Déclaration de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, à Hambach - Sarreguemines le 27 octobre 1998, sur l'implantation de l'usine SMART à Hambach, les qualités de la SMART en termes de respect de l'environnement, y compris dans sa production, et les mesures et projets en cours pour réduire la pollution automobile et la place de l'automobile dans les déplacements urbains.

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Circonstance : Visite de Mme Dominique Voynet sur le site de production de l'automobile SMART, à Hambach (Moselle) le 27 octobre 1998

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie pour votre accueil et pour cette visite fort instructive. Je sais le succès qu'a remporté votre usine lors de la récente journée du patrimoine. Je suis donc très heureuse de pouvoir profiter de ma venue pour évoquer le nouveau concept d'entreprise que constitue le site industriel de Smartville.
Je vous livrerai ma perception au regard de ma double responsabilité de ministre de l'Aménagement du territoire et de ministre de l'Environnement.
Avec la MCC (Micro Compact Car AG) à Hambach, nous sommes en présence de l'une des plus importantes implantations d'entreprises étrangères en France de ces dernières années. C'est à fois vrai en termes d'emplois : 1 547 emplois d'ores et déjà créés sur les 2 000 emplois prévus, et en termes d'investissements : 2,5 milliards de francs réalisés sur un programme global de 2,7 milliards de francs.
Cette implantation couronne les efforts déployés par les dispositifs de promotion, de prospection et d'accueil des investissements étrangers en France. Sa dimension et son incidence sur l'économie locale sont enviées par les autres régions européennes. Pour la Lorraine, confrontée à de difficiles restructurations industrielles, elle constitue un élément de rebond et de redynamisation du tissu industriel.
Les effectifs de Smartville représentent 7,4 % de la population active du district de Sarreguemines, et j'ai noté que l'immense majorité des salariés de Smartville résidaient dans un rayon de 30 kilomètres autour du site. Ce rapprochement géographique entre domicile et travail réjouit la ministre de l'Aménagement du territoire que je suis, mais aussi la ministre de l'Environnement, car il engendre une baisse de la mobilité contrainte et une meilleure qualité de vie pour les employés de la MCC. La moyenne d'âge de ceux-ci, 29 ans, offre une perspective nouvelle pour les jeunes, et constitue un autre gage d'ancrage territorial..
L'Etat, la Région Lorraine, le département de la Moselle et le District de Sarreguemines se sont mobilisés pour favoriser cette implantation. Le ministère de l'Aménagement du territoire, en raison des enjeux que je viens d'énoncer rapidement, a contribué à ce projet, via la prime d'aménagement du territoire.
Le site d'Hambach-Sarreguemines a été retenu en raison de son positionnement logistique, mais également pour la qualité de son réseau de communications internationales, pour sa position centrale dans le marché européen, et pour son potentiel en main d'uvre qualifiée.
Cette implantation illustre aussi les synergies résultant de l'association de trois pays : la Suisse, l'Allemagne et la France, et des potentialités attachées à la coopération transfrontalière.
Le système de production novateur de la Smart s'appuie ainsi largement sur le partenariat. Les principaux fournisseurs, qui comprennent plusieurs sociétés d'origine nord-américaine, allemande ou japonaise, ont été associés dès l'origine au développement du produit, et sont présents sur le site d'Hambach, en articulant leur production en étroite liaison avec celle de la MCC.
Là encore, du point de vue de l'Aménagement du territoire comme de celui de l'Environnement, je me réjouis qu'un tel système réduise les transports inutiles de pièces détachées à travers toute l'Europe, qui encombrent notre réseau routier, puisque 80 % des éléments constituant la Smart sont produits sur place.
L'innovation réside également dans l'organisation sociale que MCC entend promouvoir, avec notamment une hiérarchie réduite, et une organisation en équipes autonomes et responsables, de 4 à 8 opérateurs chacune.
Le site de Smartville n'est pas seulement novateur par son intégration dans le tissu économique local et par son ambition en matière d'innovation sociale, il l'est aussi par sa gestion environnementale.
En effet, dès l'origine de ce projet, ses promoteurs ont cherché à intégrer les préoccupations environnementales, dans la conception du produit et la mise en place des unités de production. Cette attention est portée tout au long du cycle de vie du produit, comme l'a indiqué le Président Brorsen. J'insisterai sur deux exemples :
- l'utilisation de matériaux recyclables et, plus importante encore, la prise en compte du recyclage dès le montage, ainsi que la recherche d'une valorisation optimale des déchets,
- la minimisation des émissions polluantes, et la prohibition de toute utilisation de métaux lourds ou de solvants chlorés.
