Déclaration de Mme Christine Lagarde, ministre délégué au commerce extérieur, sur la priorité du commerce extérieur, sur les délocalisations, sur les mesures prises pour favoriser l'ouverture des PME à l'international, Paris le 7 septembre 2005

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Circonstance : Assemblée générale des Français à l'étranger à Paris le 7 septembre 2005

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie de m'avoir invitée à participer à vos travaux. Je suis d'autant plus sensible à votre invitation que je comptais moi-même il y a peu au nombre de ces Français de l'étranger.
Très investie dans l'activité d'un cabinet d'affaires américain, j'ai toujours cherché à garder un lien fort avec la communauté française expatriée en Amérique et plus largement avec la France.
Aujourd'hui appelée à de nouvelles fonctions, j'espère pouvoir faire bénéficier la France de ma longue expérience à l'étranger et en retour faire bénéficier les Français de l'étranger de ma sensibilité particulière aux enjeux de la diaspora française grâce ma position privilégiée au sein des institutions nationales.
Je voudrais insister aujourd'hui sur trois points qui me semblent déterminants pour le rayonnement économique de la France dans le monde.
Je ne crois pas inutile de rappeler d'abord le contexte international et les enjeux pour la France de l'ouverture à l'économie mondiale.
A cet égard, je souhaite insister sur l'ampleur limitée des délocalisations et sur l'impact globalement positif de l'internationalisation des entreprises sur l'économie et la société françaises.
Enfin, je voudrais vous rappeler les mesures prises par le gouvernement pour stimuler l'internationalisation des entreprises, en particulier des PME.
1. L'ouverture internationale favorise la croissance et l'emploi
La fluidité des échanges, souvent critiquée, est pourtant un des principaux moteurs de la croissance. L'ouverture à l'Europe a accéléré le développement économique de la France. Le commerce international en hausse de 8 %, par an fournit à nos entreprises une croissance génératrice d'emplois.
L'ouverture de notre pays a permis le développement sur notre territoire d'industries compétitives dans le monde. La France est actuellement le 5e exportateur mondial, 4e exportateur de services, elle est la 4e terre d'accueil de l'investissement étranger au sein de l'OCDE (2003). Les investisseurs étrangers sont aujourd'hui à l'origine de 30 % des exportations françaises. De telles performances ont bénéficié à l'économie française : notre commerce extérieur a crû à un rythme en volume en moyenne deux fois plus rapide que le PIB depuis 1980.
Les entreprises et les salariés français ont beaucoup à gagner d'une libéralisation accrue des échanges et de règles garantes de pratiques commerciales équitables et loyales.
Le commerce extérieur est donc une priorité pour la France :
1.1. parce qu'il est créateur d'emplois : Aujourd'hui 20 % de la population active en France travaille directement ou indirectement pour l'exportation. Chaque milliard d'euros d'exportations supplémentaires génère 15 000 nouveaux emplois.
Or, nos exportations progressent moins vite que le commerce mondial, même si elles ont atteint un montant record au 1er semestre (175 milliards d'euros). En outre, le solde commercial s'aggrave en raison de l'envolée de la facture pétrolière et d'une certaine atonie chez nos voisins qui ne favorise pas les échanges. Notre commerce extérieur doit donc être plus dynamique pour créer de l'emploi en France.
1.2. parce qu'il est facteur de croissance pour les PME : les PME sont environ 100.000 à exporter, la moitié de façon confirmée et régulière et l'autre moitié occasionnellement. Elles représentent le tiers du commerce extérieur français. C'est donc là que se situe le principal gisement d'exportations nouvelles pour la France. Il s'agit d'élargir le vivier des entreprises exportatrices à 50 000 nouvelles PME. Nos entreprises doivent en bénéficier en jouant notamment sur les progrès réalisés en termes de productivité.
1.3. parce qu'il permet aux jeunes de se mobiliser à l'international : le développement des entreprises à l'international et du commerce extérieur passe aussi par l'accroissement du nombre des jeunes français actifs sur les marchés étrangers. Un plus grand nombre de jeunes doit partir à l'étranger au service des entreprises exportatrices ou pour permettre à celles qui hésitent de franchir " les frontières ". C'est toute l'ambition du volontariat international en entreprise et des plus de 3000 jeunes qui le vivent quotidiennement. Notre objectif est de doubler le nombre de ces jeunes d'ici la fin de l'année.
