Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Quelques jours après la naissance officielle d'Euronext, c'est un grand plaisir pour moi d'inaugurer ce qu'on pourrait plaisamment appeler " la saison automne/hiver " du Club de la Bourse. Votre assemblée est un rendez-vous majeur de ceux qui réfléchissent à l'avenir des marchés financiers, au devenir de la place de Paris. L'évolution des marchés connaît une accélération sans précédent. Les changements structurels liés à l'introduction de l'euro amplifient l'intégration de " l'espace financier européen ". Depuis le début de l'année, globalisation, numérique, cotation quasi-continue bouleversent encore davantage la donne. Les bourses, qui sont - il faut le rappeler - des entreprises, recherchent des partenariats et concluent des fusions à l'échelle du continent, quand ce n'est pas à celle du monde. Euronext en est exemplaire. C'est le succès d'une stratégie qui allie une organisation souple, répondant au souhait des investisseurs et des intermédiaires, ainsi qu'un fonctionnement du marché financier valorisant les atouts de chacune des places. La place de Paris a montré, dans ce nouvel environnement, sa réactivité, son esprit d'ouverture, sa capacité stratégie. Euronext doit continuer à aller de l'avant.
Ces évolutions se font dans un cadre économique qui reste favorable. La France entre dans sa 4ème année d'activité soutenue et d'inflation modérée. Malgré les aléas extérieurs, notre croissance repose sur une demande robuste, aussi bien du côté de la consommation que de l'investissement. Cette dynamique a une conséquence majeure : la baisse du chômage. En 2000, près de 500 000 emplois supplémentaires ont vu le jour. L'économie française, historiquement assez peu créatrice d'emplois, s'est donc modifiée. Croissance forte, baisse des prélèvements, retour à l'emploi, sont 3 priorités liées. Elles sont indissociables de la maîtrise des dépenses publiques, budgétaires et sociales, qui doit rester notre règle car seule cette maîtrise permet à la solidarité d'être, non un feu de paille, mais durable. Le budget 2001 qui vise à réduire les " trappes à inactivité " et à encourager l'innovation participe de cette stratégie. Un pays fait d'autant plus profiter chacun de ses habitants de la prospérité retrouvée qu'il continue de créer de nouvelles richesses et est géré avec sérieux.
En dépit de ces indicateurs favorables, le contexte international suscite des interrogations. La hausse du prix du pétrole pèse sur notre croissance. Nous avons pris la mesure de ce risque, qui résulte des décisions des producteurs, en coordination étroite avec nos partenaires européens et du G7. Précisément parce que le financement et l'approvisionnement en énergie sont des sujets internationaux, la question sera discutée ce week-end par les Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Union réunis à Biarritz. La baisse de l'euro conduit aux interventions concertées de la fin du mois de septembre, montrant que, unis, les Européens sont écoutés. Le rythme de croissance est un peu moins vif qu'avant, il faut en tenir compte, mais il est sage d'éviter de " surréagir ". J'ai eu l'occasion lors de mon intervention à Europlace au mois de juillet, de constater que le renouveau de l'économie française allait de pair avec le développement de la place de Paris. Une action d'ensemble concrète et volontariste est indispensable. Nous devons agir tout à la fois sur la régulation financière, sur les instruments financiers et sur les structures financières. L'ensemble des mesures que j'avais alors annoncées se mettent en place. Je voudrais plus particulièrement développer ce soir devant vous notre action sur la régulation financière.
Mesdames et Messieurs,
Nombreux et nouveaux sont les défis qui attendent nos autorités de régulation : intégration des marchés, restructuration du paysage boursier, négociation au règlement-livraison, émergence des conglomérats, interpénétration des activités de banque et assurance, arrivée de nouveaux acteurs, ou encore développement considérable de la vente de services financiers à distance via Internet. Dans tous ces domaines, il faut réformer et moderniser. Dans un monde en mutation, adapter le contrôle financier est un impératif. Les métiers et la technique des banques et des assurances se rapprochent. En témoignent notamment la montée en puissance de la bancassurance et la convergence accrue entre les activités de ces deux secteurs. Les autorités prudentielles doivent coordonner leurs contrôles, rapprocher leurs agents. Les régulateurs financiers doivent être plus réactifs et se mettre pleinement en situation de coopérer avec leurs homologues. Nos autorités, souvent " balkanisées ", ne peuvent pas toujours mener une action optimale vis-à-vis des institutions étrangères. Il faut donc simplifier ce dispositif. Les clients des banques et des assurances demandent légitimement écoute et concertation. Il faut que nos structures de contrôle replacent le consommateur au centre du système.
