Texte intégral
Q- Jean-Michel APHATIE : Bonjour Brice Hortefeux. Ministre délégué aux Collectivités Territoriales, ça veut dire que c'est vous qui au gouvernement gérez les relations avec les vingt présidents socialistes, puisque vingt régions ont voté à gauche au printemps 2004, ce n'est pas un cadeau pour un premier portefeuille ministériel.
R- Brice HORTEFEUX : D'abord je n'ai jamais pensé qu'un ministère c'était un cadeau et qu'être ministre c'était une promenade de santé. Les collectivités locales, vous avez raison, ce sont les régions, mais c'est pas simplement les régions, ce sont les départements, ce sont les 36.000 communes, ce sont les 500.000 élus locaux, c'est 1.600.000 fonctionnaires territoriaux, et puis des sujets qui touchent à tout ce qui fait la vie quotidienne, donc c'est très vaste. Enfin, c'est vrai, vous avez raison, les élections régionales de mars 2004 ont envoyé une majorité de présidents de conseils régionaux de gauche. Honnêtement, nous sommes presque en juillet 2005 et il est un peu tard pour se lamenter et le regretter. Moi je crois une chose simple : c'est que s'il n'y a pas de parti pris, s'il n'y a pas de posture idéologique, nous pouvons travailler ensemble, je vous donne juste un exemple rapide. Il y a un problème concret, c'est le problème de 130.000 agents de l'Etat vers les collectivités, c'est-à-dire très concrètement 93.000 taux, c'est-à-dire : agents, techniciens, d'ouvriers et de services pour lesquels il y a difficulté. Ce que je souhaite, moi, c'est que la loi soit respectée et appliquée. Vous voyez je suis simple. Ce que veulent les présidents de conseils régionaux de gauche, ils veulent un peu de délai. Eh bien moi j'ai dis "banco", et je crois que j'ai eu raison de dire banco, puisqu'ils ont exprimé leur accord pour appliquer "scrupuleusement la loi, sans faire obstruction", ce sont les termes, et moi j'ai donné un peu de délai et j'ai été très heureux que l'association des présidents de régions de gauche, présidée par un élu de gauche dise d'accord. Ils disent qu'il y avait un esprit nouveau qui soufflait. Eh bien, j'espère que cet esprit nouveau je réussirai à le faire souffler sur les uns et les autres.
Q- Dominique de Villepin reçoit à Matignon ce matin - c'est un peu l'information du jour - tous les représentants des partis politiques qui ont participé aux élections régionales pour évoquer l'Europe et parmi ceux-là ceux du Front National. C'est une nouveauté, depuis 1993 ils n'avaient pas été reçus à Matignon. Pourquoi ce changement de réception, d'image que donne la République d'elle-même Brice Hortefeux ?
R- Eh bien, justement c'est pour contredire Alain Duhamel. Il y a donc des nouveautés qui apparaissent. Je pense que cela est sain. L'ensemble des formations politiques qui ont obtenu des suffrages, qui ont obtenu des élus, que ce soit à l'Assemblée nationale, ou au Parlement européen sont conviés.
Q- Y compris le Front National.
R- Et tous ceux qui ont eu des élus, c'est pas à nous de faire le tri des voix. Ils ont été élus démocratiquement, et je pense que c'est une bonne manière saine qu'a retenue Dominique de Villepin.
Q- Quand il s'agissait de consulter les partis politiques pour l'organisation du référendum, Jacques Chirac n'avait pas reçu le Front National.
R- Eh bien je vous dis, ce qu'a initié le Premier ministre ce matin me parait utile et bon pour la démocratie.
Q- Allez, du côté de l'Élysée, on l'a sûrement entendu. Le Front National, justement beaucoup soupçonnent Nicolas Sarkozy de s'adresser à son électorat quand il dit qu'il faut nettoyer au karcher la cité des 4.000 à La Courneuve, ou bien quand il faut que les juges qui ont fait des fautes payent. Est-ce une stratégie politique Brice Hortefeux ? Nicolas Sarkozy visait-il l'électorat du Front National ?
R- Monsieur Aphatie, ne réduisez pas des sujets aussi essentiels que la lutte contre la délinquance, la lutte contre l'immigration clandestine, l'organisation du Culte Musulman à laquelle Nicolas Sarkozy s'est attelé hier avec un succès spectaculaire, puisqu'il y a eu accord, la lutte contre les voyous, la lutte contre les trafics de tous genres à de simples enjeux partisans. Je crois qu'il ne faut pas oublier une chose simple et claire : c'est expliquer les raisons du désastre de la gauche en 2002. Quelles sont les raisons, eh bien une essentielle : c'est qu'ils ont nié la réalité. Et vous savez la réalité, il faut la regarder en face, il faut l'assumer, et il faut la surmonter. Eh bien c'est précisément ce que fait Nicolas Sarkozy. Car si beaucoup a déjà été accompli, par exemple en matière de lutte contre l'insécurité, il y a tout de même 11,5 % de délinquance en moins depuis 2002. Il y a encore beaucoup à faire et Nicolas Sarkozy n'a jamais dit autre chose. Mais c'est tout le mérite de Nicolas Sarkozy que de savoir dire clairement les choses, de ne pas se limiter à un langage technocratique, aseptisé, réservé aux initiés, qui est la règle depuis tant et tant d'années. Ceux qui peuvent être choqués, ces nouveaux censeurs qui cherchent à masquer leur incapacité, eh bien ils doivent s'y faire. Nicolas Sarkozy n'est pas un homme politique comme les autres. Il parle vrai. Il agit carré. Il imagine avec audace et il obtient des résultats. Mais face à nos concitoyens, si désabusés face à tout, notamment face à la politique, eh bien c'est une des manières de combler le fossé qui a été creusé le 21 avril 2002.
