Texte intégral
Monsieur le Ministre,
Madame la Ministre,
Mesdames et Messieurs les Députés et Sénateurs,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Après le président de la République, qui a fixé les grandes orientations de la politique étrangère de la France, et après le ministre, qui vient de vous donner votre feuille de route, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, je dois vous parler des priorités de mon action, dans le cadre de notre conférence, consacrée cette année aux "implications pour l'Europe et pour la France du référendum".
Il est d'autant plus nécessaire de le faire que je crois qu'on ne peut plus être ministre déléguée aux Affaires européennes de la même façon après le 29 mai qu'avant le 29 mai.
Presque jour pour jour, trois mois se sont écoulés depuis le référendum. Celui-ci a créé une situation nouvelle, il en a été tenu compte. Un nouveau gouvernement a été nommé, de nouvelles lignes d'action ont été tracées et, en particulier sur l'Europe, de nouvelles méthodes de travail ont été arrêtées, avec notamment la mise en place de comités interministériels réguliers.
Pour autant, on voit bien que le 29 mai n'est pas soldé. Les partis politiques poursuivent le débat en pensant aux échéances de 2007, certains en se déchirant, d'autres en espérant prospérer par l'exploitation de thèmes anti-européens. La tentation de la démagogie n'a d'ailleurs pas disparu partout.
Il appartient au gouvernement de fixer le cap et de le tenir. Il le fera avec détermination et avec conviction. Nous devons tout à la fois répondre aux préoccupations et aux attentes des Français sur l'Europe et réaffirmer que la question n'est pas de choisir entre la France et l'Europe. Les deux vont de pair. Mais il faudra mieux le faire comprendre et davantage associer les citoyens.
Je vais donc vous dire quel est ce cap et vous parler de notre projet européen.
Mais tout d'abord, je me dois de dire quelques mots sur le traité constitutionnel, dont l'avenir est incertain.
Où en sommes-nous ? Treize Etats membres sur 25 l'ont ratifié. D'autres, comme la Belgique, devraient achever dans un proche avenir leur procédure ou, comme l'Estonie, soumettre le traité à ratification d'ici la fin de l'année. Toutefois, nous le savons bien, pour entrer en vigueur le traité devra être ratifié par tous les Etats membres. Or les votes ont été négatifs en France et aux Pays-Bas.
Dans une telle situation, que peut-on envisager ? Renégocier ? Cela semble improbable. Aucun de nos partenaires en tout cas ne l'a proposé depuis le mois de juin. De plus, cela reviendrait à ne pas respecter la volonté des peuples et des parlements qui ont déjà ratifié le traité ou qui s'apprêtent à se prononcer. Ce serait aussi remettre en cause l'équilibre difficilement atteint par ce texte, et pour un résultat certainement moins ambitieux et moins favorable aux idées que défend la France en Europe.
Consulter à nouveau le peuple ? Je n'imagine pas qu'il soit possible de demander aux Français de se prononcer une seconde fois sur le même texte. Laissons donc aujourd'hui les choses en l'état. Peut-être le temps nous aidera-t-il à apporter des réponses.
C'est la raison pour laquelle, avec sagesse, les chefs d'Etat ou de gouvernement ont pris, lors du Conseil européen de juin dernier, la décision de se donner rendez-vous au premier semestre 2006 pour convenir de la suite. Ils ont souhaité que le processus de ratification puisse se poursuivre, en adaptant si nécessaire son calendrier, et ont appelé à la poursuite d'un large dialogue sur les questions européennes dans chacun de nos pays.
Il est difficile d'en dire davantage aujourd'hui sur le traité constitutionnel. Cependant d'ores et déjà deux choses sont claires : contrairement à ce que prétendaient les diseurs de bonne aventure, l'Europe ne va pas mieux après le non au référendum. Elle va moins bien. Ils ont sciemment trompé les Français. Depuis le 29 mai, aucune alternative crédible au traité constitutionnel n'a vu le jour.
Par ailleurs, le traité actuellement en vigueur, celui de Nice, n'est pas une solution durable et on ne bâtira pas sur cette base l'Europe que nous voulons. L'Europe élargie a besoin d'institutions rénovées pour fonctionner efficacement, démocratiquement et faciliter la prise de décision tout en assurant à chaque Etat sa juste place. Aujourd'hui comme hier, ce besoin demeure.
Dans cette période de doutes et d'incertitudes, jamais il n'a été aussi important de réaffirmer la nature de notre projet européen. C'est un devoir vis-à-vis des Françaises et des Français, qui veulent savoir où nous allons. Nous devons aussi dire à nos partenaires que la France continuera à tenir toute sa place en Europe. Enfin, je demeure convaincue que l'Europe reste l'avenir de la France, nous donne une perspective et peut nous permettre de nous rassembler.
Quel est l'intérêt de la France et des Français ? La réponse est sans ambiguïté : le projet de la France est celui d'une Europe politique, ambitieuse et solidaire, comme l'a rappelé le chef de l'Etat dès le 17 juin dernier.
Le projet européen ne se résume pas à la mise en place d'une zone de libre-échange. L'Europe est depuis l'origine beaucoup plus que cela. La vision des fondateurs était bien de mettre les solidarités concrètes au service d'une ambition politique.