2. Les délocalisations ne doivent pas conduire les Français à se défier de la mondialisation et à se replier à l'intérieur de leurs frontières.
Les Français sont souvent très critiques sur la mondialisation, parfois pour de mauvaises raisons. La mondialisation bénéficie directement aux économies les plus avancées technologiquement ; or justement, la France se situe en excellente position en termes d'attractivité dans le domaine de la connaissance et des nouvelles technologies. Elle a tout à gagner à une ouverture du commerce mondial.
Selon les études disponibles, l'impact des délocalisations sur l'emploi resterait faible en France, même s'ils sont souvent très douloureux pour les salariés frappés par ces délocalisations.
Selon l'INSEE, les pertes d'emplois industriels dues aux délocalisations sont comprises entre 10 000 et 20 000 par an, dont 40 % environ vers les pays à bas salaires.
Dans l'ensemble, les secteurs industriels restent les plus exposés aux délocalisations, mais certains services, en particulier à faible valeur ajoutée, sont désormais affectés, comme les centres d'appel.
Surtout, il faut également prendre en compte l'impact " global " des délocalisations sur l'économie, notamment en termes de gains de compétitivité pour les entreprises et de gains de pouvoir d'achat pour les consommateurs, mais aussi leur impact positif sur les exportations.
Les investissements de nos entreprises visent avant tout la conquête des marchés étrangers, ils génèrent des exportations, et ne se traduisent pas par des pertes d'emplois significatives.
- Ce constat global ne doit certes pas occulter les inquiétudes : le coût social des délocalisations est d'autant plus lourd que l'activité est concentrée géographiquement.
- La réponse est double : à court terme, elle tient à la gestion sociale des crises (règles de bonne conduite, indemnisation, reconversion, mobilité...) ; à long terme, elle dépend de l'innovation, de la R D et de la formation.
- Mais la vraie réponse est ailleurs. Elle tient à une véritable politique de valorisation de nos atouts pour renforcer encore l'attractivité du territoire. Il est possible ainsi de drainer davantage d'investissements étrangers, qui contribuent substantiellement à l'activité de notre pays (15 % de la production française, 15 % des effectifs, 30 % des exportations de biens et services).
3. L'ouverture des PME à l'international doit donc demeurer notre priorité.
Vous savez que les PME françaises sont trop peu présentes à l'international. Les PME, de moins de 250 salariés, qui représentent 80 % des entreprises françaises, comptent seulement pour 16 % de nos exportations.
L'action du gouvernement est donc orientée vers le soutien prioritaire aux PME qui doivent " naviguer en escadre " pour éviter d'être torpillées. Nous avons donc promu les actions de parrainnage-portage pour inciter les grands groupes à prendre sous leur aile des PME dynamiques et à leur faire une place dans leur dispositif d'export.
3.1. La mobilisation du dispositif d'appui aux entreprises répond à cette priorité d'ouverture à l'économie mondiale. Ce dispositif doit être simple, efficace et lisible.
- Ce dispositif public doit être d'abord lisible. La fusion des divers organismes d'appui au commerce extérieur est à l'origine de la nouvelle agence UBIFRANCE. Cette agence regroupe désormais les compétences en matière de promotion du commerce extérieur et travaille en liaison étroite avec les missions économiques à l'étranger dont elle assure l'animation.
- Ce dispositif public doit être aussi efficace. La mobilisation concerne l'ensemble des partenaires à l'exportation. Le rôle des acteurs économiques publics et privés est essentiel pour prolonger l'action des pouvoirs publics auprès des entreprises. C'est pourquoi UBIFRANCE s'appuie sur les acteurs locaux (chambres de commerce, agences régionales de développement) pour diffuser son offre de prestations auprès des PME. Tout opérateur organisant une manifestation commerciale à l'étranger en faveur de PME françaises peut bénéficier d'un soutien financier au titre de la politique de labellisation mise en oeuvre par UBIFRANCE. Grâce à cet effet de levier, l'offre de manifestations internationales proposée à nos entreprises a doublé entre 2002 et 2004.