Sécuriser est également une nécessité. Le pouvoir de sanctions de la COB a été fragilisé. Comme il s'y était engagé, le gouvernement a pris un décret à l'été pour réformer la procédure. Chacun reconnaît qu'il est nécessaire d'aller plus loin et de modifier, dans les structures elles-mêmes, les mécanismes disciplinaires. La réforme doit permettre de clarifier la question de la double incrimination pénale ou disciplinaire qui peut intervenir aujourd'hui dans le cas de manquements de caractère délictueux ou criminels aux règlements de la COB. Il faut donc mieux faire la part de ce qui relève du juge et de la commission, sans évidemment que les pouvoirs de sanctions de l'un ou de l'autre en soient amoindris.
La coexistence de deux instances des marchés financiers fait émerger 2 droits boursiers parallèles avec des zones de recoupement, donc avec des conflits ou des dénis qui peuvent nuire au justiciable, à l'équité. La fusion entre le CMF et la COB devrait écarter ce danger. De récents déboires survenus dans le secteur des assurances, en particulier celui de l'assurance-vie, confirment l'urgence de renforcer nos procédures d'agréments et d'augmenter encore l'efficacité de la commission de contrôle. Moderniser et sécuriser, c'est accroître la compétitivité de la Place de Paris, rendre plus sûre et plus rémunératrice l'épargne, apppuyer nos grands groupes financiers afin de favoriser une distribution harmonieuse du crédit et, par conséquent, de l'investissement. C'est enfin davantage orienter la localisation des centres de décisions internationaux au bénéfice de l'emploi et de la création de valeur en France. Une place financière s'appuie sur le travail conjoint de femmes et d'hommes au service d'un marché, dont la création d'une part significative de la valeur ajoutée et finalement, du rayonnement d'une économie et de la prospérité d'un pays.
Ces défis, nous le savons, ne peuvent plus être traités à l'échelon purement national. La coordination devient impérative : par exemple, je citerai le Forum de stabilité financière créé après la crise asiatique et l'importance des travaux menés au niveau communautaire, en particulier ceux du comité des sages, présidé par M. Lamfalussy, chargé par l'Union de proposer des voies d'amélioration du fonctionnement de la régulation des marchés de valeurs mobilières en Europe. Ses premières analyses seront disponibles en novembre. Pour autant, nous devons prendre nos responsabilités, à travers la réforme des autorités de régulation financière.
De manière concrète, la réforme que je proposerai prévoit la création d'un pôle de marchés, issu de la fusion de la Commission des opérations de bourse, du Conseil des marchés financiers et du Conseil de discipline de la gestion financière. La nouvelle institution devrait se nommer " Autorité des marchés financiers ". Elle exercera les missions des instances auxquelles elle se substituera mais disposera de plus de moyens pour se faire respecter. A ce stade de la concertation fructueuse intervenue, je pense possible et utile de vous la décrire à grands traits.
La principale instance décisionnelle de l'Autorité des marchés financiers devrait être un collège fort, représentatif de la diversité des acteurs qui ont la responsabilité du bon fonctionnement des marchés. Nommés par les présidents des assemblées, des hautes juridictions et par le gouvernement sur proposition des organisations professionnelles et syndicales, ses membres disposeront d'une pratique dans le domaine des marchés et de l'épargne. Ce collège proposera en son sein un président, dont la nomination interviendrait par décret en conseil des ministres. Un collège plénier, un collège des offres publiques traitera de la réglementation des offres publiques et de son application ; il sera composé à part égale de membres du collège plénier et de membres extérieurs également nommés après consultation des organisations professionnelles. Concernant les sanctions, sans lesquelles il n'est ni droit ni règles, un collège spécifique sera constitué au sein du collège plénier. Cette séparation des fonctions entre l'ouverture des enquêtes et le jugement permettra de respecter la jurisprudence de la Convention européenne des droits de l'homme.
