Texte intégral
Monsieur le vice-président de la Commission européenne,
Messieurs les présidents,
Mesdames et Messieurs,
Je me réjouis de me trouver aujourd'hui parmi vous.
C'est un grand honneur pour moi de rencontrer celles et ceux qui ont la mission exaltante de consacrer leur réflexion à l'aménagement et à la construction des réseaux de l'Arc Alpin de demain.
La France a l'habitude de voir les Alpes à sa porte, dans ses relations avec l'Italie, comme avec la Suisse : mais les Alpes vont évidemment bien plus loin, jusqu'aux confins de Vienne, et presque à la jonction avec les Carpathes.
Cet espace exceptionnel, devenu, d'une certaine manière, depuis l'élargissement européen, le "Massif Central" de l'Europe, constitue un patrimoine environnemental et un capital humain remarquables (avec plus de 13 millions d'habitants dans le périmètre de la convention alpine).
C'est aussi, par la force de la chaîne et sa position au cur de l'Europe, un carrefour d'échanges économiques essentiel, en même temps qu'une barrière naturelle aux lieux de passage forcément limités, donc très sollicités.
Ma conviction est qu'on ne pourra pas adapter les transports alpins aux besoins de notre époque sans avoir, avant toute chose, la volonté de respecter le cadre de vie des riverains, la qualité de l'environnement, et d'assurer la sécurité des transports. Cet impératif doit prévaloir sur notre souhait légitime de dynamiser les échanges économiques et commerciaux :
- Comment répondre aux formidables mouvements des échanges entre les hommes et les économies, et procurer des itinéraires sûrs, adaptés et performants ?
- Comment anticiper les échanges de demain et bâtir une stratégie de long terme, assurée de répondre, dans un milieu complexe et contraint, aux défis de l'avenir ?
- Comment forger des instruments communs d'analyse et d'action ?
- Comment dépasser les tentations de réponses solitaires et bâtir un véritable espace de solidarité des transports dans les Alpes ?
* par une coopération internationale et solidaire accrue entre les Etats Alpins et notamment l'Italie,
* avec l'appui européen, et la force de notre engagement européen.
La présence parmi nous de Monsieur Jacques BARROT, vice-président de la Commission européenne et Commissaire aux Transports, que je salue chaleureusement, est le signal d'un engagement fort de l'Europe à nos côtés.
Je suis venu vous dire que celui de l'Etat français est entier. Nous en donnons la preuve par les faits : dans le programme ambitieux de modernisation des infrastructures routières et ferroviaires de notre pays, souhaitée par le Premier Ministre, l'Arc Alpin, par la qualité des projets que nous allons lui consacrer, est non seulement une priorité de mon ministère, c'est une priorité nationale.
1. Le trafic routier doit arrêter de croître plus vite que le trafic ferroviaire. La part du fret ferroviaire doit être stimulée, à la fois à moyen terme et sur le long terme.
En 2004, plus de 11 millions de poids-lourds ont transporté plus de 150 MT entre Vintimille et la frontière orientale de l'Autriche. C'est plus du double des tonnages transportés par le fer (pas tout à fait 70 MT).
Sur les 10 dernières années, les tonnages transportés par route ont d'ailleurs augmenté de plus de 70%, ceux par fer de seulement 24%.
Dans cette économie des transports alpins de marchandises, les passages routiers franco-italiens pèsent en 2004 pour environ ¼, les passages suisses pour 11% et les passages autrichiens pour 64%. C'est d'ailleurs une lourde préoccupation pour l'Autriche.
Cette géographie des passages évolue depuis 1994. Sur 10 ans, les trafics routiers ont connu leurs plus fortes progressions au Brenner et à Vintimille, aussi bien en nombre de poids-lourds qu'en tonnes transportées, avec des pourcentages d'augmentation, sans entrer dans les détails, de plus de 70%.
Le trafic routier a ses très forts inconvénients pour les longues distances. Mais il est aussi très performant d'un point de vue économique. Si l'on veut parvenir à un véritable report modal, si l'on veut que le rail ait sa chance, il faut une mobilisation sans faille des entreprises ferroviaires : je peux vous assurer que RFF et la SNCF s'y emploient en France. Mais il faut aussi un cadre de soutien juridique et financier à la hauteur des enjeux économiques, sociaux et environnementaux de l'Europe.
