Point de presse de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur l'aide européenne aux victimes du cyclone Katrina aux Etats-Unis, les questions d'actualité européenne et internationale liées à la situation au Kosovo, à la grippe aviaire, aux perspectives ouvertes au Proche-Orient par le retrait israélien de Gaza, à la reconnaissance de Chypre par la Turquie avant le début des négociations d'adhésion à l'Union européenne, Newport le 2 septembre 2005.

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Circonstance : Réunion informelle des ministres des affaires étrangères de l'Union européenne (Gymnich) à Newport le 2 septembre 2005

Texte intégral

En premier lieu, je voudrais vous dire ce que nous avons proposé aux Etats-Unis pour les aider dans cette épreuve du cyclone Katrina.
Comme vous le savez, la France est prête à mobiliser des moyens en personnels et en matériels pour venir en aide aux populations des Etats-Unis victimes du cyclone Katrina.
Des propositions ont été transmises aux autorités américaines dès hier et pourront être mises en uvre en fonction de leurs demandes, nous aurons leur réponse dans l'après-midi.
Ces propositions se déclinent de la façon suivante : d'abord, des moyens relevant du ministère de l'Intérieur, un détachement de la Sécurité civile de trente-cinq personnes dont vingt-deux spécialistes des cyclones pourraient être immédiatement mis en place au départ de la Guadeloupe et de la Martinique. Au départ de la métropole, un détachement d'interventions "catastrophe aéromobiles", comprenant jusqu'à soixante personnes, est également susceptible d'être mis en route très rapidement.
Pour sa part, le ministère des Affaires étrangères dispose de stocks prépositionnés en Martinique de sa délégation à l'Action humanitaire - six cents tentes, près de mille lits de camp, soixante groupes électrogènes, trois motopompes, trois stations de traitement de l'eau, mille jerricanes pliables.
Par ailleurs, le ministère de la Défense peut mettre à disposition deux avions déjà sur zone, six supplémentaires au départ de la métropole, deux bâtiments de la Marine, l'un des deux transportant un hélicoptère et un module cyclone de vingt militaires spécialisés en soutien médical.
Enfin, l'ONG "Télécoms sans Frontières" et la société "Véolia-Environnement" ont proposé leurs services dans leurs domaines de compétence respectifs, le rétablissement des liaisons téléphoniques et les questions hydrauliques.
Concernant l'assistance aux Français en difficulté, nous n'avons pas connaissance de victime parmi nos ressortissants. Nous avons envoyé aujourd'hui une mission de soutien en situation de crise composée de cinq agents, dont deux médecins, pour renforcer notre consulat général de la Nouvelle-Orléans, provisoirement déplacé à La Fayette. Nos consulats généraux à Houston, Atlanta et Miami sont également mobilisés, le premier notamment pour l'assistance aux Français et, le cas échéant, Européens évacués sur cette ville et le troisième pour les recherches téléphoniques et via Internet.
Je dirai enfin que notre ambassade à Washington et l'ensemble de nos postes consulaires sont bien sûr en relation constante avec les autorités américaines, je vous rappelle le numéro de téléphone du ministère des Affaires étrangères :
0800 174 174, plus de deux mille appels ont déjà été reçus.
Concernant le Gymnich maintenant, nous avons abordé plusieurs sujets ce matin.
D'abord, concernant les Balkans occidentaux, nous avons fait le point de la situation au Kosovo et de la préparation de son avenir. Nous attendons le rapport de M. Kaï Eide, l'envoyé spécial de Kofi Annan sur les progrès du Kosovo dans la mise en oeuvre des normes définies en 2003 par les Nations unies. Si l'évaluation de ces progrès est positive, alors nous soutiendrons l'ouverture d'une négociation sur le statut futur du Kosovo. Nous ne souhaitons pas un retour au statut de 1999, ni une partition du Kosovo, ni un rattachement à un pays tiers, nous voulons garantir la multi-ethnicité, la protection des minorités et de leurs patrimoines ainsi que la stabilité régionale. La France sera donc très attachée à ce que le statut futur du Kosovo offre des garanties fortes à la minorité serbe ; j'ai déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises. J'ai par ailleurs invité mes collègues à réfléchir à la possibilité d'un rôle accru de l'Union européenne dans le domaine de la sécurité, en particulier, en matière de police d'Etat, d'Etat de droit, dans la mesure où les Nations unies préparent un désengagement progressif de la MINUK.
Le sujet qui a été abordé à la demande de la France est celui de la grippe aviaire.
Ce sujet a en effet été débattu à notre demande car le foyer de la grippe aviaire est apparu en Asie ; il s'étend aujourd'hui dans la région du Caucase et même si le risque peut paraître faible aujourd'hui, il ne peut être ignoré et encore moins négligé.
De par mes fonctions antérieures, je sais que ce genre de choses doit être pris très au sérieux. L'Europe doit donc être en mesure, sans alarme excessive, mais avec rigueur et méthode, de coordonner sa réponse. L'Union européenne a déjà pris des mesures de protection sanitaires de son territoire, ces mesures sont essentielles, elles interdisent notamment les importations d'animaux ou de produits pouvant être contaminés en provenance des pays touchés. Mais ces mesures n'empêchent pas le virus de continuer de se développer en dehors de l'Union, d'autant qu'il se transforme et s'adapte.
C'est pourquoi j'ai plaidé aujourd'hui, sans dramatiser la situation, pour une plus grande mobilisation de l'Union européenne. Il me paraît indispensable que nous contribuions ensemble au traitement de la crise en amont dans les pays où se développent les foyers de la maladie. J'ai proposé à mes collègues que nous réfléchissions à des actions d'assistance et de coopération à destination des pays touchés, à la coordination des moyens nationaux et communautaires qu'il est possible de déployer, éventuellement bien sûr, en appui de l'opération conduite par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), voire à la définition de capacités projetables dans le domaine de la Santé. Il y a en effet des pays pauvres qui sont touchés et qu'il faut aider.
Je dirais également que nous avons eu une séance de travail très intéressante avec M. Wolfensohn, que j'ai reçu à Paris hier matin. L'envoyé spécial du Quartet a eu avec nous un débat sur la situation au Proche-Orient, avec le retrait israélien de Gaza. Nous avons également entendu M. Javier Solana, qui vient d'effectuer une visite en Israël et dans les Territoires palestiniens. M. Moratinos et moi irons, dans les heures qui viennent, à Gaza et à Jérusalem. Nous avons tenté de définir ensemble les grandes lignes qui pourraient guider l'action de l'Union au cours des mois et des semaines à venir.
D'abord, un constat s'impose, l'évacuation de la bande de Gaza et d'une partie de la Cisjordanie, remarquablement gérée de part et d'autre, a été une réussite saluée comme telle par l'Union européenne.
Mais les bénéfices politiques de ce retrait pourraient très vite s'effacer si le cycle des violences redémarrait. En ce sens, l'attentat commis le week-end dernier à Beercheva est un très mauvais signal et nous le condamnons fermement.
L'Union européenne doit donc se mobiliser pour s'impliquer encore davantage dans le domaine sécuritaire ; il est essentiel qu'elle renforce l'assistance qu'elle apporte à la police palestinienne avec le lancement prévu le 1er janvier 2006 d'une mission PESD de soutien aux services de sécurité dans les Territoires.
Il faut également intensifier notre soutien à la mission de M. Wolfensohn et, enfin, poursuivre la réflexion sur l'après-Gaza. Il faut préparer les phases suivantes, conjointes avec nos partenaires du Quartet, pour que les éléments d'une paix durable se mettent en place. Il faut trouver le bon rythme, celui qui permet de nouveaux progrès en construisant chaque étape sur le succès de la précédente. Je sais qu'il y a une zone pré-électorale, il sera donc difficile d'avancer très vite, mais nous devons préparer tout cela.
Je dirai que l'appui de la communauté internationale est essentiel, la proposition russe d'une réunion au niveau des experts à Moscou en novembre nous paraît, à cet égard, une piste intéressante. Vous savez que la Russie sera la présidente du G8 à ce moment-là. Cette réunion permettrait de préparer une initiative conjointe de la communauté internationale pour la période post-électorale, elle devrait à notre sens comporter deux phases : une réunion du Quartet et une réunion élargie aux parties et aux Etats arabes modérés.
Q - Avez-vous déjeuné avec votre homologue turc ?
R - Oui, il était au déjeuner.
Q - Avez-vous obtenu les éclaircissements que vous demandiez hier ?
R - Il était invité au déjeuner où nous avons abordé les problèmes proche-orientaux.
Q - Mais, vous l'avez vu en bilatéral ?
R -Je l'ai vu de manière informelle en bilatéral, je lui ai expliqué ce que je vous ai dit hier.