La nouvelle autorité des marchés financiers disposera de services dirigés par un secrétaire général sous l'autorité du collège. Les critiques parfois faites sur le fonctionnement peut-être trop administratif de nos institutions ne devraient plus avoir de raison d'être. Les moyens de la COB et du CMF seront rassemblés. Les statuts existants (personnels de droit privé, contractuels de droit public et fonctionnaires détachés) coexisteront dans la nouvelle structure, mais l'attribution de la personnalité morale à la nouvelle autorité lui permettra de gérer ses ressources humaines dans les conditions du marché. La clarification des pouvoirs de sanction, évolution indispensable, permettra à la nouvelle autorité d'être plus efficace dans la prévention des manquements au droit boursier et dans la police du marché. Les pouvoirs prudentiels et disciplinaires dévolus en la matière au CMF et au CDGF seront pleinement conservés. Restera à régler le sort des sanctions para-pénales. Parmi les hypothèses sur lesquelles nous travaillons, elles pourraient être réservées au juge pénal. En contrepartie, les moyens d'action de l'autorité des marchés financiers seraient renforcés. Elle aurait pouvoir aussi bien d'ester en justice que de rendre publique la transmission d'une affaire au Parquet. Quelle que soit la solution qui sera finalement retenue, l'objectif du gouvernement de parvenir à une meilleure sanction des délits résultant de la violation des règlements de la COB devra être atteint. Les capitaux en jeu, le nombre des actionnaires, la transparence de notre économie sont trois raisons puissantes pour y parvenir.
Concernant les autorités prudentielles, un pôle issu du rapprochement entre la Commission bancaire et la Commission de contrôle des assurances sera créé, et l'ensemble du dispositif de suivi des deux secteurs de la banque et de l'assurance refondu. Comme l'a clairement montré la consultation large menée par la direction du Trésor, les spécificités qui caractérisent ces deux métiers justifient des différences entre les dispositifs de contrôle qui leur sont propres. Il ne s'agit donc pas de les rendre uniformes, mais d'assurer la cohérence de leurs règles prudentielles et une coopération très étroite de leurs instances de contrôle, dans le respect des statuts des personnels concernés. La concertation entre les élus, les autorités de contrôle, les consommateurs, les salariés et les professionnels doit être au cur de notre édifice prudentiel. Elle a été au centre de ma propre démarche. Un Conseil national des assurances, du crédit et du titre devrait remplacer les instances existantes. Les pouvoirs de son secrétaire général seront renforcés. S'agissant de la réglementation et de la législation, la création d'un comité consultatif s'inspirera du même souci de faire dialoguer banque et assurances.
Le mode de délivrance des agréments aux entreprises d'assurance serait aligné sur celui des banques. Tout comme les transferts de portefeuille, il relèvera désormais d'un nouveau Comité des entreprises d'assurance. Comme au CECEI, la composition de cette instance fera une place notable aux professionnels du secteur afin de bénéficier de leur connaissance de ce marché spécifique. Coopération étroite et efficacité accrue entre Commission bancaire et Commission de contrôle des assurances seront recherchées. Pour cela, leur composition sera harmonisée. Cinq de leurs sept membres pourraient être communs. Elles se réuniront à l'avenir pour traiter de sujets transversaux ou partagés, par exemple pour l'examen global de la situation d'un groupe mixte banque-assurance. Le service de contrôle des assurances pourrait être renforcé en faisant appel à des compétences extérieures et échanger des personnels avec les services du secrétariat général de la Commission bancaire afin de favoriser leur coopération, dans le cadre de conventions. Ses moyens juridiques seront renforcés. Elle aura la possibilité d'adresser des recommandations aux entreprises et d'intervenir ainsi en amont afin de prévenir d'éventuelles difficultés.
