai également voulu que nous affections toutes nos marges de manuvre aux priorités de l'action gouvernementale :
Les ressources budgétaires affectées à l'emploi augmenteront de 10%.
L'Education et la Recherche disposeront de nouveaux moyens pour mieux remplir leur mission ;
Tous les ministères qui participent au renforcement de la sécurité de nos concitoyens disposeront des effectifs nécessaires.
Enfin chacun mesure que notre économie présente des faiblesses, faiblesses auxquelles il nous appartient d'apporter rapidement des solutions.
La première de ces faiblesses, c'est bien sûr le chômage.
C'est l'injustice la plus criante de la société française. Elle est traumatisante pour tous ceux qui cherchent pendant des mois un emploi ou qui se voient brutalement privés de leur salaire. Elle mine la crédibilité de toute l'action publique.
Au-delà des chiffres du chômage, vous connaissez la situation de l'emploi et je voudrais m'y attarder brièvement, si vous le voulez bien : 70%, dans notre pays, des embauches se font sous forme de CDD, dont la moitié durent moins d'un mois et l'autre moitié quatre mois et demi en moyenne.
Pour les jeunes, la proportion s'élève à 8 sur dix recrutés en CDD. Enfin, il faut constater que la grande majorité de ceux qui entrent sur le marché du travail alternent contrats précaires et périodes de chômage. J'ai pu mesurer à Charleville-Mézières à quel point cette situation fragilise, inquiète les salariés et les empêche de construire leur avenir.
La deuxième faiblesse que nous connaissons, ce sont nos exportations : elles sont le fait d'un nombre trop limité d'entreprises. Nous ne profitons pas suffisamment de l'émergence des nouvelles zones de croissance.
Il y a des leçons essentielles à tirer de cette situation, des leçons pour chacun : pour l'Etat, pour les acteurs économiques, pour les partenaires sociaux : nous avons des faiblesses ; mais nous avons aussi des atouts qu'il nous faut valoriser.
Nos grandes entreprises occupent des positions de pointe dans un certain nombre de secteurs stratégiques : l'agroalimentaire, l'aéronautique, le ciment, le gaz.
Nous avons développé par ailleurs une grande maîtrise dans les domaines de très haute technologie comme les énergies du futur ou encore les biotechnologies.
Nous avons une main d'uvre hautement qualifiée, motivée et dont la compétitivité est unanimement reconnue.
La qualité de nos infrastructures, le maillage de notre territoire et notre position géographique nous permettent de tirer pleinement parti de ces différents atouts.
Nous sommes l'un des rares pays, également, dont la population augmente en Europe. C'est un atout pour l'avenir. En 2050, on prédit près de 75 millions de Français, comparé à une baisse relative dans la plupart des autres pays.
La consommation des ménages a d'ailleurs fortement augmenté au premier trimestre. Elle a tiré la croissance qui a progressé de 0,3% au cours du premier trimestre.
Voilà le constat rapide que je voulais dresser de la situation. Je vous rencontrerai chaque mois pour faire le point sur l'état d'avancement des travaux du gouvernement. Je voudrais maintenant vous indiquer les premières orientations et les premières décisions que j'ai prises. Je veux construire - je l'ai dit tout à l'heure - un projet collectif qui permette de renouer des liens de confiance avec chacun des Français.
Ma première orientation c'est la bataille pour l'emploi. Le gouvernement y consacrera toute son énergie et je réunis d'ailleurs tous les jeudis les ministres concernés : Jean-Louis BORLOO, Thierry BRETON, Jean-François COPE, Renaud DUTREIL et Gérard LARCHER.
J'ai beaucoup écouté, beaucoup observé et je suis arrivé à la conclusion que nous devions, dans ce domaine, procéder avec beaucoup de pragmatisme et de simplicité.
Les gisements d'emploi sont concentrés dans les très petites entreprises. J'ai eu l'occasion de le constater lors de mon déplacement à Lyon et ma rencontre avec des chefs de petites entreprises. Il faut les aider à recruter plus facilement, tout en préservant les droits des salariés : c'est le premier objectif du contrat "nouvelles embauches".
Je veux le rappeler et je ne veux pas qu'il y ait de malentendu sur ce point : il s'agit d'un vrai contrat à durée indéterminée, avec un vrai salaire, et de vraies garanties pour les salariés.
En cas de rupture de ce contrat, la durée du préavis et le montant de l'indemnité seront déterminés en fonction du temps passé par chaque salarié dans l'entreprise. Un suivi personnalisé sera assuré : c'est là une condition essentielle pour retrouver rapidement un emploi.
La philosophie de ce contrat, c'est de donner plus de chances à l'employeur mais également plus de chances au demandeur d'emploi : c'est une nouvelle façon d'entrer sur le marché du travail et d'échapper à l'alternative chômage-CDD.
Les services à la personne représentent un autre réservoir d'activité considérable dans notre pays. C'est le secteur qui s'est le plus développé au cours des quinze dernières années. Et les perspectives sont très importantes : gardes d'enfants, assistance aux personnes dépendantes, soins à domicile, gardiennage... Le projet de loi sur les services à la personne permettra de professionnaliser et de développer dans des délais rapides toute une nouvelle gamme de services à domicile et de créer à terme près de 500 000 emplois.