L'Europe n'est pas qu'un marché, elle est aussi une histoire, une culture, des principes, des valeurs communes et une volonté de s'unir pour défendre nos intérêts et peser sur les affaires du monde.
Tout ceci est plus que jamais d'actualité et de fait, malgré les crises, ce projet d'une Europe politique continue de progresser dans les esprits. Le Premier ministre britannique n'a-t-il pas déclaré lui-même, dans son discours devant le Parlement européen il y a quelques semaines, son attachement à une Europe politique ? Il n'est pas sûr qu'on aurait entendu un tel discours il y a seulement dix ans.
De même, une conscience européenne se forge progressivement : nous avons vu ces derniers jours, par exemple, combien les attentes sont fortes en matière de sécurité aérienne ou de mutualisation des moyens de lutte contre les incendies.
Ce projet d'une Europe forte et ambitieuse, la France veut le réaliser avec l'ensemble de ses partenaires. C'est une Europe unie que nous voulons voir avancer, sachant que dans une Europe élargie les coopérations renforcées permettront à certains d'ouvrir la voie si nécessaire.
Notre ambition pour l'Europe, nous la partageons en premier lieu avec l'Allemagne et c'est la raison pour laquelle, quels que soient les gouvernements, nos deux pays ont toujours su être un moteur dans la construction européenne pour entraîner leurs partenaires.
Mais, avant tout, comment, dans le contexte actuel, aller de l'avant pour bâtir ce projet d'une Europe politique, ambitieuse et solidaire ? En avançant résolument dans trois directions :
- Rendre l'Europe plus concrète ;
- Répondre aux deux défis majeurs pour l'avenir de l'Europe que sont l'élargissement et la mondialisation ;
- Enfin mieux associer les citoyens.
C'est ainsi que nous pourrons emporter l'adhésion de nos compatriotes.
La priorité est de rendre l'Europe plus concrète.
Cela passe par le développement de politiques efficaces et par des projets ambitieux et utiles.
Consolidons bien sûr les politiques actuelles qui ont fait leur preuve et qui constituent le socle de la construction européenne, mais donnons aussi une impulsion aux politiques qui répondent aux attentes qui se sont exprimées.
Quelle est la préoccupation première des Français ? L'emploi et la croissance. C'est pourquoi le gouvernement en fait l'axe principal de son action, y compris au plan européen.
Il y a cinq ans à Lisbonne, les Européens s'étaient donné pour objectif de faire de l'Union la zone la plus compétitive au monde d'ici 2010. Reconnaissons-le, nous en sommes encore loin. Le Premier ministre a donc insisté dans son discours de politique générale sur la nécessité pour l'Europe de défendre son économie et d'utiliser davantage les outils qu'elle a su mettre en place.
Avec l'euro nous avons réussi à nous doter d'une monnaie mondiale et stable, qui nous protège des chocs extérieurs et des dévaluations compétitives. Il nous faut à présent développer une meilleure coordination des politiques économiques, pour agir dans le même sens et être plus efficaces. Philippe Douste-Blazy l'a rappelé à l'instant. Le renforcement de la gouvernance économique, et donc celui de l'Eurogroupe, est une nécessité, de même que l'amélioration du dialogue avec la Banque centrale européenne, dans le respect de son indépendance. L'harmonisation fiscale est un autre chantier important qu'il faudra poursuivre.
La conquête des emplois de demain passe également par une action plus volontariste en matière de politique industrielle, de recherche, d'innovation et de grands réseaux. Nous avons réussi à faire Airbus. Utilisons les moyens à notre disposition, avec les grands projets tels ITER et Galileo, avec l'approfondissement du marché intérieur, pour faire émerger les grands champions européens de demain.
Sur la recherche, nous nous sommes donné l'objectif d'augmenter fortement le pourcentage du PIB qui y est consacré, pour atteindre 3%. Le projet de budget pour 2007-2013 permettait de faire un premier pas en prévoyant 33% de plus pour la recherche et l'innovation. Ce projet, je tiens à le faire remarquer, était donc un budget de modernisation, répondant aux besoins de l'Union élargie et c'est pourquoi nous l'avions accepté. Malheureusement l'accord n'a pu se faire au Conseil européen de juin.
La question reste aujourd'hui entière. L'Union a besoin d'un budget pour les années qui viennent et il est souhaitable qu'un accord soit conclu le plus rapidement possible sur la base de la proposition luxembourgeoise, pour un budget auquel chacun doit contribuer équitablement.
Par ailleurs, je pense qu'il nous faut réfléchir à la possibilité de trouver de nouvelles ressources destinées à la recherche et à l'innovation, par exemple par le moyen d'un emprunt de la Banque européenne d'investissement. La présidence le proposait, à hauteur de 10 milliards d'euros. Nous pourrions faire davantage.
Autre préoccupation quotidienne de nos concitoyens : la sécurité. Dans ce domaine, qu'il s'agisse de sécurité aérienne ou maritime, de la protection des consommateurs, de l'environnement, de la sécurité civile ou de la lutte contre l'immigration clandestine, la grande criminalité ou le terrorisme, l'Europe nous offre un cadre d'action efficace.