- Je souhaite que vous le fassiez savoir dans les chambres de commerce françaises à l'étranger.
Ce dispositif doit enfin être simple. Je concentre donc les soutiens sur quelques priorités :
- Les plans d'action géographique encouragent la réorientation de nos échanges vers 25 pays cibles à fort potentiel. Je renforcerai les moyens sur 5 pays prioritaires.
- Les plans sectoriels : 11 secteurs ont été sélectionnés pour renforcer notre présence à l'étranger.
- Les communautés d'affaires françaises à l'étranger ont un rôle essentiel à jouer pour encourager l'action commerciale. Elles sont en effet en contact direct avec le terrain. Elles détiennent une information de première main et souvent stratégique sur les marchés extérieurs. Elles sont souvent organisées au travers des chambres de commerce françaises à l'étranger et des sections locales de conseillers du commerce extérieur de la France. Ils comptent parmi les principaux partenaires du dispositif d'appui au commerce extérieur.
3.2. L'emploi international et l'expatriation sont également au coeur de cette problématique.
- La promotion du volontariat international en entreprise est une nécessité. Plus de 3000 VIE sont aujourd'hui en poste auprès de 700 entreprises, mais 30 000 jeunes ont fait acte de candidature et sont prêts à partir à l'international. Il faut donc promouvoir le dispositif pour favoriser le recrutement de jeunes français par les filiales à l'étranger. C'est notamment le sens de l'engagement pris par le comité national des CCEF visant à ce que chaque conseiller du commerce extérieur français à l'étranger contribue au recrutement d'au moins un VIE en 2005.
- D'autres mesures visent à favoriser l'emploi et sont encore trop peu utilisées :
- Le crédit d'impôt export a pour objet d'inciter les PME, qui ont moins de 250 salariés et sont fiscalisées en France, à franchir une étape importante du développement international par la prospection et un recrutement dédié à l'export. Il permet à une PME, qui a recruté un salarié à l'export ou un VIE, de déduire dans les deux ans qui suivent ce recrutement, jusqu'à 40 000 euros de son impôt sur les sociétés si elle a engagé des dépenses de prospection commerciale pour exporter en dehors de l'espace économique européen.
- Le contrat d'emploi export vise à favoriser le développement des missions à l'exportation en assouplissant les contraintes liées aux règles du licenciement économique tout en apportant des garanties aux salariés concernés. Il permet à une entreprise d'embaucher, pendant au moins 6 mois, un salarié pour une mission dédiée à un projet d'exportation (contrat à durée indéterminée dont le terme est lié à la fin de la mission) dans des conditions souples et économiques définies par accord d'entreprise ou de branche. Un premier accord de ce type a été prochainement conclu par l'Union des industries métallurgiques et minières.
- Une nouvelle mesure, adoptée en juin dernier, concerne enfin les personnels passant plus de 120 jours à l'étranger au service du développement des exportations de leur entreprise. Ces salariés seront exonérés d'impôt sur le revenu pour la part de rémunération correspondant à leur travail effectué à l'étranger. Cette exonération fiscale sera inscrite dans le projet de Loi de finances 2006 et sera opérationnelle dès le 1er janvier prochain.
Vous qui parcourez le monde, vous êtes les mieux placés pour faire connaître ces mesures et rassembler les énergies.
Après l'annonce du déficit commercial 1er semestre (11 Mds d'Euros), alors que les exportations atteignent leur plus haut niveau historique et au moment où le prix du pétrole atteint de nouveaux records, il est plus que jamais d'actualité de renforcer la dimension internationale de nos entreprises.
Je ne trahirai donc pas un secret en vous disant que je travaille actuellement étroitement avec le ministre de l'économie et le premier ministre pour proposer de nouvelles mesures qui seront appliquées dès le 1er janvier.
Avec votre aide, je crois que l'équipe France, qui possède des atouts exceptionnels, peut marquer plus de buts à l'international.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 9 septembre 2005)