Enfin l'Etat doit jouer tout son rôle dans cette bataille pour l'emploi :
C'est pourquoi j'ai décidé la création de 100 000 contrats d'accompagnement vers l'emploi pour les jeunes, qui seront prioritairement orientés vers les maisons de retraite, dans les hôpitaux, dans les établissements scolaires, et nous commençons dès maintenant, dans les prochains jours. D'ici la fin de l'année l'Etat prendra en charge 90% du coût de ces contrats pour leur donner une nouvelle impulsion.
Par ailleurs, pour les titulaires de minimas sociaux, 185 000 contrats d'avenir sont immédiatement disponibles dans les associations et les collectivités locales. Ces contrats leur permettront de revenir progressivement vers l'emploi, grâce aux formations qui leur seront ouvertes et ce, à travers ces contrats.
Pour les jeunes sans diplôme ni qualification, il y a une urgence particulière et Michèle ALLIOT-MARIE mettra en uvre en métropole un dispositif nouveau, qui est façonné sur la base du service militaire adapté Outre-mer.
Nous devons être encouragés à agir vite par les résultats des deux derniers mois qui marquent une très légère, trop légère inflexion du nombre de demandeurs d'emploi.
Pour convaincre les Français de notre détermination et pour gagner la bataille de l'emploi, j'ai fait le choix des ordonnances. Les ordonnances permettent de concilier l'exigence de concertation et de dialogue social avec l'impératif d'une action rapide. Vous savez que l'on y a souvent eu recours depuis 1945. J'ai reçu les partenaires sociaux. Jean-Louis BORLOO et Gérard LARCHER sont en contact permanent avec eux. Un débat s'ouvre maintenant au Parlement. Chacun aura pu s'exprimer avant que je ne prenne mes décisions.
Ma deuxième orientation pour renouer les fils de la confiance avec les Français, c'est l'autorité de l'Etat. Je crois dans un Etat garant de l'intérêt général qui assume toutes ses responsabilités au service de la protection des Français et de la solidarité.
Le budget que j'ai présenté il y a quelques jours traduit cette priorité. Il renforce les moyens des grands ministères chargés d'assurer la justice, la sécurité et la défense des Français : le ministère de l'Intérieur, le ministère de la Justice et le ministère de la Défense ont vu leurs crédits augmenter. Le cap fixé par les lois de programmation sera tenu.
Je souhaite qu'avec ces moyens nouveaux, nous enregistrions des résultats positifs en matière de lutte contre les violences aux personnes et contre l'immigration irrégulière, qui restent des préoccupations majeures de nos concitoyens. Je sais que je peux compter sur le ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur Nicolas SARKOZY pour avancer dans ce sens. Des pistes viennent d'être ouvertes, qui méritent d'être approfondies, notamment la création d'unités spécialisées pour lutter contre les conflits familiaux : des fonctionnaires disposent déjà de bonne formation dans ce domaine. Nous savons tous que les violences conjugales sont inacceptables et qu'elles sont trop fréquentes dans notre pays. Il convient donc de définir les dispositifs les plus adéquats.
Je souhaite également que les décisions de Justice puissent être rendues plus rapidement, pour répondre aux fortes attentes de nos concitoyens dans ce domaine. Le rapport de Jean-Luc. WARSMANN a souligné le problème bien connu de l'exécution des décisions de justice, qui est parfois aléatoire et souvent tardive. C'est un sujet que je considère comme prioritaire pour l'action de mon gouvernement.
La question de la responsabilité des magistrats a été soulevée à l'occasion de drames récents. C'est un dossier complexe, qui doit être examiné avec beaucoup de sérénité et j'ai demandé au Garde des Sceaux Pascal CLEMENT de me faire des propositions, dans les prochaines semaines. Elles seront présentées au Président de la République.
S'agissant de la récidive, nous ne pouvons pas accepter que certains individus défient à plusieurs reprises la loi et les forces de l'ordre. Le fait de récidiver doit effectivement aggraver les peines encourues. Mais nous devons le faire dans le respect de l'individualisation des peines, qui est un principe fondamental de notre justice.
L'égalité des territoires est une autre exigence majeure :
Nous savons qu'elle est aujourd'hui fragilisée par les difficultés croissantes que rencontrent certaines zones rurales, les villes moyennes et les quartiers difficiles. Confrontés à des mutations économiques profondes, ces territoires ont besoin de l'Etat, à la fois pour garantir les services publics et pour réfléchir à de nouvelles stratégies économiques.
Je mettrai donc en place, dans les prochaines semaine,s un service public d'aide aux bassins d'emploi en difficulté. Il devra anticiper les risques de délocalisation et aider à la reconversion des salariés. Il devra également veiller à ce que les entreprises qui quitteraient notre territoire ne continuent pas indûment à bénéficier d'aides publiques.
Ma troisième orientation c'est la préparation de l'avenir de la France et la valorisation de ses atouts. Lorsque les Français voient que leur pays peut gagner dans des domaines aussi importants que ceux du spatial, de l'aéronautique ou des énergies du futur comme on l'a vu avec ITER à Cadarache, ils retrouvent confiance dans l'avenir. Ces projets sont les moteurs de la croissance et du développement et ils sont créateurs d'emploi.