Mais pour rendre l'Europe plus concrète, nous devons aussi donner à chacune et à chacun la possibilité de mieux la connaître et le Premier ministre a ainsi proposé de mettre en place un véritable service civil européen pour faire exister davantage l'identité européenne. Sur la base des programmes existants, Erasmus, Leonardo et autres, qu'il faudrait doter de moyens supplémentaires, nous devrions offrir à chaque jeune qui le souhaite la possibilité de passer plusieurs mois chez l'un de nos partenaires. Et ceci ne concerne pas seulement les étudiants.
Développer des politiques efficaces, c'est aussi pour l'Europe défendre ses intérêts et faire entendre sa voix dans le monde. Qui ne voit que c'est l'Union européenne qui a permis d'obtenir des avancées sur le changement climatique, l'aide au développement ou bien encore le commerce ? Quand l'Europe est unie pour porter ses valeurs communes et promouvoir ses intérêts, elle est forte. Il devra continuer à en être ainsi dans le cadre des négociations commerciales internationales à l'OMC. La France y veillera.
Sur la scène internationale, l'Europe s'est dotée des premiers instruments pour bâtir une Politique étrangère et de sécurité commune. Mais nous pourrions faire bien davantage, comme le propose d'ailleurs le projet de traité constitutionnel. Voilà un domaine dans lequel il existe un profond besoin d'Europe et où nous avons enregistré des progrès significatifs : le drapeau européen est aujourd'hui présent sur plusieurs continents. Continuons à réaliser une véritable Europe de la défense.
Pour construire cette Europe politique, ambitieuse et solidaire, les Européens devront également mieux répondre à la question de l'élargissement et au défi de la mondialisation.
C'est la deuxième chose à faire, même si ces deux sujets sont de nature différente, car il est évident que les citoyens ont de fortes interrogations et de fortes attentes à leur propos, comme l'a montré la campagne référendaire.
Contrairement à ce que certains laissent entendre, l'élargissement constitue un choix réfléchi et responsable. C'était aussi un impératif historique après la chute du mur de Berlin. Je voudrais qu'on comprenne davantage que l'adhésion de dix nouveaux Etats est positive pour toute l'Europe et pour la France. Nous n'avons pas réussi à bien l'expliquer, alors même que cet élargissement nous offre un accès à de nouveaux marchés et des perspectives de croissance.
Ce sont des milliards d'euros d'exportations françaises supplémentaires. Qui sait par exemple que nos exportations vers ces pays ont quadruplé en dix ans ? Ce sont aussi d'ores et déjà des dizaines de milliers d'emplois gagnés. Nous avons encore beaucoup de marges de progression. Il serait temps de voir que l'élargissement à 25 n'est pas seulement une chance pour l'avenir mais que c'est aussi un atout pour le présent. Et la dynamique de rattrapage économique, social, sanitaire, environnemental de ces pays est une bonne chose pour nous.
Pourtant le processus d'élargissement suscite aussi des craintes et des interrogations lorsqu'il est perçu comme une fuite en avant, que rien ne pourrait interrompre et qui échapperait à tout contrôle politique.
Quelle est la situation aujourd'hui ? Le traité d'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie a été signé le 25 avril dernier et ces pays devraient donc nous rejoindre prochainement, pour autant qu'ils se conforment aux engagements souscrits.
Les conditions d'ouverture des négociations avec la Croatie sont connues : elles comportent notamment sa coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.
S'agissant de la Turquie, adhésion ou autre solution, son avenir avec l'Union européenne ne pourra être écrit qu'à l'issue d'un long processus. D'ici là les règles sont fixées : si les conditions posées sont réunies, les négociations pourront s'ouvrir. A leur terme, si la voie de l'adhésion est retenue, les Français auront le dernier mot par référendum.
Les engagements de l'Union européenne seront donc tenus, cela va de soi. Mais la France veillera de près au respect intégral des engagements pris par les pays candidats eux-mêmes. Je souhaite aussi que la Commission soit particulièrement vigilante et objective dans son évaluation des progrès réalisés par chaque candidat.
Au-delà, le président de la République et le Premier ministre ont indiqué à plusieurs reprises qu'une réflexion doit s'engager avec nos partenaires sur les modalités des élargissements futurs.
Le processus même de l'élargissement doit-il se poursuivre indéfiniment ? Bien sûr que non. C'est pourquoi l'Europe doit affronter la question décisive de son identité, qui ne saurait se réduire à une simple question de géographie.
Le second défi, c'est celui de l'Europe dans la mondialisation. N'oublions pas tout ce que celle-ci nous apporte, mais nos concitoyens attendent aussi de l'Union européenne qu'elle contribue à la maîtriser, qu'elle les protège de ses effets négatifs et qu'elle les aide à en tirer les bénéfices. En France, ils ont eu le sentiment qu'elle ne remplissait pas ce rôle. C'est la toile de fond de nombreux débats européens, qu'il s'agisse des délocalisations, de la proposition de directive "services", du modèle social ou de l'avenir des services publics.