2. Rien de durable ne se fera, pour soulager les vallées alpines du poids du transit routier et pour bâtir des alternatives solides, sans la plus grande coopération de la France et de l'Italie, et de l'ensemble des pays alpins.
L'Italie :
- Nous avons pris l'engagement avec l'Italie, devant l'Union européenne, de tout faire pour lancer le projet Lyon-Turin en 2010. Nous tiendrons cet engagement.
Ce projet Lyon-Turin est un maillon de l'itinéraire européen Lyon-Trieste-Ljubljana et même au-delà, jusqu'à la frontière avec l'Ukraine : il contribuera à la diminution de la fragilité de la chaîne alpine à long terme. Il renforcera les grands passages ferroviaires Nord-Sud, mais il offrira également une réelle alternative ferroviaire pour l'axe Barcelone-Vintimille-Milan.
Le compte à rebours a commencé. Les procédures d'utilité publique seront achevées dans les deux pays en 2007. Nous travaillons à bâtir un montage juridique et financier adapté à la complexité et au coût de l'opération.
Il y a quelques difficultés en Italie pour pouvoir lancer les derniers travaux de reconnaissance géologique. Nous avons confiance dans la suite.
En tout cas, sur le territoire français, les travaux de reconnaissance sont en cours, le lancement du dernier chantier, dans le secteur de La Praz, est d'actualité, j'y procéderai tout à l'heure.
Le Lyon-Turin a déjà quitté le stade des études pour celui des chantiers, nous avançons avec prudence et avec rigueur, mais résolument.
De même, la France et l'Italie ont souhaité dès à présent lancer une autoroute ferroviaire expérimentale, sur la ligne historique.
Elle a commencé à faire ses preuves malgré de très fortes contraintes d'exploitation : dès la fermeture du tunnel routier du Fréjus en juin dernier, l'autoroute ferroviaire a été immédiatement saturée. Mais il s'agit bien d'une expérimentation, qui ne se développera qu'à partir de 2008, une fois achevés les travaux d'adaptation du tunnel du Mont-Cenis. Les deux pays viennent donc de lancer l'étude d'une délégation de service public ultérieure, visant à placer ce nouveau service dans un cadre économique normal, et à lui donner toutes les chances de son développement.
Comme vous le voyez, nous n'avons pas voulu attendre 2020 pour apporter des réponses concrètes aux préoccupations des populations alpines et des milieux économiques, et aux besoins du marché européen.
·
Lors du dernier sommet franco-italien du 4 octobre, nous avons aussi décidé, avec Pietro LUNARDI, d'aller plus loin en demandant aux entreprises ferroviaires des deux pays de nous proposer un plan concerté d'optimisation du système ferroviaire d'ensemble sur la ligne historique, comme il en existe pour les corridors du Brenner et du Gothard : la crédibilité du fret ferroviaire se joue dans la durée, il faut y contribuer sans attendre.
Enfin, nous allons prochainement lancer, avec l'Italie, des réflexions concrètes sur des mesures de soutien au report modal, nécessaires pour accroître l'activité de la liaison Lyon-Turin, sur l'ensemble des passages franco-italiens. Elles seront conduites dans le cadre de la commission inter-gouvernementale franco-italienne qui conduit le projet.
Les pays alpins :
Tout d'abord, je considère comme une avancée très importante la ratification, par la France, avec la loi du 19 mai 2005, du Protocole de la Convention Alpine : par cette ratification, tous les pays alpins vont avoir les moyens de se doter de perspectives et de positions communes, pour un développement durable des transports dans les Alpes.
Par ailleurs, la coopération entre la France et l'Italie s'inscrit dans un cadre de coopération plus global des pays alpins, notamment au sein du groupe dit de Zurich, créé en 2001, à l'initiative de la Suisse, après les accidents du Mont-Blanc et du Gothard. La France préside ce groupe pour 2 ans.
Je viens de proposer à mon collègue suisse, Moritz LEUENBERGER, d'inviter ensemble nos autres collègues pour une réunion d'étape. Elle se tiendra en Suisse à la mi-novembre et nous en profiterons pour visiter le chantier du tunnel ferroviaire du Gothard.
J'attends de cette réunion des avancées importantes sur au moins deux thèmes :
- Le premier porte sur la sécurité des franchissements. Depuis le drame du tunnel du Mont-Blanc, beaucoup a heureusement été fait, mais l'accident du Fréjus en juin dernier, qui a coûté la vie à deux chauffeurs, montre malheureusement qu'il faut rester vigilant. On maîtrise mieux la question des infrastructures, mais on note aussi ce constat trop fréquent de la possibilité de certains poids-lourds de prendre feu sans cause extérieure. Nous devons prendre toutes les dispositions pour que les gens cessent de risquer leur vie parce qu'un camion prend feu dans un tunnel.