Q - Qu'a-t-il répondu ?
R - Il a reconnu avoir fait une telle déclaration sur Chypre.
J'ai dit que je souhaitais qu'il y ait des éclaircissements sur la reconnaissance de Chypre. Je lui ai rappelé qu'une adhésion à l'Union européenne n'est pas une négociation entre l'Union européenne et l'Etat candidat, mais une négociation entre chaque Etat et le pays candidat.
Q - Concernant les questions commerciales, l'idée de la fermeture des échanges commerciaux avec Chypre, en avez-vous parlé ?
R - Nous n'avons pas abordé ce sujet, mais je vois difficilement comment un pays qui veut entrer dans l'Union peut, au départ, fermer ses échanges commerciaux avec l'un des vingt-cinq Etats membres.
Q - (Au sujet de la déclaration faite par la Turquie)
R - La France s'est exprimée hier au Gymnich pour dire qu'elle souhaite une contre-déclaration de l'Union européenne, contre-déclaration qui sera écrite au COREPER qui vise premièrement à regretter la déclaration unilatérale turque sur Chypre et deuxièmement à demander - ce qui est déjà pratiquement accepté par la Présidence britannique - d'aller au maximum vers la reconnaissance de tous les Etats membres et donc de Chypre.
Q - Vous ai-je bien compris, vous dites qu'il n'est pas possible d'envisager des négociations si le pays candidat ferme ses frontières à l'un des Etats membres. Est-ce bien cela ?
R - Ce que je dis, c'est qu'il nous paraît guère envisageable qu'un pays adhère à l'Union européenne si, au départ, avant même d'avoir commencé les négociations, il dit qu'il ne reconnaîtra pas l'un des Etats membres. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé à l'Union européenne dans les trois ou quatre jours qui viennent de faire en sorte que, de façon unanime, nous puissions nous étonner de cela et dire que nous demandons à la Turquie de reconnaître Chypre. Il nous paraît aujourd'hui important de ne pas ouvrir une crise, alors attendons ce texte, je pourrai le commenter ensuite. Nous souhaitons respecter les engagements de la France mais nous voulons aussi que les pays candidats respectent leurs engagements.
Q - Votre homologue a-t-il apporté quelque chose de nouveau pour une ouverture ?
R - Ce que je me suis permis de dire à mon homologue, c'est que le président de la République avait décidé qu'il n'y aurait plus un seul élargissement de l'Union sans un référendum en France, passé la Bulgarie et la Roumanie. A partir de là, je pense que pour tout pays candidat, il doit convaincre non seulement les responsables politiques mais aussi les opinions publiques. Il est donc important de ne pas aller trop loin.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 septembre 2005)