Texte intégral
Q- A. Hausser-. On vous a vu très à l'offensive à l'Assemblée nationale, mardi après-midi, au moment du débat sur la motion de censure. Vous vous êtes montré très offensif, J.-P. Raffarin a même parlé "d'injures". Cela vous a valu une avalanche de réactions de la part de vos collègues, "amis" - on ne sait plus quoi dire - de la majorité, mais aussi de l'opposition, parce que vous avez volé la vedette à F. Hollande. Aujourd'hui, vous rectifiez un peu le tir ou vous maintenez ?
R- "En rien. Ce que j'ai dit à la tribune de l'Assemblée nationale, je le dis tous les jours et les Français le disent entre eux. Les Français ne veulent pas que le Gouvernement s'en aille, ils l'ont élu pour cinq ans et ils n'ont pas envie de revoir le PS. Mais ils voudraient que le Gouvernement entende mieux leurs inquiétudes, entende plus tôt leurs inquiétudes. Regardez ce que nous avons sous les yeux : l'affaire des chercheurs. C'est absolument terrible qu'un grand pays de recherche comme la France voit cette espèce d'opposition entre le monde des chercheurs - 50.000 ont signé - et le Gouvernement. Pourquoi ? Parce qu'on ne les a pas écoutés. Si vous allez aujourd'hui dans le monde des agriculteurs, comme je le fais souvent, vous trouvez une très profonde inquiétude. Que ne leur parle-t-on ? Et donc, les Français voudraient que l'attitude du Gouvernement change et que quelque chose l'oblige à les entendre et à parler avec eux de l'avenir aussi franchement qu'on peut le faire entre gouvernants et citoyens."
Q- Quelque chose ou quelqu'un ?
R- "Et si ce quelque chose devait être le vote du 21 mars, ce que je crois être la seule solution possible, alors il faut naturellement que quelqu'un se lève à la tribune de l'Assemblée nationale et dise, les yeux dans les yeux, au Gouvernement comme au PS, qu'il faut absolument changer la manière de gouverner la France. C'est ce que j'ai fait. Je l'ai dit avec la même vigueur au PS qui n'a rien changé et au Gouvernement qui croit qu'un parti unique peut avoir tous les pouvoirs en France."
Q- Comment croyez-vous, vous, pouvoir tout changer ? Vous parliez des chercheurs tout à l'heure : c'est vrai que le Gouvernement reconnaît son erreur en la matière et qu'il essaye de rectifier le tir, mais maintenant, on ne l'entend plus...
R- "Il y a 18 mois, je crois, que j'ai prononcé un discours à l'université d'été de l'UDF en 2002, en disant que nous allions vers un problème majeur dans le monde de l'éducation et de la recherche, parce que le Gouvernement n'avait pas classé ce domaine au nombre des priorités. Pire : il a gelé près de la moitié des crédits qui avaient été accordés aux laboratoires. Les laboratoires se sont trouvés, pour beaucoup d'entre eux, dans l'incapacité de fonctionner. Est-ce que l'on n'aurait pas pu entendre plus tôt ? Est-ce que les voix qui avertissent le Gouvernement sont des voix ennemies ? Eh bien, pour moi, non : ce sont des voix qui portent la parole des Français. Cette liberté de s'exprimer face à face, par rapport au Gouvernement et par rapport au PS, c'est notre originalité. Et c'est cela que nous revendiquons."
Q- Avouez que cela provoque quand même de l'embarras chez certains de vos amis. Dans certaines régions, vous faites alliance avec l'UMP, même si vous dites que c'est un parti qui voudrait être un parti unique et que c'est une mauvaise chose pour la démocratie. Ailleurs, vous présentez des listes à part, vous êtes vous-même chef de file en Aquitaine. Vous croyez que l'électeur s'y retrouve bien ?
R- "L'électeurs s'y retrouve parfaitement bien. Il a le sentiment, je crois - en tout cas, c'est ce qu'il me dit -qu'enfin, une voix différente se fait entendre. Et ce que me disent la plupart..."
Q- On dit aussi que vous êtes populiste, démagogue...