L'avenir se prépare tôt : c'est à l'école que se joue notre capacité à peser sur le futur. J'attache donc une importance particulière à la mise en uvre pleine et entière de la loi sur l'école. Toutes les dispositions de cette loi seront appliquées. Le décret sur le remplacement des professeurs en cas d'absence sera publié à la rentrée. De leur côté les établissements d'enseignement disposeront des moyens nécessaires pour remplir les nouveaux objectifs qui leur ont été fixés en matière de soutien scolaire et d'enseignement des langues. 20 000 contrats d'accompagnement vers l'emploi sont également prévus pour faciliter la vie quotidienne des établissements et aider tous ceux qui rencontrent aujourd'hui le plus de difficultés, et en particulier les élèves handicapés. L'école doit être le creuset d'une société plus solidaire, plus juste, et qui garantit aux jeunes la possibilité de se construire un avenir.
L'avenir se prépare également dans les laboratoires, dans les centres de recherche, dans les entreprises innovantes, dans les nouveaux projets. Le gouvernement tiendra les engagements qui ont été pris à l'égard de la recherche. Il soutiendra également l'innovation et j'ai souhaité doubler, dès à présent, le budget de l'Agence pour l'innovation industrielle. J'annoncerai la semaine prochaine la création des pôles de compétitivité qui seront le visage de la France de la qualité, de l'audace et de l'innovation. Nous devons être à la pointe dans tous les domaines : Ainsi dans le domaine de l'économie, où nous disposons de chercheurs de tout premier plan, mais qui sont malheureusement trop souvent dispersés à travers le monde. Pourtant, notre économie représente un enjeu politique majeur pour défendre notre conception de l'équilibre entre les droits sociaux et le dynamisme économique. Je souhaite donc que nous puissions disposer, en plus du centre d'excellence de Toulouse, d'une école de haut niveau dans ce domaine à Paris, sur le modèle de la London School of economics.
Ma quatrième orientation, c'est l'Europe. Ne nous trompons pas sur le message du 29 mai. Les Français continuent de croire dans la construction européenne. Ils savent que leur destin se joue désormais à l'échelle du continent. Mais dans ce domaine la confiance est aussi à reconstruire. Et je leur propose, dans la voie tracée par le Président de la République, de repartir avec un cap clair et une méthode nouvelle :
Le cap, c'est l'Europe politique, il ne doit y avoir aucune ambiguïté à ce sujet. J'ai d'ailleurs constaté, lors de mes rencontres avec l'ensemble des forces politiques, que ce choix était très largement partagé. Face à la réorganisation des grands ensembles géographiques, face à la mondialisation économique, face aux menaces nouvelles, l'Europe doit se donner les moyens de mieux défendre ses intérêts et ses valeurs. Elle ne pourra pas le faire si elle se résigne à n'être qu'un grand marché, qu'une grande zone de libre échange, gouvernée strictement par ces règles du libre-échange. Son poids et son influence dépendent de sa capacité à s'organiser et à défendre les politiques qui font aujourd'hui sa force : la politique agricole commune, une des rares politiques qui soit entièrement communautarisée, la politique de sécurité et de défense, la politique d'innovation et de recherche.
Pour tenir ce cap, j'ai proposé d'avancer vers une Europe des projets.
Dans le domaine économique, par exemple, il n'est pas acceptable que douze Etats qui ont su créer en quelques années une monnaie forte et respectée ne soient pas en mesure d'enregistrer de meilleurs résultats en termes de croissance et d'emploi : la définition d'une véritable gouvernance économique, la mise en uvre de la stratégie de Lisbonne doivent donc devenir, pour les Etats-membres, une priorité.
Dans le domaine de la recherche et de l'innovation, l'Europe dispose de chercheurs, de laboratoires, d'entreprises, d'un savoir-faire de très haut niveau : les faire travailler ensemble dans un ou deux instituts européens de haute technologie, c'est l'assurance d'attirer sur notre sol les meilleures compétences mondiales et d'élaborer les projets les plus porteurs.
Dans le domaine politique, les peuples sont en avance, souvent, sur leurs gouvernements. Ils se respectent, ils se comprennent, ils se rapprochent, au moment où les Etats cèdent parfois à la tentation de l'égoïsme et de la défense d'intérêts particuliers. Nous devons valoriser et faire vivre cette identité européenne qui est en train d'émerger jour après jour sous nos yeux. La création d'un véritable service civil européen, ouvert à tous les jeunes d'Europe est un des moyens pour relever ce défi. Et je demande au ministre des Affaires étrangères, à Philippe DOUSTE-BLAZY d'étudier ce projet avec l'ensemble de ses homologues et en liaison, bien sûr, ici en France, avec les autres ministres concernés.
Beaucoup de ces projets, comme vous pouvez le voir, ont un caractère interministériel. Pour les mettre en uvre j'ai donc décidé d'instaurer des réunions interministérielles mensuelles qui seront consacrées aux affaires européennes, dont la Ministre déléguée aux Affaires européennes Catherine COLONNA, assurera l'ordre du jour et le SGCI le secrétariat. Elles auront également vocation, ces réunions, à étudier les textes les plus importants en cours de discussion à Bruxelles, afin d'évaluer, à un niveau politique, leur incidence sur le territoire français. L'expérience de la directive Bolkestein ne doit pas se renouveler. La première de ces réunions interministérielles aura lieu au début du mois de septembre.