Sur ces sujets, ne nous laissons toutefois pas abuser par la pseudo-querelle entre les anciens et les modernes. Ce n'est pas cela l'Europe. Comme tous les Etats membres, la France veut une Union résolument tournée vers l'avenir, qui marche, qui crée des emplois, qui aide nos sociétés à s'adapter et qui permette à chacun d'épanouir ses talents. Mais il est tout aussi vrai qu'aucun de nos partenaires n'est prêt à accepter la remise en cause des valeurs européennes que sont le refus des discriminations, la protection contre les aléas de la vie, la solidarité entre les générations, la reconnaissance et le respect des partenaires sociaux, et d'autres encore.
Nous partageons donc le même objectif. Le choix n'est pas entre immobilisme et dumping social ou fiscal, entre initiative et solidarité. Les chefs d'Etat ou de gouvernement évoqueront l'ensemble de ces questions lors du sommet informel du mois d'octobre, d'une façon ouverte et pragmatique.
Plus généralement, étudions les idées qui ont été mises sur la table pour que l'Europe reste fidèle à ses valeurs sociales dans la mondialisation : par exemple la promotion des normes sociales et environnementales dans les relations commerciales extérieures de l'Union et l'harmonisation fiscale, notamment des systèmes d'impôt sur les sociétés, pour éviter des distorsions de concurrence inacceptables.
Enfin, la troisième action que nous devons entreprendre pour mener à bien notre projet d'une Europe politique forte, c'est de mieux associer les citoyens.
Reconnaissons-le, jusqu'à présent, nous n'avons pas su suffisamment écouter, expliquer et convaincre. Nous n'avons pas su faire partager nos idéaux, surtout à la jeunesse, rappeler à nos compatriotes ce que l'Europe nous apporte, ni les convaincre que l'Europe telle qu'elle se fait peut répondre à leurs aspirations.
Nous n'en parlons que par à-coups, à l'occasion de certaines consultations électorales. Il faut au contraire que l'Europe occupe dans notre débat politique la place qui lui revient parmi les autres grandes questions de notre vie démocratique.
Enfin qui peut nier que, par facilité, l'Europe est souvent caricaturée, quand on ne lui fait pas jouer le rôle de bouc-émissaire en l'accusant de maux qui ne lui sont pourtant pas imputables ?
Si nous voulons que les citoyens adhèrent à nouveau au projet européen, il est urgent de changer d'approche, de dire en continu ce que nous faisons, d'expliquer davantage les enjeux, d'instaurer un échange permanent sur l'Europe.
En effet, il y a longtemps que l'Europe n'est plus seulement un sujet de politique étrangère mais façonne notre vie quotidienne.
Le gouvernement auquel j'ai l'honneur d'appartenir a pris toute la mesure de ce besoin et, sans attendre, a défini une nouvelle méthode de travail.
Le Premier ministre a ainsi décidé la mise en place de comités interministériels sur l'Europe dont il m'a chargé d'assurer l'ordre du jour. Ces comités réunissent les principaux ministres concernés et se tiennent une fois par mois. Ils doivent permettre de redonner toute sa place au politique dans la conduite de notre action européenne, de renforcer la coordination gouvernementale et de mieux anticiper sur les enjeux à venir.
Mais il faut aller plus loin et susciter l'adhésion en associant les Français au projet européen. C'est ce qu'a souhaité hier le président de la République devant vous. A cette fin, il a chargé le Premier ministre de lui faire des propositions précises.
Il a déjà été décidé de mieux impliquer le Parlement, en l'informant plus régulièrement à l'occasion des grands rendez-vous européens et en lui permettant de s'exprimer sur un plus grand nombre de textes.
Mais au-delà c'est tout le pays qu'il faut impliquer dans le projet européen. Il faut donc trouver les moyens de poursuivre un dialogue vivant avec tous, avec les collectivités territoriales, les partis politiques, les partenaires sociaux et plus généralement la société civile. Il y a d'énormes attentes, on le voit bien. Les Français sont nombreux à penser que l'Europe non seulement doit se faire pour les citoyens mais aussi avec eux.
Cet effort de dialogue doit être celui de tous les responsables politiques et de chacun des membres du gouvernement. Pour ma part, j'ai décidé de donner une place importante à cette mission dans mon action de ministre chargé des Affaires européennes.
Bien sûr, mon rôle est de donner une impulsion, de faire des propositions, de défendre nos intérêts et d'entretenir les contacts avec tous nos partenaires européens.
Mais j'ai aussi un devoir de proximité avec les Français. C'est évident après le 29 mai. Je me rends donc régulièrement dans nos régions pour y parler de l'Europe, mesurer ce qu'elle y apporte mais aussi écouter ce qu'on m'en dit et ce qu'on en entend. Je serai ainsi vendredi dans le Doubs, à Montbéliard.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, j'ai voulu vous dire quelles actions il nous faut conduire pour mener à bien le projet de la France pour l'Europe : des politiques efficaces, des réponses à l'élargissement et à la mondialisation, et un dialogue renforcé avec les Français.
Vous avez une part importante à prendre dans l'accomplissement de ce dessein. Je vous remercie d'y apporter votre intelligence, votre connaissance du terrain, votre énergie, vos talents de négociation et de pédagogie.