Voilà, Mesdames et Messieurs, la description du projet, je dis bien projet, de la réforme sur laquelle nous travaillons. Lors de la concertation très utile menée par la direction du Trésor, dès juillet, la place de Paris, d'abord un peu surprise par son ampleur, s'est rapidement et efficacement mobilisée pour faire aboutir le projet. Je souhaitais vous en rendre compte de manière détaillée car dans vos métiers, on le sait, : il n'est pas inutile d'être précis. Je tiens à remercier très chaleureusement les membres de la place et les différentes autorités de contrôle. Toutes ont fait preuve d'un sens aigu de l'intérêt général.
On aurait pu souhaiter, comme je l'ai indiqué au Sénat, que cette réforme de nos autorités financières soit introduite par amendement à la loi sur les Nouvelles régulations économiques. Malheureusement, l'introduction, dans toutes ces composantes, de cette réforme ambitieuse nous aurait conduit à excéder les limites inhérentes au droit d'amendement et à encourir sans doute pour ce " cavalier législatif " une censure du juge constitutionnel. C'est pourquoi le Gouvernement a préféré la voie d'un projet autonome ; il sera communiqué à la fin du mois au conseil d'Etat, passera en conseil des Ministres dans les prochaines semaines et devrait être voté définitivement au premier semestre 2001. Les décrets d'application seront établis dans les plus brefs délais après la promulgation de la loi.
Mesdames et Messieurs, dans un an, la réforme devra donc être entièrement accomplie. L'avancée d'une réforme ne dépend pas des effets de manche : elle dépend de la qualité de la préparation, du sens de la concertation et de la clarté des projets, de la détermination à réformer. La compétition entre places financières est aussi réglementaire et institutionnelle. Nous savons qu'il faut sans cesse s'adapter, gagner en lisibilité, en simplicité et en efficacité. Vous pouvez compter sur ma volonté de promouvoir le rayonnement de la Place de la Paris, parce qu'en agissant ainsi, je suis convaincu qu'ensemble nous travaillons pour la croissance, pour l'emploi et pour la prospérité de notre pays.
(Source http://www.finances.gouv.fr, le 12 octobre 2000)
Quelques jours après la naissance officielle d'Euronext, c'est un grand plaisir pour moi d'inaugurer ce qu'on pourrait plaisamment appeler " la saison automne/hiver " du Club de la Bourse. Votre assemblée est un rendez-vous majeur de ceux qui réfléchissent à l'avenir des marchés financiers, au devenir de la place de Paris. L'évolution des marchés connaît une accélération sans précédent. Les changements structurels liés à l'introduction de l'euro amplifient l'intégration de " l'espace financier européen ". Depuis le début de l'année, globalisation, numérique, cotation quasi-continue bouleversent encore davantage la donne. Les bourses, qui sont - il faut le rappeler - des entreprises, recherchent des partenariats et concluent des fusions à l'échelle du continent, quand ce n'est pas à celle du monde. Euronext en est exemplaire. C'est le succès d'une stratégie qui allie une organisation souple, répondant au souhait des investisseurs et des intermédiaires, ainsi qu'un fonctionnement du marché financier valorisant les atouts de chacune des places. La place de Paris a montré, dans ce nouvel environnement, sa réactivité, son esprit d'ouverture, sa capacité stratégie. Euronext doit continuer à aller de l'avant.
Ces évolutions se font dans un cadre économique qui reste favorable. La France entre dans sa 4ème année d'activité soutenue et d'inflation modérée. Malgré les aléas extérieurs, notre croissance repose sur une demande robuste, aussi bien du côté de la consommation que de l'investissement. Cette dynamique a une conséquence majeure : la baisse du chômage. En 2000, près de 500 000 emplois supplémentaires ont vu le jour. L'économie française, historiquement assez peu créatrice d'emplois, s'est donc modifiée. Croissance forte, baisse des prélèvements, retour à l'emploi, sont 3 priorités liées. Elles sont indissociables de la maîtrise des dépenses publiques, budgétaires et sociales, qui doit rester notre règle car seule cette maîtrise permet à la solidarité d'être, non un feu de paille, mais durable. Le budget 2001 qui vise à réduire les " trappes à inactivité " et à encourager l'innovation participe de cette stratégie. Un pays fait d'autant plus profiter chacun de ses habitants de la prospérité retrouvée qu'il continue de créer de nouvelles richesses et est géré avec sérieux.