R- "Oui... Comment soutenir l'idée que quelqu'un qui dit la vérité des Français à la tribune policée de l'Assemblée nationale est démagogue ? Il n'est pas démagogue, il est démocrate ! La tribune de l'Assemblée nationale devrait être le lieu où on exprime crûment les choses que les Français ressentent. C'est un Parlement, et un Parlement, c'est fait pour parler. Alors, évidemment, il y a des lustres qu'on ne parle pas au Parlement, que les discours sont convenus, bien enfermés dans leurs cadres. On sait à l'avance ce que va dire l'UMP et ce que le PS va dire. D'ailleurs, nul ne s'en émeut plus. Eh bien, je suis là en partie, modestement, à ma place, pour que le Parlement retrouve sa vocation, que désormais, on ose y dire les choses que l'on dit dans les émissions de télévision ou que l'on dit au coin de la rue. Cette évidence pour moi, de voir la démocratie retrouver sa vigueur et les Français retrouver des porte-parole..."
Q- Mais quand on vous a écouté mardi, on se disait que vous alliez voter la censure.
R- "Mais justement, non."
Q- Mais pourquoi dites-vous au Premier ministre que vous ne le démolissez pas, mais...
R- "La censure, c'est fait pour faire tomber le Gouvernement. Je ne veux pas faire tomber le Gouvernement, je veux qu'il change. Je ne souhaite pas l'échec de ces cinq années. Ce serait terrible pour le pays que l'on continue à aller de désillusion en désillusion. L'ami le plus sincère, le plus fiable, c'est celui qui dit la vérité. Il suffit de reprendre chacun des problèmes que le Gouvernement a rencontré depuis dix-huit mois, pour voir que nous avions averti plusieurs mois à l'avance. Les intermittents du spectacle : vous êtes témoin que l'on avait averti ; pour la recherche, c'est la même chose. Eh bien que l'on écoute un peu ceux qui ont une voix libre et pas seulement ceux qui ont le petit doigt sur la couture du pantalon et un bâillon sur la bouche."
Q- Mais si vous n'êtes pas entendu par l'opinion, que se passera-t-il ?
R- "Si je n'étais pas entendu - mais je crois que ce ne sera pas le cas, il ne semble que beaucoup de Français sont intéressés par l'acte de liberté que nous faisons -, cela voudrait dire que pendant trois ans, le pouvoir serait conforté dans son attitude, le Gouvernement serait conforté dans son attitude et qu'il considérerait, qu'après tout, ayant tous les pouvoirs, il peut décider lui-même sans faire attention aux Français. Je suis persuadé que ce n'est pas l'intérêt de la France."
Q- Question sur le Conseil constitutionnel - dont vous critiquez la composition, mais ce n'est pas de cela dont il s'agit -, qui a censuré une partie de la loi Perben II. C'est une censure a minima, ou pour vous ce sont les points essentiels qui ont été retoqués ?
R- "Je trouve que c'est une décision heureuse, parce qu'il y a une part d'inquiétude, que nous avions aussi soulignée, dans le monde judiciaire et dans le monde des avocats en France autour des libertés. C'est bien que le Conseil constitutionnel ait enlevé du texte les points qui auraient pu faire problème ou qui auraient été dangereux sur cette affaire. Il faut se réjouir chaque fois qu'il y a l'exercice d'un contre-pouvoir dans un pays. C'est le contre-pouvoir qui donne à la démocratie sa légitimité."
Q- Malgré la contestation que vous apportez à sa future composition, vous lui faites quand même confiance...
R- "Ce n'est pas ça le sujet. Je trouve qu'il n'est pas normal, dans un pays comme la France, que l'on se retrouve dans quelques mois, dans quelques années, avec des corps de contrôle, Conseil constitutionnel ou CSA, appartenant à un seul bord. Je propose depuis longtemps que l'on adopte en France la même procédure ou la même discipline que s'imposent les Etats-Unis : lorsque l'on nomme des membres à des corps de contrôles aussi importants pour notre démocratie, il faudrait qu'ils aient l'aval de la majorité et de l'opposition ou, en tout cas, d'une part importante de l'opposition. Et donc, que l'équilibre soit trouvé dans leur nomination, par la vérification par le Parlement de leur légitimité."
Q- Dernière question sur l'affaire dite "AZF". Fallait-il informer ou ne pas divulguer l'information ?