En cette année 2005, nous avons collectivement d'immenses défis à relever. Mais nous avons aussi une chance à saisir : savoir surmonter les difficultés actuelles et continuer de tirer vers le haut l'aventure européenne. C'est l'intérêt de notre pays et c'est sa vocation.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 août 2005)
Madame la Ministre,
Mesdames et Messieurs les Députés et Sénateurs,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Après le président de la République, qui a fixé les grandes orientations de la politique étrangère de la France, et après le ministre, qui vient de vous donner votre feuille de route, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, je dois vous parler des priorités de mon action, dans le cadre de notre conférence, consacrée cette année aux "implications pour l'Europe et pour la France du référendum".
Il est d'autant plus nécessaire de le faire que je crois qu'on ne peut plus être ministre déléguée aux Affaires européennes de la même façon après le 29 mai qu'avant le 29 mai.
Presque jour pour jour, trois mois se sont écoulés depuis le référendum. Celui-ci a créé une situation nouvelle, il en a été tenu compte. Un nouveau gouvernement a été nommé, de nouvelles lignes d'action ont été tracées et, en particulier sur l'Europe, de nouvelles méthodes de travail ont été arrêtées, avec notamment la mise en place de comités interministériels réguliers.
Pour autant, on voit bien que le 29 mai n'est pas soldé. Les partis politiques poursuivent le débat en pensant aux échéances de 2007, certains en se déchirant, d'autres en espérant prospérer par l'exploitation de thèmes anti-européens. La tentation de la démagogie n'a d'ailleurs pas disparu partout.
Il appartient au gouvernement de fixer le cap et de le tenir. Il le fera avec détermination et avec conviction. Nous devons tout à la fois répondre aux préoccupations et aux attentes des Français sur l'Europe et réaffirmer que la question n'est pas de choisir entre la France et l'Europe. Les deux vont de pair. Mais il faudra mieux le faire comprendre et davantage associer les citoyens.
Je vais donc vous dire quel est ce cap et vous parler de notre projet européen.
Mais tout d'abord, je me dois de dire quelques mots sur le traité constitutionnel, dont l'avenir est incertain.
Où en sommes-nous ? Treize Etats membres sur 25 l'ont ratifié. D'autres, comme la Belgique, devraient achever dans un proche avenir leur procédure ou, comme l'Estonie, soumettre le traité à ratification d'ici la fin de l'année. Toutefois, nous le savons bien, pour entrer en vigueur le traité devra être ratifié par tous les Etats membres. Or les votes ont été négatifs en France et aux Pays-Bas.
Dans une telle situation, que peut-on envisager ? Renégocier ? Cela semble improbable. Aucun de nos partenaires en tout cas ne l'a proposé depuis le mois de juin. De plus, cela reviendrait à ne pas respecter la volonté des peuples et des parlements qui ont déjà ratifié le traité ou qui s'apprêtent à se prononcer. Ce serait aussi remettre en cause l'équilibre difficilement atteint par ce texte, et pour un résultat certainement moins ambitieux et moins favorable aux idées que défend la France en Europe.
Consulter à nouveau le peuple ? Je n'imagine pas qu'il soit possible de demander aux Français de se prononcer une seconde fois sur le même texte. Laissons donc aujourd'hui les choses en l'état. Peut-être le temps nous aidera-t-il à apporter des réponses.
C'est la raison pour laquelle, avec sagesse, les chefs d'Etat ou de gouvernement ont pris, lors du Conseil européen de juin dernier, la décision de se donner rendez-vous au premier semestre 2006 pour convenir de la suite. Ils ont souhaité que le processus de ratification puisse se poursuivre, en adaptant si nécessaire son calendrier, et ont appelé à la poursuite d'un large dialogue sur les questions européennes dans chacun de nos pays.
Il est difficile d'en dire davantage aujourd'hui sur le traité constitutionnel. Cependant d'ores et déjà deux choses sont claires : contrairement à ce que prétendaient les diseurs de bonne aventure, l'Europe ne va pas mieux après le non au référendum. Elle va moins bien. Ils ont sciemment trompé les Français. Depuis le 29 mai, aucune alternative crédible au traité constitutionnel n'a vu le jour.
Par ailleurs, le traité actuellement en vigueur, celui de Nice, n'est pas une solution durable et on ne bâtira pas sur cette base l'Europe que nous voulons. L'Europe élargie a besoin d'institutions rénovées pour fonctionner efficacement, démocratiquement et faciliter la prise de décision tout en assurant à chaque Etat sa juste place. Aujourd'hui comme hier, ce besoin demeure.
Dans cette période de doutes et d'incertitudes, jamais il n'a été aussi important de réaffirmer la nature de notre projet européen. C'est un devoir vis-à-vis des Françaises et des Français, qui veulent savoir où nous allons. Nous devons aussi dire à nos partenaires que la France continuera à tenir toute sa place en Europe. Enfin, je demeure convaincue que l'Europe reste l'avenir de la France, nous donne une perspective et peut nous permettre de nous rassembler.
Quel est l'intérêt de la France et des Français ? La réponse est sans ambiguïté : le projet de la France est celui d'une Europe politique, ambitieuse et solidaire, comme l'a rappelé le chef de l'Etat dès le 17 juin dernier.
Le projet européen ne se résume pas à la mise en place d'une zone de libre-échange. L'Europe est depuis l'origine beaucoup plus que cela. La vision des fondateurs était bien de mettre les solidarités concrètes au service d'une ambition politique.