Voilà les premières orientations que je voulais vous présenter aujourd'hui. J'aurais l'occasion de revenir dessus au cours des prochains mois. Mais aujourd'hui je veux affirmer, devant vous, l'importance que j'attache à notre dialogue régulier et à nos échanges. Avec l'ensemble du gouvernement, je veux permettre à nos concitoyens de retrouver confiance dans la capacité de leurs responsables politiques à fixer un cap, à tenir leurs engagements et à obtenir des résultats pour eux-mêmes et pour la France.
Vous me permettrez, pour conclure, d'évoquer brièvement le fonctionnement même de l'équipe gouvernementale.
Je crois à la nécessité, aux vertus, du débat dans les périodes de grands changements tout particulièrement. C'est toute la force de notre gouvernement que de porter cette réflexion et d'explorer toutes les idées. Pour ma part je n'éluderai aucune question, dès lors qu'elles seront justes et guidées par le souci de répondre aux attentes des Français. Un bon débat, c'est bien sûr la première clé d'une bonne action.
Des engagements ont été pris. Je le répète ici : ils seront tenus.
C'est vrai pour la sécurité routière : 1000 radars devront être installés d'ici la fin 2005. Ils seront mis en place. Au terme de la concertation avec Dominique PERBEN et Nicolas SARKOZY, 500 radars supplémentaires, fixes ou mobiles, seront installés en 2006, en veillant bien sûr à ce qu'ils obéissent à une stricte logique de sécurité et à ce qu'ils soient disposés aux endroits les plus dangereux. Avec ces nouveaux radars, nous aurons un dispositif plus protecteur, mais nous serons encore loin de la situation de nombre de nos voisins européens. Je précise que le produit des amendes radars servira au financement du permis à 1 euro et aux dépenses de sécurité routière. La sécurité routière, vous le savez, c'est un grand chantier du Président de la République et j'entends le mener à bien avec détermination. Il a permis de sauver plus de 2000 vies par an : c'est dire à quel point il s'agit d'un enjeu vital pour notre société. Ces engagements seront tenus.
C'est vrai également pour la responsabilité des magistrats : je vous l'ai annoncé, nous nous pencherons sur la question dans les prochaines semaines.
C'est vrai pour la loi sur l'école : toutes les dispositions seront mises en place, en particulier celles portant sur le remplacement des professeurs. Le transfert des TOS sera lui aussi effectué selon le calendrier prévu.
C'est vrai également pour l'assurance-maladie : la réforme est en marche. Elle produit ses premiers résultats. La maîtrise des dépenses est engagée. Grâce à la réforme du médecin traitant, la qualité des soins sera garantie.
Enfin, vous me permettrez de terminer par trois brèves réflexions personnelles :
D'abord l'honneur qui est le mien de travailler dans la direction fixée par le Président de la République. L'ambition qui est la sienne, son exigence, sont pour moi un atout précieux.
Deuxième observation, c'est la joie qui est la mienne de diriger une équipe de personnalités aussi diverses, aussi dynamiques, chacune dans leur domaine. C'est une équipe qui a à la fois l'enthousiasme et l'expérience. Elle est au service des Françaises et des Français, elle est au contact de nos compatriotes, elle vit au rythme de notre pays.
Enfin je voudrais vous dire ma conviction que les Français ont envie de voir notre pays relever les défis, marquer des points, prendre toute sa place sur la scène européenne et sur la scène mondiale.
Voilà le petit propos introductif que je voulais faire avant de répondre maintenant avec les ministres.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 1er juillet 2005)
Nous sommes au trentième jour depuis ma prise de fonction, et je ne peux pas m'empêcher de penser à cet instant à tous les Françaises et tous les Français que j'ai croisés au cours des dernières semaines et qui m'ont dit : "bon courage Monsieur le Premier ministre". Cela me touche. Cela m'encourage. Je sais pourquoi je me bats.
Chaque jour qui passe est ici un jour d'action. Chaque jour qui passe est un jour au service des Françaises et des Français. Chaque jour qui passe, je veux valoriser les atouts de notre pays et défendre, dans la ligne tracée par le Président de la République, un projet collectif, un projet d'avenir.
Le 29 mai, les Français ont refusé le projet de traité constitutionnel. Derrière ce vote s'expriment des interrogations sur l'avenir de l'Europe et une crise de confiance dans notre pays.
Je me suis fixé pour objectif de créer rapidement les conditions d'un retour de la confiance avec chaque Français.
Partons, si vous le voulez bien, de la situation de nos compatriotes. Ils éprouvent des sentiments partagés :
Ils ont conscience du potentiel de notre pays : ils le voient à travers des grands projets comme ITER, le pont de Millau ou l'Airbus A380 que j'ai pu voir au salon du Bourget. Ils font preuve de dynamisme et de volonté.