- Le second thème de notre rencontre de mi-novembre portera sur la régulation du trafic routier dans l'Arc Alpin.
Sans la coopération solidaire des pays alpins, aucun de nous ne pourra, seul, décider de peser sur le trafic routier : immédiatement, des trafics passeraient d'un lieu à l'autre, sans changer globalement grand chose, sauf pour les populations riveraines, qui verraient ainsi leur environnement fortement dégradé.
- Nous devons donc, dans un cadre réaliste mais sérieusement étudié, définir quelles mesures de régulation seraient les plus propices à aider au report des marchandises vers la route : comment mettre en uvre ces mesures ? Selon quel calendrier ? Comment allons-nous engager la concertation avec les transporteurs ?
Je m'engage à faire le point mi-novembre des travaux déjà engagés sur cette base dans le groupe de Zurich, avant de dresser le point des premières décisions avant 2006.
3. Cette coopération alpine est donc indispensable, mais l'appui de l'Europe l'est tout autant.
Cet appui de l'Europe sera notamment nécessaire pour le financement des grands projets ferroviaires des réseaux trans-européens.
Il est également primordial pour aider les pays alpins à se doter des moyens nécessaires à une véritable politique de report modal. C'est d'ailleurs une obligation que nous partageons sûrement avec d'autres, spécialement avec l'Espagne pour le franchissement des Pyrénées.
Monsieur le vice-président de la Commission européenne, nous comptons sur vous pour proposer des mesures adaptées de régulation du trafic routier, pour mettre au point des aides ajustées au transport combiné ou aux autoroutes ferroviaires, qui assureront un véritable saut qualitatif au fret ferroviaire !
Messieurs les présidents,
Monsieur le vice-président de la Commission européenne,
Mesdames et Messieurs,
En 2020, la capacité à faire franchir l'Arc Alpin aux marchandises aura fortement changé, avec 4 grandes nouvelles liaisons ferroviaires européennes : les tunnels du Loetschberg et du Gothard en Suisse, du Brenner entre l'Autriche et l'Italie, et, bien sûr du Turin-Lyon entre la France et l'Italie.
Ce qui se joue ici, c'est la construction des réseaux performants du 21ème siècle, après les ouvrages des grands précurseurs de la fin du 19ème siècle.
Ces grands précurseurs savaient percer au plus court, donc assez haut. Mais aujourd'hui, nous savons percer les montagnes sur de grandes longueurs, au plus près d'un profil de plaine. C'est une prouesse technique et scientifique extraordinaire. Les lourds trains de fret modernes pourront franchir les obstacles naturels dans les meilleures conditions.
Percer d'aussi longs ouvrages sous les Alpes, c'est difficile, c'est coûteux, mais c'est indispensable : pour les pays concernés, et bien plus encore, pour le marché européen, au sens le plus large.
L'Arc Alpin 2020, ce sera l'Europe des échanges 2020.
Je vous félicite d'être aujourd'hui les acteurs du premier colloque dont l'ambition soit de chercher à éclairer globalement l'ensemble des paramètres, de faire dialoguer les porteurs de projets d'un bout à l'autre de la chaîne alpine, de rechercher une analyse partagée des risques et des enjeux.
Je suis heureux que, dans cette dynamique, la Suisse puisse exprimer, à travers son engagement européen, sa très grande compétence scientifique et technique, dans une vision globale et cohérente du franchissement des Alpes. Il s'agit là d'une illustration extrêmement encourageante des progrès de l'Europe.
Quelle Europe ?
- Une Europe des grands travaux, certes, qui, porteuse d'une grande civilisation, et de la première économie mondiale, sait inscrire sa marque dans l'Histoire.
- Mais, plus encore, une Europe des valeurs, dont l'ambition est d'inscrire ses grandes uvres dans une démarche de solidarité, de développement durable, de respect du patrimoine, de l'environnement, et des populations qui l'habitent !
- Pour moi, cette question des transports alpins est donc inscrite au cur des missions de la France, et au cur des missions de l'Europe. Comptez sur moi pour être attentif à vos travaux, pour vous soutenir, car vous accomplissez aujourd'hui une uvre majeure pour demain !