En dépit de ces indicateurs favorables, le contexte international suscite des interrogations. La hausse du prix du pétrole pèse sur notre croissance. Nous avons pris la mesure de ce risque, qui résulte des décisions des producteurs, en coordination étroite avec nos partenaires européens et du G7. Précisément parce que le financement et l'approvisionnement en énergie sont des sujets internationaux, la question sera discutée ce week-end par les Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Union réunis à Biarritz. La baisse de l'euro conduit aux interventions concertées de la fin du mois de septembre, montrant que, unis, les Européens sont écoutés. Le rythme de croissance est un peu moins vif qu'avant, il faut en tenir compte, mais il est sage d'éviter de " surréagir ". J'ai eu l'occasion lors de mon intervention à Europlace au mois de juillet, de constater que le renouveau de l'économie française allait de pair avec le développement de la place de Paris. Une action d'ensemble concrète et volontariste est indispensable. Nous devons agir tout à la fois sur la régulation financière, sur les instruments financiers et sur les structures financières. L'ensemble des mesures que j'avais alors annoncées se mettent en place. Je voudrais plus particulièrement développer ce soir devant vous notre action sur la régulation financière.
Mesdames et Messieurs,
Nombreux et nouveaux sont les défis qui attendent nos autorités de régulation : intégration des marchés, restructuration du paysage boursier, négociation au règlement-livraison, émergence des conglomérats, interpénétration des activités de banque et assurance, arrivée de nouveaux acteurs, ou encore développement considérable de la vente de services financiers à distance via Internet. Dans tous ces domaines, il faut réformer et moderniser. Dans un monde en mutation, adapter le contrôle financier est un impératif. Les métiers et la technique des banques et des assurances se rapprochent. En témoignent notamment la montée en puissance de la bancassurance et la convergence accrue entre les activités de ces deux secteurs. Les autorités prudentielles doivent coordonner leurs contrôles, rapprocher leurs agents. Les régulateurs financiers doivent être plus réactifs et se mettre pleinement en situation de coopérer avec leurs homologues. Nos autorités, souvent " balkanisées ", ne peuvent pas toujours mener une action optimale vis-à-vis des institutions étrangères. Il faut donc simplifier ce dispositif. Les clients des banques et des assurances demandent légitimement écoute et concertation. Il faut que nos structures de contrôle replacent le consommateur au centre du système.
Sécuriser est également une nécessité. Le pouvoir de sanctions de la COB a été fragilisé. Comme il s'y était engagé, le gouvernement a pris un décret à l'été pour réformer la procédure. Chacun reconnaît qu'il est nécessaire d'aller plus loin et de modifier, dans les structures elles-mêmes, les mécanismes disciplinaires. La réforme doit permettre de clarifier la question de la double incrimination pénale ou disciplinaire qui peut intervenir aujourd'hui dans le cas de manquements de caractère délictueux ou criminels aux règlements de la COB. Il faut donc mieux faire la part de ce qui relève du juge et de la commission, sans évidemment que les pouvoirs de sanctions de l'un ou de l'autre en soient amoindris.
La coexistence de deux instances des marchés financiers fait émerger 2 droits boursiers parallèles avec des zones de recoupement, donc avec des conflits ou des dénis qui peuvent nuire au justiciable, à l'équité. La fusion entre le CMF et la COB devrait écarter ce danger. De récents déboires survenus dans le secteur des assurances, en particulier celui de l'assurance-vie, confirment l'urgence de renforcer nos procédures d'agréments et d'augmenter encore l'efficacité de la commission de contrôle. Moderniser et sécuriser, c'est accroître la compétitivité de la Place de Paris, rendre plus sûre et plus rémunératrice l'épargne, apppuyer nos grands groupes financiers afin de favoriser une distribution harmonieuse du crédit et, par conséquent, de l'investissement. C'est enfin davantage orienter la localisation des centres de décisions internationaux au bénéfice de l'emploi et de la création de valeur en France. Une place financière s'appuie sur le travail conjoint de femmes et d'hommes au service d'un marché, dont la création d'une part significative de la valeur ajoutée et finalement, du rayonnement d'une économie et de la prospérité d'un pays.