Mais ils sont aussi inquiets face à la persistance du chômage ; face au risque de la montée du communautarisme ; face à la difficulté de réaliser leurs aspirations collectives ou individuelles, dans un monde ouvert, un monde changeant, marqué par la dureté de la concurrence.
Devant cette situation ils ont le sentiment que l'Etat ne les protège pas toujours assez. Ils manifestent leur impatience et leur frustration devant la lenteur et la complexité des décisions publiques.
C'est donc un défi historique qu'il nous faut relever, avec un impératif d'action, de défense de l'intérêt général et d'affirmation de notre unité nationale.
Nous devons retrouver le sentiment d'un destin commun, d'une grande aventure collective et en même temps donner à chacun la possibilité de s'épanouir et de donner le meilleur de lui-même.
Mon gouvernement est un gouvernement de service public : chaque décision sera donc prise avec le souci de la justice et de l'unité.
Ce défi, nous devons le relever dans un contexte difficile. Les Français savent que les marges financières de l'Etat sont étroites. L'augmentation du prix du pétrole, la baisse des recettes de l'impôt sur les sociétés créent une contrainte supplémentaire. Alors comment faire ?
Je veux que le gouvernement tienne ses engagements en matière de dépense publique : l'Etat ne peut pas dépenser sans compter l'argent que les Français gagnent difficilement. Nous tiendrons l'objectif d'une stabilité des dépenses en volume et même en valeur hors rémunérations.
J'ai également voulu que nous affections toutes nos marges de manuvre aux priorités de l'action gouvernementale :
Les ressources budgétaires affectées à l'emploi augmenteront de 10%.
L'Education et la Recherche disposeront de nouveaux moyens pour mieux remplir leur mission ;
Tous les ministères qui participent au renforcement de la sécurité de nos concitoyens disposeront des effectifs nécessaires.
Enfin chacun mesure que notre économie présente des faiblesses, faiblesses auxquelles il nous appartient d'apporter rapidement des solutions.
La première de ces faiblesses, c'est bien sûr le chômage.
C'est l'injustice la plus criante de la société française. Elle est traumatisante pour tous ceux qui cherchent pendant des mois un emploi ou qui se voient brutalement privés de leur salaire. Elle mine la crédibilité de toute l'action publique.
Au-delà des chiffres du chômage, vous connaissez la situation de l'emploi et je voudrais m'y attarder brièvement, si vous le voulez bien : 70%, dans notre pays, des embauches se font sous forme de CDD, dont la moitié durent moins d'un mois et l'autre moitié quatre mois et demi en moyenne.
Pour les jeunes, la proportion s'élève à 8 sur dix recrutés en CDD. Enfin, il faut constater que la grande majorité de ceux qui entrent sur le marché du travail alternent contrats précaires et périodes de chômage. J'ai pu mesurer à Charleville-Mézières à quel point cette situation fragilise, inquiète les salariés et les empêche de construire leur avenir.
La deuxième faiblesse que nous connaissons, ce sont nos exportations : elles sont le fait d'un nombre trop limité d'entreprises. Nous ne profitons pas suffisamment de l'émergence des nouvelles zones de croissance.
Il y a des leçons essentielles à tirer de cette situation, des leçons pour chacun : pour l'Etat, pour les acteurs économiques, pour les partenaires sociaux : nous avons des faiblesses ; mais nous avons aussi des atouts qu'il nous faut valoriser.
Nos grandes entreprises occupent des positions de pointe dans un certain nombre de secteurs stratégiques : l'agroalimentaire, l'aéronautique, le ciment, le gaz.
Nous avons développé par ailleurs une grande maîtrise dans les domaines de très haute technologie comme les énergies du futur ou encore les biotechnologies.
Nous avons une main d'uvre hautement qualifiée, motivée et dont la compétitivité est unanimement reconnue.
La qualité de nos infrastructures, le maillage de notre territoire et notre position géographique nous permettent de tirer pleinement parti de ces différents atouts.
Nous sommes l'un des rares pays, également, dont la population augmente en Europe. C'est un atout pour l'avenir. En 2050, on prédit près de 75 millions de Français, comparé à une baisse relative dans la plupart des autres pays.
La consommation des ménages a d'ailleurs fortement augmenté au premier trimestre. Elle a tiré la croissance qui a progressé de 0,3% au cours du premier trimestre.
Voilà le constat rapide que je voulais dresser de la situation. Je vous rencontrerai chaque mois pour faire le point sur l'état d'avancement des travaux du gouvernement. Je voudrais maintenant vous indiquer les premières orientations et les premières décisions que j'ai prises. Je veux construire - je l'ai dit tout à l'heure - un projet collectif qui permette de renouer des liens de confiance avec chacun des Français.
Ma première orientation c'est la bataille pour l'emploi. Le gouvernement y consacrera toute son énergie et je réunis d'ailleurs tous les jeudis les ministres concernés : Jean-Louis BORLOO, Thierry BRETON, Jean-François COPE, Renaud DUTREIL et Gérard LARCHER.
J'ai beaucoup écouté, beaucoup observé et je suis arrivé à la conclusion que nous devions, dans ce domaine, procéder avec beaucoup de pragmatisme et de simplicité.