(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 25 octobre 2005)
Messieurs les présidents,
Mesdames et Messieurs,
Je me réjouis de me trouver aujourd'hui parmi vous.
C'est un grand honneur pour moi de rencontrer celles et ceux qui ont la mission exaltante de consacrer leur réflexion à l'aménagement et à la construction des réseaux de l'Arc Alpin de demain.
La France a l'habitude de voir les Alpes à sa porte, dans ses relations avec l'Italie, comme avec la Suisse : mais les Alpes vont évidemment bien plus loin, jusqu'aux confins de Vienne, et presque à la jonction avec les Carpathes.
Cet espace exceptionnel, devenu, d'une certaine manière, depuis l'élargissement européen, le "Massif Central" de l'Europe, constitue un patrimoine environnemental et un capital humain remarquables (avec plus de 13 millions d'habitants dans le périmètre de la convention alpine).
C'est aussi, par la force de la chaîne et sa position au cur de l'Europe, un carrefour d'échanges économiques essentiel, en même temps qu'une barrière naturelle aux lieux de passage forcément limités, donc très sollicités.
Ma conviction est qu'on ne pourra pas adapter les transports alpins aux besoins de notre époque sans avoir, avant toute chose, la volonté de respecter le cadre de vie des riverains, la qualité de l'environnement, et d'assurer la sécurité des transports. Cet impératif doit prévaloir sur notre souhait légitime de dynamiser les échanges économiques et commerciaux :
- Comment répondre aux formidables mouvements des échanges entre les hommes et les économies, et procurer des itinéraires sûrs, adaptés et performants ?
- Comment anticiper les échanges de demain et bâtir une stratégie de long terme, assurée de répondre, dans un milieu complexe et contraint, aux défis de l'avenir ?
- Comment forger des instruments communs d'analyse et d'action ?
- Comment dépasser les tentations de réponses solitaires et bâtir un véritable espace de solidarité des transports dans les Alpes ?
* par une coopération internationale et solidaire accrue entre les Etats Alpins et notamment l'Italie,
* avec l'appui européen, et la force de notre engagement européen.
La présence parmi nous de Monsieur Jacques BARROT, vice-président de la Commission européenne et Commissaire aux Transports, que je salue chaleureusement, est le signal d'un engagement fort de l'Europe à nos côtés.
Je suis venu vous dire que celui de l'Etat français est entier. Nous en donnons la preuve par les faits : dans le programme ambitieux de modernisation des infrastructures routières et ferroviaires de notre pays, souhaitée par le Premier Ministre, l'Arc Alpin, par la qualité des projets que nous allons lui consacrer, est non seulement une priorité de mon ministère, c'est une priorité nationale.
1. Le trafic routier doit arrêter de croître plus vite que le trafic ferroviaire. La part du fret ferroviaire doit être stimulée, à la fois à moyen terme et sur le long terme.
En 2004, plus de 11 millions de poids-lourds ont transporté plus de 150 MT entre Vintimille et la frontière orientale de l'Autriche. C'est plus du double des tonnages transportés par le fer (pas tout à fait 70 MT).
Sur les 10 dernières années, les tonnages transportés par route ont d'ailleurs augmenté de plus de 70%, ceux par fer de seulement 24%.
Dans cette économie des transports alpins de marchandises, les passages routiers franco-italiens pèsent en 2004 pour environ ¼, les passages suisses pour 11% et les passages autrichiens pour 64%. C'est d'ailleurs une lourde préoccupation pour l'Autriche.
Cette géographie des passages évolue depuis 1994. Sur 10 ans, les trafics routiers ont connu leurs plus fortes progressions au Brenner et à Vintimille, aussi bien en nombre de poids-lourds qu'en tonnes transportées, avec des pourcentages d'augmentation, sans entrer dans les détails, de plus de 70%.
Le trafic routier a ses très forts inconvénients pour les longues distances. Mais il est aussi très performant d'un point de vue économique. Si l'on veut parvenir à un véritable report modal, si l'on veut que le rail ait sa chance, il faut une mobilisation sans faille des entreprises ferroviaires : je peux vous assurer que RFF et la SNCF s'y emploient en France. Mais il faut aussi un cadre de soutien juridique et financier à la hauteur des enjeux économiques, sociaux et environnementaux de l'Europe.
2. Rien de durable ne se fera, pour soulager les vallées alpines du poids du transit routier et pour bâtir des alternatives solides, sans la plus grande coopération de la France et de l'Italie, et de l'ensemble des pays alpins.