L'Europe n'est pas qu'un marché, elle est aussi une histoire, une culture, des principes, des valeurs communes et une volonté de s'unir pour défendre nos intérêts et peser sur les affaires du monde.
Tout ceci est plus que jamais d'actualité et de fait, malgré les crises, ce projet d'une Europe politique continue de progresser dans les esprits. Le Premier ministre britannique n'a-t-il pas déclaré lui-même, dans son discours devant le Parlement européen il y a quelques semaines, son attachement à une Europe politique ? Il n'est pas sûr qu'on aurait entendu un tel discours il y a seulement dix ans.
De même, une conscience européenne se forge progressivement : nous avons vu ces derniers jours, par exemple, combien les attentes sont fortes en matière de sécurité aérienne ou de mutualisation des moyens de lutte contre les incendies.
Ce projet d'une Europe forte et ambitieuse, la France veut le réaliser avec l'ensemble de ses partenaires. C'est une Europe unie que nous voulons voir avancer, sachant que dans une Europe élargie les coopérations renforcées permettront à certains d'ouvrir la voie si nécessaire.
Notre ambition pour l'Europe, nous la partageons en premier lieu avec l'Allemagne et c'est la raison pour laquelle, quels que soient les gouvernements, nos deux pays ont toujours su être un moteur dans la construction européenne pour entraîner leurs partenaires.
Mais, avant tout, comment, dans le contexte actuel, aller de l'avant pour bâtir ce projet d'une Europe politique, ambitieuse et solidaire ? En avançant résolument dans trois directions :
- Rendre l'Europe plus concrète ;
- Répondre aux deux défis majeurs pour l'avenir de l'Europe que sont l'élargissement et la mondialisation ;
- Enfin mieux associer les citoyens.
C'est ainsi que nous pourrons emporter l'adhésion de nos compatriotes.
La priorité est de rendre l'Europe plus concrète.
Cela passe par le développement de politiques efficaces et par des projets ambitieux et utiles.
Consolidons bien sûr les politiques actuelles qui ont fait leur preuve et qui constituent le socle de la construction européenne, mais donnons aussi une impulsion aux politiques qui répondent aux attentes qui se sont exprimées.
Quelle est la préoccupation première des Français ? L'emploi et la croissance. C'est pourquoi le gouvernement en fait l'axe principal de son action, y compris au plan européen.
Il y a cinq ans à Lisbonne, les Européens s'étaient donné pour objectif de faire de l'Union la zone la plus compétitive au monde d'ici 2010. Reconnaissons-le, nous en sommes encore loin. Le Premier ministre a donc insisté dans son discours de politique générale sur la nécessité pour l'Europe de défendre son économie et d'utiliser davantage les outils qu'elle a su mettre en place.
Avec l'euro nous avons réussi à nous doter d'une monnaie mondiale et stable, qui nous protège des chocs extérieurs et des dévaluations compétitives. Il nous faut à présent développer une meilleure coordination des politiques économiques, pour agir dans le même sens et être plus efficaces. Philippe Douste-Blazy l'a rappelé à l'instant. Le renforcement de la gouvernance économique, et donc celui de l'Eurogroupe, est une nécessité, de même que l'amélioration du dialogue avec la Banque centrale européenne, dans le respect de son indépendance. L'harmonisation fiscale est un autre chantier important qu'il faudra poursuivre.
La conquête des emplois de demain passe également par une action plus volontariste en matière de politique industrielle, de recherche, d'innovation et de grands réseaux. Nous avons réussi à faire Airbus. Utilisons les moyens à notre disposition, avec les grands projets tels ITER et Galileo, avec l'approfondissement du marché intérieur, pour faire émerger les grands champions européens de demain.
Sur la recherche, nous nous sommes donné l'objectif d'augmenter fortement le pourcentage du PIB qui y est consacré, pour atteindre 3%. Le projet de budget pour 2007-2013 permettait de faire un premier pas en prévoyant 33% de plus pour la recherche et l'innovation. Ce projet, je tiens à le faire remarquer, était donc un budget de modernisation, répondant aux besoins de l'Union élargie et c'est pourquoi nous l'avions accepté. Malheureusement l'accord n'a pu se faire au Conseil européen de juin.
La question reste aujourd'hui entière. L'Union a besoin d'un budget pour les années qui viennent et il est souhaitable qu'un accord soit conclu le plus rapidement possible sur la base de la proposition luxembourgeoise, pour un budget auquel chacun doit contribuer équitablement.
Par ailleurs, je pense qu'il nous faut réfléchir à la possibilité de trouver de nouvelles ressources destinées à la recherche et à l'innovation, par exemple par le moyen d'un emprunt de la Banque européenne d'investissement. La présidence le proposait, à hauteur de 10 milliards d'euros. Nous pourrions faire davantage.
Autre préoccupation quotidienne de nos concitoyens : la sécurité. Dans ce domaine, qu'il s'agisse de sécurité aérienne ou maritime, de la protection des consommateurs, de l'environnement, de la sécurité civile ou de la lutte contre l'immigration clandestine, la grande criminalité ou le terrorisme, l'Europe nous offre un cadre d'action efficace.