L'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie s'est aussi mobilisée à vos côtés pour traiter ces questions. Une convention, que viennent de signer la Région Lorraine et l'Ademe, vous aide à réduire l'impact environnemental de vos processus de production, particulièrement dans les domaines de l'air, de l'eau, des économies d'énergie, ou encore de l'intégration paysagère.
La certification ISO 14 001, obtenue par Smartville, souligne ces performances environnementales et trace le cadre des progrès qu'il faut rechercher en permanence. J'encourage MCC à poursuivre sa démarche de management environnemental, au-delà de la certification et de l'enregistrement, et à faire partager son expérience à ses sous-traitants.
D'autant que l'Allemagne est toute proche, et que ce pays a largement misé sur l'Eco-audit, comme une conciliation réussie entre développement économique et qualité environnementale.
Le ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement s'attache, pour sa part, à promouvoir l'essor du management environnemental, en tant qu'outil d'amélioration de l'impact sur le milieu et de performance de l'entreprise. Il favorise la réalisation d'actions de promotion générales, et assure l'enregistrement pour la France des sites au titre du cadre européen Eco-audit.
De ce point de vue, l'enregistrement Eco-audit de MCC, que j'ai le plaisir de remettre aujourd'hui à son président, me paraît justifié.
Il reconnaît la qualité du système de management environnemental. Il permet, progressivement, la prise en compte, bien en amont, des impacts environnementaux. Et cette évolution graduelle du procédé et de ses impacts a également vocation à toucher le produit lui-même.
Le véhicule Smart se caractérise en effet, à la fois par une faible consommation de carburant et par une vision novatrice des transports urbains de personnes.
La plupart des grandes agglomérations françaises ne sont pas encore sorties du cercle vicieux de croissance du trafic automobile, de congestion, et de recul des autres modes de déplacement.
Le transport routier de personnes et de marchandises exerce une pression croissante sur l'environnement, qu'il s'agisse de pollutions locales, notamment en zone urbaine, et d'effets directs sur la santé et la qualité de la vie - émissions d'oxydes d'azote, de particules, de monoxyde de carbone, odeurs, bruit, stress - ou de pollutions globales, émissions de gaz à effet de serre, gaz carbonique principalement. Cette situation n'est pas acceptable, elle est d'ailleurs de moins en moins supportée par nos concitoyens.
La politique que je mène dans ce domaine vise donc, en premier lieu, à maîtriser les consommations d'énergie et à favoriser la réduction des pollutions.
Ceci implique d'inviter les principaux secteurs industriels concernés - constructeurs automobiles, raffineurs, équipementiers - à faire évoluer les caractéristiques de leurs véhicules et des carburants, afin de diminuer la pression actuellement exercée sur notre environnement, notre santé et notre qualité de vie.
J'accorde ainsi une importance toute particulière à l'accord " Auto-oil ", conclu récemment entre le Conseil des ministres européens de l'Environnement et le Parlement européen, visant à franchir deux nouvelles étapes significatives (en l'an 2000 puis en 2005) pour des carburants et des véhicules plus propres.
Est ainsi prévue une réduction des émissions des voitures neuves d'un tiers en 2000 et d'un nouveau tiers en 2005. Dans le même temps, les carburants seront reformulés, ce qui aura un effet immédiat sur l'ensemble du parc. Ainsi, le taux maximum de benzène - substance cancérigène - dans l'essence passera de 5 % à 1 %. Le respect de ces dispositions exigera des efforts significatifs de la part des industriels, j'en suis consciente.
À cet égard, les prototypes Smart dotés de moteurs électriques dans les roues, s'ajoutant au moteur essence, améliorent la performance en matière de pollution atmosphérique. Ils offrent en effet la possibilité du choix du mode de propulsion : hybride, avec l'autonomie qui lui est attachée, ou 100 % électrique.
Il me semble important d'évoquer aussi la question de l'effet de serre. Une mobilisation planétaire pour maîtriser les émissions de gaz à effet de serre a été engagée à Rio, prolongée à Kyoto et sera très prochainement poursuivie à Buenos Aires. Or, selon les prévisions récentes du Commissariat général du Plan, les émissions nationales de gaz à effet de serre issus des véhicules pourraient croître de 60 % entre 1992 et 2020. Le bas de la fourchette se situant à + 25 % !