R- "Si j'avais été en situation de responsabilité, je ne l'aurais pas fait, parce que je trouve qu'il y a des moments, où même si on a l'information, c'est peut-être mieux de ne pas la répandre pour que la police et la gendarmerie fassent leur travail. Mais il est vrai aussi qu'une démocratie, c'est la liberté de la presse."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 4 février 2004)
R- "En rien. Ce que j'ai dit à la tribune de l'Assemblée nationale, je le dis tous les jours et les Français le disent entre eux. Les Français ne veulent pas que le Gouvernement s'en aille, ils l'ont élu pour cinq ans et ils n'ont pas envie de revoir le PS. Mais ils voudraient que le Gouvernement entende mieux leurs inquiétudes, entende plus tôt leurs inquiétudes. Regardez ce que nous avons sous les yeux : l'affaire des chercheurs. C'est absolument terrible qu'un grand pays de recherche comme la France voit cette espèce d'opposition entre le monde des chercheurs - 50.000 ont signé - et le Gouvernement. Pourquoi ? Parce qu'on ne les a pas écoutés. Si vous allez aujourd'hui dans le monde des agriculteurs, comme je le fais souvent, vous trouvez une très profonde inquiétude. Que ne leur parle-t-on ? Et donc, les Français voudraient que l'attitude du Gouvernement change et que quelque chose l'oblige à les entendre et à parler avec eux de l'avenir aussi franchement qu'on peut le faire entre gouvernants et citoyens."
Q- Quelque chose ou quelqu'un ?
R- "Et si ce quelque chose devait être le vote du 21 mars, ce que je crois être la seule solution possible, alors il faut naturellement que quelqu'un se lève à la tribune de l'Assemblée nationale et dise, les yeux dans les yeux, au Gouvernement comme au PS, qu'il faut absolument changer la manière de gouverner la France. C'est ce que j'ai fait. Je l'ai dit avec la même vigueur au PS qui n'a rien changé et au Gouvernement qui croit qu'un parti unique peut avoir tous les pouvoirs en France."
Q- Comment croyez-vous, vous, pouvoir tout changer ? Vous parliez des chercheurs tout à l'heure : c'est vrai que le Gouvernement reconnaît son erreur en la matière et qu'il essaye de rectifier le tir, mais maintenant, on ne l'entend plus...
R- "Il y a 18 mois, je crois, que j'ai prononcé un discours à l'université d'été de l'UDF en 2002, en disant que nous allions vers un problème majeur dans le monde de l'éducation et de la recherche, parce que le Gouvernement n'avait pas classé ce domaine au nombre des priorités. Pire : il a gelé près de la moitié des crédits qui avaient été accordés aux laboratoires. Les laboratoires se sont trouvés, pour beaucoup d'entre eux, dans l'incapacité de fonctionner. Est-ce que l'on n'aurait pas pu entendre plus tôt ? Est-ce que les voix qui avertissent le Gouvernement sont des voix ennemies ? Eh bien, pour moi, non : ce sont des voix qui portent la parole des Français. Cette liberté de s'exprimer face à face, par rapport au Gouvernement et par rapport au PS, c'est notre originalité. Et c'est cela que nous revendiquons."
Q- Avouez que cela provoque quand même de l'embarras chez certains de vos amis. Dans certaines régions, vous faites alliance avec l'UMP, même si vous dites que c'est un parti qui voudrait être un parti unique et que c'est une mauvaise chose pour la démocratie. Ailleurs, vous présentez des listes à part, vous êtes vous-même chef de file en Aquitaine. Vous croyez que l'électeur s'y retrouve bien ?
R- "L'électeurs s'y retrouve parfaitement bien. Il a le sentiment, je crois - en tout cas, c'est ce qu'il me dit -qu'enfin, une voix différente se fait entendre. Et ce que me disent la plupart..."
Q- On dit aussi que vous êtes populiste, démagogue...
