Interview de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, à RTL le 30 septembre 2005, sur les chiffres du chômage, les contrats de professionnalisation et l'apprentissage et le conflit social au sein de la SNCM.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q- Bonjour, Jean-Louis Borloo.
R- Bonjour.
Q- Le chômage a baissé de 0,9% au mois d'août : 21.500 chômeurs de moins. Il en reste tout de même 2.400.000, soit 9,9% de la population active. Cette baisse mensuelle est la 5ème consécutive, en France. Et Jean-Yves Hollinger notait ce paradoxe, sur RTL tout à l'heure dans son "Journal de l'économie" : la croissance est en berne, les entreprises ne créent pas d'emplois mais quand, avec le "Plan Borloo", disait-il, on met 15 milliards d'euros sur la table on ne peut pas ne pas avoir de résultats". Achetez-vous la baisse du chômage, Jean-Louis Borloo ?
R- En tous les cas, on la finance.
Q- C'est ça !
R- Et on la finance comment : je vais vous le dire, de manière assez simple. Le problème de ce pays, c'est sa crise du recrutement. Ne nous y trompons pas, dans les 3 à 4 ans qui viennent, ce sont des centaines de millions d'emplois qu'on va avoir du mal à pourvoir dans la fonction publique, dans le parapublic - ou l'économie solidaire - et dans le privé. C'est déjà vrai dans certains secteurs industriels : le bâtiment, par exemple. Nous avons provoqué une relance massive. On est passé de 250.000 à presque 400.000 constructions, cette année, de mise en chantier. La rénovation urbaine pour 20 milliards pour refaire tous ces quartiers. Dans ce secteur, il y a de la pénurie, Dieu merci, il y a des tas de femmes et hommes qui s'y s'engagent. Cela dit, on gère les ressources humaines. Les contrats d'apprentissage - et je dis à tous les jeunes qui nous écoutent - c'est la voie royale de l'insertion. On est dans une société de l'alternance. Toute notre vie, on aura des mutations de la formation professionnelle tout au long de la vie : l'apprentissage, les contrats de professionnalisation et, pour le public et le parapublic, les contrats d'avenir et les contrats d'accompagnement par l'emploi. Ce ne sont pas, comme je le vois avec un peu de condescendance, des contrats "aidés" ou de "l'aide" à des contrats. C'est quoi ?
Q- C'est ça pourtant !
R- Et bien, non !
Q- Ce n'est pas l'économie privée qui crée des emplois, aujourd'hui, en France. C'est le secteur public, et ça paraît un peu artificiel !
R- Les ressources humaines : quand, il y a quelques années, nous sommes allés chercher des infirmières, en Espagne et au Portugal, parce que nous n'avions pas prévu, nous n'avions pas géré nos prévisions de ressources humaines. C'étaient des faux emplois, ces infirmières ? Non. Dans toutes les collectivités locales, dans les services publics, dans les hôpitaux, il y a des départs à la retraite massifs : 40% dans l'hôpital, dans les 7 ans. Il faut, d'ores et déjà, et dès maintenant, faire des propositions de contrats d'avenir et de contrats d'accompagnement vers l'emploi. Bref, nous investissons sur les ressources humaines !
Q- Quand on vous dit que c'est un peu artificiel, Jean-Louis Borloo, vous n'y croyez pas ? Vous n'acceptez pas ce type de critique ? La baisse du chômage est artificielle.
R- Oui, j'ai bien compris. Est-ce que, augmenter le nombre d'apprentis, ce n'est pas investir sur l'avenir ? Est-ce que refaire tous nos quartiers et que ça crée de l'emploi dans le bâtiment : est-ce que ce n'est pas investir sur l'avenir ? Est-ce que, essayer de doubler le logement social, ce qui crée de l'emploi dans le bâtiment, est-ce que c'est artificiel ? Et est-ce que le fait de voir, comme nous l'a demandé le Premier ministre, les demandeurs d'emplois, tous les mois - et pas tous les ans - pour faire un bilan de compétence pour voir où on en est, pour leur faire de nouvelles propositions : est-ce que c'est artificiel ou est-ce que c'est la vraie vie ?
Q- Les mauvaises nouvelles, ce matin, viennent de Corse. Une roquette a été tirée sur la préfecture d'Ajaccio, hier soir, et le préfet de Corse, Pierre-René Lemas, a immédiatement fait un lien entre le tir de cette roquette et le dossier de la SNCM. Ce lien vous paraît-il juste, Jean-Louis Borloo ?
R- Derrière mon micro, comment puis-je savoir ?