Q- C'est ce qu'il voulait dénoncer avec les professionnels de la pensée unique. C'était vendredi soir sur France 2, sa formule ?
R- Oui, tout se passe dans notre pays comme si depuis vingt ans il y avait une seule manière de penser, une seule manière de s'exprimer, et un consensus généralisé pour éviter certains sujets, et que ceux-ci ne deviennent pas des tabous. Regardez où cela nous a conduit en vingt ans. L'extrême droite a atteint des sommets, même était présente au deuxième tour de l'élection présidentielle et l'extrême gauche est en train, soit de vampiriser, soit de ringardiser le parti socialiste. Honnêtement, c'est un beau bilan de la pensée unique, le parler unique, et finalement ça a abouti tout ça à quoi ? Ça a abouti à une paralysie totale. Les Français.
Q- Attendez, si on peut poser une question de temps en temps.
R- Les Français en ont assez du baratin des bien-pensants, qui ne connaissent des réalités de la vie que ce qu'on leur rapporte de temps à autre.
Q- Quand vous parlez comme ça, on a l'impression que vous parlez de Jacques Chirac au pouvoir depuis dix ans dans la politique depuis quarante ans.
R- Pas du tout, parce que, par définition, quand on est un membre du gouvernement, on soutient l'action du président de la République, on est solidaire du Premier ministre, donc j'espère répondre à ces deux conditions.
Q- Allez, on va le dire comme ça. "Le ministre de l'Intérieur aura fait dans cette affaire un bon voltigeur de pointe de la lepénisation des esprits". Vous savez qui dit ça Brice Hortefeux ? Carl Lang ce matin dans Libération.
Je vous la relis : "le ministre de l'Intérieur aura fait dans cette affaire un bon voltigeur de pointe de la lepénisation des esprits".
R- Le problème ne se pose pas de cette manière-là. Nous ce que nous voulons c'est répondre aux questions des Français.
Q- Il y a une ambiguïté tout de même. Vous convenez que tout le monde peut être ne comprend pas votre démarche. Vous l'expliquez ce matin, très bien, mais vous convenez que tout le monde ne la comprenne pas peut-être ?
R- Quel est le sujet ? En réalité, ce que vous me dites, ce que vous évoquez, c'est le problème des déclarations de Nicolas Sarkozy concernant les récidivistes.
Q- Il a dit qu'il voulait nettoyer au karcher.
R- Mais bien sûr, quand vous savez qu'aujourd'hui 31 % des condamnés sont des récidivistes, c'est-à-dire près d'un condamné sur trois est un récidiviste, eh bien vous ne pouvez qu'être révolté. Moi je ne sais pas à quoi ça fait référence, mais je sais une chose : c'est que Nicolas Sarkozy a exprimé, avec ses mots, une révolte intérieure face à une situation incompréhensible, et injustifiée. Et ce que je demande, je demande à chacun de ne pas se tromper d'indignation. Et la preuve qu'il a bien fait, Monsieur Aphatie. C'est que, précisément, le président de la République a demandé, a donné des instructions pour que les législations soient revues, et le premier ministre l'y a encouragé très fortement. Dominique de Villepin a raison de demander à ce que l'on prenne des mesures.
Q- D'un mot, l'avocat Georges Kiejman confirmait vendredi dernier au journal Le Parisien que Cécilia et Nicolas Sarkozy s'étaient rapproché de lui. C'est une information qui nourrit la rumeur d'une possible séparation du couple Sarkozy ? Est-ce que vous confirmez Brice Hortefeux ?
R- Écoutez, tout d'abord, si j'avais des informations, très honnêtement comme moi je ne suis pas adepte de la langue de bois, je ne vous les donnerais pas, et je ne vous les donnerais pas pourquoi ? Tout simplement parce que Nicolas Sarkozy a érigé en règles de vie la transparence. Sur ce sujet précis, il s'est exprimé avec beaucoup de courage lors d'une interview à France 3. Et s'il a des choses à dire, comptez sur lui pour les dire, et les dire publiquement.
Brice Hortefeux, en lutte contre les professionnels de la pensée unique, et de la langue de bois et du reste, était l'invité d'RTL ce matin. Bonne journée.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 juin 2005)