Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, en réponse à une question sur les emplois-jeunes et les 35 heures, à l'Assemblée nationale le 25 octobre 2000.

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Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Monsieur le député,
Ce n'est pas, monsieur le député, parce que l'un des vôtres vous a invités à la repentance qu'il faut m'inviter à la contrition.
En effet, hors de ce vocabulaire religieux qui n'a peut-être pas sa place ici dans notre République laïque, il me paraît par contre légitime de répondre à vos questions. Naturellement, je pense que nous n'aurions pas de difficulté à poser des questions ensemble dans la majorité ; ce qui nous manque pour vous poser des questions, c'est que vous ayez pu former un gouvernement et, apparemment, ce n'est pas ce que les Français ont décidé.
D'autre part - je m'inspire de vos propres propos - je me réjouis que désormais, semaine après semaine, comme si en insistant sur le symbole de la forme qui vous unit, vous vouliez masquer la profondeur des divergences de fond qui vous séparent, vous nous dites que vous êtes désormais capables de poser des questions ensemble. Nous attendons, et les Français avec nous, seulement le moment où vous serez capables, ensemble, d'apporter des réponses, et nous en sommes loin.
Alors, je ne sais pas si nous avions un programme. Mais cela fait trois ans et demi maintenant que nous gouvernons ensemble. A chaque moment, la majorité a été aux côtés du Gouvernement pour lui permettre de faire voter ses lois. Nous avons effectivement réalisé le programme des 35 heures. Nous sommes sur le chemin des 350 000 emplois-jeunes dans le secteur public auxquels nous nous étions engagés, et nous ne pouvions pas décider à la place du secteur privé qui par ailleurs a embauché, pour les 350 000 qui devaient se faire éventuellement dans le secteur privé. Et comme l'a dit M. Aubry, il y a quelques jours, nous allons, sur les propositions d'E. Guigou, après en avoir discuté en réunion de ministres, la semaine dernière, faire nos propositions pour pérenniser ou solvabiliser les emplois-jeunes dans ce pays.
Sur les 35 heures, là encore, une innovation sociale et des résultats économiques sur l'emploi. Loin que les salaires aient baissé, nous constatons que pour ceux qui ont gardé le même salaire et qui sont à 35 heures, ils travaillent 4 heures de moins en gagnant autant. C'est donc un gain de pouvoir d'achat relatif. Mais en outre, le pouvoir d'achat individuel des salariés en France a progressé trois fois plus vite que sous les gouvernements Juppé et Balladur.
Quant au problème des délocalisations, il me semble que s'il y a un pays où, aujourd'hui, on se pose le problème du départ de firmes industrielles, c'est bien plutôt en Grande-Bretagne en raison de la hausse de la livre, et pas en France où après Toyota, de nombreuses grandes entreprises viennent profiter de la qualité de notre main d'oeuvre, de la qualité de nos infrastructures, de la qualité de notre système de formation, et qui ne se sentent pas découragées ni par notre fiscalité - parce que nous la faisons baisser - ni par les complications administratives - parce que nous en supprimons semaine après semaine.
Alors, nous avançons, nous travaillons, nous acceptons vos questions, normalement, vos interpellations, vos critiques. Mais je ne crois pas que le moment soit encore venu de votre part de nous faire la leçon
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 27 octobre 2000).