Q- Je ne sais pas. Vous êtes membre du gouvernement, vous avez peut-être eu quelques informations que nous n'avons pas ?
R- Non, je n'en n'ai pas. Simplement, ce que je peux dire, ce sont 2 choses. La première, c'est que, des roquettes sur une préfecture, c'est strictement inacceptable. Et la deuxième, c'est qu'on peut sauver, et il faut sauver la SNCM, mais ça ne se fera que dans le dialogue.
Q- Vous y êtes pas mal pris pour sauver la SNCM ? C'est pas mal parti, ce dossier ?
R- Le Premier ministre est monté au front. Je ne dirai pas "au feu", compte tenu des circonstances. J'espère, de tout coeur, que la raison va l'emporter et que le dialogue va pouvoir se renouer. Il n'y a pas de démocratie politique, sans démocratie sociale et sans capacité de dialogue social.
Q- Et là, le dialogue social, pourquoi est-il si mal parti ? Dossier mal géré, problèmes mal anticipés ?
R- Ce que j'espère, c'est qu'il va se régler à nouveau, se renouer. Nous avons des partenaires sociaux, en France, et c'est le dialogue entre les partenaires sociaux et l'entreprise. Dernier point, si vous le voulez bien.
Q- Sur la SNCM ?
R- Non.
Q- Sur quoi ? Parce que j'avais encore une question sur la SNCM !
R- Oui. Mais, puisqu'on parlait d'emplois, le Premier ministre va inaugurer, tout à l'heure, une opération montée par le ministère de la défense et le ministère de l'emploi, pour ces jeunes - ceux qui sont très, très loin de l'emploi pour lesquels on a fait "Défense : 2ème chance" : c'est-à-dire, tous les mois, de la formation professionnelle au service des jeunes. L'objectif, c'est qu'il y en ait 10.000 avec une formation pendant un an, par la formation professionnelle de la Défense. Ça veut dire quoi : ça veut dire que la baisse, qui va durer, est une affaire de tout le gouvernement. Dominique de Villepin a voulu mouiller tous les ministres, c'est lui qui pilote et il le pilote bien.
Q- C'est dit. Jean-Louis Borloo, faut-il relâcher les 4 militants nationalistes pour faire retomber la pression, en Corse ?
R- C'est une question qui relève de la responsabilité de la justice, monsieur Aphatie.
Q- Une dernière question, peut-être - puisque le temps passe trop vite - sur un sujet sur lequel on ne vous entend pas forcément. C'est le football.
R- Ah !
Q- Il y a un problème à Lille : le LOSC n'a pas de stade. Et son président, Michel Seydoux, est très fâché. Il dit que Martine Aubry commence à l'ennuyer. C'est dans le "Nouvel Obs" de cette semaine. "Le LOSC doit avoir un grand stade. Je peux me rapprocher de Lens ou de Valenciennes pour en avoir un. Je sais que Jean-Louis Borloo est intéressé. Je ne suis pas naïf. J'imagine bien le tollé politique que cela pourrait provoquer".
R- D'abord, c'est vrai que Lille doit avoir un grand stade. Il faut dénouer cette affaire à Lille.
Q- A Lille ? Pas à Valenciennes ?
R- Mais, vous savez, il y a 2 ans que Monsieur Seydoux et moi avons dîné. Ce n'est pas d'aujourd'hui.
Q- Deux ans ! C'est vieux, ça !
R- Oui, ça fait plus de 2 ans.
Q- L'interview date d'hier !
R- Nous étions, nous à Valenciennes, en National. L'idée de faire, peut-être, un grand club, une Ligue du Nord. Non, je crois que chacun va rester dans son identité : Lille, à Lille. Valenciennes, à Valenciennes.
Q- Qu'est-ce que vous allez faire, le 4 octobre, mardi, le jour de la grande manif', Jean-Louis Borloo ?
R- Et bien, je vais continuer à travailler d'arrache pieds pour l'emploi, et pour dénouer la crise du logement dans notre pays.
Q- Il y aura du monde dans la rue, pas content, à cause du pouvoir d'achat qui baisse.
R- D'abord, le pouvoir d'achat n'a pas baissé.
Q- Il n'a pas augmenté non plus !
R- 0,3 en variation corrigée.
Q- Très corrigée !
R- Cela dit, dans un pays, il est normal, le droit de manifester et ça permet, un peu, de hiérarchiser des intérêts contradictoires et l'ordre des préoccupations dans notre pays. Donc, c'est une bonne chose.
Jean-Louis Borloo, qui assure que le stade de Lille ne sera pas construit à Valenciennes, était l'invité de RTL ce matin.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 30 septembre 2005)