Interview de M. Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l'Assemblée nationale, dans "Les Echos" le 18 octobre 2005, sur le projet de loi de finances pour 2006 et la réforme fiscale envisagée pour 2007.

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Les marges de manoeuvre futures sont sottement dilapidées par le gouvernement

Question : Dans quel état d'esprit abordez-vous le débat budgétaire qui commence cet après-midi à l'Assemblée nationale ?
R - Notre critique sera particulièrement sévère cette année. Le projet de loi de Finances pour 2006 est insincère. Les prévisions macroéconomiques du gouvernement sont irréalistes, comme elles l'avaient été l'an dernier, on le voit aujourd'hui avec le prix du pétrole. Nous allons dénoncer la mise en scène de la gestion du déficit, car le gouvernement n'arrête pas d'annoncer des dépenses non financées, tout en préparant des baisses d'impôts. Or chacun sait que les baisses d'impôts ne profitent pas à la croissance. Au contraire, elles paupérisent l'Etat au moment où les besoins en investissements se font cruellement sentir. Les marges de manoeuvre futures sont sottement dilapidées. Que restera-t-il à la majorité qui sortira des urnes dans dix-huit mois ?
Question : La réforme fiscale constitue- t-elle, selon vous, le volet principal du texte préparé par Thierry Breton ?
R - Le Parlement va devoir examiner deux budgets en un, puisque la réforme fiscale entrera en vigueur en 2007. En tout cas, si les baisses d'impôts seront effectives l'année de la présidentielle, les mesures pour 2006 se traduisent par une hausse du taux de prélèvements obligatoires l'année prochaine. La réforme est donc mensongère. Le groupe socialiste s'y opposera et demandera la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG, pour rendre l'impôt plus progressif et donc plus juste. Cela permettrait au passage d'y adosser la taxe d'habitation.
Question : Aurez-vous des demandes particulières sur le " bouclier fiscal " ?
R - Comme le reste du budget, il s'agit d'une mesure inégalitaire, et nous ne cesserons de le répéter pendant les débats. Seuls 8.000 contribuables très aisés vont en bénéficier pour un total de 400 millions d'euros. Alors qu'en même temps 500 millions d'euros seront consacrés à la hausse de la prime pour l'emploi qui concerne, elle, 8 millions de Français, soit 4, 73 euros par personne. Ce n'est pas du tout le treizième mois évoqué par la majorité UMP et je ne vois pas très bien où est la croissance sociale de Dominique de Villepin. Et je ne parle pas de la réforme de l'impôt sur la fortune, sur laquelle le gouvernement avance en tenue de camouflage.

Question : Comment voyez-vous les collectivités locales participer au financement de ce " bouclier " ?
R - Il serait profondément choquant de leur demander une contribution alors qu'une grave crise de financement se profile dans les régions, les départements et les intercommunalités. Le gouvernement veut plafonner la taxe professionnelle alors que les collectivités locales, qui assurent 70 % des investissements publics, ont besoin du produit de cet impôt. Par ailleurs, quand le Premier ministre se félicite de la baisse du chômage, il oublie de dire que ceux qui sortent des statistiques partent au RMI et viennent ainsi alourdir la charge des départements.
(Source http://www.deputessocialistes.fr, le 19 octobre 2005)