Les gisements d'emploi sont concentrés dans les très petites entreprises. J'ai eu l'occasion de le constater lors de mon déplacement à Lyon et ma rencontre avec des chefs de petites entreprises. Il faut les aider à recruter plus facilement, tout en préservant les droits des salariés : c'est le premier objectif du contrat "nouvelles embauches".
Je veux le rappeler et je ne veux pas qu'il y ait de malentendu sur ce point : il s'agit d'un vrai contrat à durée indéterminée, avec un vrai salaire, et de vraies garanties pour les salariés.
En cas de rupture de ce contrat, la durée du préavis et le montant de l'indemnité seront déterminés en fonction du temps passé par chaque salarié dans l'entreprise. Un suivi personnalisé sera assuré : c'est là une condition essentielle pour retrouver rapidement un emploi.
La philosophie de ce contrat, c'est de donner plus de chances à l'employeur mais également plus de chances au demandeur d'emploi : c'est une nouvelle façon d'entrer sur le marché du travail et d'échapper à l'alternative chômage-CDD.
Les services à la personne représentent un autre réservoir d'activité considérable dans notre pays. C'est le secteur qui s'est le plus développé au cours des quinze dernières années. Et les perspectives sont très importantes : gardes d'enfants, assistance aux personnes dépendantes, soins à domicile, gardiennage... Le projet de loi sur les services à la personne permettra de professionnaliser et de développer dans des délais rapides toute une nouvelle gamme de services à domicile et de créer à terme près de 500 000 emplois.
Enfin l'Etat doit jouer tout son rôle dans cette bataille pour l'emploi :
C'est pourquoi j'ai décidé la création de 100 000 contrats d'accompagnement vers l'emploi pour les jeunes, qui seront prioritairement orientés vers les maisons de retraite, dans les hôpitaux, dans les établissements scolaires, et nous commençons dès maintenant, dans les prochains jours. D'ici la fin de l'année l'Etat prendra en charge 90% du coût de ces contrats pour leur donner une nouvelle impulsion.
Par ailleurs, pour les titulaires de minimas sociaux, 185 000 contrats d'avenir sont immédiatement disponibles dans les associations et les collectivités locales. Ces contrats leur permettront de revenir progressivement vers l'emploi, grâce aux formations qui leur seront ouvertes et ce, à travers ces contrats.
Pour les jeunes sans diplôme ni qualification, il y a une urgence particulière et Michèle ALLIOT-MARIE mettra en uvre en métropole un dispositif nouveau, qui est façonné sur la base du service militaire adapté Outre-mer.
Nous devons être encouragés à agir vite par les résultats des deux derniers mois qui marquent une très légère, trop légère inflexion du nombre de demandeurs d'emploi.
Pour convaincre les Français de notre détermination et pour gagner la bataille de l'emploi, j'ai fait le choix des ordonnances. Les ordonnances permettent de concilier l'exigence de concertation et de dialogue social avec l'impératif d'une action rapide. Vous savez que l'on y a souvent eu recours depuis 1945. J'ai reçu les partenaires sociaux. Jean-Louis BORLOO et Gérard LARCHER sont en contact permanent avec eux. Un débat s'ouvre maintenant au Parlement. Chacun aura pu s'exprimer avant que je ne prenne mes décisions.
Ma deuxième orientation pour renouer les fils de la confiance avec les Français, c'est l'autorité de l'Etat. Je crois dans un Etat garant de l'intérêt général qui assume toutes ses responsabilités au service de la protection des Français et de la solidarité.
Le budget que j'ai présenté il y a quelques jours traduit cette priorité. Il renforce les moyens des grands ministères chargés d'assurer la justice, la sécurité et la défense des Français : le ministère de l'Intérieur, le ministère de la Justice et le ministère de la Défense ont vu leurs crédits augmenter. Le cap fixé par les lois de programmation sera tenu.
Je souhaite qu'avec ces moyens nouveaux, nous enregistrions des résultats positifs en matière de lutte contre les violences aux personnes et contre l'immigration irrégulière, qui restent des préoccupations majeures de nos concitoyens. Je sais que je peux compter sur le ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur Nicolas SARKOZY pour avancer dans ce sens. Des pistes viennent d'être ouvertes, qui méritent d'être approfondies, notamment la création d'unités spécialisées pour lutter contre les conflits familiaux : des fonctionnaires disposent déjà de bonne formation dans ce domaine. Nous savons tous que les violences conjugales sont inacceptables et qu'elles sont trop fréquentes dans notre pays. Il convient donc de définir les dispositifs les plus adéquats.
Je souhaite également que les décisions de Justice puissent être rendues plus rapidement, pour répondre aux fortes attentes de nos concitoyens dans ce domaine. Le rapport de Jean-Luc. WARSMANN a souligné le problème bien connu de l'exécution des décisions de justice, qui est parfois aléatoire et souvent tardive. C'est un sujet que je considère comme prioritaire pour l'action de mon gouvernement.
La question de la responsabilité des magistrats a été soulevée à l'occasion de drames récents. C'est un dossier complexe, qui doit être examiné avec beaucoup de sérénité et j'ai demandé au Garde des Sceaux Pascal CLEMENT de me faire des propositions, dans les prochaines semaines. Elles seront présentées au Président de la République.