Ces défis, nous le savons, ne peuvent plus être traités à l'échelon purement national. La coordination devient impérative : par exemple, je citerai le Forum de stabilité financière créé après la crise asiatique et l'importance des travaux menés au niveau communautaire, en particulier ceux du comité des sages, présidé par M. Lamfalussy, chargé par l'Union de proposer des voies d'amélioration du fonctionnement de la régulation des marchés de valeurs mobilières en Europe. Ses premières analyses seront disponibles en novembre. Pour autant, nous devons prendre nos responsabilités, à travers la réforme des autorités de régulation financière.
De manière concrète, la réforme que je proposerai prévoit la création d'un pôle de marchés, issu de la fusion de la Commission des opérations de bourse, du Conseil des marchés financiers et du Conseil de discipline de la gestion financière. La nouvelle institution devrait se nommer " Autorité des marchés financiers ". Elle exercera les missions des instances auxquelles elle se substituera mais disposera de plus de moyens pour se faire respecter. A ce stade de la concertation fructueuse intervenue, je pense possible et utile de vous la décrire à grands traits.
La principale instance décisionnelle de l'Autorité des marchés financiers devrait être un collège fort, représentatif de la diversité des acteurs qui ont la responsabilité du bon fonctionnement des marchés. Nommés par les présidents des assemblées, des hautes juridictions et par le gouvernement sur proposition des organisations professionnelles et syndicales, ses membres disposeront d'une pratique dans le domaine des marchés et de l'épargne. Ce collège proposera en son sein un président, dont la nomination interviendrait par décret en conseil des ministres. Un collège plénier, un collège des offres publiques traitera de la réglementation des offres publiques et de son application ; il sera composé à part égale de membres du collège plénier et de membres extérieurs également nommés après consultation des organisations professionnelles. Concernant les sanctions, sans lesquelles il n'est ni droit ni règles, un collège spécifique sera constitué au sein du collège plénier. Cette séparation des fonctions entre l'ouverture des enquêtes et le jugement permettra de respecter la jurisprudence de la Convention européenne des droits de l'homme.
La nouvelle autorité des marchés financiers disposera de services dirigés par un secrétaire général sous l'autorité du collège. Les critiques parfois faites sur le fonctionnement peut-être trop administratif de nos institutions ne devraient plus avoir de raison d'être. Les moyens de la COB et du CMF seront rassemblés. Les statuts existants (personnels de droit privé, contractuels de droit public et fonctionnaires détachés) coexisteront dans la nouvelle structure, mais l'attribution de la personnalité morale à la nouvelle autorité lui permettra de gérer ses ressources humaines dans les conditions du marché. La clarification des pouvoirs de sanction, évolution indispensable, permettra à la nouvelle autorité d'être plus efficace dans la prévention des manquements au droit boursier et dans la police du marché. Les pouvoirs prudentiels et disciplinaires dévolus en la matière au CMF et au CDGF seront pleinement conservés. Restera à régler le sort des sanctions para-pénales. Parmi les hypothèses sur lesquelles nous travaillons, elles pourraient être réservées au juge pénal. En contrepartie, les moyens d'action de l'autorité des marchés financiers seraient renforcés. Elle aurait pouvoir aussi bien d'ester en justice que de rendre publique la transmission d'une affaire au Parquet. Quelle que soit la solution qui sera finalement retenue, l'objectif du gouvernement de parvenir à une meilleure sanction des délits résultant de la violation des règlements de la COB devra être atteint. Les capitaux en jeu, le nombre des actionnaires, la transparence de notre économie sont trois raisons puissantes pour y parvenir.