Mais pour rendre l'Europe plus concrète, nous devons aussi donner à chacune et à chacun la possibilité de mieux la connaître et le Premier ministre a ainsi proposé de mettre en place un véritable service civil européen pour faire exister davantage l'identité européenne. Sur la base des programmes existants, Erasmus, Leonardo et autres, qu'il faudrait doter de moyens supplémentaires, nous devrions offrir à chaque jeune qui le souhaite la possibilité de passer plusieurs mois chez l'un de nos partenaires. Et ceci ne concerne pas seulement les étudiants.
Développer des politiques efficaces, c'est aussi pour l'Europe défendre ses intérêts et faire entendre sa voix dans le monde. Qui ne voit que c'est l'Union européenne qui a permis d'obtenir des avancées sur le changement climatique, l'aide au développement ou bien encore le commerce ? Quand l'Europe est unie pour porter ses valeurs communes et promouvoir ses intérêts, elle est forte. Il devra continuer à en être ainsi dans le cadre des négociations commerciales internationales à l'OMC. La France y veillera.
Sur la scène internationale, l'Europe s'est dotée des premiers instruments pour bâtir une Politique étrangère et de sécurité commune. Mais nous pourrions faire bien davantage, comme le propose d'ailleurs le projet de traité constitutionnel. Voilà un domaine dans lequel il existe un profond besoin d'Europe et où nous avons enregistré des progrès significatifs : le drapeau européen est aujourd'hui présent sur plusieurs continents. Continuons à réaliser une véritable Europe de la défense.
Pour construire cette Europe politique, ambitieuse et solidaire, les Européens devront également mieux répondre à la question de l'élargissement et au défi de la mondialisation.
C'est la deuxième chose à faire, même si ces deux sujets sont de nature différente, car il est évident que les citoyens ont de fortes interrogations et de fortes attentes à leur propos, comme l'a montré la campagne référendaire.
Contrairement à ce que certains laissent entendre, l'élargissement constitue un choix réfléchi et responsable. C'était aussi un impératif historique après la chute du mur de Berlin. Je voudrais qu'on comprenne davantage que l'adhésion de dix nouveaux Etats est positive pour toute l'Europe et pour la France. Nous n'avons pas réussi à bien l'expliquer, alors même que cet élargissement nous offre un accès à de nouveaux marchés et des perspectives de croissance.
Ce sont des milliards d'euros d'exportations françaises supplémentaires. Qui sait par exemple que nos exportations vers ces pays ont quadruplé en dix ans ? Ce sont aussi d'ores et déjà des dizaines de milliers d'emplois gagnés. Nous avons encore beaucoup de marges de progression. Il serait temps de voir que l'élargissement à 25 n'est pas seulement une chance pour l'avenir mais que c'est aussi un atout pour le présent. Et la dynamique de rattrapage économique, social, sanitaire, environnemental de ces pays est une bonne chose pour nous.
Pourtant le processus d'élargissement suscite aussi des craintes et des interrogations lorsqu'il est perçu comme une fuite en avant, que rien ne pourrait interrompre et qui échapperait à tout contrôle politique.
Quelle est la situation aujourd'hui ? Le traité d'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie a été signé le 25 avril dernier et ces pays devraient donc nous rejoindre prochainement, pour autant qu'ils se conforment aux engagements souscrits.
Les conditions d'ouverture des négociations avec la Croatie sont connues : elles comportent notamment sa coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.
S'agissant de la Turquie, adhésion ou autre solution, son avenir avec l'Union européenne ne pourra être écrit qu'à l'issue d'un long processus. D'ici là les règles sont fixées : si les conditions posées sont réunies, les négociations pourront s'ouvrir. A leur terme, si la voie de l'adhésion est retenue, les Français auront le dernier mot par référendum.
Les engagements de l'Union européenne seront donc tenus, cela va de soi. Mais la France veillera de près au respect intégral des engagements pris par les pays candidats eux-mêmes. Je souhaite aussi que la Commission soit particulièrement vigilante et objective dans son évaluation des progrès réalisés par chaque candidat.
Au-delà, le président de la République et le Premier ministre ont indiqué à plusieurs reprises qu'une réflexion doit s'engager avec nos partenaires sur les modalités des élargissements futurs.
Le processus même de l'élargissement doit-il se poursuivre indéfiniment ? Bien sûr que non. C'est pourquoi l'Europe doit affronter la question décisive de son identité, qui ne saurait se réduire à une simple question de géographie.
Le second défi, c'est celui de l'Europe dans la mondialisation. N'oublions pas tout ce que celle-ci nous apporte, mais nos concitoyens attendent aussi de l'Union européenne qu'elle contribue à la maîtriser, qu'elle les protège de ses effets négatifs et qu'elle les aide à en tirer les bénéfices. En France, ils ont eu le sentiment qu'elle ne remplissait pas ce rôle. C'est la toile de fond de nombreux débats européens, qu'il s'agisse des délocalisations, de la proposition de directive "services", du modèle social ou de l'avenir des services publics.