L'Italie :
- Nous avons pris l'engagement avec l'Italie, devant l'Union européenne, de tout faire pour lancer le projet Lyon-Turin en 2010. Nous tiendrons cet engagement.
Ce projet Lyon-Turin est un maillon de l'itinéraire européen Lyon-Trieste-Ljubljana et même au-delà, jusqu'à la frontière avec l'Ukraine : il contribuera à la diminution de la fragilité de la chaîne alpine à long terme. Il renforcera les grands passages ferroviaires Nord-Sud, mais il offrira également une réelle alternative ferroviaire pour l'axe Barcelone-Vintimille-Milan.
Le compte à rebours a commencé. Les procédures d'utilité publique seront achevées dans les deux pays en 2007. Nous travaillons à bâtir un montage juridique et financier adapté à la complexité et au coût de l'opération.
Il y a quelques difficultés en Italie pour pouvoir lancer les derniers travaux de reconnaissance géologique. Nous avons confiance dans la suite.
En tout cas, sur le territoire français, les travaux de reconnaissance sont en cours, le lancement du dernier chantier, dans le secteur de La Praz, est d'actualité, j'y procéderai tout à l'heure.
Le Lyon-Turin a déjà quitté le stade des études pour celui des chantiers, nous avançons avec prudence et avec rigueur, mais résolument.
De même, la France et l'Italie ont souhaité dès à présent lancer une autoroute ferroviaire expérimentale, sur la ligne historique.
Elle a commencé à faire ses preuves malgré de très fortes contraintes d'exploitation : dès la fermeture du tunnel routier du Fréjus en juin dernier, l'autoroute ferroviaire a été immédiatement saturée. Mais il s'agit bien d'une expérimentation, qui ne se développera qu'à partir de 2008, une fois achevés les travaux d'adaptation du tunnel du Mont-Cenis. Les deux pays viennent donc de lancer l'étude d'une délégation de service public ultérieure, visant à placer ce nouveau service dans un cadre économique normal, et à lui donner toutes les chances de son développement.
Comme vous le voyez, nous n'avons pas voulu attendre 2020 pour apporter des réponses concrètes aux préoccupations des populations alpines et des milieux économiques, et aux besoins du marché européen.
·
Lors du dernier sommet franco-italien du 4 octobre, nous avons aussi décidé, avec Pietro LUNARDI, d'aller plus loin en demandant aux entreprises ferroviaires des deux pays de nous proposer un plan concerté d'optimisation du système ferroviaire d'ensemble sur la ligne historique, comme il en existe pour les corridors du Brenner et du Gothard : la crédibilité du fret ferroviaire se joue dans la durée, il faut y contribuer sans attendre.
Enfin, nous allons prochainement lancer, avec l'Italie, des réflexions concrètes sur des mesures de soutien au report modal, nécessaires pour accroître l'activité de la liaison Lyon-Turin, sur l'ensemble des passages franco-italiens. Elles seront conduites dans le cadre de la commission inter-gouvernementale franco-italienne qui conduit le projet.
Les pays alpins :
Tout d'abord, je considère comme une avancée très importante la ratification, par la France, avec la loi du 19 mai 2005, du Protocole de la Convention Alpine : par cette ratification, tous les pays alpins vont avoir les moyens de se doter de perspectives et de positions communes, pour un développement durable des transports dans les Alpes.
Par ailleurs, la coopération entre la France et l'Italie s'inscrit dans un cadre de coopération plus global des pays alpins, notamment au sein du groupe dit de Zurich, créé en 2001, à l'initiative de la Suisse, après les accidents du Mont-Blanc et du Gothard. La France préside ce groupe pour 2 ans.
Je viens de proposer à mon collègue suisse, Moritz LEUENBERGER, d'inviter ensemble nos autres collègues pour une réunion d'étape. Elle se tiendra en Suisse à la mi-novembre et nous en profiterons pour visiter le chantier du tunnel ferroviaire du Gothard.
J'attends de cette réunion des avancées importantes sur au moins deux thèmes :
- Le premier porte sur la sécurité des franchissements. Depuis le drame du tunnel du Mont-Blanc, beaucoup a heureusement été fait, mais l'accident du Fréjus en juin dernier, qui a coûté la vie à deux chauffeurs, montre malheureusement qu'il faut rester vigilant. On maîtrise mieux la question des infrastructures, mais on note aussi ce constat trop fréquent de la possibilité de certains poids-lourds de prendre feu sans cause extérieure. Nous devons prendre toutes les dispositions pour que les gens cessent de risquer leur vie parce qu'un camion prend feu dans un tunnel.