Concernant les autorités prudentielles, un pôle issu du rapprochement entre la Commission bancaire et la Commission de contrôle des assurances sera créé, et l'ensemble du dispositif de suivi des deux secteurs de la banque et de l'assurance refondu. Comme l'a clairement montré la consultation large menée par la direction du Trésor, les spécificités qui caractérisent ces deux métiers justifient des différences entre les dispositifs de contrôle qui leur sont propres. Il ne s'agit donc pas de les rendre uniformes, mais d'assurer la cohérence de leurs règles prudentielles et une coopération très étroite de leurs instances de contrôle, dans le respect des statuts des personnels concernés. La concertation entre les élus, les autorités de contrôle, les consommateurs, les salariés et les professionnels doit être au cur de notre édifice prudentiel. Elle a été au centre de ma propre démarche. Un Conseil national des assurances, du crédit et du titre devrait remplacer les instances existantes. Les pouvoirs de son secrétaire général seront renforcés. S'agissant de la réglementation et de la législation, la création d'un comité consultatif s'inspirera du même souci de faire dialoguer banque et assurances.
Le mode de délivrance des agréments aux entreprises d'assurance serait aligné sur celui des banques. Tout comme les transferts de portefeuille, il relèvera désormais d'un nouveau Comité des entreprises d'assurance. Comme au CECEI, la composition de cette instance fera une place notable aux professionnels du secteur afin de bénéficier de leur connaissance de ce marché spécifique. Coopération étroite et efficacité accrue entre Commission bancaire et Commission de contrôle des assurances seront recherchées. Pour cela, leur composition sera harmonisée. Cinq de leurs sept membres pourraient être communs. Elles se réuniront à l'avenir pour traiter de sujets transversaux ou partagés, par exemple pour l'examen global de la situation d'un groupe mixte banque-assurance. Le service de contrôle des assurances pourrait être renforcé en faisant appel à des compétences extérieures et échanger des personnels avec les services du secrétariat général de la Commission bancaire afin de favoriser leur coopération, dans le cadre de conventions. Ses moyens juridiques seront renforcés. Elle aura la possibilité d'adresser des recommandations aux entreprises et d'intervenir ainsi en amont afin de prévenir d'éventuelles difficultés.
Voilà, Mesdames et Messieurs, la description du projet, je dis bien projet, de la réforme sur laquelle nous travaillons. Lors de la concertation très utile menée par la direction du Trésor, dès juillet, la place de Paris, d'abord un peu surprise par son ampleur, s'est rapidement et efficacement mobilisée pour faire aboutir le projet. Je souhaitais vous en rendre compte de manière détaillée car dans vos métiers, on le sait, : il n'est pas inutile d'être précis. Je tiens à remercier très chaleureusement les membres de la place et les différentes autorités de contrôle. Toutes ont fait preuve d'un sens aigu de l'intérêt général.
On aurait pu souhaiter, comme je l'ai indiqué au Sénat, que cette réforme de nos autorités financières soit introduite par amendement à la loi sur les Nouvelles régulations économiques. Malheureusement, l'introduction, dans toutes ces composantes, de cette réforme ambitieuse nous aurait conduit à excéder les limites inhérentes au droit d'amendement et à encourir sans doute pour ce " cavalier législatif " une censure du juge constitutionnel. C'est pourquoi le Gouvernement a préféré la voie d'un projet autonome ; il sera communiqué à la fin du mois au conseil d'Etat, passera en conseil des Ministres dans les prochaines semaines et devrait être voté définitivement au premier semestre 2001. Les décrets d'application seront établis dans les plus brefs délais après la promulgation de la loi.
Mesdames et Messieurs, dans un an, la réforme devra donc être entièrement accomplie. L'avancée d'une réforme ne dépend pas des effets de manche : elle dépend de la qualité de la préparation, du sens de la concertation et de la clarté des projets, de la détermination à réformer. La compétition entre places financières est aussi réglementaire et institutionnelle. Nous savons qu'il faut sans cesse s'adapter, gagner en lisibilité, en simplicité et en efficacité. Vous pouvez compter sur ma volonté de promouvoir le rayonnement de la Place de la Paris, parce qu'en agissant ainsi, je suis convaincu qu'ensemble nous travaillons pour la croissance, pour l'emploi et pour la prospérité de notre pays.
(Source http://www.finances.gouv.fr, le 12 octobre 2000)