Interview de M. Christian Poncelet, président du Sénat, dans "Le Parisien" du 14 octobre 2000, sur le mécontentement des Français face à l'impôt, l'insuffisance du plan gouvernemental pour la baisse de la fiscalité, le déficit budgétaire et ses propositions de réforme des taux d'imposition.

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Média : Le Parisien

Texte intégral

JEAN-MARC PLANCADE
Pourquoi le Sénat s'intéresse-t-il aujourd'hui de si près aux impôts ?
CHRISTIAN PONCELET
Je constate un très fort mécontentement des Français face à l'impôt, on l'a notamment vu en septembre avec l'essence. Nous sommes actuellement arrivés à un niveau de saturation et je pense, à ce titre, que la fiscalité sera un thème fort pour les prochaines élections.
JEAN-MARC PLANCADE
Le gouvernement présente au Parlement dès la semaine prochaine son plan triennal de baisses d'impôts. Comment le jugez-vous ?
CHRISTIAN PONCELET
J'ai beaucoup d'estime pour Laurent FABIUS mais j'ai été déçu par ses projets de réductions d'impôts. Il avait annoncé un plan " exceptionnel ", sans précédent depuis cinquante ans. Or son plan est nettement insuffisant : 57,1 milliards pour 2001, 37,5 milliards pour 2002, 25 milliards pour 2003, au total 119 milliards sur trois ans. Cela ne devrait faire diminuer les prélèvements obligatoires (actuellement les plus élevés d'Europe) que de 0,4 % ! Pour moi, tout cela est beaucoup trop timide. D'autant que, depuis 1997, l'Etat a déjà prélevé 400 milliards de plus sur les revenus des Français. Non seulement le programme fiscal est insignifiant mais le gouvernement socialiste renoue avec ses vieux démons : relance des dépenses publiques et recrutement de 11.000 fonctionnaires alors qu'un effort de maîtrise des dépenses s'impose. Résultat : en matière de déficit budgétaire, la France se classe désormais dernière en Europe, loin derrière l'Italie.
JEAN-MARC PLANCADE
N'y a-t-il pas cependant de mesures qui trouvent grâce à vos yeux ?
CHRISTIAN PONCELET
Les dispositions diverses s'apparentent à un saupoudrage électoraliste. Prenez la suppression de la vignette. Aucun citoyen ne protestera contre sa disparition. Mais, une fois de plus, le gouvernement se montre généreux avec les ressources financières des collectivités territoriales tout en refusant de réformer les impôts d'Etat qui sont les plus impopulaires.
JEAN-MARC PLANCADE
Le gouvernement est prêt à supprimer la CSG jusqu'à 1,4 fois le Smic. Cela n'est-il pas favorable pour les bas salaires ?
CHRISTIAN PONCELET
Cette mesure me préoccupe car, encore une fois, on se détourne d'une véritable réforme fiscale. Lorsque Joseph Caillaux a créé l'impôt sur le revenu, il avait promis qu'on n'irait pas au-delà de 1,4 %... Aujourd'hui, la tranche supérieure est à 54 % mais il y existe d'importantes exonérations, à tel point qu'un Français sur deux n'est pas soumis à l'impôt sur le revenu. Quand Michel Rocard a créé la CSG, il affirmait que son taux ne dépasserait pas 1,5 %. Nous sommes désormais à 10 % et on commence à exonérer certaines catégories du seul impôt citoyen, ce n'est pas la bonne voie.
JEAN-MARC PLANCADE
Quelle réforme des impôts préconisez-vous ?
CHRISTIAN PONCELET
De retenir la base CSG (qui taxe à la fois les salaires et le capital) sur laquelle on construirait un impôt national avec une partie proportionnelle et une partie progressive qui nous permettrait de ne pas dépasser les 40-42 % de taux marginal. Tout citoyen serait donc soumis, même symboliquement, à cet impôt unique prélevé à la source. C'est une grande réforme à laquelle il convient de réfléchir dès maintenant.
JEAN-MARC PLANCADE
La commission des Finances du Sénat a récemment démontré, documents à l'appui, que l'administration de Bercy et le gouvernement avaient, au sujet de la " cagnotte ", sciemment menti au Parlement et au pays. Quelles suites envisagez-vous de donner à cette affaire ?
CHRISTIAN PONCELET
Cette commission a mis en évidence le fait que le gouvernement a menti aux Français et au peuple souverain. Nous allons continuer à exercer notre contrôle sur la maison France. Je peux vous dire que le Sénat contribuera activement à la réforme des textes encadrant l'élaboration du budget.
(Source http://www.senat.fr, le 27 novembre 2000)