- Le second thème de notre rencontre de mi-novembre portera sur la régulation du trafic routier dans l'Arc Alpin.
Sans la coopération solidaire des pays alpins, aucun de nous ne pourra, seul, décider de peser sur le trafic routier : immédiatement, des trafics passeraient d'un lieu à l'autre, sans changer globalement grand chose, sauf pour les populations riveraines, qui verraient ainsi leur environnement fortement dégradé.
- Nous devons donc, dans un cadre réaliste mais sérieusement étudié, définir quelles mesures de régulation seraient les plus propices à aider au report des marchandises vers la route : comment mettre en uvre ces mesures ? Selon quel calendrier ? Comment allons-nous engager la concertation avec les transporteurs ?
Je m'engage à faire le point mi-novembre des travaux déjà engagés sur cette base dans le groupe de Zurich, avant de dresser le point des premières décisions avant 2006.
3. Cette coopération alpine est donc indispensable, mais l'appui de l'Europe l'est tout autant.
Cet appui de l'Europe sera notamment nécessaire pour le financement des grands projets ferroviaires des réseaux trans-européens.
Il est également primordial pour aider les pays alpins à se doter des moyens nécessaires à une véritable politique de report modal. C'est d'ailleurs une obligation que nous partageons sûrement avec d'autres, spécialement avec l'Espagne pour le franchissement des Pyrénées.
Monsieur le vice-président de la Commission européenne, nous comptons sur vous pour proposer des mesures adaptées de régulation du trafic routier, pour mettre au point des aides ajustées au transport combiné ou aux autoroutes ferroviaires, qui assureront un véritable saut qualitatif au fret ferroviaire !
Messieurs les présidents,
Monsieur le vice-président de la Commission européenne,
Mesdames et Messieurs,
En 2020, la capacité à faire franchir l'Arc Alpin aux marchandises aura fortement changé, avec 4 grandes nouvelles liaisons ferroviaires européennes : les tunnels du Loetschberg et du Gothard en Suisse, du Brenner entre l'Autriche et l'Italie, et, bien sûr du Turin-Lyon entre la France et l'Italie.
Ce qui se joue ici, c'est la construction des réseaux performants du 21ème siècle, après les ouvrages des grands précurseurs de la fin du 19ème siècle.
Ces grands précurseurs savaient percer au plus court, donc assez haut. Mais aujourd'hui, nous savons percer les montagnes sur de grandes longueurs, au plus près d'un profil de plaine. C'est une prouesse technique et scientifique extraordinaire. Les lourds trains de fret modernes pourront franchir les obstacles naturels dans les meilleures conditions.
Percer d'aussi longs ouvrages sous les Alpes, c'est difficile, c'est coûteux, mais c'est indispensable : pour les pays concernés, et bien plus encore, pour le marché européen, au sens le plus large.
L'Arc Alpin 2020, ce sera l'Europe des échanges 2020.
Je vous félicite d'être aujourd'hui les acteurs du premier colloque dont l'ambition soit de chercher à éclairer globalement l'ensemble des paramètres, de faire dialoguer les porteurs de projets d'un bout à l'autre de la chaîne alpine, de rechercher une analyse partagée des risques et des enjeux.
Je suis heureux que, dans cette dynamique, la Suisse puisse exprimer, à travers son engagement européen, sa très grande compétence scientifique et technique, dans une vision globale et cohérente du franchissement des Alpes. Il s'agit là d'une illustration extrêmement encourageante des progrès de l'Europe.
Quelle Europe ?
- Une Europe des grands travaux, certes, qui, porteuse d'une grande civilisation, et de la première économie mondiale, sait inscrire sa marque dans l'Histoire.
- Mais, plus encore, une Europe des valeurs, dont l'ambition est d'inscrire ses grandes uvres dans une démarche de solidarité, de développement durable, de respect du patrimoine, de l'environnement, et des populations qui l'habitent !
- Pour moi, cette question des transports alpins est donc inscrite au cur des missions de la France, et au cur des missions de l'Europe. Comptez sur moi pour être attentif à vos travaux, pour vous soutenir, car vous accomplissez aujourd'hui une uvre majeure pour demain !
(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 25 octobre 2005)