S'agissant de la récidive, nous ne pouvons pas accepter que certains individus défient à plusieurs reprises la loi et les forces de l'ordre. Le fait de récidiver doit effectivement aggraver les peines encourues. Mais nous devons le faire dans le respect de l'individualisation des peines, qui est un principe fondamental de notre justice.
L'égalité des territoires est une autre exigence majeure :
Nous savons qu'elle est aujourd'hui fragilisée par les difficultés croissantes que rencontrent certaines zones rurales, les villes moyennes et les quartiers difficiles. Confrontés à des mutations économiques profondes, ces territoires ont besoin de l'Etat, à la fois pour garantir les services publics et pour réfléchir à de nouvelles stratégies économiques.
Je mettrai donc en place, dans les prochaines semaine,s un service public d'aide aux bassins d'emploi en difficulté. Il devra anticiper les risques de délocalisation et aider à la reconversion des salariés. Il devra également veiller à ce que les entreprises qui quitteraient notre territoire ne continuent pas indûment à bénéficier d'aides publiques.
Ma troisième orientation c'est la préparation de l'avenir de la France et la valorisation de ses atouts. Lorsque les Français voient que leur pays peut gagner dans des domaines aussi importants que ceux du spatial, de l'aéronautique ou des énergies du futur comme on l'a vu avec ITER à Cadarache, ils retrouvent confiance dans l'avenir. Ces projets sont les moteurs de la croissance et du développement et ils sont créateurs d'emploi.
L'avenir se prépare tôt : c'est à l'école que se joue notre capacité à peser sur le futur. J'attache donc une importance particulière à la mise en uvre pleine et entière de la loi sur l'école. Toutes les dispositions de cette loi seront appliquées. Le décret sur le remplacement des professeurs en cas d'absence sera publié à la rentrée. De leur côté les établissements d'enseignement disposeront des moyens nécessaires pour remplir les nouveaux objectifs qui leur ont été fixés en matière de soutien scolaire et d'enseignement des langues. 20 000 contrats d'accompagnement vers l'emploi sont également prévus pour faciliter la vie quotidienne des établissements et aider tous ceux qui rencontrent aujourd'hui le plus de difficultés, et en particulier les élèves handicapés. L'école doit être le creuset d'une société plus solidaire, plus juste, et qui garantit aux jeunes la possibilité de se construire un avenir.
L'avenir se prépare également dans les laboratoires, dans les centres de recherche, dans les entreprises innovantes, dans les nouveaux projets. Le gouvernement tiendra les engagements qui ont été pris à l'égard de la recherche. Il soutiendra également l'innovation et j'ai souhaité doubler, dès à présent, le budget de l'Agence pour l'innovation industrielle. J'annoncerai la semaine prochaine la création des pôles de compétitivité qui seront le visage de la France de la qualité, de l'audace et de l'innovation. Nous devons être à la pointe dans tous les domaines : Ainsi dans le domaine de l'économie, où nous disposons de chercheurs de tout premier plan, mais qui sont malheureusement trop souvent dispersés à travers le monde. Pourtant, notre économie représente un enjeu politique majeur pour défendre notre conception de l'équilibre entre les droits sociaux et le dynamisme économique. Je souhaite donc que nous puissions disposer, en plus du centre d'excellence de Toulouse, d'une école de haut niveau dans ce domaine à Paris, sur le modèle de la London School of economics.
Ma quatrième orientation, c'est l'Europe. Ne nous trompons pas sur le message du 29 mai. Les Français continuent de croire dans la construction européenne. Ils savent que leur destin se joue désormais à l'échelle du continent. Mais dans ce domaine la confiance est aussi à reconstruire. Et je leur propose, dans la voie tracée par le Président de la République, de repartir avec un cap clair et une méthode nouvelle :
Le cap, c'est l'Europe politique, il ne doit y avoir aucune ambiguïté à ce sujet. J'ai d'ailleurs constaté, lors de mes rencontres avec l'ensemble des forces politiques, que ce choix était très largement partagé. Face à la réorganisation des grands ensembles géographiques, face à la mondialisation économique, face aux menaces nouvelles, l'Europe doit se donner les moyens de mieux défendre ses intérêts et ses valeurs. Elle ne pourra pas le faire si elle se résigne à n'être qu'un grand marché, qu'une grande zone de libre échange, gouvernée strictement par ces règles du libre-échange. Son poids et son influence dépendent de sa capacité à s'organiser et à défendre les politiques qui font aujourd'hui sa force : la politique agricole commune, une des rares politiques qui soit entièrement communautarisée, la politique de sécurité et de défense, la politique d'innovation et de recherche.
Pour tenir ce cap, j'ai proposé d'avancer vers une Europe des projets.
Dans le domaine économique, par exemple, il n'est pas acceptable que douze Etats qui ont su créer en quelques années une monnaie forte et respectée ne soient pas en mesure d'enregistrer de meilleurs résultats en termes de croissance et d'emploi : la définition d'une véritable gouvernance économique, la mise en uvre de la stratégie de Lisbonne doivent donc devenir, pour les Etats-membres, une priorité.