R- "Oui... Comment soutenir l'idée que quelqu'un qui dit la vérité des Français à la tribune policée de l'Assemblée nationale est démagogue ? Il n'est pas démagogue, il est démocrate ! La tribune de l'Assemblée nationale devrait être le lieu où on exprime crûment les choses que les Français ressentent. C'est un Parlement, et un Parlement, c'est fait pour parler. Alors, évidemment, il y a des lustres qu'on ne parle pas au Parlement, que les discours sont convenus, bien enfermés dans leurs cadres. On sait à l'avance ce que va dire l'UMP et ce que le PS va dire. D'ailleurs, nul ne s'en émeut plus. Eh bien, je suis là en partie, modestement, à ma place, pour que le Parlement retrouve sa vocation, que désormais, on ose y dire les choses que l'on dit dans les émissions de télévision ou que l'on dit au coin de la rue. Cette évidence pour moi, de voir la démocratie retrouver sa vigueur et les Français retrouver des porte-parole..."
Q- Mais quand on vous a écouté mardi, on se disait que vous alliez voter la censure.
R- "Mais justement, non."
Q- Mais pourquoi dites-vous au Premier ministre que vous ne le démolissez pas, mais...
R- "La censure, c'est fait pour faire tomber le Gouvernement. Je ne veux pas faire tomber le Gouvernement, je veux qu'il change. Je ne souhaite pas l'échec de ces cinq années. Ce serait terrible pour le pays que l'on continue à aller de désillusion en désillusion. L'ami le plus sincère, le plus fiable, c'est celui qui dit la vérité. Il suffit de reprendre chacun des problèmes que le Gouvernement a rencontré depuis dix-huit mois, pour voir que nous avions averti plusieurs mois à l'avance. Les intermittents du spectacle : vous êtes témoin que l'on avait averti ; pour la recherche, c'est la même chose. Eh bien que l'on écoute un peu ceux qui ont une voix libre et pas seulement ceux qui ont le petit doigt sur la couture du pantalon et un bâillon sur la bouche."
Q- Mais si vous n'êtes pas entendu par l'opinion, que se passera-t-il ?
R- "Si je n'étais pas entendu - mais je crois que ce ne sera pas le cas, il ne semble que beaucoup de Français sont intéressés par l'acte de liberté que nous faisons -, cela voudrait dire que pendant trois ans, le pouvoir serait conforté dans son attitude, le Gouvernement serait conforté dans son attitude et qu'il considérerait, qu'après tout, ayant tous les pouvoirs, il peut décider lui-même sans faire attention aux Français. Je suis persuadé que ce n'est pas l'intérêt de la France."
Q- Question sur le Conseil constitutionnel - dont vous critiquez la composition, mais ce n'est pas de cela dont il s'agit -, qui a censuré une partie de la loi Perben II. C'est une censure a minima, ou pour vous ce sont les points essentiels qui ont été retoqués ?
R- "Je trouve que c'est une décision heureuse, parce qu'il y a une part d'inquiétude, que nous avions aussi soulignée, dans le monde judiciaire et dans le monde des avocats en France autour des libertés. C'est bien que le Conseil constitutionnel ait enlevé du texte les points qui auraient pu faire problème ou qui auraient été dangereux sur cette affaire. Il faut se réjouir chaque fois qu'il y a l'exercice d'un contre-pouvoir dans un pays. C'est le contre-pouvoir qui donne à la démocratie sa légitimité."
Q- Malgré la contestation que vous apportez à sa future composition, vous lui faites quand même confiance...
R- "Ce n'est pas ça le sujet. Je trouve qu'il n'est pas normal, dans un pays comme la France, que l'on se retrouve dans quelques mois, dans quelques années, avec des corps de contrôle, Conseil constitutionnel ou CSA, appartenant à un seul bord. Je propose depuis longtemps que l'on adopte en France la même procédure ou la même discipline que s'imposent les Etats-Unis : lorsque l'on nomme des membres à des corps de contrôles aussi importants pour notre démocratie, il faudrait qu'ils aient l'aval de la majorité et de l'opposition ou, en tout cas, d'une part importante de l'opposition. Et donc, que l'équilibre soit trouvé dans leur nomination, par la vérification par le Parlement de leur légitimité."
Q- Dernière question sur l'affaire dite "AZF". Fallait-il informer ou ne pas divulguer l'information ?
R- "Si j'avais été en situation de responsabilité, je ne l'aurais pas fait, parce que je trouve qu'il y a des moments, où même si on a l'information, c'est peut-être mieux de ne pas la répandre pour que la police et la gendarmerie fassent leur travail. Mais il est vrai aussi qu'une démocratie, c'est la liberté de la presse."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 4 février 2004)