Déclaration de M. Georges Sarre, président délégué du Mouvement des citoyens, sur une proposition de loi réaffirmant le principe du chèque gratuit, à l'Assemblée nationale le 14 novembre 2000.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Georges Sarre - Président délégué du Mouvement des citoyens

Circonstance : Point de presse de M. Georges Sarre, président délégué du Mouvement des citoyens, à l'Assemblée nationale le 14 novembre 2000

Texte intégral

Des indiscrétions parues dans la presse ces derniers temps montrent que certaines banques s'apprêtent à facturer les chèques à leurs clients. Ces établissements financiers profitent du contexte créé par le passage à l'euro pour présenter cette évolution comme inévitable. Les banques se font beaucoup plus discrètes sur la répartition de la charge financière entre les ménages qu'implique la facturation des chèques. Le moment me paraît bien choisi, avec mes collègues du Mouvement des Citoyens, pour prendre une initiative forte dans le domaine des moyens de paiement courants. Trois remarques préalables s'imposent.
La première concerne la répartition de l'effort financier qu'impliquerait le passage général à la facturation du chèque dans notre pays. Une récente étude européenne montre que les ménages français comptent parmi les plus gros utilisateurs de ce moyen de paiement. 82 chèques sont émis en France, par habitant et par an, contre 9 en Allemagne. Faire payer les chèques, cela revient à faire payer d'abord les ménages salariés. Se contenter d'un " contingent " de chèques gratuits, dont l'importance variera en fonction du volume de dépôts à vue, c'est accroître sensiblement la segmentation déjà très forte entre les " bons clients " et les autres.
La deuxième remarque concerne le lien entre le chèque payant et la rémunération des comptes, présentée comme une compensation naturelle et suffisante. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce lien n'a rien d'évident, et ce pour deux raisons.
Le problème pour les banques consiste à répercuter sur leurs clients les coûts induits par la généralisation de la rémunération des comptes, elle-même conséquence du passage à l'euro. Le lien entre chèque payant et rémunération des comptes relève d'abord de la stratégie commerciale des banques. Il n'existe pas qu'une manière de compenser ces coûts. Un peu d'imagination ne saurait nuire, surtout quand il s'agit de justice sociale. La facturation des chèques n'est sûrement pas la seule solution pour amortir le choc.
Il existe une deuxième raison : la rémunération des dépôts se faisant sur la base de l'argent immobilisé sur le compte courant, et de nombreux ménages se trouvant dans une situation financière tendue, cette rémunération ne représentera rien de concret pour beaucoup de consommateurs. D'un côté le chèque sera payant, de l'autre le compte ne rapportera presque rien. Pour les ménages, le calcul est vite fait.
Enfin il est tout de même important de relever une contradiction flagrante. D'un côté, il nous est expliqué sans répit que l'harmonisation européenne n'a que des vertus, car elle prend systématiquement en compte l'intérêt des consommateurs. De l'autre, la facturation des chèques, et la faible rémunération des comptes, aboutiront surtout à une harmonisation vers le bas des pratiques commerciales des banques.

Toutes ces raisons m'amènent à prendre aujourd'hui devant vous une initiative. Il s'agit d' inscrire une fois pour toutes dans la loi le principe du chèque gratuit. Jusqu'à présent, le chèque en France a été gratuit. Il faut qu'il le reste. Ma proposition s'inscrit dans le droit fil de la philosophie du texte voté par l'Assemblée Nationale en 1998 concernant la lutte contre les exclusions. Le droit au compte est incomplet s'il n'est pas assorti de la gratuité de ce moyen de paiement essentiel qu'est le chèque. J'ajoute que M. le Ministre de l'Economie et des finances s'est prononcé récemment devant la représentation nationale contre le chèque payant. Nous proposons de traduire ces déclarations louables et justes en actes.

(Source http://www,mdc-france,org, le 22 janvier 2001)