Sur ces sujets, ne nous laissons toutefois pas abuser par la pseudo-querelle entre les anciens et les modernes. Ce n'est pas cela l'Europe. Comme tous les Etats membres, la France veut une Union résolument tournée vers l'avenir, qui marche, qui crée des emplois, qui aide nos sociétés à s'adapter et qui permette à chacun d'épanouir ses talents. Mais il est tout aussi vrai qu'aucun de nos partenaires n'est prêt à accepter la remise en cause des valeurs européennes que sont le refus des discriminations, la protection contre les aléas de la vie, la solidarité entre les générations, la reconnaissance et le respect des partenaires sociaux, et d'autres encore.
Nous partageons donc le même objectif. Le choix n'est pas entre immobilisme et dumping social ou fiscal, entre initiative et solidarité. Les chefs d'Etat ou de gouvernement évoqueront l'ensemble de ces questions lors du sommet informel du mois d'octobre, d'une façon ouverte et pragmatique.
Plus généralement, étudions les idées qui ont été mises sur la table pour que l'Europe reste fidèle à ses valeurs sociales dans la mondialisation : par exemple la promotion des normes sociales et environnementales dans les relations commerciales extérieures de l'Union et l'harmonisation fiscale, notamment des systèmes d'impôt sur les sociétés, pour éviter des distorsions de concurrence inacceptables.
Enfin, la troisième action que nous devons entreprendre pour mener à bien notre projet d'une Europe politique forte, c'est de mieux associer les citoyens.
Reconnaissons-le, jusqu'à présent, nous n'avons pas su suffisamment écouter, expliquer et convaincre. Nous n'avons pas su faire partager nos idéaux, surtout à la jeunesse, rappeler à nos compatriotes ce que l'Europe nous apporte, ni les convaincre que l'Europe telle qu'elle se fait peut répondre à leurs aspirations.
Nous n'en parlons que par à-coups, à l'occasion de certaines consultations électorales. Il faut au contraire que l'Europe occupe dans notre débat politique la place qui lui revient parmi les autres grandes questions de notre vie démocratique.
Enfin qui peut nier que, par facilité, l'Europe est souvent caricaturée, quand on ne lui fait pas jouer le rôle de bouc-émissaire en l'accusant de maux qui ne lui sont pourtant pas imputables ?
Si nous voulons que les citoyens adhèrent à nouveau au projet européen, il est urgent de changer d'approche, de dire en continu ce que nous faisons, d'expliquer davantage les enjeux, d'instaurer un échange permanent sur l'Europe.
En effet, il y a longtemps que l'Europe n'est plus seulement un sujet de politique étrangère mais façonne notre vie quotidienne.
Le gouvernement auquel j'ai l'honneur d'appartenir a pris toute la mesure de ce besoin et, sans attendre, a défini une nouvelle méthode de travail.
Le Premier ministre a ainsi décidé la mise en place de comités interministériels sur l'Europe dont il m'a chargé d'assurer l'ordre du jour. Ces comités réunissent les principaux ministres concernés et se tiennent une fois par mois. Ils doivent permettre de redonner toute sa place au politique dans la conduite de notre action européenne, de renforcer la coordination gouvernementale et de mieux anticiper sur les enjeux à venir.
Mais il faut aller plus loin et susciter l'adhésion en associant les Français au projet européen. C'est ce qu'a souhaité hier le président de la République devant vous. A cette fin, il a chargé le Premier ministre de lui faire des propositions précises.
Il a déjà été décidé de mieux impliquer le Parlement, en l'informant plus régulièrement à l'occasion des grands rendez-vous européens et en lui permettant de s'exprimer sur un plus grand nombre de textes.
Mais au-delà c'est tout le pays qu'il faut impliquer dans le projet européen. Il faut donc trouver les moyens de poursuivre un dialogue vivant avec tous, avec les collectivités territoriales, les partis politiques, les partenaires sociaux et plus généralement la société civile. Il y a d'énormes attentes, on le voit bien. Les Français sont nombreux à penser que l'Europe non seulement doit se faire pour les citoyens mais aussi avec eux.
Cet effort de dialogue doit être celui de tous les responsables politiques et de chacun des membres du gouvernement. Pour ma part, j'ai décidé de donner une place importante à cette mission dans mon action de ministre chargé des Affaires européennes.
Bien sûr, mon rôle est de donner une impulsion, de faire des propositions, de défendre nos intérêts et d'entretenir les contacts avec tous nos partenaires européens.
Mais j'ai aussi un devoir de proximité avec les Français. C'est évident après le 29 mai. Je me rends donc régulièrement dans nos régions pour y parler de l'Europe, mesurer ce qu'elle y apporte mais aussi écouter ce qu'on m'en dit et ce qu'on en entend. Je serai ainsi vendredi dans le Doubs, à Montbéliard.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, j'ai voulu vous dire quelles actions il nous faut conduire pour mener à bien le projet de la France pour l'Europe : des politiques efficaces, des réponses à l'élargissement et à la mondialisation, et un dialogue renforcé avec les Français.
Vous avez une part importante à prendre dans l'accomplissement de ce dessein. Je vous remercie d'y apporter votre intelligence, votre connaissance du terrain, votre énergie, vos talents de négociation et de pédagogie.
En cette année 2005, nous avons collectivement d'immenses défis à relever. Mais nous avons aussi une chance à saisir : savoir surmonter les difficultés actuelles et continuer de tirer vers le haut l'aventure européenne. C'est l'intérêt de notre pays et c'est sa vocation.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 août 2005)