Ce chiffre est à comparer à l'objectif global - tous secteurs confondus - affiché par la France, dans le cadre de l'Union Européenne, de stabiliser, d'ici 2010, nos émissions de gaz à effet de serre, à leur niveau de 1990. C'est dire le défi qui nous attend, dans un secteur qui représente environ le quart de la consommation d'énergie finale.
Face à ce défi, plusieurs chantiers ont été lancés. Je me félicite de l'engagement volontaire des constructeurs européens pour la réduction des émissions de CO2 par véhicule. Cet engagement européen peut être complété par des mesures telles qu'un affichage clair des consommations et des émissions, à destination des acheteurs, ou des incitations fiscales, afin de permettre aux pays de l'Union Européenne d'atteindre l'objectif fixé il y a deux ans, pour ce qui concerne les véhicules particuliers. D'ores et déjà, la Smart affiche des rejets de CO2 qui montrent que l'objectif de 120 g par km parcouru est réaliste.
Mais la solution n'est pas uniquement technique. Elle est aussi et d'abord organisationnelle : il faut repenser nos systèmes de transport.
Un véhicule de tourisme est conçu pour emmener 4 personnes à 100 km/h sur de longs trajets. Or, bien souvent, il n'est utilisé que pour se rendre à son travail, conduire un enfant à l'école ou faire quelques achats. Alfred Sauvy avait déjà souligné cette irrationalité, dès les années 1960, mais ce n'est que récemment que les constructeurs automobiles et leurs clients en ont pris conscience.
Plus généralement, la question de la voiture en ville ne se pose pas seulement en termes de pollution atmosphérique ou de bruit, mais aussi d'occupation de l'espace public et de sécurité pour les autres usagers de la rue. Sans bannir la voiture de nos centres-villes, il faut la remettre à sa place, c'est-à-dire, concrètement, redonner de la place aux autres modes de déplacement.
L'élaboration des Plans de Déplacements Urbains (PDU), dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants, va offrir le cadre de cette nécessaire réorientation. Cet outil vise en effet principalement à réduire le trafic automobile en ville. Le gouvernement a déjà accru l'enveloppe budgétaire accordée aux transports collectifs. Il entend poursuivre cet effort, en partenariat avec d'autres acteurs publics - comme les collectivités locales -, ou privés - comme les constructeurs. Il faut désormais adapter la voiture à la ville et non l'inverse, et je note que les inventeurs de la Smart ont tenu compte de ce renversement de perspective
Le concept de la Smart s'inscrit en effet dans une nouvelle relation de l'automobile avec le milieu urbain. Sa vocation urbaine, visible par sa petite taille, est également soulignée par son efficacité énergétique ou encore par les perfectionnements techniques visant la sécurité de ses passagers.
La Smart participe aussi d'une évolution moins visible, mais de plus en plus sensible dans les attentes de l'opinion publique : la nouvelle relation de l'automobiliste avec son véhicule. Le Président Brorsen a évoqué le concept de Smartmove, qui consiste à offrir un service multimodal de déplacement et non plus une voiture à tout faire. C'est une innovation tout à fait intéressante.
Dans ce contexte, le concept novateur de la Smart contribue à alimenter la réflexion globale que j'encourage sur la place de l'automobile dans la ville. Ce débat prend en compte, outre les inconvénients que j'ai déjà soulignés, le besoin de mobilité, en mettant en évidence les déplacements contraints et leurs causes structurelles : l'étalement urbain, la séparation spatiale des fonctions urbaines, ou encore une mobilité professionnelle difficilement traduite en mobilité du lieu d'habitation.
Un groupe de réflexion sur l'évolution de l'automobile urbaine à l'horizon 2005-2010, réuni autour de Claude Lamure, ingénieur des Ponts Chaussées, a été mis en place, à la demande conjointe du ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement et du ministère de l'Equipement, des Transports et du Logement. Ce groupe de réflexion remettra prochainement son rapport, qui permettra d'engager une réflexion plus approfondie sur ce thème.
Votre initiative m'intéresse donc à plusieurs titres. Elle trace des perspectives permettant de progresser à la fois dans la voie d'un aménagement judicieux des territoires, et vers une réduction nécessaire de la pression que nos activités exercent sur l'environnement.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.environnement.gouv.fr, le 21 septembre 2001)