Dans le domaine de la recherche et de l'innovation, l'Europe dispose de chercheurs, de laboratoires, d'entreprises, d'un savoir-faire de très haut niveau : les faire travailler ensemble dans un ou deux instituts européens de haute technologie, c'est l'assurance d'attirer sur notre sol les meilleures compétences mondiales et d'élaborer les projets les plus porteurs.
Dans le domaine politique, les peuples sont en avance, souvent, sur leurs gouvernements. Ils se respectent, ils se comprennent, ils se rapprochent, au moment où les Etats cèdent parfois à la tentation de l'égoïsme et de la défense d'intérêts particuliers. Nous devons valoriser et faire vivre cette identité européenne qui est en train d'émerger jour après jour sous nos yeux. La création d'un véritable service civil européen, ouvert à tous les jeunes d'Europe est un des moyens pour relever ce défi. Et je demande au ministre des Affaires étrangères, à Philippe DOUSTE-BLAZY d'étudier ce projet avec l'ensemble de ses homologues et en liaison, bien sûr, ici en France, avec les autres ministres concernés.
Beaucoup de ces projets, comme vous pouvez le voir, ont un caractère interministériel. Pour les mettre en uvre j'ai donc décidé d'instaurer des réunions interministérielles mensuelles qui seront consacrées aux affaires européennes, dont la Ministre déléguée aux Affaires européennes Catherine COLONNA, assurera l'ordre du jour et le SGCI le secrétariat. Elles auront également vocation, ces réunions, à étudier les textes les plus importants en cours de discussion à Bruxelles, afin d'évaluer, à un niveau politique, leur incidence sur le territoire français. L'expérience de la directive Bolkestein ne doit pas se renouveler. La première de ces réunions interministérielles aura lieu au début du mois de septembre.
Voilà les premières orientations que je voulais vous présenter aujourd'hui. J'aurais l'occasion de revenir dessus au cours des prochains mois. Mais aujourd'hui je veux affirmer, devant vous, l'importance que j'attache à notre dialogue régulier et à nos échanges. Avec l'ensemble du gouvernement, je veux permettre à nos concitoyens de retrouver confiance dans la capacité de leurs responsables politiques à fixer un cap, à tenir leurs engagements et à obtenir des résultats pour eux-mêmes et pour la France.
Vous me permettrez, pour conclure, d'évoquer brièvement le fonctionnement même de l'équipe gouvernementale.
Je crois à la nécessité, aux vertus, du débat dans les périodes de grands changements tout particulièrement. C'est toute la force de notre gouvernement que de porter cette réflexion et d'explorer toutes les idées. Pour ma part je n'éluderai aucune question, dès lors qu'elles seront justes et guidées par le souci de répondre aux attentes des Français. Un bon débat, c'est bien sûr la première clé d'une bonne action.
Des engagements ont été pris. Je le répète ici : ils seront tenus.
C'est vrai pour la sécurité routière : 1000 radars devront être installés d'ici la fin 2005. Ils seront mis en place. Au terme de la concertation avec Dominique PERBEN et Nicolas SARKOZY, 500 radars supplémentaires, fixes ou mobiles, seront installés en 2006, en veillant bien sûr à ce qu'ils obéissent à une stricte logique de sécurité et à ce qu'ils soient disposés aux endroits les plus dangereux. Avec ces nouveaux radars, nous aurons un dispositif plus protecteur, mais nous serons encore loin de la situation de nombre de nos voisins européens. Je précise que le produit des amendes radars servira au financement du permis à 1 euro et aux dépenses de sécurité routière. La sécurité routière, vous le savez, c'est un grand chantier du Président de la République et j'entends le mener à bien avec détermination. Il a permis de sauver plus de 2000 vies par an : c'est dire à quel point il s'agit d'un enjeu vital pour notre société. Ces engagements seront tenus.
C'est vrai également pour la responsabilité des magistrats : je vous l'ai annoncé, nous nous pencherons sur la question dans les prochaines semaines.
C'est vrai pour la loi sur l'école : toutes les dispositions seront mises en place, en particulier celles portant sur le remplacement des professeurs. Le transfert des TOS sera lui aussi effectué selon le calendrier prévu.
C'est vrai également pour l'assurance-maladie : la réforme est en marche. Elle produit ses premiers résultats. La maîtrise des dépenses est engagée. Grâce à la réforme du médecin traitant, la qualité des soins sera garantie.
Enfin, vous me permettrez de terminer par trois brèves réflexions personnelles :
D'abord l'honneur qui est le mien de travailler dans la direction fixée par le Président de la République. L'ambition qui est la sienne, son exigence, sont pour moi un atout précieux.
Deuxième observation, c'est la joie qui est la mienne de diriger une équipe de personnalités aussi diverses, aussi dynamiques, chacune dans leur domaine. C'est une équipe qui a à la fois l'enthousiasme et l'expérience. Elle est au service des Françaises et des Français, elle est au contact de nos compatriotes, elle vit au rythme de notre pays.
Enfin je voudrais vous dire ma conviction que les Français ont envie de voir notre pays relever les défis, marquer des points, prendre toute sa place sur la scène européenne et sur la scène mondiale.
Voilà le petit propos introductif que je voulais faire avant de répondre maintenant avec les ministres.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 1er juillet 2005)